Pour une réforme du mode de scrutin aux élections européennes ! (07 avril 2009)
Dans deux mois, le dimanche 7 juin, se dérouleront en France les élections européennes.
La tragicomédie qui a accompagné hier l'investiture des listes PS et qui accompagne aujourd'hui la formation des listes UMP (dont va pouvoir maintenant s'occuper le président de tous les Français, les sommets internationaux passés...) montrent, si besoin était, l'aberration du mode de scrutin issu de la réforme Raffarin-Sarkozy de 2003 (reprenant un projet Jospin-Chevènement).
Plus inquiétant, les parlementaires européens sont exposés à la même dérive que les députés nationaux : contrairement à ce qu'écrivent 99,99% de mes confrères, un député ne représente en effet pas son département (ni même sa circonscription législative), mais la nation dans son ensemble (je hurle lorsque dans mes articles, à la relecture, est accolé un nom de département au mot "député" : "député des Hauts-de-Seine", par exemple).
La problématique est exactement la même pour les eurodéputés. Ils ne représentent pas au Parlement Européen leur région ou leur circonscription européenne, mais la France toute entière. Exemple typique de cette dérive, le site de campagne de Michel Barnier, tête de liste UMP, qui expose son "projet européen pour l'Île de France". On aura vraiment tout vu !
Il faudrait donc, selon moi, impérativement revenir aux listes nationales, seules à mêmes de faire élire des représentants de la France au Parlement Européen (je déjeunais d'ailleurs aujourd'hui avec un ministre en fonction, carrément favorable, lui, à un retour à l'élection du Parlement Européen au scrutin indirect...).
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Commentaires
Je suis on ne peut plus d'accord avec vous.
Les esprits chagrins prétendront que c'est là ouvrir une porte aux extrêmes, ce à quoi je réponds : et alors ? Même si on a une vingtaine d'élus sur 73 issus des extrêmes (situation bien peu probable, vus les sondages), ils n'auront que deux choix, une fois au parlement : soit la politique de la chaise vide pour ne pas cautionner la politique européenne, soit l'intégration de "l'arc républicain" en s'organisant avec d'autres formations européennes de même sensibilité.
En tous les cas, et même si les extrêmes étaient susceptibles d'obtenir une majorité, que ce soit l'extrême-droite ou l'extrême-gauche, l'argumentaire basé sur cet épouvantail qu'on nous agite depuis 1986 pour empêcher toute idée de proportionnelle (partielle ou intégrale) au parlement national et/ou européen ne peut être suffisant pour le maintien envers et contre tout de ces circonscriptions aberrantes.
Seulement, depuis la troisième république et Jules Grévy, les mentalités n'ont pas changé : le peuple est profondément sot, il faut une élite qui le guide et, si besoin est (et durant la IIIème République, apparemment, besoin était) décider à sa place, en tous cas tout faire pour pondérer son ultime acte de souveraineté : le vote. C'est, pour aller dans la caricature, la bonne vieille doxa du "je vous laisse dire ce que vous voulez tant que vous dites ce que je veux", ou bien ce qui est acceptable.
Quant à ce ministre qui voudrait un scrutin indirect... Déjà que l'abstention aux européennes bat des records en France, mais si en plus on retire le vote au peuple, alors là, il ne faudra pas s'étonner s'ils sont de plus en plus nombreux ceux qui ne se sentent pas représentés par les politiques de la majorité comme de l'opposition. C'est là un jeu dangereux.
Je suppose que l'obtention du nom du ministre en question est hors de question ?
Écrit par : Brath-z | 08 avril 2009
Contrairement à certains raisonnements tordus, je considère qu'un mode de scrutin doit être adapté à un type d'élection et non s'adapter à un contexte politique particulier. Si le mode de scrutin en vigueur est le plus adapté à l'élection (et non à la situation), peu importe que les extrêmes soient ou non représentés à un moment donné dans telle ou telle assemblée parlementaire.
Au sujet de votre dernière question : supposition exacte :)
(N.B.: nous élirons 72 et non 73 parlementaires européens)
Écrit par : Laurent de Boissieu | 08 avril 2009
Ce type de choix repose sur une stratégie politique, selon moi. Parler de la prédominance d'un courant idéologique, extrémiste ou non, est un discours léger. Mais défendre également la mise en place d'une nouvelle configuration pour le parlement européen peut aussi être considéré comme une démarche légère si l'on ne se penche pas, un temps, sur ce qui est attendu en finalité. En l'occurrence, les conséquences de cette configuration politique et le discours journalistique appuient naturellement le remplacement progressif de l'État français (institution et concept confondu) par l'idée de Nation française dans un État européen.
Si quelque chose peut me choquer, sur ce type de question, ce n'est pas la configuration actuelle. Ou bien les propos tenus par d'autres journalistes sur la position géographique des députés en exercice. Ce qui me parait extraordinaire et choquant, donc, c'est de nous laisser croire que les institutions centralisées de Paris ont encore une quelconque légitimité. Non seulement, l'ensemble des décisions centralisées et utiles à la Nation ne relève plus de Paris, mais de l'Europe elle même, mais en plus le Gouvernement et le Parlement raisonne en termes "parisiens". On ne se retrouve pas ici dans une approche nationale ! Le propos politique le plus concevable et le plus cohérent, à mon humble avis, est de manifester la volonté d'instaurer des Parlements régionaux sous la coordination de l'État européen. Ainsi, il y aurait en effet une relation stable et essentielle au sein de l'Europe.
A l'heure actuelle, la confusion qu'opère la présence de deux "directions" se caractérise par le désintérêt croissant de la population pour la politique. On ne peut pas continuellement dire au peuple "C'est Paris qui dirige le pays" et le jour d'après "Désolé, non, ce sont les directives européennes". La constitution de 1958 fut ouverte au remplacement progressif des institutions et de la centralisation gouvernementale française pour qu'apparaisse une démocratisation véritable des pouvoirs. La France met toutefois du temps à comprendre ce monde dans lequel elle vit et auquel elle contribue, par ses coups de sang créatifs ou par sa mollesse, à construire dans la douleur. Car oui, tant qu'il y aura une résistance idéologique sur fond de nationalisme inavoué, les choses ne pourront pas se stabiliser correctement.
La situation politique, tout comme la situation mondiale, est complexe. Cette complexité a besoin d'être expliquée. Et surtout le transfert des pouvoirs régaliens vers l'État Européen sont des moteurs indispensables à l'établissement d'une sureté et d'une cohérence mondiale. Mais cela n'est pas de l'avis de l'ensemble d'une classe politique se détachant progressivement de son peuple. Ceci dit, on peut remarquer qu'elle est consciente de ce transfert, mais qu'elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour le ralentir. Et pour ralentir l'autonomie des régions. Aussi, M. de Boissieu, je souhaiterais comprendre un peu mieux votre opinion sur ces réalités ? Êtes vous pour la construction véritable de cet État européen dont nous avons tellement besoin ou contre ? Véhiculez vous un message de cohérence et de cohésion ou bien un propos inquiet nimbé de nationalisme ?
Je vous le demande en toute honnêteté, car je ne comprends pas très bien votre point de vue.
Écrit par : Mysanthropian | 08 avril 2009
Bonjour,
Mon point de vue est simple : pour envoyer des représentants de la France au Parlement Européen (titre officiel des parlementaires européens, faut-il le rappeler ?), le meilleur mode de scrutin est une liste nationale.
On peut vouloir une autre logique, mais dans la logique actuelle (qui est aussi la mienne) le mode de scrutin n'est pas approprié. Vous semblez suggérer que ce mode de scrutin décalé par rapport à la logique serait un moyen de faire doucement cheminer les Français vers une autre logique (la votre), étrangère à l'identité constitutionnelle de la France. Voilà qui serait à mes yeux un déni de démocratie, symbole d'un nouveau despotisme plus ou moins éclairé...
Écrit par : Laurent de Boissieu | 08 avril 2009
Monsieur de Boissieu, il n'est pas du tout question d'un déni de démocratie. C'est justement la configuration actuelle qui conduit à cette atteinte à la démocratie.
L'ensemble des États européens sont en mesure de se réunir et de réglementer par un ensemble d'accords nombre des questions politiques qui intéressent les citoyens européens. Or l'État français s'arroge le droit de contredire certains de ses écrits constitutionnels en appliquant, par exemple, une loi alors même que le Droit européen, qui prime sur la puissance du Droit français, s'y oppose. La Constitution de 1958 est configurée dans ce sens, elle affirme de la sorte que si la Loi française ou même sa Constitution sont en opposition avec le Droit européen, c'est la Constitution française et le Droit français qui doivent être modifiés. Aussi, cette forme juridique a pour but d'encourager la concertation et la recherche du consensus entre tous les acteurs politiques européens : la diplomatie est au cœur de la démocratie.
Par conséquent, qualifier mes propos de déni de démocratie et de despotisme éclairé est injurieux. Laissez moi vous dire que c'est une désagréable surprise pour moi d'être ainsi qualifié par un homme disposé à parler de politique à Science Po.
La logique actuelle, comme vous l'appelez, est élaborée sur une incohérence : taire les règles normatives au profit d'une bonne "parole" qui vient d'en haut (Gouvernement et Parlement). C'est plutôt cela qu'il faudrait nommer despotisme. Le mode d'élection en place qui correspond aux régions est très cohérent en soi, et malgré la lourdeur bureaucratique de l'administration européenne, on peut au moins lui reconnaitre cette qualité de fonctionnement. Le problème ne vient pas de l'Europe mais de la France, elle même. C'est un problème juridique et surtout de méconnaissance juridique. Ce qui fait que ce problème devient politique puisque vous faites la démonstration que le citoyen français ignore tout de son Droit, ce qui brise la démocratie dans ses fondamentaux.
J'affirme, et navré que cela vous déplaise, que le mode actuel est particulièrement adapté et cohérent. Parce qu'il correspond à ce que l'Europe souhaite être et à sa philosophie démocratique, pacifiste et libérale. Affirmer que les représentants de la France doivent être élus sur la base d'une liste nationale c'est ramener notre pays à près de 50 ans en arrière. L'identité constitutionnelle de la France n'en souffrira pas car la Constitution elle même est développée dans cet esprit d'ouverture. D'ailleurs, c'est bien cette ouverture qui a permis à la Vème République d'exister aussi longtemps avec autant de stabilité, contrairement aux précédentes.
Écrit par : Mysanthropian | 08 avril 2009
Monsieur Mysanthropian,
Peut-être me suis-je mal exprimé, mais vous n'avez pas bien compris mes propos...
Le déni de démocratie que je dénonce n'est absolument pas dans vos propos, puisque, au contraire, vous souhaitez conserver un mode de scrutin effectivement conforme à la logique que vous défendez.
Non, le déni de démocratie est dans les propos de ceux qui ont instauré le mode de scrutin actuel sans assumer publiquement la logique qui le sous-tend.
La question de fond étant : qui représentent les parlementaires européens ? Les États-nations ? Les "régions et peuples" d'Europe ? Un "peuple européen" ? De la réponse découle logiquement le mode de scrutin.
Je respecte toujours infiniment ceux qui ne pensent pas comme moi. Mais je méprise profondément les "despotes éclairés" qui avancent masqués (encore une fois, afin que les choses soient claires : ce n'est en effet pas votre cas).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 08 avril 2009
Mysanthropian, sans qualifier votre position de déni de démocratie (chacun est, pour l'un ou l'autre, dans le déni de démocratie, alors bon...), je maintiens que le mode de scrutin actuel est tout simplement aberrant en ce sens qu'il "morcelle" le territoire national en régions qui n'ont d'existence qu'administrative.
Sans partir dans le délire sur la destruction programmée de la nation par les élites libéral-libertaire que j'ai pu lire dans quelques lieux, je rappelle néanmoins qu'une telle découpe, opérée à des fins politiques pour "pondérer" le vote, contribue néanmoins à, au moins psychologiquement, ne pas maintenir la France en "un bloc" dans l'Union Européenne, comme l'a souligné M. de Boissieu quand il a mentionné les épithètes régionalistes et/ou départementalistes accolées aux députés (qu'ils soient européens ou nationaux).
Peut-être l'Europe veut-elle à la longue "dissoudre" l'unité des nations la composant en régionalismes plus ou moins étendus en ne maintenant des anciennes identités nationales que les seuls aspects culturels et linguistiques, et peut-être serait-ce là un bien (je ne suis pas devin, je préfère ne pas faire étalage de mes convictions dans ce domaine), mais si c'est le cas, la moindre des choses serait de demander leur accord aux peuples des nations qui la composent, non ?
A ma connaissance, c'est la France toute entière qui est membre de l'Union Européenne, pas l'Île de France, le Nord, les DOM, etc.
Voila pourquoi je partage l'opinion de M. de Boissieu.
Ceci-dit, c'est la première fois que je vois un défenseur du vote par entités administratives user d'un autre argument que celui de la représentation des extrêmes. C'est une bouffée d'air frais, tout de même.
Écrit par : Brath-z | 08 avril 2009
Brath-z, à dire vrai je ne défends rien du tout. Mon avis dépend seulement de ce qu'il m'est donné de voir au quotidien dans ma ville, dans les villes voisines et régions avoisinantes, dans la presse ou sur internet. Ce qui en ressort c'est que le mouvement vers cette destruction de l'État administratif est bien en marche, et non pas sur simple décision politique mais du fait de l'usage quotidien des citoyens. En effet, on a longtemps érigé le "communautarisme" comme une forme malveillante d'opposition à l'intégration et à l'unité nationale. Or, si l'on quitte un temps les préjugés diffusés à tort au travers de certaines idéologies et que l'on se tourne vers les banlieues par exemple, tous sont conscients des déviances que peuvent entrainer le rejet social et cherchent une chance de faire quelque chose de constructif de leur vie.
Selon moi, le communautarisme n'est pas un mal dès lors où il s'intègre dans un plan politique de collaboration pacifique et libérale. Ce que l'Europe permet de faire grâce à son histoire et aux multiples identités culturelles et linguistiques se trouvant dans chaque pays. C'est pourquoi j'insiste bien sur la destruction de l'État français au profit de la Nation française. En fait, je ne suis pas un partisan de l'idée qui considère l'orchestration européenne dans le processus de destruction de l'État. Je crois au contraire que l'État a perdu de lui même sa légitimité aux yeux de la population. Or un État sans peuple n'a aucun sens juridique, politique, économique ou social.
Si nous nous intéressons aux régions, elles souffrent et manifestent souvent une certaine colère vis à vis de la Capitale. Nous connaissons tous ces expressions malheureusement insultantes à l'égard des parisiens, ce comportement est l'expression d'un refus de la puissance politique centralisée. Le morcellement n'est donc peut être pas un mal, le seul malheur qu'il pourrait entrainer est un problème d'orgueil. Mais cela relève plus de l'impulsivité que de la raison, alors je ne préfère pas m'étaler sur cette question qui reste au fond très individuelle.
Si l'accord n'est pas écrit et voté, on peut au moins en déduire qu'il est tacite. Le morcellement du territoire est déjà amorcé, selon mes observations et mes réflexions personnelles, qui n'engagent que moi bien entendu, je pense qu'officialiser cette situation est ce qu'il y a de plus sain et raisonnable. Personnellement je redoute la frustration croissante qui pourrait découler d'un manque de calcul politique cherchant à imposer le maintien d'un ordre ancien et mourant au sacrifice de la paix sur nos terres.
Monsieur de Boissieu, selon moi nous observons en fait l'émergence d'un ensemble de communautés régionales disposant d'organes administratifs constitués sur le modèle du pouvoir centralisé et plus ou moins concentré à la française. Et si mes déductions sont bonnes, c'est ce vers quoi l'Europe tend par sa configuration politique et les usages qui encadrent ses pouvoirs politiques : la recherche du consensus. En vérité, si j'ai un propos à tenir contre l'Europe sur le plan du vote ou de la représentation, c'est que le Parlement européen ne dispose pas de prérogatives suffisantes pour modérer l'implication du Système européen dans les politiques nationales et certainement bientôt pleinement régionales. Par moment, il arrive que nous assistions à certaines incohérences stratégiques de fond. Afin de les corriger, il me semble indispensable de préserver la diversité des opinions suivant les usages, coutumes et mentalités des multiples régions du continent. Voilà pourquoi je continue de penser que le vote actuel reste le meilleur choix. Et pourquoi j'insistais lors de ma première intervention sur une stratégie politique. En considérant bien entendu que le processus amorcé ne peut qu'être retardé, mais je doute qu'il puisse être annihilé.
Écrit par : Mysanthropian | 08 avril 2009
Pour moi la seule circonsrition électorale valable, pour l'instant, c'est la France, parce qu'elle représente une population suffisammetn nombreuse pour que les différentes sensibilités politiques soient présentes au Parlemetn Européen. Encore faudrait-il qu'elles s'en donnent la peine réellement, c'est à dire qu'elle fassent campagne sur la politique euroépenne qu'elles entendent défendre et non pas sur des enjeux nationaus, comme aujourd'hui.
(Quand au nom du minsitre je propose Laurent Wauquiez)
Écrit par : Timéo Danaos | 08 avril 2009
Timéo, la question que j'aurais à poser dans ce cas est très simple : Qu'est ce que la France sinon une multiplicité d'identités qui s'unissent autour d'une pensée simple et à forte valeur (le respect de la Terre française et de ses idéaux, car n'oublions pas que la France est l'eldorado de l'Orient) et une pluralité de vie et d'interprétation toute plus enrichissante les unes que les autres ? On ne peut entendre les courants naissant si on ne les laisse pas s'exprimer, comme l'enfant à qui on impose le silence et qui rentrera en réaction ou suivra le chemin de ses prédécesseurs. Je préfère écouter ce que ces gens ont à dire pour ma part... je trouve cela très enrichissant.
Écrit par : Mysanthropian | 08 avril 2009
Les députés français représentant toute la France, pourquoi les députés européens ne représenteraient-ils pas toute l'Europe (et non pas la France) à Strasbourg?
Écrit par : Benoit Willot | 09 avril 2009
Tout simplement parce qu'en l'état actuel des choses (qu'on s'en désole ou qu'en s'en félicite, inutile de faire comme si c'était le cas) il n'y a ni peuple européen ni État européen.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 10 avril 2009
Il n'y a ni peuple européen ni État européen dans la conception juridique de notre droit écrit et romain. Pourtant, il y a des institutions, un mode de fonctionnement et un droit européen à proprement parlé. Donc il y a bien un État de fait. Même si celui ci n'est pas achevé, il existe pourtant.
Bruxelles est organisée comme une capitale, et c'est une chose qu'on évite trop souvent de dire et d'écrire, c'est en effet la capitale d'une Europe qui se cherche. Tout en étant, par la même occasion, la ville qui accueille l'OTAN.
L'administration des institutions européennes reposent sur l'idée du consensus, c'est à dire qu'il est question d'un carrefour d'idées, de sensibilités, d'histoires et de cultures. A l'image du peuple européen qui existe de fait, et se cherche une existence juridique. Autrement dit, qui cherche à construire sa Constitution sur le modèle du Droit romain.
C'est un drame de considérer qu'une chose n'existe que dès lors où elle est écrite. C'est pour cela que l'aspect "coutumier" du droit anglo-saxon est en lui même intéressant, car ce type de droit évolue dans le temps. Et il existe parfaitement.
Écrit par : Mysanthropian | 10 avril 2009
Mysanthropian,
Je vais vous contredire : je n'ai pas l'impression qu'il y ai "en fait" un état européen. Il y a une structure administrative lourde (que certains d'ailleurs comparent à la bureaucratie de l'URSS de Brejnev, c'est dire la désillusion !) qui est censée assurer le fonctionnement de l'Union Européenne (ce qu'elle fait), représenter son peuple (ce qu'elle ne fait qu'en apparence, de mon point de vue) et incarner une volonté politique à la hauteur de l'importance de l'Union (ce qu'elle ne fait pas).
Pour moi, définitivement, s'il y a des instances supranationales chargée de la "gestion" des affaires européennes, elles ne forment pas le moins du monde un état dans les faits.
Écrit par : Brath-z | 14 avril 2009
Brath-z,
C'est en quelque sorte renier toute réflexion politique autour du concept même de l'État européen. Lorsque l'on aborde la question européenne on aborde pas une question nationale par conséquent les systèmes qui régissent l'organisation du modèle européen n'ont absolument aucun trait, de près ou de loin, avec les notions juridiques employés en politique nationale.
L'Europe ne se compose pas d'un peuple, mais d'un ensemble de peuples. Par conséquent, le consensus entre différentes cultures, langues, concepts politiques, sociaux, économiques et religieux, est la clé de voute de l'ensemble. Qu'est ce qu'il y a de si complexe à comprendre là dedans ?
Dans le système juridique français, le droit français est adapté pour accueillir le Droit européen. Et pour le nourrir également. Par conséquent, il existe bien un Droit européen qui ne répond pas à la conception très égocentrique de notre droit romain, mais qui s'en nourris et s'en inspire. S'il y a un débat à tenir, selon moi, celui ci doit plutôt de pencher sur la recherche de compréhension et de définition de ce droit européen.
Chercher à faire entrer celui ci dans un moule pré-existant relève de l'inconscience. Renier l'existence de l'État européen en le taxant d'institution soviétique témoigne par contre d'une forte carence d'instruction sur la question européenne. Je vous invite donc à analyser ce qu'est l'Europe avant de verrouiller ainsi le débat.
Écrit par : Mysanthropian | 14 avril 2009
Ce débat est un débat passionnant.
Le fait est - que l'on considère que ce soit une bonne ou une mauvaise chose - que la conception française de l'État-nation unitaire, c'est-à-dire l'identité constitutionnelle française, est difficilement compatible avec la construction d'un ensemble supranational (les États fédéraux ou véritablement décentralisés n'ayant pas ce choc culturel). Car, comme le souligne fort justement Mysanthropian, un État européen pourra difficilement être le copié-collé à léchelon européen de l'État-nation unitaire français. Ce qui explique la double nature des opposants à l'actuelle construction européenne : opposition souverainiste (refus par principe de toute supranationalité) et opposition républicaniste (refus de toute supranationalité remettant en cause l'État-nation unitaire).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 14 avril 2009
Tout à fait Laurent (si je peux me permettre cette familiarité).
Ce qui porte souvent sur mes lèvres un certain sourire amusé c'est que cette opposition en elle même permet à l'Europe de se construire et de se maintenir dans le consensus. Peut être que les institutions européennes devraient être corrigées, mais peut être aussi que les institutions françaises devraient l'être. Après tout, on n'atteint pas la perfection du premier coup.
Dans mon esprit, plus la diversité est présente en Europe, plus nous maintenons cette idée du consensus, et par conséquent nous servons les nobles idées de démocratie et république. La reconnaissance souveraine de chaque identité est alors totale. A mon sens, le système français ne pourra jamais être détruit par un tiers acteur politique, bien qu'on essaie de le faire croire, mais ce qui peut être fait c'est de permettre en France que chaque région puisse s'exprimer plus librement. Le paradoxe de la centralisation républicaine et du système des partis, qui sont de plus en plus mis à mal par les évolutions sociales, c'est une mise en danger des notions démocratiques qui impliquent, inévitablement, le respect de la pluralité des identités.
Et j'en reviens, une fois encore, vers cette idée des parlements régionaux impliquant, de façon inhérente, une transformation de la mission du président de la République. La logique voudrait que l'exécutif n'est plus en charge que des missions purement régalienne et administrative favorisant en fait une production normative tiers-européenne, tiers-nationale, tiers-régionales. Seulement, une réelle éducation politiques des masses et des élites seraient nécessaires...
Mais qu'importe au fond, Rome ne s'est pas construite en un jour.
Écrit par : Mysanthropian | 14 avril 2009
Le problème est que nous ne pouvons pas nous empêcher de raisonner "français". C'est ce qui nous bloque et ce que nous reprochent bon nombre d'autres européens. Quand nosu penson "Etat" nous penson état jacobin centralisateur. Quand les allemends pensent "Etat", ils pensent état fédéral fortement décentralisé. Nous souffrons d'un état trop dirigiste, trop rtechnocrate et trop inefficace. Nous ne voulosn pas reproduire la même chose en Europe. Sortons donc de nos vieux modèles. Un état fédéral européen à l'allemande serait d'une tout autre nature. La conception de Mysanthopian est très proche de celle des Verts, semble-til : l'Europe des Régions, avec des régions transnationales qui pourraietn être le pays basque, la Catalogne la Wallonie (incluant le Nord Pas de Calais). Nosu sommes dans une construction?. Il ne sert à rien de dire : ça n'existe pas parce que ça n'a jamais existé. L'Europe que nous construisons n'a jamais esisté, par défintion. Pour la premirèe fosi, un continent opère des regoupements d'états sans passer par la guerre. Mais à mon avis, ce qui manque le plus à l'Europe, c'est la politique. Non, on n'y fait pas que de l'administratif. La politique qui se fait à Bruxelles est basée sur la concertation entre le Parlement et la Commission. Mais comme les députés ne sont pas élus sur un programme mais sur des enjeux locaux, en réalité ils travauillent sans feuille de route.
Écrit par : Timéo Danaos | 14 avril 2009
Proche des Verts ?? Ah bon, les Verts sont libéraux maintenant ? Le manque de plan politique cohérent, Timéo, est tout à fait en adéquation avec le manque d'instruction politique des masses.
J'aurais une question pour Laurent de Boissieu, vous enseignez à Science-Po, si je comprends bien, comment la question européenne est elle traité ?
Pour ma part, mes cours de science politique en faculté de Droit m'ont surtout amené à constater que nombre de mes Maitres de conférences avaient du mal à comprendre ce qu'était l'Europe. Aussi, dans une école ou l'axe principal est la politique, je serais curieux de connaitre un peu les grandes lignes de l'enseignement.
Écrit par : Mysanthropian | 14 avril 2009
@Mysanthropian. Non, je n'enseigne absolument pas à Sciences Po (mais j'ai travaillé avec Pascal Perrineau et j'ai participé à des ouvrages du Centre de Recherches Politiques de Sciences Po).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 14 avril 2009
@Timéo Danaos. Les mots sont effectivement piégés. Fédéralisme signifie superposition de deux ordres étatiques (les États fédérés, l'État fédéral). Alors que dans l'esprit des Français fédéralisme signifie disparition de l'État français (qui serait en réalité fédéré et non supprimé). Cela dit, il n'empêche que le fédéralisme (ou toute autre forme de supranationalisme) remet en cause la conception française (c'est-à-dire républicaniste ou jacobine) de l'État. Après, à chacun en fonction de ses convictions de s'en féliciter ou de s'en désoler.
Un exemple. Les souverainistes québécois et français ne se situent pas dans la même perspective face à la question du fédéralisme :
- pour les souverainistes québécois, un fédéralisme canadien signifierait la reconnaissance d'un État québécois, avec le transfert de certaines compétences du Canada, État fédéral, vers le Québec, État fédéré.
- pour les souverainistes français, le fédéralisme européen signifierait une perte de souveraineté à travers le transfert de certaines compétences de la France, État fédéré, vers l'Union européenne, État fédéral.
http://www.wikipolitique.fr/Souverainisme
La conception de Mysanthropian sur ce point semble effectivement proche de celle des Verts, mais les Verts n'en ont pas le monopole (cf. par exemple le penseur libéral Denis de Rougemont).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 14 avril 2009
Sur la question de la souveraineté de la France et de l'Europe, mon rêve serait la création d'une entité nationale européenne. Seulement cela soulève bien des problèmes : comment créer une nation quand on a pas même d'unité linguistique ? quel serait le régime d'une telle nation ? quid des pays hors de la zone euro ?
Et je ne parle pas des différentes manières d'envisager l'état-nation en Europe (la construction d'une nation européenne aurait peut-être été possible durant les décennies 1850-1870, quand la "politique des nationalités" avait le vent en poupe) qui diffère énormément d'un état à l'autre.
En tous les cas, je pense que toute évolution de l'Union Européenne, que ce soit vers un fédéralisme, un nationalisme européen ou autre devrait passer par la voie référendaire, et pas qu'en France mais dans les 27 pays membres.
Plutôt que d'adopter des traités qui ne sont qu'autant de demi-constitutions, pourquoi ne pas essayer de négocier à 27 sur un texte à valeur constitutionnel, mais minimaliste, façon constitution états-unienne ? Après tout, quitte à créer des "États-Unis d'Europe" reposant sur du fédéralisme, autant prendre modèle sur le système fédéral le plus stable.
Mais même dans ce cas, le problème demeure : quid des souverainetés nationales des pays membres ? Les monarchies de l'Union devraient-elles être abolies pour laisser place à un système de "gouverneurs" élus pour chaque état membre ? De même, les statuts des présidents devraient-ils être modifiés dans leur nature même pour établir un véritable fédéralisme ?
Ou alors, partir dans la voie inverse et former une simple union de pays, tous souverains et sans empiètement du droit européen sur les droits nationaux, mais partenaires (je me trompe peut-être, mais il me semble que c'est là aussi une voie inédite) ?
Si seulement le débat se posait déjà au niveau des instances dirigeantes de l'Europe, peut-être certains points flous pourraient-ils s'éclaircir. Ça serait un progrès.
En tous cas, une chose à laquelle je tiens, c'est l'onction populaire pour toute atteinte à la souveraineté des pays membres.
Écrit par : Brath-z | 14 avril 2009
Brath-z,
Ce débat que vous tenez, est un faux-débat. Il s'agit des questions que se posent la majorité des citoyens lorsqu'ils entendent parler pour la première fois de l'Europe. Autrement dit, je vous invite une nouvelle fois à étudier les institutions et le fonctionnement de l'Union Européenne.
Votre vision est liée à la conceptualisation franco-française de l'État et aux grandes erreurs de la culture de l'écrit. Les choses peuvent exister sans qu'elles soient écrites. C'est le rôle même de la recherche.
Plutôt que de forcer l'Europe a entrer dans un moule idéologique, il est important de chercher à comprendre les idées qui vous anime pour ensuite qu'elles vous permettent de travailler avec les européens d'autres cultures et sensibilités politiques. Un peu d'ouverture d'esprit et de reconnaissance des différences seraient les bienvenues en matière de question européenne.
La souveraineté des pays membres est déjà grandement transformée à cause de la déconcentration des pouvoirs. Maintenant il serait bon que la décentralisation se concrétise une bonne fois pour toute au profit des régions et de la collaboration. C'est un mouvement amorcé grâce à l'estime que les citoyens ont des valeurs démocratiques et des idées de liberté. Si on parle de souveraineté ou de centralisation, si on confond État et Nation, alors on aborde une forme de despotisme à la française.
Ce dont souffre justement notre pays, la France, c'est de ce manque d'instruction concernant le reste du monde. D'ailleurs, le reste du monde ne s'y trompe pas et les français sont souvent critiqués. Il y a bien des raisons autre que la jalousie, à cela. Pour ma part, lorsque je reçois une critique, je l'écoute attentivement et cherche à comprendre ce que j'ai pu commettre comme erreur, et ensuite je me mets à la place de mon interlocuteur pour comprendre ce qu'il a jugé si négatif dans mon attitude. Il me semble pourtant que la France n'a globalement pas dans ses habitudes de procéder de cette manière.
Écrit par : Mysanthropian | 15 avril 2009