10 janvier 2011
Jean-Pierre Rioux, les centristes et l'UDF
Ne parvenant pas à trouver le temps de boucler la liste précise de mes points de désaccord avec Jean-Pierre Rioux (Les centristes, de Mirabeau à Bayrou, Fayard), voici déjà ceux concernant l'UDF.
Jean-Pierre Rioux intitule un chapitre "le havre giscardien", qu'il commence par cette affirmation: "Sortis affaiblis et désemparés de la tourmente gaulliste, les centristes ont gagné un havre de grâce sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, de 1974 à 1981" (page 176). Afin de qualifier cette période qu'il estime positive pour le centre, l'historien va même jusqu'à parler des "jours heureux du giscardisme" (page 259).
Or, selon moi, le septennat giscardien a, bien au contraire, marqué l'éclipse du centre en France à travers le ralliement à la droite de l'ancien centre d'opposition, qui, en devenant une partie de la droite, n'est logiquement plus un centre. De fait, les élections législatives de 1978 sont les premières véritablement bipolarisées de la Ve République, avec une droite et une gauche hégémoniques et composées de deux partis de force relativement comparable (RPR et UDF à droite, PS et PCF à gauche): c'est le fameux "quadrille bipolaire" de Maurice Duverger.
Le plus étrange, c'est qu'au fil des pages Jean-Pierre Rioux ...me donne raison et, donc, se contredit! Dès l'ouverture dudit chapitre, l'auteur indique en effet que "ce ralliement présentait néanmoins un risque majeur: lier le destin du centre à celui de Valéry Giscard d'Estaing et de sa majorité, et laisser s'installer le sentiment que le centre ne pouvait être qu'à droite dans une Ve République à vocation bipolaire et, pis, qu'il y était à sa juste place" (page 177). Plus loin, il écrit que la création de l'UDF "en hâtant la bipolarisation en «quadrille», a fait courir au centrisme le risque de l'évaporation par fusion" (page 192) ou encore que les centristes se sont trouvés "enchâssés à droite par leur participation à l'UDF" (page 208). "Réaffirmer une identité centriste et bientôt, peut-être, une relative autonomie des centristes après vingt-cinq années de ralliement à la droite giscardienne et vingt années de consentement à la confusion cohabitationniste et à la dilution au sein de l'UDF: tel a été le pari de François Bayrou dès 1999" (pages 219-220), conclut-il finalement.
Rien à redire à ces derniers extraits, à une divergence de vocabulaire près: en quoi des centristes ralliés à la droite peuvent-ils encore être qualifiés de centristes? Pour moi, en effet, on ne peut pas en même temps être au centre (c'est-à-dire ni à droite ni à gauche) et à droite (ou à gauche). Bref, comme aurait dit La Palice, le centre c'est le centre au centre, tandis que le centre à droite (ou à gauche), ce n'est plus le centre!
Afin d'être complètement honnête, je me dois tout de même de répondre au principal élément de fond avancé par Jean-Pierre Rioux pour justifier son jugement positif du septennat de Valéry Giscard d'Estaing pour le centre: le giscardisme "ce surgeon de la droite orléaniste et libérale, ce métissage de conservatisme, de modération et de modernité, ce vecteur d'un libéralisme orchestrant une société recomposée par le «changement sans le risque», a endossé le meilleur de la philosophie centriste du rassemblement et du juste milieu" (page 177); Valéry Giscard d'Estaing a "exposé en 1976 son désir d'exercer le pouvoir présidentiel et de faire évoluer la Ve République en s'inspirant, sans renier sa famille politique de droite, de l'expérience et des valeurs du centrisme de «bon gouvernement», hérité du temps de Guizot et de Ferry" (page 181).
Reprenons le raisonnement de l'auteur : 1) François Guizot et Jules Ferry incarnaient le centrisme de "bon gouvernement", "du rassemblement et du juste milieu" 2) VGE a repris dans Démocratie française cette philosophie 3) donc VGE s'est inspiré du centrisme.
Or, il me semble que l'historien oublie juste une chose: Guizot, Ferry et Giscard d'Estaing appartiennent à la même famille politique, la famille libérale. Il est donc logique qu'ils défendent le même libéralisme politique et le même parlementarisme face aux tenants d'un exécutif fort!
En réalité, jusqu'à la page 95 ce n'est effectivement pas une histoire du centre que nous livre Jean-Pierre Rioux mais une histoire de la famille libérale. Une famille dont les représentants n'ont pas toujours siégé au centre des assemblées parlementaires: Jules Ferry, par exemple, n'était absolument pas au centre mais à gauche (ses partisans étaient regroupés au sein du groupe de la Gauche républicaine). Mais je reviendrai sur cette critique, la plus importante il me semble, dans une prochaine note...
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18 juin 2010
Ce que signifie pour moi le 18 Juin
Sollicité par Jean Charbonnel, ancien ministre de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou, pour sa lettre politique, j'ai accepté de lui livrer en toute indépendance ma vision du 18 Juin. Voici le texte que je lui ai donné :
"Il est des dates dont on est imprégné dès sa première initiation à l'Histoire de France. Le 18 Juin en fait partie pour moi, comme certainement pour beaucoup de Français y compris des jeunes générations. Inutile, d'ailleurs, d'en préciser l'année. Un privilège rare dont bénéficient surtout les jours fériés liés à l'Histoire de la nation : 8 mai (1945), 14 juillet (1790, Fête de la Fédération), 11 novembre (1918).
Le 18 Juin a longtemps été intuitivement associé dans mon esprit à une rupture : il y eut un avant et un après 18 juin 1940. Comme il y avait eu un avant et un après 1789.
Aujourd'hui, le 18 Juin est cependant davantage associé pour moi à l'idée de continuité.
En juin 1940, le général de Gaulle n'est certes pas le seul à avoir dit NON au fatalisme, à l'Armistice et à l'Occupation : sans son Appel sur les ondes de la BBC, il y aurait bien entendu eu des Résistants (il y en eut d'ailleurs dès le 17 juin), voire une Résistance. Mais il n'y aurait sans doute pas eu une France libre, incarnation de la continuité française.
La signification profonde du 18 Juin, c'est en effet que la France n'est pas à Vichy mais à Londres. Si des Français ont accomplis l'irréparable en étant complice du processus de déportation et d'extermination des juifs, la France, elle, poursuivait bien le combat contre l'Allemagne.
C'est à l'Appel du général de Gaulle que nous le devons. Invoquer la responsabilité de la France dans le crime contre l'Humanité jugé au Tribunal de Nuremberg, comme cela a pu être fait jusqu'au plus haut sommet de l'État, c'est donc nier le 18 Juin, acte fondateur du gaullisme."
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03 juin 2010
Le gaullisme de la Résistance ne fait toujours pas l'unanimité
Le programme de littérature en terminale littéraire est composé de quatre domaines :
• Grands modèles littéraires - Modèles antiques
• Langage verbal et images - Littérature et cinéma
• Littérature et débats d'idées - Littérature et histoire
• Littérature contemporaine - Œuvres contemporaines françaises ou de langue française
Pour l'année scolaire 2010-2011, le gouvernement a choisi les œuvres suivantes (Bulletin officiel) :
• Grands modèles littéraires - Modèles antiques
Œuvre : L'Odyssée d'Homère (Chants V à XIII), traduction Philippe Jaccottet, édition FM/La Découverte.
• Langage verbal et images - Littérature et cinéma
Œuvre : Tous les matins du monde de Pascal Quignard.
Film : Tous les matins du monde d'Alain Corneau.
• Littérature et débats d'idées - Littérature et histoire
Œuvre : Mémoires de guerre, tome III, "Le Salut, 1944-1946", Charles de Gaulle.
• Littérature contemporaine - Œuvres contemporaines françaises ou de langue française
Œuvre : Fin de partie de Samuel Beckett.
Que croyez-vous qu'il arriva ? Un collectif de professeurs de lettres (même pas d'extrême droite, comme on pourrait spontanément le croire) demanda le retrait de l'œuvre du général de Gaulle au motif que "proposer De Gaulle aux élèves est tout bonnement une négation de [leur] discipline" et qu'on pourrait soupçonner ce choix "de flatter la couleur politique du pouvoir en place" (sic !). "Nous transmettons des valeurs républicaines, pas des opinions politiques", conclut ce collectif, alors que le SNES avait déjà contesté ce choix.
Question : en quoi la Résistance est-elle une "opinion politique" ? N'est-elle pas, plutôt, une composante de notre patrimoine historique national ? Quant aux "valeurs républicaines", n'étaient-elles pas, justement, davantage dans la Résistance que dans l'acceptation de l'Occupation et la Collaboration ? ...
Hasard : quelques jours auparavant, un ami Niortais m'avait fait part de sa consternation devant le récent refus de sa ville d'honorer l'Appel du 18 Juin en donnant à une nouvelle esplanade, près du café où Maurice Schumann l'entendit, le nom du 18 juin 1940. J'ai voulu consulter les procès-verbaux du conseil municipal de Niort afin de prendre connaissance de la motivation de ce refus par la majorité municipale (même pas d'extrême droite, comme on pourrait spontanément le croire), mais malheureusement le dernier en ligne date à ce jour du 18 janvier...
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27 mai 2010
La retraite à 60 ans : une mesure emblématique de l'alternance de 1981
La retraite à 60 ans - que l'actuelle majorité veut remettre en cause - a été l'une des mesures les plus emblématiques du premier septennat de François Mitterrand. Il s'agissait de la 82e des 110 propositions du candidat socialiste. "Le droit à la retraite à taux plein sera ouvert aux hommes à partir de 60 ans et aux femmes à partir de 55 ans", pouvait-on ainsi lire en ouverture du sous-chapitre intitulé "Une société solidaire". Le passage de la retraite de 65 à 60 ans n'a toutefois pas fait l'objet d'une loi votée par le Parlement mais a été adopté par ordonnance, avec entrée en vigueur le 1er avril 1983.
"L'abaissement à 60 ans de l'âge de la retraite est une aspiration sociale ancienne qui n'a pas reçu jusqu'à présent une réponse satisfaisante", exposait l'ordonnance du 26 mars 1982. Cette dernière souligne donci que cela "constituera une étape significative de la politique de progrès social mise en œuvre par le gouvernement". Le fondement de cette mesure est l'idée d'un "véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l'issue d'une durée de carrière normale".
Le contexte politique est bien entendu celui de l'alternance de 1981, avec l'élection, le 10 mai, de François Mitterrand à la présidence de la République. En décembre, le Parlement vote un projet de loi d'orientation autorisant le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'ordre social. C'est sous cette forme que seront adoptés, entre janvier et mars 1982, la réduction du temps de travail hebdomadaire de 40 à 39 heures, l'instauration d'une cinquième semaine de congés payés, l'abaissement de l'âge de la retraite ou encore la création des chèques vacances.
Mais c'est justement à cette période que prend fin l'"état de grâce" de la nouvelle majorité. À l'issue des élections cantonales des 14 et 21 mars, la droite prend en effet huit présidences de conseils généraux à la gauche. Parallèlement, la majorité de gauche commence à se diviser. Dès la fin novembre 1981, le ministre de l'économie et des finances, Jacques Delors (PS), souhaite "une pause dans les réformes". L'économie française connaît en effet une passe difficile depuis le second choc pétrolier de 1979. Alors que les partenaires commerciaux de la France adoptent des budgets de rigueur, le projet de loi de finances pour 1982 est, à l'inverse, un budget de relance keynésienne, avec une hausse de près de 30% des dépenses publiques. Si cette politique permet de créer des emplois, elle dégrade en revanche fortement la balance commerciale.
En juin 1982, le "plan d'accompagnement" d'une deuxième petite dévaluation du franc marque le début du "tournant de la rigueur" avec le blocage temporaire des prix et des salaires (Smic excepté), suscitant le mécontentement du PCF et d'une partie du PS (1). Pour la gauche sonne l'heure du choix. Soit la sortie du Système monétaire européen (SME) en laissant le franc se déprécier fortement afin de freiner les importations et de soutenir le développement industriel et l'emploi. Soit le maintien au sein du SME, c'est-à-dire la priorité donnée à la lutte contre l'inflation (franc fort) et la confirmation d'une politique de rigueur. François Mitterrand tranchera en faveur de cette seconde option, refermant le temps des grandes réformes structurelles : décentralisation, nationalisations, grandes mesures emblêmatiques d'ordre social.
Laurent de Boissieu
La Croix, 27 mai 2010
(1) ministre de la Solidarité nationale, la chevènementiste Nicole Questiaux démissionne dès juin 1982 du gouvernement, qui engage le même mois sa responsabilité devant l'Assemblée nationale sur son programme économique; Jean-Pierre Chevènement ne siègera plus dans le gouvernement Mauroy III (22/03/1983) mais reviendra dans le gouvernement Fabius (17/07/1984), auquel ne participera en revanche plus le PCF.
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08 janvier 2010
Avec Philippe Séguin, une certaine idée du gaullisme s'en est allée
Le monde politique lui a rendu un vibrant hommage, y compris ses anciens opposants. Aussi bien ceux à l'extérieur qu'à l'intérieur de sa famille politique, puisque Philippe Séguin y a incarné une certaine idée du gaullisme, progressivement de plus en plus minoritaire. Jusqu'à la marginalité.
Le séguinisme est d'abord un patriotisme, exacerbé par son histoire personnelle. Né le 21 avril 1943 à Tunis, Philippe Séguin ne connaîtra jamais son père. Combattant de l'armée d'Afrique, Robert Séguin est en effet tué par les Allemands dans le Doubs le 7 septembre 1943. Dans un cahier relié vert consacré à la mémoire de son mari, sa mère Denyse a laissé quelques mots à son "petit Philippe" : "Voilà, mon fils, la fin de ton papa. Suis son exemple de bravoure. Sois à son exemple brave, courageux, bon, honnête. Je te laisse ses notes et toutes nos lettres. Voilà ton héritage." Le 11 novembre 1949, à Tunis, le jeune Philippe Séguin a six ans lorsqu'il reçoit, au nom de son père, la croix de guerre et la médaille militaire. Toute sa vie, il semblera logique à Philippe Séguin de refuser la Légion d'honneur, qui n'avait pas été accordée à celui qui était mort pour la libération de la France. Il conservera par ailleurs une relation "charnelle" avec la Tunisie, sa terre natale, indépendante en 1956.
Le patriotisme de Philippe Séguin trouvera un prolongement dans la défense de la souveraineté de la France face à une construction européenne de nature supranationale. C'est lui qui portera, vainement, en septembre 1992, la contradiction à François Mitterrand lors du débat télévisé organisé dans le cadre de la campagne référendaire sur le traité de Maastricht. Quelques mois auparavant, le 5 mai, il avait prononcé un discours mémorable à l'Assemblée nationale et rassemblé autour de son exception d'irrecevabilité l'ensemble des "souverainistes" : 58 RPR sur 126, les communistes, les socialistes chevènementistes, une poignée d'UDF. En 1998-1999, Philippe Séguin ne participera toutefois pas à la dissidence souverainiste menée par Charles Pasqua. Dès 1996, certains de ses anciens amis l'avaient accusé de trahir ses idées en se ralliant à la monnaie unique européenne. L'intéressé expliquera qu'il n'a en réalité fait qu'en prendre "tout simplement acte, puisque tel avait été le verdict populaire".
L'opposition de Philippe Séguin au traité de Maastricht était non seulement souverainiste mais aussi sociale. Celui qui a flirté dans sa jeunesse avec le PSU et la SFIO, avant de devenir définitivement gaulliste dans le contexte de l'élection présidentielle de 1965, était l'un des derniers à défendre un gaullisme irréductible à une droite libérale et conservatrice. En juin 1993, il dénonce en la qualifiant de "Munich social" la politique monétaire des gouvernements européens qui renoncent à lutter contre le chômage de masse. Président de l'Assemblée nationale sous la deuxième cohabitation, il appartient pourtant à la majorité issue des élections législatives de mars 1993. Symbole de ce positionnement ambigu, les jeunes séguinistes se réunissent au sein du Rassemblement pour une autre politique (RAP), alors qu'Édouard Balladur, également RPR, est à Matignon ! Lors de la présidentielle de 1995, c'est logiquement sa voix de Stentor qui incarna, face à la candidature du premier ministre sortant, la campagne de Jacques Chirac sur le thème de la "fracture sociale" et du "pacte républicain".
Son combat pour contrecarrer la "libéralomania" et la "dérive droitière du RPR", dénoncées dès 1984, sera toutefois ponctué d'échecs. En 1988, il est battu d'une voix par le chiraquien Bernard Pons pour le présidence du groupe néogaulliste à l'Assemblée nationale. En 1990, aux assises du Bourget du RPR, sa motion commune avec Charles Pasqua n'obtient que 31,4% face à celle des chiraquiens. En mai 1995, après l'élection de Jacques Chirac à la l'Élysée, c'est Alain Juppé, et non lui, qui est nommé à Matignon : dès le 26 octobre 1995, le premier ministre chiraquien tourne définitivement le dos à l'"autre politique"...
La victoire de la gauche après la dissolution de l'Assemblée nationale semble marquer en 1997 sa revanche, puisque Philippe Séguin devient président du RPR. Son alliance contre-nature avec les balladuriens (Nicolas Sarkozy sera nommé secrétaire général du parti) ne lui permettra toutefois pas de réorienter idéologiquement sa famille politique. Il démissionnera finalement de la présidence du RPR le 16 avril 1999, dans le contexte des élections européennes où il refusait de cautionner l'adhésion au groupe PPE du Parlement européen. Les séguinistes se divisent alors. Certains partent avec Charles Pasqua. D'autres soutiennent la candidature de l'un des leurs, François Fillon, à la présidence du RPR (24,6% au premier tour, derrière Jean-Paul Delevoye et Michèle Alliot-Marie).
La candidature de Philippe Séguin à la mairie de Paris, en 2001, marquera son dernier combat politique. Et, surtout, le dernier échec de celui qui avait été élu maire d'Épinal, dans les Vosges, en 1983, puis réélu en 1989 et 1995. Aux élections législatives de 2002, cet intransigeant aux colères homériques renonce à l'Assemblée nationale, où il avait été élu pour la première fois en 1978. Il démissionnera de son dernier mandat, celui de conseiller de Paris, en octobre 2002, et sera le seul poids lourd du RPR à refuser de rallier l'UMP, aboutissement de l'alignement du gaullisme à droite.
Le bilan de la carrière politique de cet énarque, fruit de la méritocratie républicaine, est paradoxal. Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi durant la première cohabitation (1986-1988), c'est lui qui fera voter au Parlement une des mesures les plus libérales : l'abrogation de l'autorisation administrative de licenciement. Président du RPR, c'est sous sa responsabilité que, pour la première fois, sur une affiche inspirée d'Astérix et Obélix, un parti gaulliste s'est revendiqué de la droite. Aujourd'hui, si François Fillon a idéologiquement tourné le dos au séguinisme, ce dernier se prolonge dans la majorité à travers Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l'Élysée, et dans l'opposition à travers Nicolas Dupont-Aignan, fondateur du parti Debout la République.
Après son retrait de la politique, ce "passionné raisonnable" de football, par ailleurs grand fumeur de cigarettes sans filtre, sera successivement nommé délégué du gouvernement français au Bureau international du travail (2002) puis premier président de la Cour des comptes (2004), à laquelle il redonna voix et autorité. Profondément attaché à ses quatre enfants et à ses nombreux petits-enfants, Philippe Séguin, qui a perdu sa mère en octobre dernier, confiait en février 2007 à La Croix, au sujet de sa mort : "Je me dis qu'elle arrivera à un moment où la lassitude et le besoin de repos l'emporteront. Il faut que cela s'arrête à un moment. J'aimerais mourir dans mon lit, entouré des miens, par un temps ensoleillé. Surtout pas d'obscurité..."
Laurent de Boissieu
© La Croix, 08/01/2009 (version un peu plus longue que celle publiée sur papier)
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22 octobre 2009
Désobéissance civique
Je ne suis pas prof d'Histoire (mais j'aurais pu l'être, d'ailleurs ma vocation initiale était plus la recherche et l'enseignement que le journalisme). Mais si j'avais été prof d'Histoire, je n'aurais pas lu la lettre de Guy Môquet à mes élèves. Lettre touchante, certes, d'un jeune homme condamné à sa mère, mais lettre sans aucune portée historique d'un faux Résistant. Bien entendu, à la Libération il fallait symboliser l'unité nationale, des gaullistes aux communistes, et le fils de Prosper Môquet, lié au général de Gaulle depuis Alger, était un symbole tout trouvé. La Révolution avait son Joseph Bara; la Résistance aurait son Guy Môquet.
Non, si j'avais été prof d'Histoire j'aurais lu, sur les conseils de M. Naegelen, ministre de l'Éducation nationale en septembre 1947, les lettres écrites quelques heures avant leur exécution par cinq élèves du Lycée Buffon de Paris qui, entrés - eux - dans la Résistance active, furent arrêtés et fusillés par les Allemands le 8 février 1943 au Mont Valérien.
Les voici :
Lettre de Lucien Legros (1924-1943)
Lettres de Pierre Grelot (1923-1943)
Lettre de Pierre Benoît (1925-1943)
Lettre de Jacques Baudry (1922-1943)
Lettre de Jean Arthus (1925-19432)
Honneur et Patrie
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06 juin 2009
Barack et Nicolas, deux Américains en Normandie
Non, je ne parlerai plus des élections européennes... jusqu'à lundi !
En revanche, la visite de Barack Obama en France m'inspire deux réflexions.
1) Nicolas Sarkozy a décoré un ancien militaire américain ayant participé au débarquement du 6 juin 1944 : William Dabney. Très bien ! Mais quel acte héroïque a donc accompli William Dabney pour mériter un tel honneur de la France ? Une dépêche AFP nous le révèle : "Le bataillon de William Dabney se servait de ballons ascendants pourvus de câbles métalliques pour intercepter les avions allemands volant à basse altitude". Les ballons perdus, "nous nous sommes enterrés dans le sable pendant deux jours environ pour sauver notre peau", raconte William Dabney. Je ne critique pas : peut-être aurais-je réagi de la même façon. Mais dans ce cas je n'aurais pas mérité d'êre décoré.
Alors, pourquoi diantre William Dabney a-t-il été décoré ? Mais tout simplement parce qu'il a le pigment de la peau de couleur noire. Et que notre président de la République ne s'est pas conduit en Français mais en "Sarkozy l'Américain".
Car en France il n'y a pas de communautés. Et lorsque la France rend hommage aux soldats américains morts pour sa liberté, elle rend donc hommage à TOUS les soldats américains. Elle n'a pas à importer de l'étranger je ne sais quel communautarisme racialiste et anti-républicain en rendant hommage à une fraction du peuple américain. Nicolas Sarkozy, pourtant, l'a fait.
2) Barack Obama avait auparavant prononcé, en Égypte, un discours égratignant la laïcité française sur la question du voile islamique.
C'est peut-être dans l'esprit américain que de se la jouer petits arrangements entre gentils fondamentalistes (chrétiens aux États-Unis, musulmans en Égypte) contre méchants défenseurs de la laïcité (nous, les Français). Giflant ainsi, au passage, tous les combattants de la laïcité et des droits de l'Homme (femmes comprises bien entendu : je ne saucisonne par l'humanité) dans les États musulmans !
On aurait alors pu s'attendre à ce qu'un président de la République française réaffirme sur le territoire de la République les valeurs républicaines intangibles. Même pas. Pire : qu'a fait "Sarkoy l'Américain" ? Il a déclaré être "totalement d'accord avec le discours du président Obama, y compris sur la question du voile". (il est vrai que lors des travaux préparatoire de la loi sur le port de signes religieux ostentatoires à l'école, Nicolas Sarkozy avait, à lépoque, lancé ses chevau-légers contre les conclusions de la mission Debré : communiqué du 4 décembre 2003 signé par Christian Estrosi, Christian Vanneste, Alain Joyandet et Pierre Cardo).
Bon, je sais, on va m'accuser d'anti-sarkozysme primaire. Mais ce n'est pas ma faute, moi, si l'"enfant barbare" n'en rate pas une !
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08 octobre 2008
L'unité nationale : sois d'accord et tais-toi !
La déclaration du gouvernement suivie d'un "débat" sans vote sur la crise financière et bancaire sera aujourd'hui l'occasion pour François Fillon de relancer son appel à l'"unité nationale". "Dans cette conjoncture exceptionnelle, j'invite tous les Français, qu'ils soient de droite, du centre ou de gauche, à faire preuve d'unité", avait encore plaidé le premier ministre, vendredi dernier, aux journées parlementaires de l'UMP. Invitant la majorité et l'opposition à "dégager des points de consensus" et à mettre de côté les "querelles subalternes".
Mais, pour qu'il y ait "unité nationale", encore faudrait-il qu'il y ait consensus national sur les réponses politiques à apporter à la crise. Or celles-ci sont multiples et opposées. Si François Fillon hésite entre politique de rigueur (diviser par deux le rythme de croissance annuel de la dépense publique et ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partants à la retraite) et politique de relance libérale par l'offre ("le taux de prélèvement obligatoire n'augmentera pas et toute reprise de la croissance sera mise à profit pour le baisser d'ici 2012"), le chef du gouvernement refuse, en dépit des mesures annoncées en faveur des PME et du logement, toute idée de relance keynésienne par la demande, qui sortirait de fait la France des clous de Maastricht.
Fin de non recevoir, donc, pour Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l'Élysée, qui avait plaidé pour que "temporairement" les critères de Maastricht ne soient plus "la priorité des priorités". Il est vrai que si l'ensemble du PS reproche au gouvernement de ne plus avoir de marges de manœuvre budgétaires à cause du "paquet fiscal" voté l'année dernière, seule l'aile gauche du parti remet pareillement en cause les critères de Maastricht. "Je pense que c'est une bonne idée", avait ainsi répondu Benoît Hamon, premier signataire de la motion "Un monde d'avance", interrogé sur la proposition d'Henri Guaino. Il ne faut "pas prendre prétexte de cette crise et de ces circonstances exceptionnelles pour jeter le bébé avec l'eau du bain et se débarrasser de ces règles de bonne gestion qui devraient rassembler tous les Européens", a rétorqué Elisabeth Guigou, député PS et ex-ministre des affaires européennes.
Comme toujours depuis 1983, du référendum sur le traité de Maastricht (1992) au référendum sur le traité constitutionnel européen (2005), c'est bien le même clivage qui oppose d'une côté les partisans du "cercle de la raison" et de l'autre les adversaires de la "pensée unique", c'est-à-dire de l'orthodoxie budgétaire et monétaire. "Lorsque le sage montre la lune l'imbécile regarde le doigt" : ce clivage est avant tout économique et social, alors qu'il est le plus souvent dénaturé et présenté comme une opposition entre pro-européens (les gentils) et anti-européens (les méchants).
Quant à l'idée d'"unité nationale", outre le fait qu'un tel appel relève du chef de l'État et non du premier ministre, elle puise sa source historique dans l'Union sacrée durant la première guerre mondiale. La France "sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée", avait déclaré le président de la République Raymond Poincaré dans son message aux chambres, le 4 août 1914. Un gouvernement inédit d'unanimité nationale est alors mis en place, allant de la SFIO (d'août 1914 à septembre 1917) à la droite royaliste (d'octobre 1915 à août 1917). Mais dès 1917 cette unité nationale se brise. La déclaration ministérielle de Georges Clémenceau, commençant par "Je fais la guerre", le 20 novembre 1917, est ainsi votée par 418 députés contre 65 (dont 64 SFIO) et 40 abstentions.
La France a connu deux autres expériences de gouvernements d'unanimité nationale. La première à la Libération, dans le prolongement de la Résistance à l'occupant, jusqu'à la démission des ministres communistes en mai 1947 (guerre froide). La seconde lors de l'installation de la Ve République, jusqu'en janvier 1959. Cette dernière unité nationale fut toutefois imparfaite, puisqu'elle n'inclut ni une minorité de la gauche non communiste (réunie au sein de l'Union des Forces Démocratiques : Pierre Mendès France, François Mitterrand, etc.) ni le PCF.
Enfin, les gouvernements dits d'"union nationale" sous la IIIe République étaient en fait des gouvernements de centre-droit allant de la droite au centre-gauche (radicaux, socialistes non SFIO) : Raymond Poincaré en 1926 (après l'échec du Cartel des gauches) puis Gaston Doumergue en 1934 (après les évènements du 6 février 1934). Même scénario en 1938, après la chute du Front populaire. Par 514 voix contre 8, la chambre des députés autorise en effet le gouvernement du radical Edouard Daladier à agir par décret-loi "pour faire face aux dépenses nécessitées par la défense nationale et redresser les finances et l'économie de la nation". Cette unité nationale vole cependant vite en éclats, lorsque le président du conseil estime que ce redressement passe par la remise en cause de certains acquis du Front populaire (les 40 heures). Quitte à ma répéter : pour qu'il y ait unité nationale, encore faut-il qu'il y ait préalablement consensus national sur la politique à mener. Sinon, l'appel à l'unité nationale revient simplement à demander à l'opposition de la fermer.
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23 septembre 2008
Le nouveau rapport de force droite/gauche au Sénat
GAUCHE (153 sénateurs)
non renouvelables : 91
renouvelables : 35
ne se représentant pas : 14
battus : 2 (Yves Ackermann, SOC; Gérard Delfau, RDSE)
réélus : 19
élus : 43
bilan : +27
DROITE (190 sénateurs)
vacant : 1
non renouvelables : 138
renouvelables : 66
ne se représentant pas : 28
battus : 8 (Pierre Laffitte, RDSE; Georges Othily, RDSE; Philippe Arnaud, UC-UDF; Philippe Nogrix, UC-UDF; Louis de Broissia, UMP; Dominique Mortemousque, UMP; Jean Puech, UMP; Henri de Richemont, UMP)
réélus : 30
élus : 22
bilan : -15
(N.B. : par défaut, l'ensemble des membres du groupe UC-UDF ont été classés à droite; les chiffres diffèrent selon les sources, Daniel Marsin, porte-parole de La Gauche Moderne et à ce titre membre de la majorité de droite, étant souvent par erreur comptabilisé dans l'opposition de gauche)
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Composition du Sénat
Voici, d'après mes calculs, la composition du Sénat, en partant des groupes sortants (le PRG ambitionnant de créer son propre groupe, éventuellement sans les radicaux de droite) :
groupe parlementaire | ||
Groupe Communiste Républicain et Citoyen (CRC) | 24 | 7,0% |
Groupe Socialiste (SOC) | 115 | 33,5% |
Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) | 17 | 5,0% |
Groupe Union Centriste - UDF (UC-UDF) | 28 | 8,2% |
Groupe Union pour un Mouvement Populaire (UMP) | 150 | 43,7% |
réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe | 6 | 1,7% |
indéterminés | 3 | 0,9% |
total | 343 |
Les trois sénateurs indéterminés sont Alain Houpert (divers droite), Georges Patient (divers gauche) et Richard Tuheiava (indépendantiste polynésien). Les deux nouveaux sénateurs radicaux de droite (Alain Chatillon et Sophie Joissains) sont réputés siéger au groupe UMP et non au groupe RDSE.
Groupe Communiste Républicain et Citoyen (CRC)
sortants : 3
ne se représentant pas : 2
battus : 0
réélus : 1
élus : 3
bilan : +1
sortants : 29
ne se représentant pas : 12
battus : 1
réélus : 16 (dont les dissidents Jean-Pierre Plancade et Robert Tropeano)
élus : 33
bilan : +20
Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE)
sortants : 8
ne se représentant pas : 2
battus : 3
réélus : 3 (dont l'UMP Aymeri de Montesquiou)
élus : 5
bilan : =
Groupe Union Centriste - UDF (UC-UDF)
sortants : 4
ne se représentant pas : 1
battus : 2
réélus : 1
élus : 1
bilan : -2
Groupe Union pour un Mouvement Populaire (UMP)
sortants : 56
ne se représentant pas : 25
battus : 4
réélus : 27 (dont les dissidents Gérard César et Gaston Flosse ainsi que les radicaux Alain Chatillon et Sophie Joissains)
élus : 20
bilan : -9
réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe
sortants : 1
ne se représentant pas : 0
battus : 0
réélus : 1
élus : 0
bilan : =
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