Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10 février 2012

Sarkozy et De Gaulle: deux visions différentes de l'usage du référendum

Que propose Nicolas Sarkozy?

Dans un entretien au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy envisage, s'il est candidat puis réélu, deux référendums:

  • sur le système d'indemnisation du chômage (passé un délai "de quelques mois", formation qualifiante obligatoire puis obligation d'accepter la première offre d'emploi correspondante)
  • sur la juridiction compétente s'agissant du droit des étrangers (Nicolas Sarkozy souhaite qu'il s'agisse de la justice administrative et non de la justice judiciaire)

Il ne s'agirait constitutionnellement pas du même type de référendum:

  • dans le premier cas, il s'agirait d'un référendum au sens de l'article 11: "Le Président de la République (...) peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ..."
  • dans le second cas, qui nécessite une révision de la Constitution, il s'agirait du référendum au sens de l'article 89: "L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.  Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ..."

 

Dans les deux cas, l'usage du référendum n'est toutefois qu'une option:

  • La réforme du système d'indemnisation du chômage "est peut-être l'une des réformes qu'il faudra soumettre au jugement direct des Français", affirme Nicolas Sarkozy. "Si un consensus se dégage parmi les partenaires sociaux, cela ne sera pas nécessaire, précise-t-il. Mais si les intérêts particuliers, les obstacles catégoriels, s'avéraient trop puissants, il faudrait sans doute réfléchir à l'opportunité de s'adresser directement aux Français ..."
  • "C'est un sujet dont on peut débattre", répond-il au sujet du référendum de révision de la Constitution.

 

Quelle est la vision de Nicolas Sarkozy du référendum?

À quatre reprises dans cet entretien Nicolas Sarkozy explique pourquoi il envisage ou non d'organiser des référendums:

  • Il s'agit d'une réforme "capitale pour l'avenir du pays" et qui "concerne directement les Français".
  • "... si les intérêts particuliers, les obstacles catégoriels, s'avéraient trop puissants, il faudrait sans doute réfléchir à l'opportunité de s'adresser directement aux Français pour qu'ils donnent leur opinion sur ce système d'indemnisation du chômage et sur la façon dont on doit considérer le travail et l'assistanat. Je crois que la meilleure façon de surmonter des blocages dans notre société c'est de s'adresser directement au peuple français".
  • À la question de sa non-utilisation de l'outil référendaire durant le présent quinquennat, il explique: "C'est vrai parce qu'en cinq ans, malgré toutes les réformes mises en oeuvre, le pays n'a jamais connu de blocage. Sur les retraites par exemple, il y a eu des manifestations, des protestations, mais la réforme, sans drame et surtout sans violence, a pu être adoptée et appliquée".
  • À la question d'un référendum sur l'école, il répond: "Paradoxalement, je ne le pense pas. Il serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le monde éducatif. On ne peut faire une réforme de cette nature sans y associer les enseignants".

Une remarque préliminaire: on se demande bien pourquoi un référendum sur l'éducation nationale "serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le monde éducatif" alors qu'un référendum sur le système d'indemnisation du chômage ne le serait pas "comme un moyen de monter une partie de la société contre les chômeurs" ou un référendum sur le droit des étrangers "comme un moyen de monter une partie de la société contre les étrangers".

Cette petite incohérence s'explique précisément par la vision du référendum qui ressort clairement des propos de Nicolas Sarkozy: un moyen de passer en force en cas d'oppositions à une de ses réformes.

 

Référendum sarkozyste vs référendum gaulliste

Il a suffi que Nicolas Sarkozy prononce le mot "référendum" pour que certains commentateurs fassent aussitôt un parallèle avec Charles de Gaulle.

Il existe cependant au moins deux différences entre la vision sarkozyste et la vision gaulliste du référendum:

 

1) Le "référendum coup de force":

Comme nous l'avons vu, dans la vision sarkozyste le référendum constitue une seconde cartouche pour imposer une réforme en cas d'oppositions.

Or, s'il est certain qu'historiquement le recours au référendum permit accessoirement à Charles de Gaulle de contourner le Parlement (élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962, réforme du Sénat et création des régions en 1969), il s'agissait à chaque fois de sa première cartouche.

Pour résumer:

  • Charles de Gaulle se présentait devant le peuple en lui demandant: "Voulez-vous?"
  • Nicolas Sarkozy arriverait devant le peuple en lui disant: "Voulez-vous ce que n'ont pas voulu ces conservateurs (et "pauv'cons"?) de partenaires sociaux?"

 

2) La nature de la question:

Charles de Gaulle s'est exprimés à de nombreuses reprises sur sa vision du référendum. Deux exemples, tirés du tome II de ses Mémoires d'espoir (L'effort, Plon, 1971):

  • "C'est un principe de base de la Ve République et de ma propre doctrine que le peuple français doit trancher lui-même dans ce qui est essentiel à son destin."
  • "Le référendum, enfin, institué comme le premier et le dernier acte de l'œuvre constitutionnelle m'offrirait la possibilité de saisir le peuple français et procurerait à celui-ci la faculté de me donner raison, ou tort, sur un sujet dont son destin allait dépendre pendant des générations."

Bref, il s'agit pour Charles de Gaulle de s'adresser directement au peuple français sur un enjeu capital (d'où une démission du président de la République en cas d'échec).

La réforme du système d'indemnisation du chômage constitue-t-elle un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Nicolas Sarkozy semble le penser; personnellement, j'en doute... En tout cas incontestablement beaucoup moins que, par exemple, les traités européens: hier, le traité de Lisbonne, ratifié par le Parlement alors qu'il reprenait l'essentiel du traité constitutionnel européen auparavant rejeté par le peuple français (tiens, justement un référendum!); aujourd'hui, le Pacte budgétaire européen.

Le choix de la juridiction compétente s'agissant du droit des étrangers constitue-t-il un enjeu qui engage le destin de la France et du peuple français? Sans commentaire!

 

Après avoir avili la fonction présidentielle telle que la concevait Charles de Gaulle - en se comportant non pas en chef d'État mais en chef de gouvernement -, c'est maintenant le référendum que Nicolas Sarkozy veut galvauder. Vous avez dit "gaulliste"?

24 janvier 2012

Qui sont les Nouveau Centre sarkozystes?

[17h45: Mise à jour après la publication d'un communiqué signé par deux parlementaires européens]

 

Dans une tribune publiée ce mardi par LeFigaro.fr, dix ministres et élus du Nouveau centre apportent dès le premier tour leur soutien à Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle.

Ces personnalités - auxquelles se sont ajoutés dans la journée deux parlementaires européens - peuvent être regroupées en quatre catégories:

 

1) La sphère des ministres, dont le soutien à Nicolas Sarkozy était attendu:

- François Sauvadet (ministre de la fonction publique et président du conseil général de Côte-d'Or)

- Maurice Leroy (ministre de la ville et président du conseil général du Loir-et-Cher)

- Pascal Brindeau (député suppléant de Maurice Leroy)

 

2) Les anciens sarkozystes, qui avaient déjà soutenu Nicolas Sarkozy dès le premier tour de l'élection présidentielle de 2007:

- Christian Blanc (député)

- André Santini (député)

- Hervé de Charette (député, ex-UMP)

 

3) Les nouveaux sarkozystes, qui avaient soutenu François Bayrou au premier tour de la présidentielle de 2007, et qui, membres depuis de la majorité de droite, auraient logiquement dû soutenir cette fois Hervé Morin:

- Jean-Christophe Lagarde (député)

- François Rochebloine (député)

- Francis Vercamer (député)

- Damien Abad (parlementaire européen)

 

4) Les ralliés, qui avaient pourtant signé le 27 novembre le communiqué de presse de soutien à la candidature d'Hervé Morin

- Raymond Durand (député)

- Sophie Auconie (parlementaire européen)

 

 

Bilan à ce jour des prises de position des députés du Nouveau centre:

- Hervé Morin: 9 élus (dont l'intéressé)

- Nicolas Sarkozy: 8 élus

- indéterminés: 5 élus.

11 octobre 2011

Nicolas Sarkozy, "pris en otage" par l'UMP?

Au petit déjeuner de la majorité, ce mardi, Nicolas Sarkozy a expliqué que la Ve République gaulliste, c'est "une élection à deux tours, pas à quatre tours". Comprenez: les deux tours de la primaire puis les deux tours de la présidentielle. Pire, selon le président de la République: le candidat à la présidentielle désigné par une primaire se trouverait "pris en otage par son parti".

 

Question: qui est davantage "pris en otage par son parti"?

- un candidat, comme ce sera le cas de celui du PS et du PRG, désigné par une primaire ouverte à tous les citoyens?

- un candidat, comme prévu par les statuts de l'UMP, désigné par une primaire fermée, c'est-à-dire réservée aux seuls adhérents d'un parti politique?

 

C'est çui qui'l'dit qui y est?

27 juillet 2011

"Règle d'or" budgetaire et démocratie

Figer dans le marbre de la Constitution une orientation budgétaire donnée, qui devrait relever du seul choix des urnes, est par définition antidémocratique.

Qu'en est-il de la "règle d'or" que veut constitutionnaliser Nicolas Sarkozy?

Il existe en réalité pas une mais au moins deux "règles d'or" possibles.

Une première consiste à autoriser le recours à l'emprunt pour les dépenses d'investissement et à l'interdire pour les dépenses de fonctionnement (sur le modèle de ce qui existe déjà en France pour les collectivités locales). C'est celle qui existait en Allemagne entre 1969 et 2009. C'est celle qui figurait en 2007 dans le projet présidentiel de Nicolas Sarkozy et dans le programme législatif de l'UMP.

Une deuxième "règle d'or" consiste à interdire tout déséquilibre budgétaire. Ce qui revient de fait à interdire toute politique keynésienne de relance par l'investissement public (de toute façon déjà rendue structurellement quasi-impossible par les engagements européens de la France: un déficit public inférieur à 3% du PIB; mais le niveau actuel de notre déficit public ne le permet conjoncturellement pas non plus). C'est la "règle d'or" adoptée en Allemagne en 2009 (déficit public inférieur à 0,35% du PIB à partir de 2016). C'est, à travers un mécanisme complexe, grosso modo ce que propose aujourd'hui Nicolas Sarkozy.
Si cette "règle d'or" contraignante était inscrite dans la Constitution, les marges de manœuvre des majorités politiques, c'est-à-dire la démocratie, se trouverait encore un peu plus réduite en France.

19 février 2011

La laïcité revient dans le débat politique

La laïcité revient dans le débat politique

La Croix, 18/02/2011

18 novembre 2010

Karachigate: les protagonistes

Pourquoi leurs noms sont-ils cités dans l'affaire Karachi?

 

Édouard Balladur : Premier ministre de 1993 à 1995 et candidat à l'élection présidentielle de 1995, aurait pu, selon plusieurs sources, financer cette campagne électorale par des rétrocommissions de ventes d'armes.

1. Une note interne de la Direction des constructions navales (DCN) au sujet de commissions sur des contrats de ventes d'armes, note datée du 11 septembre 2002 mais révélée par Mediapart le 13 septembre 2008. "L'annulation de ces commissions avait été décrétée en 1995, à la suite de l'alternance politique en France, et visait à assécher les réseaux de financement occultes de l'Association pour la Réforme d'Édouard Balladur", écrit son auteur (Claude Thévenet).  Avant de détailler: "En France, le réseau El-Assir a eu pour principale fonction d'assurer le financement de la campagne d'Édouard Balladur (...). Après l'échec de sa candidature, au printemps 1995, ce financement devait être transféré à l'Association pour la Réforme (...) destinée à poursuivre le mouvement initié par les balladuriens" (sources: Mediapart; verbatim intégral de la note "Nautilus" sur Jeune Afrique).

2. La police du Luxembourg, dans un rapport de synthèse rédigé dans le cadre d'une commission rogatoire internationale diligentée par les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin, qui enquêtent sur plusieurs affaires de corruption à la DCN. "En 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission pour payer des campagnes politiques en France, écrivent les commissaires principaux de la police judiciaire luxembourgeoise. Nous soulignons qu'Édouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR dont MM. Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua". Avant de conclure: "Finalement, une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" (source: Mediapart, rapport de synthèse de la police du Luxembourg daté du 19 janvier 2010).

Les relevés bancaires du compte l'Association pour le financement de la campagne d'Édouard Balladur (AFICEB) montrent par ailleurs l'existence d'un dépôt d'un peu plus de 10 millions de Francs (1,5 millions d'euros) en liquide, en une seule fois (quatre sacs), le 26 avril 1995 (sources: Libération; documents bancaires sur Mediapart).


François Léotard : ministre de la Défense du gouvernement Balladur (1993-1995). Selon la mission d'information sur les circonstances entourant l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, son cabinet (en particulier Renaud Donnedieu de Vabres, chargé de mission) a imposé deux intermédiaires et un pourcentage de commissions supplémentaires dans les contrats dits Agosta (signé le 21 septembre 1994 avec le Pakistan) et Sawari II (signé le 19 novembre 1994 avec l'Arabie saoudite): "Ces FCE ont été négociés en deux étapes: la première, dès le début de la négociation, avait abouti à s’accorder sur un pourcentage représentant 6,25% du contrat, les destinataires étant des personnalités politiques pakistanaises; la seconde, vers mai ou juin 1994, avec l’irruption soudaine et plus qu’étrange de MM. al Assir et Takieddine, à la demande du cabinet du ministre de la défense, qui a conduit à ajouter 4% de commissions supplémentaires. Le paiement a emprunté deux circuits différents, celui de la SOFMA pour les 6,25% de FCE susmentionnés et celui de Mercor Finance via Heine pour les 4%" (extrait des conclusions du rapport: "Les certitudes de la mission"); "Il résulte de nos auditions que des intermédiaires - MM. al Assir et Takieddine - ont été imposés au terme de la négociation à la demande de M. François Léotard quand il était ministre de la Défense, ce qui, aux dires de plusieurs personnes auditionnées, était inhabituel. 6,25% de FCE ont été versés aux intermédiaires par le canal de la SOFMA et 4% - négociés en dernière minute - ont été attribués au réseau K de MM. al Assir et Takieddine" (audition du député Bernard Cazeneuve, rapporteur, devant la Commission de la défense nationale et des forces armées le 12 mai 2010).

 


Nicolas Sarkozy : ministre du Budget et porte-parole du gouvernement Balladur (1993-1995) puis du candidat Édouard Balladur à l'élection présidentielle. Son nom est cité par la police du Luxembourg comme étant intervenu pour la création de sociétés luxembourgeoises ad hoc par lesquelles ont transité une partie des commissions sur ces contrats de ventes d'armes: "Un document repris sous le numéro 1 fait état de l'historique et du fonctionnement des sociétés Heine et Eurolux. Selon ce document, les accords sur la création des sociétés semblaient venir directement de M. le Premier ministre Balladur et de M. le ministre des Finances Nicolas Sarkozy". Il est président de la République depuis 2007.

 

Jacques Chirac : ancien président de la République (1995-2002).

 

Charles Millon : ancien ministre de la Défense des gouvernements Juppé (1995-1997). "Quinze jours" après son élection à la présidence de la République, Jacques Chirac lui a "demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions". L'ancien ministre indique que la France a alors mis fin au versement des commissions sur les contrats Agosta et Sawari II en raison d'une "intime conviction qu'il y avait rétrocommissions" après des rapports "faits verbalement par la DGSE" (source: Le Nouvel Observateur, audition de Charles Millon par Renaud Van Ruymbeke).

 

Dominique de Villepin : ancien secrétaire général de la présidence de la République (1995-2002). Charles Millon était "en lien direct" avec lui et le tenait "régulièrement informé des investigations" sur l'existence d'éventuelles rétrocommissions.

 

 

Et les autres...

 

Francis Lamy : ancien conseiller technique à Matignon d'Édouard Balladur, qui l'a désigné en 1995 comme son "représentant habilité à répondre aux demandes" du Conseil constitutionnel sur son compte de campagne. Il est préfet des Alpes-Maritimes depuis 2008.

 

Nicolas Bazire : directeur de cabinet à Matignon (1993-1995) et directeur de campagne présidentielle d'Édouard Balladur puis "principal responsable" de l'Association pour la Réforme (trésorier: Philippe Goujon). Il est actuellement directeur général du Groupe Arnault SA et président du Conseil de surveillance de la Fondation pour l'innovation politique. Il fut par ailleurs l'un des témoins au mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni.

 

René Galy-Dejean : ancien député (1991-2002), trésorier de la campagne d'Édouard Balladur.

 

Roland Dumas : ancien président du Conseil constitutionnel (1995-2000), c'est sous sa présidence que le compte de campagne d'Édouard Balladur a été validé, alors que les rapporteurs avaient proposé son rejet (source: Libération, PV de constatation sur les archives du Conseil constitutionnel).

 

Jean-Louis Debré : président du Conseil constitutionnel depuis 2007, il a refusé de transmettre au juge Renaud Van Ruymbeke les délibérations sur le compte de campagne d'Édouard Balladur "en raison du secret qui s'attache aux délibérations" (source: AFP, courrier de Jean-Louis Debré à Renaud Van Ruymbeke en date du 9 novembre).

 

 

Les questions

1. Les contrats Agosta et Sawari II ont-ils donné lieu au paiement de rétrocommissions?

2. Si oui, ces rétrocommissions ont-elles servi à un financement occulte des activités politiques d'Édouard Balladur?

3. Si oui, qui - notamment Nicolas Sarkozy - était au courant?

 

 

Rappels

L'équipe des "conseillers politiques" de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur, qui se réunissait "tous les matins" au siège de campagne:

  • Nicolas Bazire (directeur de campagne)
  • Nicolas Sarkozy (porte-parole du candidat)
  • Brice Hortefeux (représentant de Nicolas Sarkozy)
  • William Abitbol (représentant de Charles Pasqua)
  • Renaud Donnedieu de Vabres (représentant de François Léotard)
  • Marielle de Sarnez (représentante de François Bayrou)

Le 8 mai 2002, un attentat à Karachi (Pakistan) contre un bus de la DCN fait 14 morts, dont 11 Français. L'enquête s'oriente d'abord vers la piste terroriste d'Al-Qaida. Puis se réoriente (note "Nautilus") vers la piste de représailles en raison du non-paiement par la France de commissions sur des contrats de ventes d'armes.

La pratique des commissions (à ne pas confondre avec les rétrocommissions, illégales), officiellement intitulées "frais commerciaux exceptionnels" (FCE), n'avait rien d'illégal jusqu'en 2000, c'est-à-dire jusqu'à ce que la France ratifie la convention OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

L'article 67 de la Constitution stipule que le président de la République "ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite".

 

 

[Cette note ne concerne que le volet d'un éventuel financement politique occulte du Karachigate; mais pour les familles des victimes, les principales questions sont bien entendu ailleurs: la fin du versement de commissions sur les ventes d'armes est-elle à l'origine de l'attentat de Karachi? Les autorités françaises étaient-elles au courant du risque de représailles et ont-elles suffisamment protégé leurs ressortissants? "Nous n'avons aucun compte à régler. Nous ne sommes instrumentalisées par personne. Nous voulons juste savoir pourquoi nos pères sont morts", écrivent ainsi "les Karachi"]

09 novembre 2010

Nicolas Sarkozy: un gaullisme commémoratif et désidéologisé

Nicolas Sarkozy prononcera ce mardi un discours comme il les affectionne, à Colombey-les-Deux-Églises, pour le quarantième anniversaire de la mort du général de Gaulle. L'occasion pour lui de revendiquer sa part de filiation gaulliste.

De fait, c'est par le gaullisme que le président de la République est entré en politique, puisque sa première campagne, comme un simple militant, fut celle de Jacques Chaban-Delmas à l'élection présidentielle de 1974. Dans la foulée, il adhère à l'UDR puis au RPR. "Être jeune gaulliste, c'est être révolutionnaire", s'enflamme le jeune homme à Nice, en juin 1975, lorsqu'il parle pour la première fois à la tribune d'un grand rassemblement politique. "Révolutionnaire pas à la manière de ceux qui sont des professionnels de la manif'", avait-il toutefois précisé. Philippe Dechartre (lire son portrait) révèle même qu'à cette époque, Nicolas Sarkozy alla frapper à la porte du Mouvement pour le socialisme par la participation, gaulliste de gauche.

Plus tard, Nicolas Sarkozy expliquera son engagement pour des raisons plus sociologiques et familiales que politiques et personnelles. "Culturellement, je n'étais pas de gauche et socialement, je ne me sentais pas giscardien", racontait-il dans un livre d'entretiens avec Michel Denisot (Au bout de la passion, l'équilibre…, Albin Michel, 1995). "Je suis gaulliste depuis l'enfance", insistera-t-il en 2007 sur son site de campagne présidentielle. "Ma famille m'a enseigné les valeurs du gaullisme: l'amour de la France et le refus de la fatalité."

Cette dernière valeur semble celle qui définit le mieux le gaullisme pour Nicolas Sarkozy: "Le gaullisme, c'est le refus de la fatalité", répétait-il en février 2008 lors de l'inauguration de l'Historial Charles-de-Gaulle aux Invalides, à Paris. "Le gaullisme, c'est le mot par lequel nous désignons dans notre histoire la volonté humaine, lorsqu'elle est fermement opposée au renoncement." Il s'agit donc d'une définition sans contenu idéologique, semblable à celle de Georges Pompidou ("une attitude") ou d'Édouard Balladur ("un pragmatisme"). "Le gaullisme n'a jamais été une idéologie, le gaullisme n'a jamais été une religion, poursuivait l'ancien balladurien. Le général de Gaulle s'y est toujours opposé. Il ne voulait pas que sa pensée fût enfermée dans la rigidité d'une doctrine."

Ne conférant aucun corpus doctrinal au gaullisme, le président de la République est donc imperméable aux critiques de ceux qui, à droite ou à gauche, l'accusent de rompre avec les idées de Charles de Gaulle, par exemple à propos de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Otan. À Michel Denisot, Nicolas Sarkozy expliquait donc logiquement que, d'après lui, "le gaullisme a d'abord été le rapport à un homme dont la dimension a fait une partie de l'histoire contemporaine de notre pays, le général de Gaulle, et ce, quels que soient les choix qu'il effectuait. On s'engageait derrière le Général. C'était plus derrière lui, derrière la confiance qu'il suscitait que derrière sa pensée" (1).

"Le gaullisme constitue nos racines. C'est un fait, mais avec le temps qui passe cela devient notoirement insuffisant", écrivait-il dans Libre (Robert Laffont/Xo, 2001) en soulignant que "le gaullisme appartient aujourd'hui à l'histoire de France et, à ce titre, il est devenu l'apanage de chaque Français (…), il est en quelque sorte tombé ou inscrit dans le patrimoine national". Dans les années 1990, Nicolas Sarkozy se réclamait d'ailleurs d'un "gaullisme libéral", oxymore pour ceux qui donnent un contenu économique et social au gaullisme (programme du Conseil National de la Résistance, planification et interventionnisme de l'État, association capital-travail et participation, etc.).

Parallèlement, le dirigeant du RPR rompait avec le positionnement politique ni de droite ni de gauche de sa famille politique (2): "Quant à se dire de droite, une bonne partie de mes amis s'y refusent obstinément. J'avoue avoir du mal à comprendre cette forme de pudeur qui n'est rien d'autre qu'une façon de céder à la mode du moment (…) Car enfin, pourquoi donc serait-il noble d'être de gauche et faudrait-il s'excuser d'être de droite?."

Dans le même livre, Nicolas Sarkozy note par ailleurs que "les héritiers politiques de la famille gaulliste ont une tendance certaine à la nostalgie, qui s'illustre notamment dans le pèlerinage annuel à Colombey": "Je m'en veux d'ailleurs d'avoir sacrifié cette année encore à cette forme de totem, avouait-il. J'ai pourtant clairement conscience que nous entretenons ainsi une caricature, chaque jour plus désuète." La plume de celui qui se rend ce mardi en Haute-Marne devient même féroce lorsqu'il écrit que "Dieu que le paysage est triste en novembre du côté de Bar-le-Duc, il pleut quasi invariablement, il fait froid et le vent souffle fort, à croire que les conditions atmosphériques se mettent de la partie pour rendre le pèlerinage un peu plus difficile".

Depuis sa campagne présidentielle puis son élection à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy affectionne pourtant ces commémorations historiques: il s'est déjà rendu trois fois à Colombey-les-Deux-Églises (en avril et novembre 2007 puis en octobre 2008 pour l'inauguration du Mémorial Charles-de-Gaulle) et quatre fois sur le plateau des Glières, haut lieu de la Résistance (en mai 2007, mars 2008, avril 2009 et 2010).

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 09 novembre 2010
(version plus courte publiée sous le titre De Gaulle-Sarkozy, une filiation revendiquée)

(1) Dans l'unique définition qu'il en donna, Charles de Gaulle présenta le gaullisme comme "un système de pensée, de volonté et d'action" (9 septembre 1968); Nicolas Sarkozy fait l'impasse sur le premier facteur.

(2) "Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche déclarent que j’appartiens à l’autre côté, prouve précisément ce que je vous dis, c’est-à-dire que, maintenant comme toujours, je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France", Charles de Gaulle, 15  décembre 1965.

07 juin 2010

Rama Yade : retour de bling-bling ?

"J'attends que l'équipe de France nous éblouisse par ses résultats plutôt que par le clinquant des hôtels". Comment ne pas être d'accord avec Rama Yade ?

Sauf que la secrétaire d'État chargée des Sports s'expose du coup à un retour de bling-bling...

Ayant suivi Nicolas Sarkozy, à l'époque ministre de l'Intérieur, lors d'un déplacement au Bénin en mai 2006, un détail m'avait étonné : trois chambres triple avaient été réservées au Novotel de Cotonou (hors celle de Nicolas Sarkozy, qui, pour des raisons de sécurité, ne figurait pas sur la fiche des chambres de l'hôtel).

Les deux premières pour les anciens ministres Pierre Méhaignerie et Éric Woerth.

La troisième pour une jeune femme à l'époque encore inconnue du grand public : Rama Yade, secrétaire nationale de l'UMP chargée de la francophonie.

Cela dit, ce choix ne venait peut-être pas d'elle, et je ne sais pas comment elle l'avait personnellement accueilli.

 

deplacement.jpg

 

hotelbis.jpg
fiche des chambres - cliquer pour agrandir
(document exclusif ipolitique.fr)

04 avril 2007

Nicolas Sarkozy Ensemble

medium_sarkozy.jpgÀ trois semaines du premier tour de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a souhaité "lever certains malentendus" lors d'une conférence de presse, lundi, à Paris. Mise au point, tout d'abord, quant à la nature de sa démarche. "Un projet présidentiel, cela ne peut pas et ne doit pas être un catalogue de mesures, a-t-il insisté. Ce qui constitue l'essence d'un projet présidentiel, et au fond sa différence avec un projet législatif, ce sont les valeurs qui le fondent et qui orienteront l'action présidentielle pour les cinq années à venir."

Tel est l'objet du livre qu'il a également présenté lundi, intitulé Ensemble (XO Éditions, 159 pages, 14,90 euros). Dans cet ouvrage, le candidat confirme la réorientation idéologique de son discours, l'ancien porte-parole d'Édouard Balladur chaussant les bottes des partisans d'une "autre politique", quitte à mettre en exergue les contradictions entre ses choix politiques d'hier et les convictions aujourd'hui affichées, notamment dans ses critiques de l'Union européenne.

Mise au point, ensuite, quant à son projet. "J'assume l'intégralité des propositions que j'ai formulées depuis le début de l'année", c'est-à-dire depuis le congrès de l'UMP du 14 janvier dernier, a-t-il affirmé. Une précision utile, étant donné qu'il était devenu difficile sur certains points (laïcité, discrimination positive...) de savoir exactement quelles étaient les propositions du candidat, le président de l'UMP ayant, en un an, changé de position.

C'est notamment le cas sur les institutions, sujet primordial pour les gaullistes. Nicolas Sarkozy a, en effet, renoncé aux révisions constitutionnelles qui auraient abouti, de fait, à l'instauration d'un régime présidentiel à la française. "Je rendrai compte régulièrement de mon action devant les Français et devant le Parlement, se contente-t-il maintenant de dire. Je veux renforcer les pouvoirs du Parlement et l'associer aux nominations les plus importantes." Pour ce faire, Nicolas Sarkozy a indiqué lundi qu'"avant l'été" il désignerait "une commission de révision de la Constitution", et que les "réformes constitutionnelles limitée" nécessaires "seront soumises au Parlement à l'automne".

Mise au point, enfin, sur la nature du document de 16 pages intitulé Mon projet et publié la semaine dernière. Certaines propositions du candidat, notamment les plus libérales sur le bouclier fiscal de 50% ou la réforme de l'ISF, n'y figurent pas. Face aux critiques, Nicolas Sarkozy a souligné qu'il s'agit d'un "document bref" qui "récapitule les grandes mesures" de son projet présidentiel, et que "tout ne pouvait y être dit". Insistant : "Ce n'est pas parce qu'on ne dit pas tout qu'on renonce. Je ne renie donc rien." Tout au moins de ce qu'il a dit depuis janvier.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 03/04/2007

21 février 2007

l'Europe dans la présidentielle

Que proposent les trois principaux candidats issus du OUI sur la question de la Constitution européenne ?

 

François Bayrou

-> adoption par référendum, en même temps que les élections européennes de 2009, d'un nouveau traité ne reprenant que les dispositions institutionnelles de la Constitution européenne.

 

Ségolène Royal

-> adoption par référendum (elle ne précise pas quand) d'un nouveau traité ne reprenant que les dispositions institutionnelles de la Constitution européenne.



Nicolas Sarkozy

-> dans un premier temps : adoption immédiate par voie parlementaire d'un "mini-traité" ne reprenant que les dispositions institutionnelles de la Constitution européenne (comme F. Bayrou et S. Royal donc, sauf que c'est par voie parlementaire et non référendaire)
-> dans un second temps : adoption (il ne précise pas si c'est par voie parlementaire ou référendaire), après les élections européennes de 2009, d'une nouvelle Constitution européenne.

 

Nicolas Sarkozy se démarque donc des deux autres partisans du OUI :

- c'est le seul à vouloir contourner le vote direct du peuple français.

- c'est le seul à envisager, certes dans un second temps, un texte allant au-delà des seules dispositions institutionnelles.