Sarkozy et De Gaulle: deux visions différentes de l'usage du référendum (10 février 2012)

Que propose Nicolas Sarkozy?

Dans un entretien au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy envisage, s'il est candidat puis réélu, deux référendums:

Il ne s'agirait constitutionnellement pas du même type de référendum:

 

Dans les deux cas, l'usage du référendum n'est toutefois qu'une option:

 

Quelle est la vision de Nicolas Sarkozy du référendum?

À quatre reprises dans cet entretien Nicolas Sarkozy explique pourquoi il envisage ou non d'organiser des référendums:

Une remarque préliminaire: on se demande bien pourquoi un référendum sur l'éducation nationale "serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le monde éducatif" alors qu'un référendum sur le système d'indemnisation du chômage ne le serait pas "comme un moyen de monter une partie de la société contre les chômeurs" ou un référendum sur le droit des étrangers "comme un moyen de monter une partie de la société contre les étrangers".

Cette petite incohérence s'explique précisément par la vision du référendum qui ressort clairement des propos de Nicolas Sarkozy: un moyen de passer en force en cas d'oppositions à une de ses réformes.

 

Référendum sarkozyste vs référendum gaulliste

Il a suffi que Nicolas Sarkozy prononce le mot "référendum" pour que certains commentateurs fassent aussitôt un parallèle avec Charles de Gaulle.

Il existe cependant au moins deux différences entre la vision sarkozyste et la vision gaulliste du référendum:

 

1) Le "référendum coup de force":

Comme nous l'avons vu, dans la vision sarkozyste le référendum constitue une seconde cartouche pour imposer une réforme en cas d'oppositions.

Or, s'il est certain qu'historiquement le recours au référendum permit accessoirement à Charles de Gaulle de contourner le Parlement (élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962, réforme du Sénat et création des régions en 1969), il s'agissait à chaque fois de sa première cartouche.

Pour résumer:

 

2) La nature de la question:

Charles de Gaulle s'est exprimés à de nombreuses reprises sur sa vision du référendum. Deux exemples, tirés du tome II de ses Mémoires d'espoir (L'effort, Plon, 1971):

Bref, il s'agit pour Charles de Gaulle de s'adresser directement au peuple français sur un enjeu capital (d'où une démission du président de la République en cas d'échec).

La réforme du système d'indemnisation du chômage constitue-t-elle un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Nicolas Sarkozy semble le penser; personnellement, j'en doute... En tout cas incontestablement beaucoup moins que, par exemple, les traités européens: hier, le traité de Lisbonne, ratifié par le Parlement alors qu'il reprenait l'essentiel du traité constitutionnel européen auparavant rejeté par le peuple français (tiens, justement un référendum!); aujourd'hui, le Pacte budgétaire européen.

Le choix de la juridiction compétente s'agissant du droit des étrangers constitue-t-il un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Sans commentaire!

 

Après avoir avili la fonction présidentielle telle que la concevait Charles de Gaulle - en se comportant non pas en chef d'État mais en chef de gouvernement -, c'est maintenant le référendum que Nicolas Sarkozy veut galvauder. Vous avez dit "gaulliste"?

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