14 avril 2009
Questions sur le redécoupage électoral
1. Pourquoi redécouper les circonscriptions législatives ?
Le découpage actuel résulte de la loi du 24 novembre 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. Il repose sur les données du recensement général de 1982. Or les recensements généraux de 1990 et 1999 puis le recensement permanent ont mis en lumière des disparités de représentation incompatibles avec le principe d'égalité du suffrage.
La population des circonscriptions législatives :
- Val-d'Oise, 2e : 188 134 habitants
- Var, 6e : 180 368 habitants
- Haute-Garonne, 6e : 173 507 habitants
- Haute-Garonne, 5e : 169 516 habitants
- Seine-et-Marne, 8e : 169 119 habitants
...
- Hautes-Alpes, 2e : 52 783 habitants
- Lozère, 1re : 39 108 habitants
- Lozère, 2e : 34 400 habitants
- Wallis-et-Futuna : 14 967 habitants
- Saint-Pierre-et-Miquelon : 6 316 habitants
2. Quelles sont les règles du redécoupage électoral ?
- nombre de circonscriptions limité à 577 (nombre actuel)
- création de onze députés "représentant les Français établis hors de France" (contrairement à leurs collègues, ces derniers ne représenteront donc scandaleusement pas la nation dans son ensemble mais un territoire particulier)
- continuité territoriale au sein d'une même circonscription ("sauf exception justifiée par des raisons géographiques ou démographiques")
- toute commune dont la population est inférieure à 5 000 habitants ainsi que tout canton dont la population est inférieure à 40 000 habitants doit être compris dans une même circonscription (sauf à Paris, Marseille et Lyon)
- en aucun cas la population d'une circonscription ne peut s'écarter de plus de 20% de la population moyenne des circonscriptions du département ou de la collectivité d'outre-mer
3. Comment évaluer un redécoupage électoral ?
Une "opération politiquement blanche", comme le veut Alain Marleix, secrétaire d'État à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales, n'est pas forcément l'indicateur d'un bon redécoupage : la cohérence géographique et les évolutions démographiques peuvent très bien mathématiquement pénaliser davantage l'opposition que la majorité, ou l'inverse. Le "tripatouillage" consiste alors non pas au déséquilibre politique entre les circonscriptions créées, supprimées ou modifiées, mais, tout au contraire, à l'absence d'un tel déséquilibre !
Autant je me méfie par principe des autorités administratives indépendantes (car indépendantes du pouvoir politique, seule autorité légitime en démocratie), autant je pense que le découpage électoral devrait être confié à des géographes et des statisticiens et non à des politiques.
Histoire du redécoupage électoral en France (site de Frédéric Salmon) :
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10 avril 2009
Au sujet de l'agression dans le noctilien
C'est mardi dernier que j'ai eu connaissance sur Internet de la vidéo montrant l'agression dans le bus RATP de nuit. J'avais alors hésité à rédiger une note à ce sujet (je ne voyais pas très bien - outre un voyeurisme mal placé - ce que cette vidéo pouvait apporter). Vu les réactions que ces images ont suscitées mercredi et jeudi, j'ai certainement eu tort...
Voilà ce que je retiens principalement de cette affaire :
- il y a toujours de bonnes âmes angéliques pour nier la réalité de l'insécurité (les premiers débats sur Internet ont tourné autour de la réalité ou non de cette vidéo, ce qui est proprement hallucinant)
- il y a toujours de mauvaises âmes racialistes pour faire dire à la réalité ce qu'elle n'est pas (l'individu n'a absolument pas été agressé en raison de la couleur de sa peau mais parce qu'il tente - courageusement - de reprendre son téléphone portable volé*)
* il se fait certes ensuite traiter de "sale Français" (au passage : ce n'est pas une race et les agresseurs sont certainement de même nationalité que l'agressé, quoi qu'ils en disent), mais il ne s'agit absolument pas du motif de l'agression; ce qui est vrai, en revanche, c'est que dans le feu d'une altercation on peut impunément traiter quelqu'un de grand de "grand con", quelqu'un de petit de "petit connard" ou quelqu'un de couleur de peau blanche de "sale blanc", alors que le "sale noir" ou le "sale arabe" transforme contre toute logique immédiatement l'agression en agression raciste, même si son origine n'a en réalité absolument rien à voir avec du racisme
Ajout : le fait qu'il ne s'agisse pas d'une agression originellement raciste n'exclut pas qu'elle ait ensuite été, effectivement, accompagnée d'unjures racistes. Ces dernières doivent être santionnées en tant que telles, sans pour autant que le vol soit requalifié en agression raciste.
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08 avril 2009
Des interventions de Nicolas Sarkozy devront être prises en compte par le CSA
Le Conseil d'État a annulé, aujourd'hui, le refus de principe du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) de prendre en compte le temps de parole du président de la République et de ses collaborateurs (qui n'ont effectivement jamais été aussi médiatiquement présents que depuis l'élection de Nicolas Sarkozy).
Contrairement aux conclusions du rapporteur public, Catherine de Salins, le Conseil d'État n'argumente cependant pas autour de l'idée d'une pratique différente entre Nicolas Sarkozy et ses prédécesseurs à l'Élysée depuis 1958.
Voici ce que dit, dans sa décision, la haute juridiction administrative :
1. Rappel du principe : "En raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics et des missions qui lui sont conférées notamment par l’article 5 de la Constitution, le président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti". Conséquence de ce principe : "Son temps de parole dans les médias audiovisuels n'a pas à être pris en compte à ce titre".
2. Limite au principe : "Il n'en résulte pas pour autant, compte tenu du rôle qu'il assume depuis l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 dans la définition des orientations politiques de la Nation, que ses interventions et celles de ses collaborateurs puissent être regardées comme étrangères, par principe et sans aucune distinction selon leur contenu et leur contexte, au débat politique national et, par conséquent, à l'appréciation de l'équilibre à rechercher entre les courants d'opinion politiques". Conséquence de cette limite au principe : "Le CSA ne pouvait, sans méconnaître les normes de valeur constitutionnelle qui s'imposent à lui et la mission que lui a confiée le législateur, exclure toute forme de prise en compte de ces interventions dans l'appréciation du respect du pluralisme politique par les médias audiovisuels".
3. Enfin, le Conseil d'État renvoie au CSA pour déterminer lui-même les règles propres à assurer une présentation équilibrée de l'ensemble du débat politique national en prenant en compte certaines interventions du président de la République.
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07 avril 2009
Pour une réforme du mode de scrutin aux élections européennes !
Dans deux mois, le dimanche 7 juin, se dérouleront en France les élections européennes.
La tragicomédie qui a accompagné hier l'investiture des listes PS et qui accompagne aujourd'hui la formation des listes UMP (dont va pouvoir maintenant s'occuper le président de tous les Français, les sommets internationaux passés...) montrent, si besoin était, l'aberration du mode de scrutin issu de la réforme Raffarin-Sarkozy de 2003 (reprenant un projet Jospin-Chevènement).
Plus inquiétant, les parlementaires européens sont exposés à la même dérive que les députés nationaux : contrairement à ce qu'écrivent 99,99% de mes confrères, un député ne représente en effet pas son département (ni même sa circonscription législative), mais la nation dans son ensemble (je hurle lorsque dans mes articles, à la relecture, est accolé un nom de département au mot "député" : "député des Hauts-de-Seine", par exemple).
La problématique est exactement la même pour les eurodéputés. Ils ne représentent pas au Parlement Européen leur région ou leur circonscription européenne, mais la France toute entière. Exemple typique de cette dérive, le site de campagne de Michel Barnier, tête de liste UMP, qui expose son "projet européen pour l'Île de France". On aura vraiment tout vu !
Il faudrait donc, selon moi, impérativement revenir aux listes nationales, seules à mêmes de faire élire des représentants de la France au Parlement Européen (je déjeunais d'ailleurs aujourd'hui avec un ministre en fonction, carrément favorable, lui, à un retour à l'élection du Parlement Européen au scrutin indirect...).
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06 avril 2009
Le temps de parole de Nicolas Sarkozy pourrait être pris en compte par le CSA
Le Conseil d'État est en passe d'entériner la Ve République "bis", conséquence du quinquennat et de la pratique présidentialiste de Nicolas Sarkozy. Le rapporteur public (ex-commissaire du gouvernement) a en effet recommandé à la haute juridiction administrative d'annuler le refus de principe du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) de prendre en compte le temps de parole audiovisuelle du président de la République.
Le CSA veille notamment au respect du pluralisme politique en s'appuyant sur la règle dite des trois tiers : un tiers de temps de parole pour le gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire et un tiers pour l'opposition parlementaire. L'expression du président de la République n'est toutefois pas prise en compte dans ce calcul.
"En raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti", avait justifié, en 2005, le Conseil d'État. Cette jurisprudence renvoie à la conception gaulliste du président de la République, "l'Homme de la nation" incarnant "au-dessus des partis" l'existence d'un "arbitrage national".
Or Catherine de Salins, rapporteur public, a estimé, vendredi, devant l'assemblée du contentieux du Conseil d'État, que Nicolas Sarkozy "n'est pas un arbitre, mais un capitaine" (référence au titre d'un ouvrage publié en 1987 par le conseiller d'État Jean Massot). Dorénavant, donc, "la parole du président de la République doit être prise en compte pour le respect du pluralisme politique" puisque "cette conception de son rôle a eu pour conséquence de faire remonter à l'Élysée la gestion des affaires courantes".
Candidat, Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs lui-même affirmé qu'à ses yeux "le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu". Élu à la présidence de la République, il a effectivement continué à participer épisodiquement aux instances de son parti, l'UMP.
Si le Conseil d'État, qui doit rendre sa décision d'ici une quinzaine de jours, suit les recommandations du rapporteur public, ce qui est généralement le cas, il s'agirait d'une petite victoire pour l'opposition, la haute juridiction administrative ayant été saisie par François Hollande lorsqu'il était premier secrétaire du PS.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 06/04/2009
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