10 février 2012
Sarkozy et De Gaulle: deux visions différentes de l'usage du référendum
Que propose Nicolas Sarkozy?
Dans un entretien au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy envisage, s'il est candidat puis réélu, deux référendums:
- sur le système d'indemnisation du chômage (passé un délai "de quelques mois", formation qualifiante obligatoire puis obligation d'accepter la première offre d'emploi correspondante)
- sur la juridiction compétente s'agissant du droit des étrangers (Nicolas Sarkozy souhaite qu'il s'agisse de la justice administrative et non de la justice judiciaire)
Il ne s'agirait constitutionnellement pas du même type de référendum:
- dans le premier cas, il s'agirait d'un référendum au sens de l'article 11: "Le Président de la République (...) peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ..."
- dans le second cas, qui nécessite une révision de la Constitution, il s'agirait du référendum au sens de l'article 89: "L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement. Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ..."
Dans les deux cas, l'usage du référendum n'est toutefois qu'une option:
- La réforme du système d'indemnisation du chômage "est peut-être l'une des réformes qu'il faudra soumettre au jugement direct des Français", affirme Nicolas Sarkozy. "Si un consensus se dégage parmi les partenaires sociaux, cela ne sera pas nécessaire, précise-t-il. Mais si les intérêts particuliers, les obstacles catégoriels, s'avéraient trop puissants, il faudrait sans doute réfléchir à l'opportunité de s'adresser directement aux Français ..."
- "C'est un sujet dont on peut débattre", répond-il au sujet du référendum de révision de la Constitution.
Quelle est la vision de Nicolas Sarkozy du référendum?
À quatre reprises dans cet entretien Nicolas Sarkozy explique pourquoi il envisage ou non d'organiser des référendums:
- Il s'agit d'une réforme "capitale pour l'avenir du pays" et qui "concerne directement les Français".
- "... si les intérêts particuliers, les obstacles catégoriels, s'avéraient trop puissants, il faudrait sans doute réfléchir à l'opportunité de s'adresser directement aux Français pour qu'ils donnent leur opinion sur ce système d'indemnisation du chômage et sur la façon dont on doit considérer le travail et l'assistanat. Je crois que la meilleure façon de surmonter des blocages dans notre société c'est de s'adresser directement au peuple français".
- À la question de sa non-utilisation de l'outil référendaire durant le présent quinquennat, il explique: "C'est vrai parce qu'en cinq ans, malgré toutes les réformes mises en oeuvre, le pays n'a jamais connu de blocage. Sur les retraites par exemple, il y a eu des manifestations, des protestations, mais la réforme, sans drame et surtout sans violence, a pu être adoptée et appliquée".
- À la question d'un référendum sur l'école, il répond: "Paradoxalement, je ne le pense pas. Il serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le monde éducatif. On ne peut faire une réforme de cette nature sans y associer les enseignants".
Une remarque préliminaire: on se demande bien pourquoi un référendum sur l'éducation nationale "serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le monde éducatif" alors qu'un référendum sur le système d'indemnisation du chômage ne le serait pas "comme un moyen de monter une partie de la société contre les chômeurs" ou un référendum sur le droit des étrangers "comme un moyen de monter une partie de la société contre les étrangers".
Cette petite incohérence s'explique précisément par la vision du référendum qui ressort clairement des propos de Nicolas Sarkozy: un moyen de passer en force en cas d'oppositions à une de ses réformes.
Référendum sarkozyste vs référendum gaulliste
Il a suffi que Nicolas Sarkozy prononce le mot "référendum" pour que certains commentateurs fassent aussitôt un parallèle avec Charles de Gaulle.
Il existe cependant au moins deux différences entre la vision sarkozyste et la vision gaulliste du référendum:
1) Le "référendum coup de force":
Comme nous l'avons vu, dans la vision sarkozyste le référendum constitue une seconde cartouche pour imposer une réforme en cas d'oppositions.
Or, s'il est certain qu'historiquement le recours au référendum permit accessoirement à Charles de Gaulle de contourner le Parlement (élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962, réforme du Sénat et création des régions en 1969), il s'agissait à chaque fois de sa première cartouche.
Pour résumer:
- Charles de Gaulle se présentait devant le peuple en lui demandant: "Voulez-vous?"
- Nicolas Sarkozy arriverait devant le peuple en lui disant: "Voulez-vous ce que n'ont pas voulu ces conservateurs (et "pauv'cons"?) de partenaires sociaux?"
2) La nature de la question:
Charles de Gaulle s'est exprimés à de nombreuses reprises sur sa vision du référendum. Deux exemples, tirés du tome II de ses Mémoires d'espoir (L'effort, Plon, 1971):
- "C'est un principe de base de la Ve République et de ma propre doctrine que le peuple français doit trancher lui-même dans ce qui est essentiel à son destin."
- "Le référendum, enfin, institué comme le premier et le dernier acte de l'œuvre constitutionnelle m'offrirait la possibilité de saisir le peuple français et procurerait à celui-ci la faculté de me donner raison, ou tort, sur un sujet dont son destin allait dépendre pendant des générations."
Bref, il s'agit pour Charles de Gaulle de s'adresser directement au peuple français sur un enjeu capital (d'où une démission du président de la République en cas d'échec).
La réforme du système d'indemnisation du chômage constitue-t-elle un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Nicolas Sarkozy semble le penser; personnellement, j'en doute... En tout cas incontestablement beaucoup moins que, par exemple, les traités européens: hier, le traité de Lisbonne, ratifié par le Parlement alors qu'il reprenait l'essentiel du traité constitutionnel européen auparavant rejeté par le peuple français (tiens, justement un référendum!); aujourd'hui, le Pacte budgétaire européen.
Le choix de la juridiction compétente s'agissant du droit des étrangers constitue-t-il un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Sans commentaire!
Après avoir avili la fonction présidentielle telle que la concevait Charles de Gaulle - en se comportant non pas en chef d'État mais en chef de gouvernement -, c'est maintenant le référendum que Nicolas Sarkozy veut galvauder. Vous avez dit "gaulliste"?
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11 novembre 2010
Jean Charbonnel: le "gaullisme de progrès"
J'ai rédigé cette semaine, dans La Croix, deux portraits (pour la rubrique "Que sont-ils-devenus?") d'anciens ministres du général de Gaulle. Après Philippe Dechartre, voici celui de Jean Charbonnel, publié mercredi.
Le 8 janvier 1966, De Gaulle le nomme au gouvernement
Au mois de décembre 1965, le chef de l'État demande à voir en tête-à-tête Jean Charbonnel, élu trois ans plus tôt député de la circonscription de Brive. "Sous prétexte de mieux me connaître, il me faisait, en fait, passer un examen de passage, se souvient le futur ministre. D'abord paralysé par la timidité, j'ai vu devant moi le président de la République, mais j'ai aussi vu l'homme, qui s'est enquis, en me mettant à l'aise, de mon parcours personnel et politique. Il manifesta pour moi une bienveillance grand-paternelle, et j'éprouvai vite un grand honneur et une grande joie à travailler près de lui." Un mois plus tard, Jean Charbonnel devient en effet secrétaire d'État chargé de la Coopération.
Ancien secrétaire d'État chargé de la Coopération sous De Gaulle (1966-1967) puis ministre du Développement industriel et scientifique sous Pompidou (1972-1974), Jean Charbonnel déborde encore d'activités. Agrégé – et passionné – d'histoire, il court de colloques en colloques: "De Gaulle et Paris", animé par son ami Gilles Le Béguec les 24 et 25 novembre, puis "De Gaulle et l'Afrique", organisé les 2 et 3 décembre par la Fondation Charles-de-Gaulle.
Surtout, militant fidèle du gaullisme, Jean Charbonnel préside toujours, à 83 ans, un mouvement politique: la Convention des gaullistes sociaux pour la Ve République, qui possède une poignée d'élus municipaux. "Tant que Dieu me prête vie, j'ai bien l'intention de continuer à m'occuper de la cité, et donc à garder une activité politique", explique-t-il.
De cette double casquette, de militant et d'historien (1), Jean Charbonnel tire une fidélité indéfectible à une certaine idée du gaullisme, loin de ceux qui n'y voient qu'une "attitude" ou un "pragmatisme" sans contenu doctrinal. Ce souci fut l'objet, dès avril 1970, premier anniversaire du départ du Général, d'une tribune intitulée "La légende et l'héritage", publiée dans la presse puis diffusée par l'UDR, dont il était l'un des dirigeants. "J'étais et je reste absolument convaincu que le gaullisme n'est pas mort avec De Gaulle", martèle-t-il encore aujourd'hui. Gaulliste social, il travaille justement à un nouveau livre afin de "ne pas laisser enfermer Charles de Gaulle dans des commémorations ou dans des musées" et de "rétablir la vérité sur le gaullisme".
Même si Jean Charbonnel fut l'initiateur de l'opération des "jeunes loups" aux élections législatives de 1967, point de départ de l'émergence politique de Jacques Chirac, sa fidélité à une certaine idée du gaullisme entraîna une rupture entre les deux hommes: le "gaulliste de progrès" fut écarté en 1975 d'une UDR prise en main par son "compatriote corrézien". Jean Charbonnel reproche toujours à l'ancien premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing sa "trahison" envers Jacques Chaban-Delmas, à l'élection présidentielle de 1974. De fait, il n'a jamais voté en faveur de Jacques Chirac, soutenant Michel Debré en 1981, Raymond Barre en 1988 (avant de participer à l'ouverture de François Mitterrand et Michel Rocard), Édouard Balladur en 1995, puis Jean-Pierre Chevènement en 2002.
C'est d'ailleurs un chiraquien, Bernard Murat, qui l'a successivement battu aux élections législatives de 1993 puis aux municipales de 1995. Depuis, le socialiste Philippe Nauche a remplacé Bernard Murat en s'alliant avec le gaulliste "charbonnelliste" Étienne Patier (petit-fils d'Edmond Michelet), devenu maire-adjoint.
En 2007, enfin, l'ancien maire de Brive a soutenu Nicolas Sarkozy. "C'est le premier gouvernement qui renoue avec la politique industrielle", se félicite celui qui a été reçu en mai dernier à Bercy par Christian Estrosi, l'actuel ministre de l'Industrie. L'occasion pour ce dernier de dévoiler son "admiration" pour Georges Pompidou et Jean Charbonnel, "le tandem qui, en deux ans, a lancé le programme électronucléaire, le projet spatial (Ariane) et les lignes à grande vitesse (TGV)".
Ce soutien n'empêche pas Jean Charbonnel d'émettre aujourd'hui de "fortes réserves" sur la "pratique présidentialiste" des institutions par Nicolas Sarkozy et sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan. L'ancien ministre se remémore des mots prononcés lors du conseil des ministres "historique" du 9 mars 1966, dont il est l'un des rares survivants. "La décision que je vous demande est importante, avait solennellement exposé le général de Gaulle. Si vous la prenez, vous conforterez notre force de dissuasion et pourrez ainsi avoir la certitude de léguer la paix à vos enfants. Je vous demande une adhésion personnelle. Ceux qui ne seraient pas d'accord peuvent le signaler tout de suite, mais ils quitteront le gouvernement."
Laurent de Boissieu
La Croix, 10 novembre 2010
(1) Dernier ouvrage publié: Les légitimistes, de Chateaubriand à De Gaulle, La Table Ronde, 2006.
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10 novembre 2010
Philippe Dechartre: le "gaullisme de gauche"
J'ai rédigé cette semaine dans La Croix deux portraits (pour la rubrique "Que sont-ils-devenus?") d'anciens ministres du général de Gaulle. Voici celui de Philippe Dechartre, publié mardi (dans La Croix de ce mercredi: Jean Charbonnel)
Le 30 mai 1944, De Gaulle lui ouvre les bras
Chef de la zone nord d'un mouvement de Résistance, Philippe Dechartre, pseudonyme de Jean Duprat-Geneau, est convoqué en 1944 à Alger par le général de Gaulle. Moment d'émotion pour le jeune homme de 25 ans lorsque s'ouvre la porte du bureau du Général, à la villa des Oliviers: "Je suis un peu interloqué. Je me dis: est-ce que c'est lui, est-ce que c'est moi, est-ce que je rêve, est-ce que nous sommes vraiment là tous les deux?" Finalement, d'un geste qui lui est familier, de Gaulle ouvre les bras et dit: "Alors, Dechartre, vivant?" Celui qui avait été peu de temps auparavant exfiltré du siège parisien de la Gestapo répond: "Oui, mon général, et grâce à vous."
"Vous me cueillez dans ma première semaine de retraite!", lance Philippe Dechartre, 91 ans, en recevant dans son chaleureux domicile parisien. Ancien ministre des gouvernements Pompidou, Couve de Murville puis Chaban-Delmas entre 1968 et 1972, Dechartre siégeait en effet depuis 1994 au Conseil économique et social, qui venait le jour même de renouveler ses membres. "Actuellement, je suis en train de ranger ces seize ans d'archives, soupire-t-il. C'est un travail lourd et fastidieux."Mais c'est surtout à la publication de ses mémoires que ses amis le pressent de s'atteler. "J'aime écrire, mais je le garde pour moi", explique-t-il. Avant de finalement concéder: "Si on me laissait en paix, je crois que je finirais par écrire un bouquin…"
Philippe Dechartre poursuit son "itinéraire d'un gaulliste de gauche", puisqu'il participe toujours aux travaux du Club Nouveau Siècle, mouvement associé à l'UMP qu'il a fondé en 2001 et dont il assure maintenant la présidence d'honneur. Un itinéraire qui l'a amené à côtoyer la quasi-totalité des présidents de la Ve République. Charles de Gaulle, bien entendu, qu'il a suivi du gaullisme de la Résistance au gaullisme politique, avec un passage par le mendésisme durant la "traversée du désert" du Général. Georges Pompidou, avec lequel il était "très lié" malgré la méfiance du successeur de De Gaulle envers les gaullistes sociaux. François Mitterrand, rencontré dès 1943 dans les mouvements de Résistance de prisonniers de guerre et déportés. Sans être exclu du RPR, Philippe Dechartre appela d'ailleurs au second tour de la présidentielle de 1981 à voter en faveur du candidat socialiste, qui lui proposa alors d'entrer au gouvernement. Ce qu'il refusa. "On aurait pensé que j'allais à la soupe, que j'avais la récompense de ma prise de position. Ça aurait été mauvais pour lui comme pour moi" commente-t-il. Jacques Chirac, ensuite, qu'il a soutenu à toutes les élections présidentielles, et dont il demeure un proche.
Nicolas Sarkozy, enfin. Au milieu des années 1970, ce dernier était même venu frapper à la porte du Mouvement pour le socialisme par la participation, dont Philippe Dechartre était alors le secrétaire général. Le jeune Nicolas Sarkozy lui exposa qu'il en avait "marre des hiérarques de l'UDR". Mais l'ancien ministre l'en dissuada: "Si tu adhères aux gaullistes de gauche, tu seras content de faire bouger beaucoup d'idées, mais ce n'est pas ça qui te mettra en faveur dans la course au pouvoir. Tu as de l'ambition: retourne à l'UDR, avale les couleuvres qu'on te fait avaler actuellement avant d'en faire avaler aux autres." Depuis, les deux hommes ont conservé des "relations cordiales mais sans plus", car le gaulliste de gauche "ne partage pas toutes les options politiques" de l'ancien porte-parole d'Édouard Balladur.
Ils se sont vus pour la dernière fois en juillet, notamment pour parler du renouvellement du Conseil économique, social et environnemental. "Il consulte, mais il ne suit pas les consultations", lâche le doyen sortant, regrettant qu'aucun de ses amis n'ait été nommé (contre huit sortants). Philippe Dechartre en a profité pour "lui dire ce qu'un gaulliste de gauche peut dire: sauver les banques, c'est bien, mais il faut aussi penser à ceux qui n'ont pas de pognon". Une thématique que cet humaniste a développée avec Bernard Reygrobellet, son successeur à la présidence du Club Nouveau Siècle, dans une "contribution au projet 2012 de la majorité présidentielle" (PDF).
"Dechartre, n'oubliez jamais que la seule finalité du progrès économique, c'est le progrès social", lui avait glissé à la Libération le général de Gaulle. Des propos que l'ancien Résistant a érigés en philosophie politique: "C'est le fil rouge du gaullisme de gauche auquel je reste aujourd'hui fidèle."
Laurent de Boissieu
La Croix, 09 novembre 2010
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09 novembre 2010
Nicolas Sarkozy: un gaullisme commémoratif et désidéologisé
Nicolas Sarkozy prononcera ce mardi un discours comme il les affectionne, à Colombey-les-Deux-Églises, pour le quarantième anniversaire de la mort du général de Gaulle. L'occasion pour lui de revendiquer sa part de filiation gaulliste.
De fait, c'est par le gaullisme que le président de la République est entré en politique, puisque sa première campagne, comme un simple militant, fut celle de Jacques Chaban-Delmas à l'élection présidentielle de 1974. Dans la foulée, il adhère à l'UDR puis au RPR. "Être jeune gaulliste, c'est être révolutionnaire", s'enflamme le jeune homme à Nice, en juin 1975, lorsqu'il parle pour la première fois à la tribune d'un grand rassemblement politique. "Révolutionnaire pas à la manière de ceux qui sont des professionnels de la manif'", avait-il toutefois précisé. Philippe Dechartre (lire son portrait) révèle même qu'à cette époque, Nicolas Sarkozy alla frapper à la porte du Mouvement pour le socialisme par la participation, gaulliste de gauche.
Plus tard, Nicolas Sarkozy expliquera son engagement pour des raisons plus sociologiques et familiales que politiques et personnelles. "Culturellement, je n'étais pas de gauche et socialement, je ne me sentais pas giscardien", racontait-il dans un livre d'entretiens avec Michel Denisot (Au bout de la passion, l'équilibre…, Albin Michel, 1995). "Je suis gaulliste depuis l'enfance", insistera-t-il en 2007 sur son site de campagne présidentielle. "Ma famille m'a enseigné les valeurs du gaullisme: l'amour de la France et le refus de la fatalité."
Cette dernière valeur semble celle qui définit le mieux le gaullisme pour Nicolas Sarkozy: "Le gaullisme, c'est le refus de la fatalité", répétait-il en février 2008 lors de l'inauguration de l'Historial Charles-de-Gaulle aux Invalides, à Paris. "Le gaullisme, c'est le mot par lequel nous désignons dans notre histoire la volonté humaine, lorsqu'elle est fermement opposée au renoncement." Il s'agit donc d'une définition sans contenu idéologique, semblable à celle de Georges Pompidou ("une attitude") ou d'Édouard Balladur ("un pragmatisme"). "Le gaullisme n'a jamais été une idéologie, le gaullisme n'a jamais été une religion, poursuivait l'ancien balladurien. Le général de Gaulle s'y est toujours opposé. Il ne voulait pas que sa pensée fût enfermée dans la rigidité d'une doctrine."
Ne conférant aucun corpus doctrinal au gaullisme, le président de la République est donc imperméable aux critiques de ceux qui, à droite ou à gauche, l'accusent de rompre avec les idées de Charles de Gaulle, par exemple à propos de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Otan. À Michel Denisot, Nicolas Sarkozy expliquait donc logiquement que, d'après lui, "le gaullisme a d'abord été le rapport à un homme dont la dimension a fait une partie de l'histoire contemporaine de notre pays, le général de Gaulle, et ce, quels que soient les choix qu'il effectuait. On s'engageait derrière le Général. C'était plus derrière lui, derrière la confiance qu'il suscitait que derrière sa pensée" (1).
"Le gaullisme constitue nos racines. C'est un fait, mais avec le temps qui passe cela devient notoirement insuffisant", écrivait-il dans Libre (Robert Laffont/Xo, 2001) en soulignant que "le gaullisme appartient aujourd'hui à l'histoire de France et, à ce titre, il est devenu l'apanage de chaque Français (…), il est en quelque sorte tombé ou inscrit dans le patrimoine national". Dans les années 1990, Nicolas Sarkozy se réclamait d'ailleurs d'un "gaullisme libéral", oxymore pour ceux qui donnent un contenu économique et social au gaullisme (programme du Conseil National de la Résistance, planification et interventionnisme de l'État, association capital-travail et participation, etc.).
Parallèlement, le dirigeant du RPR rompait avec le positionnement politique ni de droite ni de gauche de sa famille politique (2): "Quant à se dire de droite, une bonne partie de mes amis s'y refusent obstinément. J'avoue avoir du mal à comprendre cette forme de pudeur qui n'est rien d'autre qu'une façon de céder à la mode du moment (…) Car enfin, pourquoi donc serait-il noble d'être de gauche et faudrait-il s'excuser d'être de droite?."
Dans le même livre, Nicolas Sarkozy note par ailleurs que "les héritiers politiques de la famille gaulliste ont une tendance certaine à la nostalgie, qui s'illustre notamment dans le pèlerinage annuel à Colombey": "Je m'en veux d'ailleurs d'avoir sacrifié cette année encore à cette forme de totem, avouait-il. J'ai pourtant clairement conscience que nous entretenons ainsi une caricature, chaque jour plus désuète." La plume de celui qui se rend ce mardi en Haute-Marne devient même féroce lorsqu'il écrit que "Dieu que le paysage est triste en novembre du côté de Bar-le-Duc, il pleut quasi invariablement, il fait froid et le vent souffle fort, à croire que les conditions atmosphériques se mettent de la partie pour rendre le pèlerinage un peu plus difficile".
Depuis sa campagne présidentielle puis son élection à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy affectionne pourtant ces commémorations historiques: il s'est déjà rendu trois fois à Colombey-les-Deux-Églises (en avril et novembre 2007 puis en octobre 2008 pour l'inauguration du Mémorial Charles-de-Gaulle) et quatre fois sur le plateau des Glières, haut lieu de la Résistance (en mai 2007, mars 2008, avril 2009 et 2010).
Laurent de Boissieu
La Croix, 09 novembre 2010
(version plus courte publiée sous le titre De Gaulle-Sarkozy, une filiation revendiquée)
(1) Dans l'unique définition qu'il en donna, Charles de Gaulle présenta le gaullisme comme "un système de pensée, de volonté et d'action" (9 septembre 1968); Nicolas Sarkozy fait l'impasse sur le premier facteur.
(2) "Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche déclarent que j’appartiens à l’autre côté, prouve précisément ce que je vous dis, c’est-à-dire que, maintenant comme toujours, je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France", Charles de Gaulle, 15 décembre 1965.
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12 octobre 2010
Radioscopie des députés UMP (2/2)
II. RPR, DL, UDF: que sont-ils devenus?
A. Les courants de l'UMP
Comme nous l'avons vu dans la première partie de cette radioscopie des députés UMP, trois grands courants sont censés correspondre idéologiquement aux trois grandes familles politiques qui ont convergé - totalement ou partiellement - dans l'UMP.
La continuité est donc plus ou moins forte selon les familles politiques:
- 88% des ex-DL adhèrent aux Réformateurs, soit 45 députés dont 37 "purs" (c'est-à-dire n'adhérant pas parallèlement à un autre courant)
- 85% des ex-UDF adhèrent aux "centristes de l'UMP", soit 44 députés dont 29 "purs".
- 20% seulement des ex-RPR adhèrent au Chêne, soit 32 députés dont 22 "purs"; ils sont quasiment autant à adhérer aux Réformateurs: 17%, soit 28 députés dont 19 "purs" (9 participent à la fois au Chêne et aux Réformateurs).
- au total, 28% des ex-RPR adhèrent à au moins une structure d'inspiration gaulliste (Le Chêne, Union des Démocrates pour le Progrès, République Solidaire, Club Nouveau Siècle), soit 46 députés.
B. Les ex-RPR:
Les ex-RPR sont peu marqués idéologiquement, hormis un tropisme autoritaire (32% des ex-RPR). Cette particularité s'explique par le passage du gaullisme au néogaullisme pompidolien puis chiraquien, se traduisant par leur acceptation de l'intégration européenne et atlantique d'une part, leur conversion au libéralisme économique d'autre part (à travers la mise en sourdine du gaullisme économique et sociale: planification et interventionnisme de l'État, association capital-travail). Les "sociaux/autoritaires", sans doute les plus proches du gaullisme gaullien, ne représentent ainsi aujourd'hui que 3% des ex-RPR... avec cinq députés !
C. Les ex-DL:
Les ex-DL forment une famille idéologique très cohérente:
- 80% de libéraux économiques
- 72% de libéraux anti-autoritaires
- 54% de libéraux/libéraux; à noter tout de même 24% de libéraux/autoritaires, signe de l'ambivalence du positionnement des libéraux (matérialisée sous la IIIe République par la division entre l'Alliance démocratique au centre-droit et la Fédération républicaine flirtant avec la droite de la droite)
D. Les ex-UDF:
Les ex-UDF forment, comme les ex-DL, une famille idéologique cohérente:
- 63% de "sociaux"
- 79% de libéraux anti-autoritaires
- 53% de sociaux/libéraux
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11 octobre 2010
Radioscopie des députés UMP (1/2)
Les débats autour du "bouclier fiscal" et du projet de loi "relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité" rappellent que l'UMP est un parti idéologiquement hétérogène.
Contrairement à une idée de plus en plus répandue, la création en 2002 de l'UMP ne correspondait en effet pas à une mythique "réunification des droites" mais à la fusion inédite de familles politiques historiquement distinctes.
Je vous propose donc pour iPolitique.fr une étude sur les clivages et les rapports de force actuels au sein du groupe UMP à l'Assemblée nationale. Pour réaliser ce travail inédit, j'ai classé chaque député UMP en fonction d'une trentaine de paramètres regroupés en trois catégories: appartenance actuelle ou passée à un parti ou à un club; votes à l'Assemblée nationale; signatures de propositions de loi ou d'amendements.
Sur 314 membres du groupe UMP, 83 députés (26%) ne se signalent par aucune prise de position les démarquant de leurs collègues et en forment en quelque sorte le "marais".
Cette étude sera publiée en deux temps:
I. Radioscopie des députés UMP
II. RPR, DL, UDF: que sont-ils devenus?
I. Radioscopie des députés UMP
A. Origine partisane des députés UMP
Les députés UMP restent majoritairement issus du RPR (52% contre 58% en 2002). La différence la plus frappante par rapport au lendemain des élections législatives de 2002 est le nombre de députés que je ne rattache à aucun des trois grands partis (5% en 2002, 15% aujourd'hui). C'est la signe de l'émergence d'une "génération UMP", soit qui ne détenait pas de mandat significatif avant 2002, soit entrée en politique depuis la création de l'UMP. Dans cette catégorie, les femmes (progression de la parité) et les suppléants de députés (membres du gouvernement ou décédés) sont surreprésentés.
B. Les trois grands courants
Trois grands courants structurés sont censés correspondre idéologiquement aux trois grandes familles politiques qui ont convergé - totalement ou partiellement - dans l'UMP:
- Les Réformateurs (REF) pour les libéraux (Hervé Novelli, Gérard Longuet): 99 députés dont 66 "purs" (c'est-à-dire n'adhérant pas à un autre courant).
- Les "centristes de l'UMP" (CENT: Pierre Méhaignerie, Marc-Philippe Daubresse): 61 députés dont 41 "purs". On peut en outre ajouter 11 députés membres du Parti radical valoisien ou du Parti chrétien-démocrate qui ne participent pas parallèlement aux "centristes de l'UMP".
- Le Chêne pour les néogaullistes (Michèle Alliot-Marie): 46 députés dont 27 "purs". Le Chêne ne détient toutefois pas le monopole de l'étiquette gaulliste dans la mouvance de l'UMP: au total, 62 députés UMP adhèrent à au moins une structure d'inspiration gaulliste (Le Chêne, Union des Démocrates pour le Progrès, République Solidaire, Club Nouveau Siècle).
Il existe une forte porosité entre ces courants, particulièrement des libéraux aussi bien avec les "centristes de l'UMP" (17 députés adhèrent aux deux courants) qu'avec les néogaullistes du Chêne (16 députés adhèrent aux deux).
Au-delà de cette participation à tel ou tel courant, j'ai retenu deux champs de fracture au sein des députés UMP:
- le clivage sociaux versus libéraux
- le clivage autoritaires versus libéraux
C. Le clivage sociaux vs libéraux
L'égalité est presque parfaite entre les "libéraux" (79 députés) et les "sociaux" (72 députés). Sans surprise, les "libéraux" sont majoritairement issus de Démocratie libérale (52%), tandis que les ex-UDF forment le principal contingent des "sociaux" (46%), devant les ex-RPR (39%).
Les "inclassables" sont des députés qui se rattachent tantôt aux "libéraux" tantôt aux "sociaux". Ils se distinguent donc du "marais", formé par les députés qui se signalent par aucune prise de position particulière.
D. Le clivage autoritaires vs libéraux
Il n'est pas inintéressant de constater, même si c'est toujours le "marais" qui fait pencher la balance d'un côté ou de l'autre, que le noyau dur des "libéraux" (121 députés) est plus nombreux que le noyau dur des "autoritaires" (83 députés). Sans surprise, les "autoritaires" sont très majoritairement issus du RPR (63%).
E. Les 4 familles de l'UMP
En croisant ces deux clivages, nous pouvons identifier quatre familles "pures" au sein du groupe UMP:
- les libéraux/autoritaires (LI+A): 28 députés
- les libéraux/libéraux (LI+LI): 43 députés
- les sociaux/libéraux (SO+LI): 50 députés
- les sociaux/autoritaires (SO+A): 10 députés
Radioscopie des députés UMP (2/2) : RPR, DL, UDF: que sont-ils devenus?
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06 octobre 2010
Les villepinistes espèrent toujours former un groupe à l'Assemblée nationale
C'est un échec politique pour Dominique de Villepin. Alors que vient de s'ouvrir cette semaine la session parlementaire 2010-2011, les députés villepinistes ne sont finalement pas parvenus à trouver suffisamment d'alliés pour former un nouveau groupe. Depuis mai 2009, il suffit pourtant de réunir quinze membres sur un total de 577 députés. Or, si un groupe peut se constituer à tout moment, il lui faut en revanche impérativement exister au début de la session s'il veut bénéficier des droits spécifiques aux groupes d'opposition ou minoritaires et être représenté dans les organes de l'Assemblée nationale. C'est donc raté pour cette session, voire pour la législature. Qu'à cela ne tienne : les villepinistes ne renoncent pas. "Le besoin d'expression libre et indépendante des républicains sociaux se consolide de jour en jour, expose sereinement Marie-Anne Montchamp. Il faut le temps que chacun fasse son chemin, mais je suis absolument certaine que nous y arriverons."
La constitution de ce nouveau groupe se heurte pour l'instant à deux écueils. Le premier est interne : combien d'élus villepinistes sont vraiment prêts à rompre avec le groupe UMP ? Huit députés UMP adhèrent au parti de Dominique de Villepin, République solidaire, auxquels s'ajoute le non-inscrit Daniel Garrigue. Or, sur la réforme des retraites, sept villepinistes se sont abstenus (Marc Bernier, Daniel Garrigue, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Jacques Le Guen, Marie-Anne Montchamp et Jean Ueberschlag), tandis que deux autres (Guy Geoffroy et Michel Raison) votaient pour.
Le second écueil est externe : avec qui s'allier pour atteindre le seuil de quinze membres ? Les villepinistes possèdent comme allié naturel le parti gaulliste Debout la République, qui compte deux députés : Nicolas Dupont-Aignan et François-Xavier Villain. Marie-Anne Montchamp avance en outre une "compatibilité" avec l'unique député et président du CNI, Gilles Bourdouleix. Mais ce dernier n'est aujourd'hui "pas prêt à franchir le Rubicon". Un autre député pourrait compléter le dispositif : le "gaulliste social de centre droit" Philippe Folliot (apparenté au groupe Nouveau Centre et porte-parole de l'Alliance centriste). Enfin, quelque huit députés sociaux du groupe UMP, gaullistes ou démocrates-chrétiens, seraient potentiellement intéressés… mais souhaitent attendre et conserver pour l'instant leur anonymat. Tout au moins "jusqu'au remaniement ministériel", confie l'un d'eux. En clair : tout dépendra de l'orientation, plus ou moins sociale, du futur premier ministre.
Cet été, les villepinistes avaient même proposé, non sans débats internes, une alliance technique avec les trois élus du MoDem. Mais François Bayrou - qui aurait également pu renouer à cette occasion avec le député Nouveau Centre Nicolas Perruchot - avait posé comme condition une rupture totale avec l'UMP, aussi bien avec le groupe parlementaire qu'avec le parti. Une condition irrecevable alors que Dominique de Villepin, en tant qu'ancien premier ministre encarté, est lui-même actuellement membre du bureau politique de l'UMP.
Laurent de Boissieu
La Croix, 6 octobre 2010
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18 juin 2010
Ce que signifie pour moi le 18 Juin
Sollicité par Jean Charbonnel, ancien ministre de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou, pour sa lettre politique, j'ai accepté de lui livrer en toute indépendance ma vision du 18 Juin. Voici le texte que je lui ai donné :
"Il est des dates dont on est imprégné dès sa première initiation à l'Histoire de France. Le 18 Juin en fait partie pour moi, comme certainement pour beaucoup de Français y compris des jeunes générations. Inutile, d'ailleurs, d'en préciser l'année. Un privilège rare dont bénéficient surtout les jours fériés liés à l'Histoire de la nation : 8 mai (1945), 14 juillet (1790, Fête de la Fédération), 11 novembre (1918).
Le 18 Juin a longtemps été intuitivement associé dans mon esprit à une rupture : il y eut un avant et un après 18 juin 1940. Comme il y avait eu un avant et un après 1789.
Aujourd'hui, le 18 Juin est cependant davantage associé pour moi à l'idée de continuité.
En juin 1940, le général de Gaulle n'est certes pas le seul à avoir dit NON au fatalisme, à l'Armistice et à l'Occupation : sans son Appel sur les ondes de la BBC, il y aurait bien entendu eu des Résistants (il y en eut d'ailleurs dès le 17 juin), voire une Résistance. Mais il n'y aurait sans doute pas eu une France libre, incarnation de la continuité française.
La signification profonde du 18 Juin, c'est en effet que la France n'est pas à Vichy mais à Londres. Si des Français ont accomplis l'irréparable en étant complice du processus de déportation et d'extermination des juifs, la France, elle, poursuivait bien le combat contre l'Allemagne.
C'est à l'Appel du général de Gaulle que nous le devons. Invoquer la responsabilité de la France dans le crime contre l'Humanité jugé au Tribunal de Nuremberg, comme cela a pu être fait jusqu'au plus haut sommet de l'État, c'est donc nier le 18 Juin, acte fondateur du gaullisme."
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17 juin 2010
Charles de Gaulle, chrétien de gauche
Les légendes sont parfois tenaces...
Il en est une qui m'agace particulièrement: celle de Charles de Gaulle maurrassien avant-guerre.
Certes, son père Henri de Gaulle fut abonné à L'Action française jusqu'à sa condamnation par Rome en 1926. Certes aussi, des camelots de l'Action Française sont entrés tôt dans la Résistance, par nationalisme et antigermanisme. Mais d'autres sont entrés aussitôt dans la Collaboration, par antirépublicanisme et antisémitisme. Là n'est donc pas la question.
Schématiquement, dans les années 1930 les catholiques engagés en politique se divisaient en trois mouvances:
- l'Action Française (la ligue et le journal), à l'extrême droite
- le Parti Démocrate Populaire et le quotidien L'Aube à droite et au centre
- le Parti de la Jeune République et les hebdomadaires Sept (tenu par les Dominicains) puis Temps Présent (tenu par des laïcs après l'interdiction en 1937 par Rome de Sept) à gauche
Or, Charles de Gaulle a adhéré avant-guerre au cercle des "Amis de Temps Présent".
Bref, s'il multiplia les contacts dans les années 1930 sur tout l'échiquier politique afin de faire avancer ses idées militaires, il n'a adhéré qu'à un seul groupe, dans la mouvance sociale-chrétienne précisément aux antipodes de l'Action Française.
On peut donc dire de façon certaine que, avant le gaullisme, Charles de Gaulle fut chrétien de gauche (si les influences chrétienne sociale et personnaliste seront fortes dans la doctrine sociale gaulliste, les divergences seront tout autant dans d'autres domaines: l'unitarisme et le souverainisme des gaullistes s'opposera au fédéralisme des démocrates-chrétiens et des personnalistes).
La nomination de Charles de Gaulle au gouvernement est ainsi saluée dans son édition du 14 juin par Temps Présent dans un article, rarement cité, intitulé "Les Amis de Temps présent à l'honneur" :
Tous les amis de Temps présent se sont réjouis quand ils ont appris que l'un des leurs, le général Charles de Gaulle, un de nos plus grands et de nos plus hardis techniciens militaires, avait été choisi par M. Paul Reynaud pour l'assister au ministère de la Défense nationale. Le colonel de Gaulle - c'est ainsi qu’il signait hier encore ses articles et ses livres - est un de ceux qui avaient prévu ce que serait une guerre moderne. Intelligent, lucide, cœur droit, notre "Ami" va rendre d'immenses services à la Patrie. Nous le félicitons de grand cœur et les "Amis de Temps présent" lui font confiance.
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03 juin 2010
Le gaullisme de la Résistance ne fait toujours pas l'unanimité
Le programme de littérature en terminale littéraire est composé de quatre domaines :
• Grands modèles littéraires - Modèles antiques
• Langage verbal et images - Littérature et cinéma
• Littérature et débats d'idées - Littérature et histoire
• Littérature contemporaine - Œuvres contemporaines françaises ou de langue française
Pour l'année scolaire 2010-2011, le gouvernement a choisi les œuvres suivantes (Bulletin officiel) :
• Grands modèles littéraires - Modèles antiques
Œuvre : L'Odyssée d'Homère (Chants V à XIII), traduction Philippe Jaccottet, édition FM/La Découverte.
• Langage verbal et images - Littérature et cinéma
Œuvre : Tous les matins du monde de Pascal Quignard.
Film : Tous les matins du monde d'Alain Corneau.
• Littérature et débats d'idées - Littérature et histoire
Œuvre : Mémoires de guerre, tome III, "Le Salut, 1944-1946", Charles de Gaulle.
• Littérature contemporaine - Œuvres contemporaines françaises ou de langue française
Œuvre : Fin de partie de Samuel Beckett.
Que croyez-vous qu'il arriva ? Un collectif de professeurs de lettres (même pas d'extrême droite, comme on pourrait spontanément le croire) demanda le retrait de l'œuvre du général de Gaulle au motif que "proposer De Gaulle aux élèves est tout bonnement une négation de [leur] discipline" et qu'on pourrait soupçonner ce choix "de flatter la couleur politique du pouvoir en place" (sic !). "Nous transmettons des valeurs républicaines, pas des opinions politiques", conclut ce collectif, alors que le SNES avait déjà contesté ce choix.
Question : en quoi la Résistance est-elle une "opinion politique" ? N'est-elle pas, plutôt, une composante de notre patrimoine historique national ? Quant aux "valeurs républicaines", n'étaient-elles pas, justement, davantage dans la Résistance que dans l'acceptation de l'Occupation et la Collaboration ? ...
Hasard : quelques jours auparavant, un ami Niortais m'avait fait part de sa consternation devant le récent refus de sa ville d'honorer l'Appel du 18 Juin en donnant à une nouvelle esplanade, près du café où Maurice Schumann l'entendit, le nom du 18 juin 1940. J'ai voulu consulter les procès-verbaux du conseil municipal de Niort afin de prendre connaissance de la motivation de ce refus par la majorité municipale (même pas d'extrême droite, comme on pourrait spontanément le croire), mais malheureusement le dernier en ligne date à ce jour du 18 janvier...
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