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01 septembre 2009

Le centrisme de l'UDF, un mythe trompeur

Les débats entre le MoDem et le Nouveau Centre sont d'emblée faussés par un mythe : celui du positionnement de l'UDF au centre.

 

L'UDF giscardienne de 1978 est issue du regroupement, face au RPR, de deux pôles :

- la droite libérale giscardienne (ralliée en 1962 à la majorité parlementaire gaulliste);

- l'ancien centre d'opposition (une fraction ralliée en 1969 à la majorité présidentielle néogaulliste, l'autre fraction ralliée en 1974 à la majorité présidentielle giscardienne), principalement issu des familles démocrate-chrétienne et radicale.

 

La création de l'UDF symbolise précisément la bipolarisation de la vie politique française et la fin - jusqu'à la création du MoDem - du centre en France (le dernier avatar du centre étant à cette époque le Parti Socialiste Démocrate d'Éric Hintermann). Jusqu'à la rupture de François Bayrou avec la droite, l'UDF (y compris la "Nouvelle UDF" bayrouiste de 1998) est en effet un parti de centre droit, faisant parfois le choix de l'autonomie au premier tour mais participant systématiquement au rassemblement de la droite au second.

 

Or, aujourd'hui, ce positionnement qui était celui de l'UDF correspond très exactement à celui du Nouveau Centre.

À une différence près, aux conséquences politiques importantes : sa taille face à l'UMP. Si grosso modo l'UDF faisait le poids face au RPR, le Nouveau Centre ne fait plus le poids face à l'UMP. Ce qui réduit sa marge d'autonomie et risque de n'en faire qu'un satellite du parti dominant sur ce bord de l'échiquier politique. Les élections régionales de 2010 constituent donc un test pour la capacité d'autonomie du parti d'Hervé Morin et Jean-Christophe Lagarde...

06 mai 2009

Nicolas Sarkozy a favorisé la conversion européenne de la droite française

sarkochirac.jpgNicolas Sarkozy s'est lancé hier soir dans la campagne pour les élections européennes en prononçant, à Nîmes, un discours sur le thème de la France et l'Europe.

Officiellement, il s'agissait d'une réunion non partisane destinée à vanter le bilan de la présidence française de l'Union européenne (juillet-décembre 2008) et à délivrer la vision française de la poursuite de la construction européenne.

Officieusement, il s'agissait bien de relancer la campagne de l'UMP, qui boucle seulement maintenant ses listes, longtemps après la désignation des chefs de file, le 24 janvier. Symboliquement, le portrait du président de la République illustrera même l'affiche du parti, accompagné du slogan "quand l'Europe veut, l'Europe peut" et du sous-titre "le 7 juin, votez pour la majorité présidentielle". Le projet européen de l'UMP devrait également être validé demain par son bureau politique. L'ambition est de "porter haut le drapeau européen" à travers une trentaine de propositions, parmi lesquelles devraient figurer la création d'une caisse des dépôts européenne, la levée d'un grand emprunt européen (déjà proposée par François Bayrou) ou l'instauration d'une déclaration de politique générale du président de la commission européenne devant le Parlement européen.

Que de chemin parcouru par la droite française depuis l'opposition du RPR à l'élection du Parlement européen au suffrage universel direct, dans les années 70. Le ralliement des néogaullistes à l'actuelle construction européenne est d'ailleurs un élément clef de la convergence idéologique ayant favorisé la création de l'UMP, parti de droite à vocation majoritaire. Ses dirigeants sont effectivement issus de plusieurs courants politiques que l'Europe a longtemps séparés, le gaullisme étant historiquement "souverainiste". Deux dates symbolisent cette évolution : 1978 et 1992. La première, c'est l'appel dit de Cochin lancé par Jacques Chirac pour dénoncer "le parti de l'étranger", c'est-à-dire l'UDF "supranationaliste". La seconde, c'est le choix du même Jacques Chirac de voter oui au référendum du traité de Maastricht. Cette mutation idéologique des néogaullistes a été progressive au fil des scrutins européens.

En 1979, le parti chiraquien part seul à la bataille face à la liste UDF menée par Simone Veil. Les deux partis feront ensuite liste commune, à chaque fois conduite par un UDF (Simone Veil en 1984, Valéry Giscard d'Estaing en 1989, Dominique Baudis en 1994). Dans son nouveau livre (Abus de pouvoir, Plon), François Bayrou relate ces premières négociations, en 1984 : "Pierre Méhaignerie plaidait l'incompatibilité des idées : ‘‘Nous ne pouvons pas faire liste commune avec toi puisque sur l'Europe nous pensons radicalement le contraire''. Jacques Chirac alors déploya sa haute taille et grandiose lui répondit : ‘‘Sur l'Europe, aucune différence ! La preuve : voilà la feuille sur laquelle tu écriras le programme, je la signe à l'avance !''. Et sur le document vierge, il apposa un superbe paraphe".

En 1994, au-delà même de son courant souverainiste (Charles Pasqua, Philippe Séguin), les parlementaires européens RPR refusent encore tous, malgré leur engagement, de rallier le groupe du Parti populaire européen (PPE). Il faudra attendre pour cela 1999 et la volonté de la tête de liste de l'époque : Nicolas Sarkozy. "Seul Philippe Séguin y était opposé, racontera plus tard l'intéressé (Libre, 2001). Je parvins à le convaincre de ne pas manifester publiquement son désaccord grâce à un artifice qui permettait aux députés RPR d'adhérer au groupe PPE sans avoir à ratifier la charte du parti lui-même, dont les réminiscences fédéralistes et confessionnelles pouvaient choquer les moins enthousiastes des Européens parmi nous. Finalement, j'obtins le soutien unanime du bureau politique du RPR. Ce fut la seule satisfaction de ce début d'été 1999, mais elle marqua un authentique tournant européen pour le RPR. J'espère sincèrement qu'il sera sans retour". Ce qui sera le cas.

Nicolas Sarkozy est en outre le premier président de la République française à avoir posé pour sa photo officielle à côté du drapeau européen, tandis que l'UMP est aujourd'hui un des piliers du PPE. Lors de son dernier congrès, les 29 et 30 avril derniers, il en formait ainsi le troisième parti en termes de droits de vote, derrière la CDU allemande et le Partido popular espagnol. Enfin, c'est un UMP, Joseph Daul, qui en préside depuis 2007 le groupe au Parlement européen. Le précédent Français ayant occupé ce poste était Alain Poher (MRP), entre 1958 et 1966.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 06/05/2009

16 avril 2008

L'UDF est la réponse, mais quelle est la question ?

1601172645.jpgLe bureau mis en place le 30 novembre 2007 dans le but de garantir "les intérêts juridiques, matériels, moraux, les idées et les valeurs de l'UDF" se réunit ce mercredi. Plusieurs de ses membres (les sénateurs Michel Mercier et Jean Arthuis, le parlementaire européen Thierry Cornillet) aimeraient en effet "faire revivre l'UDF".

Juridiquement, le parti de centre droit créé en 1978 existe, certes, toujours. Mais, depuis le congrès de Villepinte, le 30 novembre 2007, l'UDF est devenue "membre fondateur" du Mouvement démocrate et n’est plus qu'une coquille vide. La motion votée à l'époque est explicite : "À dater du 1er décembre 2007, tout adhérent de l'UDF est adhérent du Mouvement démocrate. L'UDF délègue aux instances du Mouvement démocrate la responsabilité de l'action et de l'expression communes. Les autres instances nationales et locales de l'UDF s'intègrent aux instances correspondantes du Mouvement démocrate."

L'enjeu n'est en fait pas la renaissance de l'UDF mais l'organisation des ex-UDF dans la majorité. Deux partis sont issus l'année dernière de l'UDF :

  • le Mouvement Démocrate (MoDem) de François Bayrou qui se situe dans l'opposition à la majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy
  • le Nouveau centre qui participe à la majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy

L'ambiguïté avait toutefois été maintenue au Sénat, le Groupe Union centriste-UDF ayant conservé son unité sous la présidence de Michel Mercier.

 

Or Michel Mercier, Jean Arthuis (président de la commission des finances du Sénat) et leurs amis entendent aujourd'hui affirmer leur appartenance à la majorité ...sans adhérer au Nouveau centre. Plus que le Mouvement Démocrate (MoDem) - car a priori la décision du dernier congrès de l'UDF est sans ambiguïté - c'est donc le Nouveau centre qui joue gros.

De deux choses l'une. Soit le Nouveau centre parvient à s'affirmer dans la majorité comme le pôle de rassemblement des ex-UDF de la majorité (ce que les ex-UDF de l'UMP, comme Pierre Méhaignerie, ne voient pas d'un bon oeil). Soit le Nouveau centre ne devient qu'un pôle parmi d'autres des ex-UDF de la majorité, aux côtés d'Avenir démocrate (qui compte trois parlementaires européens : Jean-Marie Cavada, Janelly Fourtou, Claire Gibault) et de l'Union centriste (Michel Mercier, Jean Arthuis, Jo Kerguéris, etc.). Sans en être réellement une, l'Union centriste était d'ailleurs juridiquement considérée comme une composante à part entière de l'UDF (aux côtés du Parti radical, du Parti populaire pour la démocratie française, de Force démocrate et jusqu'en 1998 de Démocratie libérale).

Quant à la question du financement public, seul l'UDF-MoDem (étiquette utilisée en juin 2007 par 530 candidats) en bénéficie directement. Pas plus le Nouveau centre que l'Union centriste n'ont en effet présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1% des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions. Le Nouveau centre, qui a loupé de peu le coche, a donc été contraint de passer une convention avec un parti qui, lui, bénéficie de la première fraction du financement public (le Fetia Api). Ainsi le veut la loi sur le financement des partis politiques, qui fige de fait pendant la durée d'une législature le paysage politique. Réduisant d'éventuelles partis dissidents au régime sec jusqu'aux élections législatives suivantes. Le RPF de Charles Pasqua (ex-RPR) et le MNR de Bruno Mégret (ex-FN) ont avaient déjà fait les frais en leur temps.

02 décembre 2007

Il y a centre et centre...

cacfa14286615eac97c8bd9c851a7e41.jpgAvec la création, ce week-end, du Mouvement démo­crate (MoDem), François Bayrou a achevé sa mutation centriste. Toutes les ambiguïtés sont en effet en passe d'être levées : l'UDF de centre droit est morte. Vive le MoDem centriste !

Une des difficultés pour le commentateur de cet évènement vient de l'utilisation abusive de l'étiquette "centriste" pour qualifier, depuis 1978, l'UDF.

L'UDF n'a jamais eu un positionnement centriste, c'est-à-dire à équidistance de la droite et de la gauche. L'UDF a toujours eu un positionnement de centre droit, s'alliant exclusivement avec la droite. Et, personnellement, j'ai toujours pris soin, même si la facilité me dictait le contraire, de ne jamais qualifier dans mes articles l'UDF de centriste.

Dès lors, le successeur de l'UDF est plus le Nou­veau Centre, de centre droit, que le MoDem, centriste.

Cette utilisation abusive de l'étiquette centriste pour qualifier l'UDF explique pourquoi le député Thierry Benoît (ex-UDF, ni MoDem ni - pour l'instant - Nouveau Centre) et le sénateur Jean Arthuis (ex-UDF, MoDem) continuent à militer pour des retrouvailles entre tous les "centristes" : ceux de l'UMP, du Parti Radical (associé à l'UMP), du Nou­veau Centre et du MoDem. "Centristes", cela signifie, pour eux, ex-UDF. Mais c'est ne pas comprendre la démarche de François Bayrou. Véritablement centriste, elle...

01 décembre 2007

L'UDF dit "au revoir" à la vie politique

Dirigé depuis près de dix ans par François Bayrou, le parti créé en 1978 par Valéry Giscard d'Estaing a choisi de disparaître au profit du Mouvement démocrate

 

08801931b07baafd84942e044c91a8e3.gifL'UDF semblait jusque-là avoir été douée de régénération, cette capacité que possèdent certains êtres vivants à se re­constituer après une amputation. Car l'UDF de 2007 n'était déjà plus qu'un morceau de ce que représentait l'UDF de 1978. Ce qui n'avait pas empêché ce parti de demeurer, malgré les scissions, un acteur incontournable du paysage politi­que. Le congrès extraordinaire qui se déroulait hier à Villepinte (Seine-Saint-Denis) a clos définitivement ce chapitre de l'histoire politique française. Sans surprise, les participants ont voté une résolution prévoyant son absorption par le Mouvement démo­crate (MoDem), qui tient dans la foulée, aujourd'hui et demain, son congrès fondateur. Même si, afin de geler l'utilisation du nom, l'UDF conservera pendant trois ans une existence juridique.

Tout est parti, entre 1976 et 1978, de la volonté de Valéry Giscard d'Estaing de contrebalancer le poids du RPR de Jacques Chirac en coordonnant les autres composantes de sa majorité. En 1978, l'Union pour la démocratie française (UDF) naît donc en tant que confédération de partis issus principalement de trois familles politiques historiquement opposées. L'ancien centre d'inspiration démocrate-chrétienne, avec Jean Lecanuet (décédé en 1993), André Diligent (décédé en 2002), René Monory ou Jean-Marie Vanlerenberghe, toujours sénateur Union centriste-UDF du Pas-de-Calais. L'aile droite du centre républicain radical, autour de Jean-Jacques Servan-Schreiber (décédé en 2006), Didier Bariani et André Rossinot. Et la droite libérale, avec Valéry Giscard d'Estaing lui-même, Roger Chinaud ou Bernard Lehideux, actuel parlementaire européenne UDF-MoDem.

Durant vingt ans, à droite, un double équilibre s'établit alors à l'Assemblée nationale. D'une part un bipartisme UDF-RPR. D'autre part, au sein de l'UDF, une réparti­tion relativement stable entre 1978 et 1997 : les libéraux du Parti répu­blicain représentaient la moitié des députés, le Centre des démocrates sociaux (CDS) un tiers, les autres composantes se partageant le reste. Tout semblait pouvoir conti­nuer longtemps ainsi. Sauf que, en 1988 puis en 1995, l'UDF n'a pas été en mesure de présenter de candidat à l'élection présidentielle. Certes, en 1988, elle soutient Raymond Barre, qui en est apparenté. Mais en 1995 elle se trouve réduite à trancher entre deux candidats issus du RPR, Édouard Balladur et Jacques Chirac.

Cette situation, un homme ne l'ac­cepte pas. C'est François Bayrou. Il n'a alors qu'une obsession : mettre l'UDF en situation de présenter un candidat et de remporter l'élection présidentielle. Dans son esprit, ce candidat c'est bien entendu ...François Bayrou. En 1998, l'UDF se trouve toutefois amputée de son aile libérale. Présidée par Alain Madelin, Démocratie libérale (ex-Parti républicain) quitte la con­fédération. L'équilibre créé en 1978 est rompu, même si une vingtaine de personnalités libérales restent à l'UDF (François Léotard, Gérard Longuet, Gilles de Robien, François Sauvadet...). L'UDF est morte, vive la nouvelle UDF ! C'est cette rupture qui va en effet permet­tre à François Bayrou de prendre la présidence du parti et de poursui­vre son unification. Avec en ligne de mire l'élection présidentielle de 2002...

Cette année-là, François Bayrou obtient 6,84% des suffrages expri­més. L'UDF connaît cependant une nouvelle dissidence : la majorité de ses élus, dont une partie avait sou­tenu Jacques Chirac dès le premier tour, participe à la création de l'UMP (Philippe Douste-Blazy, Pierre Méhaignerie, Gérard Longuet, Hervé de Charette, Pierre-André Wiltzer, le Parti radical...). Aux élections législatives, l'UDF n'est plus que l'ombre d'elle-même avec un groupe parlementaire de 29 dépu­tés. Contre 113 en 1997, puis 82 après la scission de Démocratie libérale.

À l'époque, l'UDF s'est toutefois maintenue autour d'une ambiguïté qui a resurgi lors de la dernière élec­tion présidentielle. Pour certains, il s'agissait de refuser le monopartisme à droite et au centre droit en main­tenant l'UDF. Telle était la ligne de Gilles de Robien et celle des députés qui ont rompu avec François Bayrou pour créer, dans le contexte des der­nières élections législatives, le Nou­veau Centre (Hervé Morin, François Sauvadet, André Santini...). Disposant d'un groupe parlementaire, alors que François Bayrou et Jean Lassalle siègent désormais parmi les députés non-inscrits, le Nou­veau Centre aspire à prendre la succession de l'UDF au centre droit. Pour Fran­çois Bayrou, en revanche, l'objectif demeure l'élection présidentielle et la stratégie centriste qu'il a adoptée dans cette perspective, à équidis­tance de l'UMP et du PS. Une stra­tégie qui passe dorénavant par la création d'un nouveau parti : le Mouvement démo­crate (MoDem). Après avoir obtenu 18,57% à l'élec­tion présidentielle, François Bayrou dispose enfin d'une machine mi­litante créée par et pour lui.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 30/11/2007 (version mise à jour)

 

Pour aller plus loin :

histoire de l'UDF

biographie de François Bayrou

Mouvement Démocrate