04 décembre 2009
Les ruptures de Bayrou avec les idées de l'UDF
Le "congrès programmatique" du MoDem, organisé à partir d'aujourd'hui et jusqu'à dimanche à Arras (Pas-de-Calais) sera l'occasion d'analyser les éventuelles ruptures idéologiques entre l'UDF et le parti qui lui a juridiquement succédé. Un jalon de plus dans la querelle pour l'héritage politique de l'UDF à laquelle se livrent François Bayrou (MoDem), Jean Arthuis (Alliance centriste) et Hervé Morin (Nouveau centre).
La fiscalité est un des principaux marqueurs du clivage droite-gauche. Dans le document préparatoire au congrès du MoDem, qui n'engage pas le parti tant qu'il n'est pas voté par les militants, il est notamment proposé en direction des particuliers "une plus forte progressivité de l'imposition sur les hauts revenus" (1). Il s'agit d'une rupture idéologique avec l'UDF. François Bayrou fut en effet membre du gouvernement d'Édouard Balladur (1994-1995), à l'origine de la première remise en cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu à travers une réduction de douze à sept du nombre de tranches. La seconde grande remise en cause de cette progressivité date du gouvernement de Dominique de Villepin (2005-2007), avec une nouvelle réduction du nombre de tranches – de sept à cinq – et l'instauration d'un bouclier fiscal (tous impôts confondus) à 60% des revenus. Or, dans son programme présidentiel, François Bayrou ne remettait pas en cause le principe du bouclier fiscal mais seulement son abaissement à 50%, comme promis puis réalisé par Nicolas Sarkozy. Un amendement de la commission "économie" du MoDem propose, cette fois, purement et simplement "la suppression du bouclier fiscal".
À travers ces propositions, le MoDem se prononcerait, de fait, en faveur d'une augmentation des impôts. Le parti de François Bayrou assume par ailleurs une autre augmentation des impôts, conjoncturelle, dans le cadre de la lutte contre les déficits publics. "Le discours de vérité est donc celui de recourir à une discipline financière contraignante, qui ne fera pas l'économie de hausse des recettes fiscales et de la réduction des dépenses", est-il expliqué dans le document de travail, en envisageant "une contribution exceptionnelle collective temporaire dans le cadre d'un plan de redressement des finances publiques (par exemple sous forme d'augmentation de la TVA ou de la CSG)".
Toujours dans le domaine économique et social, le document du MoDem reprend les arguments des antilibéraux contre la fin des services publics monopolistiques et la mise en concurrence entre les opérateurs publics et privés (2). "Le risque est grand de favoriser des bénéfices abusifs en faveur du privé en laissant au secteur public ce qui n'est pas rentable", est-il écrit. Il s'agit d'une autre rupture idéologique avec l'UDF, qui ne s'est historiquement jamais opposée aux directives européennes de ibéralisation des services publics, adoptées sans discontinuité sous des gouvernements français de droite et de gauche.
Sur la question énergétique, le MoDem rompt également avec l'UDF. Dans son programme législatif de 2002, l'UDF se déclarait "pour une ouverture progressive du capital d'EDF". Une ouverture contre laquelle François Bayrou s'est élevé lorsqu'elle fut décidée en 2005 par le gouvernement de Dominique de Villepin. Parallèlement, l'UDF parlait de "filière nucléaire propre" alors que le MoDem juge aujourd'hui que "les impacts sur l'environnement du nucléaire civil ne peuvent être considérés comme neutres". Le parti centriste reproche ainsi à la majorité d'avoir laissé "sans raison valable l'électricité en dehors du champ de la taxe carbone". La contribution de la commission climat énergie du MoDem reste toutefois très prudente sur l'énergie nucléaire, se contentant d'un double constat. D'une part, qu'il n'y a pas de consensus "à ce jour ni dans le MoDem ni en France". D'autre part, qu'"il est mensonger de faire croire aujourd'hui que la France pourra sortir du nucléaire vers 2030 tout en réussissant simultanément à décarboner son économie".
Enfin, la vie homosexuelle constitue un domaine dans lequel François Bayrou a personnellement évolué. En 1998-1999, il était opposé au pacs. À l'élection présidentielle de 2002, il s'était déclaré contre l'abrogation du pacs mais aussi contre le mariage et l'adoption des couples homosexuels. À la présidentielle de 2007, il s'était prononcé toujours contre le mariage homosexuel mais en faveur d'une "union civile" conclue en mairie et de l'adoption simple. Si le document du MoDem reste flou sur le statut légal de l'union de deux personnes de même sexe, il demande d'assumer "la légalisation" de l'adoption pour les couples homosexuels. Souhaitant aller plus loin, un amendement présenté par l'association Centr'égaux suggère d'ouvrir "toutes les formes d'union aux couples homosexuels, y compris le mariage civil". Aux congressistes du MoDem de trancher.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 04/12/2009
(1) En ce qui concerne le taux de la tranche marginale de l'impôt sur le revenu, le programme législatif 2002 de l'UDF proposait de limiter "le poids de la fiscalité à 40% pour le taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu". Ce qui fut fait sous le gouvernement de Dominique de Villepin. Logiquement, le programme 2006 de l'UDF et le programme présidentiel de François Bayrou en 2007 prônaient donc le statu quo fiscal.
(2) Verbatim : "Dans un vaste pays comme la France, avec de nombreux territoires ruraux, la distribution du courrier ou les grandes infrastructures de transport en commun ne peuvent impunément être confiées à des opérateurs privés. C’est pourquoi la Poste, comme la SNCF, doivent rester de statut public (...) Certains secteurs font coexister gestions publique et privée comme dans la santé avec les hôpitaux publics et les cliniques. Il est regrettable que ces situations historiques anciennes soient présentées comme un modèle que l’on tend aujourd’hui à dupliquer dans de nombreux domaines : transport, courrier, accompagnement des chômeurs... Le risque est grand de favoriser des bénéfices abusifs en faveur du privé en laissant au secteur public ce qui n’est pas rentable. Quant à l’idée d’encourager la concurrence entre les opérateurs publics et privés, elle souligne l’incapacité du gouvernement et des gestionnaires à inventer d’autres modèles d’organisation efficace que celui de l’entreprise privée."
Ce texte mélange critique de l'ouverture du capital des opérateurs dits historiques ("privatisation") et critique de la libéralisation (fin des services publiques monopolistiques et mise en concurrence des opérateurs historiques avec des opérateurs privés). Le MoDem partage cette ambigüité avec le PS.
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02 décembre 2009
Hervé de Charette au secours du Nouveau centre
Le Nouveau centre ne veut pas le confirmer, mais c'est bien d'après moi l'UMP Hervé de Charette qui a accordé à Hervé Morin le droit d'utiliser la marque UDF.
Ce proche de Valéry Giscard d'Estaing est effectivement le seul à détenir aujourd'hui une marque UDF (1) déposée avant les marques détenues par la personne morale UDF (2).
Je n'ai en effet eu que ce matin l'information suivante de la part de l'INPI (la base que j'ai consultée hier n'était malheureusement pas mise à jour) : l'autre personne ayant déposé une marque UDF avant l'UDF (3), Steven Zunz, n'a pas renouvelé sa marque au 1er septembre 2009, date d'expiration du délai de grâce de six mois pour le renouvellement.
Quant à la quatrième personne détentrice d'une marque UDF, Marie-Christine Blin (ex-RPR, ex-DL, ex-UDF), elle n'a déposé sa marque qu'après la personne morale UDF (4).
Reste à savoir si le dépôt de la marque UDF par Hervé de Charette était ou non frauduleux, comme l'avancent les proches de François Bayrou. Une question que seuls les tribunaux pourraient trancher...
(1) "UNION POUR LA DEMOCRATIE FRANCAISE U.D.F", déposée en 2004 par la Fédération Nationale des Clubs Perspectives et Réalités, actuellement Convention démocrate - Fédération des clubs Perspectives et Réalités
(2) plusieurs dépôts entre 2006 et 2008 : "Nouvelle UDF", "UDF", "Union pour la Démocratie Française", "Parti démocrate - UDF", "UDF LE PARTI LIBRE"
(3) "UDF - ALLIANCE" en 1999
(4) "L'UDF L'UNION DES DEMOCRATES POUR LA FRANCE ET L'EUROPE" en 2008
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Hervé Morin veut reprendre à François Bayrou le sigle UDF
Le Nouveau centre entend franchir un pas supplémentaire dans sa volonté de s'inscrire dans l'héritage de l'UDF en effectuant, à l'occasion de son prochain conseil national, le 12 décembre, une "OPA" sur le sigle UDF. Depuis son université de septembre dernier, le parti présidé par Hervé Morin a déjà ajouté sous son logo la mention "l'UDF d'aujourd'hui". La bataille autour du nom du parti créé en 1978 par Valéry Giscard d'Estaing est double.
Politiquement, le Nouveau centre a bel et bien repris la place de l'UDF giscardienne, au centre droit de l'échiquier politique.
Juridiquement, en revanche, la question est plus complexe.
En tant que parti politique, l'UDF est devenue en décembre 2007 membre fondateur du MoDem, "auquel elle adhère pour une période transitoire de trois ans" durant laquelle "les intérêts juridiques, matériels, moraux, les idées et les valeurs de l'UDF seront garantis et administrés par un bureau de vingt à trente membres". En son sein, les centristes du MoDem sont toujours majoritaires face à une minorité se rattachant à la majorité présidentielle (Jean Arthuis, Michel Mercier, etc.). Au sein même de cette minorité, il n'y a quasiment aucun membre du Nouveau centre, puisque ses fondateurs avaient quitté l'UDF dès les législatives de mai 2007, c'est-à-dire plusieurs mois avant son dernier congrès. Ce n'est donc pas à travers cette instance qu'Hervé Morin pourra réaliser son "OPA" (1).
La situation juridique est d'autant plus complexe que l'UDF a fait l'objet d'une série de dépôts auprès de l'Institut national de la propriété industrielle.
L'ancien ministre Hervé de Charrette, ex-UDF aujourd'hui à l'UMP, est ainsi propriétaire, à travers la Convention démocrate - Fédération des clubs Perspectives et Réalités (2), de la marque "UNION POUR LA DEMOCRATIE FRANCAISE U.D.F.", déposée le 8 mars 2004.
La personne morale UDF est quant à elle propriétaire des marques "Nouvelle UDF" (depuis le 17 octobre 2008), "UDF" (4 mai 2007), "Union pour la Démocratie Française" (4 mai 2007), "Parti démocrate - UDF" (25 avril 2007) (3) et "UDF LE PARTI LIBRE" (1er février 2006).
Tandis qu'un particulier, Steven Zunz, a déposé la marque "UDF - ALLIANCE" (5 février 1999) (4). Steven Zunz n'est pas un inconnu du monde politique : ancien assistant parlementaire de Christian Estrosi, il a créé les cabinets de lobbying Perroquet Institutionnel Communication (Pic conseil) - avec les sarkozystes Frédéric Lefebvre et Stephan Denoyes - puis Domaines publics - avec Jean-Michel Arnaud (Causalis). (la marque n'a pas été renouvelée au 1er septembre 2009, date d'expiration du délai de grâce de six mois pour le renouvellement)
Sans vouloir donner aujourd'hui de nom, l'entourage d'Hervé Morin assure pouvoir utiliser la marque grâce à "un accord avec l'un des dépositaires de la marque UDF" (donc Steven Zunz ou Hervé de Charette). Côté Nouveau centre, on assure ainsi disposer par ce biais de "l'antériorité du dépôt de la marque".
Mais, côté MoDem, on avance le "caractère frauduleux du dépôt d'une marque déjà utilisée de façon constante".
Faute d'un improbable accord amiable entre les deux parties, ce sera aux tribunaux de trancher, à condition bien entendu que les proches de François Bayrou décident effectivement d'attaquer le Nouveau centre pour utilisation frauduleuse de la marque UDF. Quoi qu'il en soit, nul doute que le sujet sera abordé, la semaine prochaine, à l'occasion d'un petit-déjeuner entre le fondateur du Nouveau centre, Hervé Morin, et celui de l'UDF, Valéry Giscard d'Estaing.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 02/12/2009 (version mise à jour et un peu plus longue que celle publiée sur papier)
(1) L'article 4 des derniers statuts de l'UDF précise que "l'appartenance à l'UDF est exclusive de toute adhésion à une autre formation politique" et que "tout manquement à la présente disposition entraîne la radiation automatique". Hormis le MoDem, dont l'UDF est membre fondateur, il n'est donc pas juridiquement évident que ceux ayant adhéré à un autre parti politique (Alliance centriste de Jean Arthuis, Nouveau centre ou UMP) puissent encore siéger au bureau.
(2) Issue de la Fédération nationale des clubs Perspectives et Réalités, giscardienne, puis du Parti populaire pour la démocratie française (PPDF), composante de l'UDF jusqu'en 2002.
(3) François Bayrou a d'abord songé au nom Parti démocrate, avant d'opter pour Mouvement démocrate afin d'éviter le sigle PD (pédéraste).
(4) En juin 1998, le groupe UDF à l'Assemblée nationale était devenu le groupe UDF - Alliance, en référence à l'Alliance pour la France, créée le mois précédent par l'UDF (François Bayrou), le RPR (Philippe Séguin) et Democratie liberale (Alain Madelin).
08:30 | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | | Imprimer | |
01 décembre 2009
L'Assemblée nationale désignera les deux eurodéputés supplémentaires
La France a tranché ! Les deux parlementaires européens supplémentaires seront désignés parmi les députés. La Le premier ministre François Fillon a en effet demandé, hier, à Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, de procéder à cette élection "dans les plus brefs délais".
L'invitant, "pour éviter toute plémique inutile, à retenir des modalités permettant la désignation d'observateurs appartenant l'un à un groupe de la majorité, l'autre à un groupe de l'opposition".
10:08 | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | | Imprimer | |
30 novembre 2009
Quand la démocratie dérange...
Après Authueil (sur l'élection du président de la République au suffrage universel direct), c'est au tour de mon confrère Jean Quatremer (sur le référendum) d'attaquer la démocratie :
"Une nouvelle fois la démocratie directe fait la preuve de son extrême dangerosité. En laissant s’exprimer la peur de l'autre, le refus de la rationalité, l'intérêt immédiat, le référendum est décidément un instrument dangereux aux mains des démagogues de tous poils. On comprend mieux pourquoi plusieurs pays démocratiques l'ont tout simplement interdit."
Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà écrit ici : le principe de la démocratie c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. En démocratie, une décision légitime ne peut donc qu'émaner du peuple, directement (référendum) ou indirectement (via l'élection de représentants, au suffrage universel direct ou indirect).
Or, par définition, plus on s'éloigne du suffrage universel direct, plus on s'éloigne de l'idéal de la démocratie. Car en quoi le référendum serait-il davantage "un instrument dangereux aux mains des démagogues de tous poils" que l'élection ? Encore une fois, je vois poindre, depuis Bruxelles, la tentation du despotisme "éclairé"...
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Quatremer réagissait au référendum positif, d'initiative populaire, interdisant dans la constitution suisse la construction de minarets.
Plusieurs remarques, en vrac :
- je suis, paradoxalement en apparence, contre le droit d'initiative législative populaire, qui opère pour le coup un glissement entre la démocratie et la dictature de l'opinion/de l'émotion.
- il est halluciant de stigmatiser dans une constitution une religion en posant un interdit architectural : "La construction de minarets est interdite" (nouvel ajout à l'article 72 de la constitution suisse).
- il est tout aussi hallucinant de construire des mosquées (avec ou sans minaret, ce n'est pas le probème) dans un style étranger à un environnement architectural : la question n'est en effet pas de construire des lieux de culte pour l'Islam en France mais de construire des lieux de culte pour les Français de confession musulmane. Idem pour les bouddhistes ou tout autre culte.
10:37 | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook | | Imprimer | |