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30 janvier 2016

Déchéance de la nationalité: avant et après

Comparaison du régime de la déchéance de la nationalité avant et après - si elle est adoptée - la révision constitutionnelle de François Hollande et Manuel Valls:

 

1. Régime actuel:

Article 25 du Code civil
L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride:
1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme;
2° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal [atteintes à l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique, NDLR];
3° S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national;
4° S'il s'est livré au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
Article 25-1 du Code civil
La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.
Elle ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits.
Si les faits reprochés à l'intéressé sont visés au 1° de l'article 25, les délais mentionnés aux deux alinéas précédents sont portés à quinze ans.

 

2. Avant-projet de réforme Hollande/Valls:

Article 34 de la Constitution
La loi fixe les règles concernant ...la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation;

Article 25 du Code civil
Toute personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est définitivement condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation dans les conditions prévues à l'article 131-18-1 du code pénal.

Nouvel article 131-18-1 du Code pénal
I. La peine complémentaire de déchéance de nationalité ou des droits attachés à la nationalité est encourue pour:
1° Les crimes d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus par les articles 411-2 à 411-4, 412-1, 412-2, 412-7 et 412-8;
2° Les crimes constituant des actes de terrorisme;
3° Les délits constituant des actes de terrorisme punis d'au moins 10 ans d'emprisonnement;
4° Les délits d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nations punis d'au moins 10 ans d'emprisonnement.
II. La peine complémentaire prévue au I emporte déchéance de la nationalité française, sauf si elle a pour résultat de rendre la personne condamnée apatride.
(...)

Code pénal (articles non modifiés)
Article 411-2 (livraison de tout ou partie du territoire national, de forces armées ou de matériel à une puissance étrangère) Le fait de livrer à une puissance étrangère, à une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents soit des troupes appartenant aux forces armées françaises, soit tout ou partie du territoire national est puni de la détention criminelle à perpétuité et de 750 000 euros d'amende. (...)
Article 411-3 (livraison de tout ou partie du territoire national, de forces armées ou de matériel à une puissance étrangère) Le fait de livrer à une puissance étrangère, à une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents des matériels, constructions, équipements, installations, appareils affectés à la défense nationale est puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d'amende.
Article 411-4 (intelligences avec une puissance étrangère) Le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France, est puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait de fournir à une puissance étrangère, à une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents les moyens d'entreprendre des hostilités ou d'accomplir des actes d'agression contre la France.
Article 412-1 (attentat et complot) Constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l'intégrité du territoire national. (...)
Article 412-2 (attentat et complot) Constitue un complot la résolution arrêtée entre plusieurs personnes de commettre un attentat lorsque cette résolution est concrétisée par un ou plusieurs actes matériels. (...)
Article 412-7 (usurpation de commandement, levée de forces armées et provocation à s'armer illégalement) Est puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d'amende le fait :
1° Sans droit ou sans autorisation, de prendre un commandement militaire quelconque ou de le retenir contre l'ordre des autorités légales;
2° De lever des forces armées, sans ordre ou sans autorisation des autorités légales.
Article 412-8 (usurpation de commandement, levée de forces armées et provocation à s'armer illégalement) Le fait de provoquer à s'armer contre l'autorité de l'État ou contre une partie de la population est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Lorsque la provocation est suivie d'effet, les peines sont portées à trente ans de détention criminelle et à 450 000 euros d'amende.
Lorsque la provocation est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

15 janvier 2016

Jacques Sapir, de Causeur à Éléments

L'économiste Jacques Sapir a accordé un entretien au magazine Causeur titré "Entre le camp national-républicain et l'extrême droite, le FN doit choisir".

Selon lui, le FN "sort du cadre républicain" en raison de ses propositions "sociétales", citant trois points:

- la remise en cause de l'avortement

- le rejet des Français de confession musulmane ("dire que les musulmans seraient des citoyens de seconde zone")

- le racisme et le racialisme, deux idées distinctes mêlées dans les propos de Jacques Sapir ("Quant aux militants, bien sûr que certains tiennent des propos racistes. Il y a des cons partout! Il y en a aussi chez Les Républicains ou au Parti socialiste. J'ai par exemple été très choqué par les propos de Claude Bartolone sur la «race blanche»")

Jacques Sapir appelle donc les dirigeants du FN à "faire cette clarification" afin que ce parti s'inscrive "dans l'arc républicain", passe du bon côté du mur politiquement infranchissable qui sépare l'acceptable de l'inacceptable ("...il y a une majorité de Français qui ne veulent sous aucun prétexte du Front national au pouvoir. Cela pose la question du discours du FN, qui demeure dans l'ambiguïté, et ne dit pas la même chose à Carpentras ou au Pontet qu'à Hénin-Beaumont ou Forbach. Or, au premier tour, on choisit, mais au second on élimine celui qui fait peur. Qu'est-ce que les Français craignent le plus? Il y a un certain nombre de propositions que j'appellerais sociétales, qui lui aliènent les votes de nombreux Français...").

Si l'intégrisme religieux n'est quasiment plus représenté au sein de la direction du Front national, les deux autres points renvoient à un clivage fondamental à l'intérieur du parti lepéniste (comme l'analyse également l'écrivain racialiste Renaud Camus: "...le seul vrai clivage sépare les remplacistes des antiremplacistes et il passe au sein du FN", 31 décembre 2015 sur Twitter).

D'un côté, une aile "assimilationniste" (Marine Le Pen, Florian Philippot) qui veut défendre tous les Français sans distinction d'origine, de couleur de peau ou de religion. De l'autre, une aille "identitaire" (Marion Maréchal Le Pen) reprenant les concepts de l'extrême droite racialiste ("Français de souche", "grand remplacement": autant de mots codés pour défendre une France et une Europe "blanches").

 

Pour la même semaine, Jacques Sapir a également accordé un entretien à l'organe militant Éléments. Or, sauf changement radical et récent d'orientation (1), cette revue représente une extrême droite dont le marqueur idéologique est d'être racialiste, anti-universaliste, anti-égalitaire, européiste et régionaliste.

Bref, il est totalement contradictoire de la part de Jacques Sapir de déclarer le mardi 12 janvier qu'"entre le camp national-républicain et l'extrême droite, le FN doit choisir", puis d'accorder le samedi 16 janvier un entretien à l'organe d'un courant qui - en dépit de convergences en politiques économique ou internationale - représente le pire du pire de l'extrême droite pour un national-républicain (en dehors bien entendu des groupuscules nostalgiques, folkloriques et donc anecdotiques).

D'où un statut Facebook, volontairement paramétré pour en discuter avec mes seuls contacts (ni "public" ni "amis d'amis"), puis une discussion privée - divulguée sans autorisation par l'équipe d'Éléments sur son blog - avec David Desgouilles.

 

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En conclusion, mes propos ne faisaient que reprendre ceux de Jacques Sapir dans Causeur, en ajoutant simplement qu'Éléments appartient justement à cette extrême droite qui "sort du cadre républicain". Outre la flagrante contradiction, cela revient pour Jacques Sapir à tendre à ses contradicteurs le bâton pour se faire battre, en risquant au passage de perdre encore un peu plus de soutiens ...en dehors de l'extrême droite.

 

(1) Ses rédacteurs m'assurent qu'ils ne sont soudainement plus racialistes... tout en me conseillant sur Twitter de (re)lire, pour preuve, un texte où Alain de Benoist expose précisément sa pensée racialiste (Contre tous les racismes, Éléments n°8-9, 1974)!

14 janvier 2016

Les confusions de l'Observatoire de la laïcité

L'État n'est pas la société. Cette séparation semble aujourd'hui remise en cause, des deux côtés, dans le contexte de controverses sur l'Observatoire de la laïcité.

 

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D'un côté, certains militants anti-religieux attaquent le travail de l'association Coexister.

Coexister est une association interreligieuse, dont le travail est à saluer et qui a toute sa place dans la société. De même qu'ont toute leur place dans la société les associations confessionnelles qui respectent la laïcité.

 

 

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De l'autre, certains militants de la laïcité attaquent le travail de l'Observatoire de la laïcité. Qu'en est-il?

L'Observatoire de la laïcité appartient aux services du premier ministre. Son rôle n'est pas d'organiser la cohabitation des religions dans la société mais de veiller "au respect du principe de laïcité dans les services publics" (décret du 25 mars 2007 créant un Observatoire de la laïcité).

De fait, l'Observatoire de la laïcité a, selon mon analyse personnelle, outrepassé son rôle:

- Signature ès-qualité par Jean-Louis Bianco ("ancien ministre, président de l'Observatoire de laïcité" - sic) et Nicolas Cadène ("rapporteur général de l'Observatoire de laïcité" - sic) d'une tribune ("Nous sommes unis", Libération, 15 novembre 2015). Or, ce n'est pas le rôle des services du premier ministre de cosigner des tribunes (de surcroît, s'agissant d'une commission chargée de veiller "au respect du principe de laïcité dans les services publics", auprès de personnes remettant en cause la laïcité comme Nabil Ennasri, président du Collectif des musulmans de France, ou Yasser Louati, porte-parole du Collectif contre l'islamophobie en France).

- Entretien accordé le 6 janvier 2016 par Nicolas Cadène au site Internet du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) qui, sous couvert de lutte contre l'islamophobie, lutte en réalité contre la laïcité (le même jour, sur son compte Twitter personnel, Nicolas Cadène reproche d'ailleurs à Élisabeth Badinter de dénoncer cela: "Quand un travail de pédagogie de trois ans sur la laïcité est détruit par une interview à France Inter d'une personne". Il a alors logiquement aussitôt reçu le soutien des comptes Twitter dans la mouvance du CCIF).

- Campagne "pour vivre ensemble", révélatrice de la confusion au sein de l'Observatoire de la laïcité entre les places respectives de l'État et de la société civile (confusion en outre symbolisée par les propos de Nicolas Cadène, le 15 décembre 2015, à l'occasion de l'avant-première d'un documentaire sur l'association Coexister: "Pour nous, l'association Coexister traduit vraiment ce qu'est la laïcité").

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11 janvier 2016

Primaire de la gauche: pourquoi ce sera une "petite" et non une "grande" primaire

Un appel pour une "grande primaire des gauches" a été lancé, le 10 janvier 2016, dans Libération. La référence est bien entendu la primaire PS-PRG d'octobre 2011 et la future primaire LR (sans doute au final LR-UDI) de novembre 2016.

Cette primaire sera toutefois une "petite" primaire et non une "grande primaire", pour deux raisons:

- sans Jean-Luc Mélenchon: il est certain que Jean-Luc Mélenchon, déjà candidat en 2012, déclarera sa candidature à l'élection présidentielle de 2017 en dehors de cette primaire.

- sans François Hollande donc sans le PS: même dans l'hypothèse où le président de la République sortant déciderait de ne pas se représenter, la décision de François Hollande n'interviendrait certainement pas avant début 2017, un calendrier qui ne cadrerait pas avec l'organisation d'une primaire (quoi qu'en disent les statuts du PS).

 

Bref, si primaire il y a, ce sera la primaire d'une petite fraction de la gauche, sans ni le PS ni Jean-Luc Mélenchon, départageant par exemple Pierre Laurent (PCF), Cécile Duflot (EELV), Clémentine Autain (Ensemble!) ou encore Christiane Taubira si elle rompt avec la majorité.

 

05 janvier 2016

La France, la déchéance de la nationalité et les apatrides

Refaisons le point sur la question de la déchéance de la nationalité et des apatrides:
- l'article 23-8 du Code civil (perte de la nationalité) permet déjà de créer des apatrides.
- jusqu'en 1998 l'article 25 du Code civil (déchéance de la nationalité) permettait de créer des apatrides.

Ne pas distinguer dans la législation sur la déchéance de la nationalité entre catégories de Français (par attribution ou par acquisition, mononationaux ou plurinationaux) permet de se conformer au principe républicain d'égalité et ne signifie pas forcément créer des apatrides: cela reste un choix au cas par cas du gouvernement pour les personnes condamnées définitivement pour terrorisme.

Rappelons d'ailleurs que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (article 15) ne possède pas de valeur normative et que la France a signé (31/05/1962) mais jamais ratifié la Convention de 1961 des Nations Unies sur la réduction des cas d'apatridie (article 8). Idem pour la Convention européenne sur la nationalité (signée le 04/07/2000) (1).

Et si vraiment on veut exclure la possibilité de créer des apatrides, il suffit toujours de ne pas distinguer dans la législation sur la déchéance de la nationalité entre catégories de Français, en ajoutant simplement à la fin de l'article concerné "sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride" (comme depuis 1998 à la fin de l'actuel article 25) ou bien de préciser "dans le respect des engagements internationaux de la France".

Exemples, comme je l'écris depuis le 27 décembre 2015:

Article 34. La loi fixe les règles concernant ...la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française lorsqu'elle est définitivement condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme, sauf si la déchéance a pour résultat de la rendre apatride;
ou

Article 34. La loi fixe les règles concernant ...la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut, dans le respect des engagements internationaux de la France, être déchue de la nationalité française lorsqu'elle est définitivement condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme;

 

Enfin, si on ne veut pas inscrire la déchéance de la nationalité dans la Constitution, il suffit à mon humble avis d'utiliser l'actuel article 23-8 en élargissant les cas de perte de la nationalité au concours aux "organisations considérées comme terroristes par une organisation internationale dont la France fait partie".

 

(1) Selon Serge Slama, maître de conférences en droit public (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense), cité dans La Croix, une jurisprudence (laquelle???) de la Cour européenne des droits de l'Homme sur l'article 8 de la Convention éponyme pourrait toutefois entraîner une condamnation de la France.

04 janvier 2016

Alain Juppé, le voile et l'église

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Afin d'argumenter son opposition à Nicolas Sarkozy sur la question du port du voile pour les mères accompagnatrices de sorties scolaires, Alain Juppé évoque sa mère qui "portait un foulard sur la tête pour se rendre à l'église" (Pour un État fort, JC Lattès).

Manque de chance pour Alain Juppé, cette ancienne pratique est justement issue du seul et unique passage du Nouveau Testament qui reprend l'antique inégalité entre les femmes et les hommes (1ere épitre de Saint-Paul apôtre aux Corinthiens, chapitre 11):

01 Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ.
02 Je vous loue, [mes frères], de ce que vous vous souvenez de moi à tous égards, et de ce que vous retenez mes instructions telles que je vous les ais données.
03 Je veux cependant que vous sachiez que le chef de tout homme c'est le Christ, que le chef de la femme, c'est l'homme, et que le chef du Christ, c'est Dieu.
04 Tout homme qui prie ou qui prophétise la tête couverte, déshonore sa tête.
05 Toute femme qui prie ou qui prophétise la tête non voilée, déshonore sa tête: elle est comme celle qui est rasée.
06 Si une femme ne se voile pas la tête, qu'elle se coupe aussi les cheveux. Or, s'il est honteux à une femme d'avoir les cheveux coupés ou la tête rasée, qu'elle se voile.
07 L'homme ne doit pas se couvrir la tête, parce qu'il est l'image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme.
08 En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme de l'homme;
09 et l'homme n'a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme.
10 C'est pourquoi la femme doit, à cause des anges, avoir sur la tête un signe de sujétion.
11 Toutefois, ni la femme n'est sans l'homme, ni l'homme sans la femme, dans le Seigneur.
12 Car, si la femme a été tirée de l'homme, l'homme aussi naît de la femme, et tout vient de Dieu.
13 Jugez-en vous-mêmes: est-il bienséant qu'une femme prie Dieu sans être voilée?
14 La nature elle-même ne nous enseigne-t-elle pas que c'est une honte à un homme de porter de longs cheveux,
15 tandis que c'est une gloire pour la femme qu'une longue chevelure, parce que la chevelure lui a été donnée en guise de voile?

 

Chez les Assyriens, la jeune femme et la femme mariée se devaient d'être voilées, voire pour cette dernière cloîtrée au domicile de son mari, tandis que l'esclave ou la prostituée étaient tête et seins nus (c'est pourquoi Sainte Marie-Madeleine, prostituée repentie et convertie au christianisme, est parfois représentée ainsi ...ce qui défrise les intégristes). Originellement, le voile est donc une prescription sociétale et non religieuse, signe de virginité ou au contraire de mariage, les cheveux étant assimilés aux poils pubiens.

Telle est l'origine civilisationnelle commune du port du foulard (tichel) ou de la perruque (sheitel) chez les femmes juives orthodoxes mariées, du port du voile pour les femmes mariées en Grèce ou en Rome antiques, de la prescription de Saint-Paul et du port du voile dissimulant les cheveux des femmes pubères chez les islamistes:

"01 Descends, assieds-toi dans la poussière, vierge, fille de Babylone! Assieds-toi par terre, tu n'as plus de trône, fille des Chaldéens, car on ne t'appellera plus "la délicate, la raffinée".
02 Prends la meule, mouds la farine, relève ton voile, retrousse ta robe, découvre tes jambes, traverse les cours d'eau:
03
que soit découverte ta nudité, que l’on voie ta honte. J'exercerai ma vengeance, personne ne m'en empêchera."
Ancien Testament, Livre d'Isaïe, chapitre 47

 

"Dis aux croyants de baisser leurs regards et de garder leur chasteté (...)
Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile [khimâr] sur leurs poitrines (...)"
Coran, Sourate 24- an-Nûr/La Lumière, versets 30 et 31
(N.B.: il s'agit ici de cacher ses seins, et non forcément ses cheveux, sauf à considérer que les cheveux et le cou font partie des atours)

"Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles [jilbab]: elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées (...)"
Coran, Sourate 33 - al-Ahzâb/Les Coalisés, verset 59
(N.B.: il s'agit bien ici de porter un voile, comme signe distinctif des croyantes afin de ne pas être prises pour une esclave ou une prostituée)

 

De tous temps et en tous lieux, le voile destiné à dissimuler les cheveux des femmes parce que femmes marque une inégalité entre les femmes et les hommes. Rationnellement, c'est donc autour de la question de l'égalité qu'il faut appréhender le port du voile, et non autour de celle de la laïcité (la question n'est pas telle ou telle religion, mais la signification intrinsèque de la dissimulation des cheveux des femmes). On peut aussi effectuer ce simple constat empirique: dans tout pays, plus les voiles progressent, plus les droits des femmes régressent; inversement, dans tout pays, plus les voiles régressent, plus les droits des femmes progressent.

Il en existe des reliquats, mais désormais détachés d'un interdiction frénétique pour les femmes de montrer leurs cheveux aux hommes en dehors du cercle familial: le port du voile ou de la mantille pour les femmes dans les églises (encore en vigueur chez les chrétiens d'Orient), le petit voile lors de sacrements (exemple du mariage) ou l'uniforme des religieuses chez les chrétiens d'Occident, le port du voile mais ne cachant pas les cheveux pour les femmes chez les musulmans littéralistes ou anti-modernistes.

C'est une difficulté du débat: il est juridiquement impossible de distinguer le voile islamique (ne dissimulant pas les cheveux des femmes), signe religieux comme un autre, du voile islamiste (dissimulant frénétiquement les cheveux des femmes), signe politique d'inégalité entre les femmes et les hommes. C'est pourquoi, même si c'est rationnellement insatisfaisant, l'unique moyen d'interdire le voile islamiste ou hidjab (question d'égalité entre les femmes et les hommes) est d'interdire tout signe religieux dans certains lieux ou certaines circonstances (question de laïcité). De même que c'est par l'interdiction de dissimuler le visage dans l'espace public qu'il a été juridiquement possible d'interdire les voiles intégraux (niqab, burqa).

 

Ajout 15/05/2016: "Pas de cheveux, pas de police des mœurs!" (Iran)

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