Nicolas Sarkozy a favorisé la conversion européenne de la droite française (06 mai 2009)
Nicolas Sarkozy s'est lancé hier soir dans la campagne pour les élections européennes en prononçant, à Nîmes, un discours sur le thème de la France et l'Europe.
Officiellement, il s'agissait d'une réunion non partisane destinée à vanter le bilan de la présidence française de l'Union européenne (juillet-décembre 2008) et à délivrer la vision française de la poursuite de la construction européenne.
Officieusement, il s'agissait bien de relancer la campagne de l'UMP, qui boucle seulement maintenant ses listes, longtemps après la désignation des chefs de file, le 24 janvier. Symboliquement, le portrait du président de la République illustrera même l'affiche du parti, accompagné du slogan "quand l'Europe veut, l'Europe peut" et du sous-titre "le 7 juin, votez pour la majorité présidentielle". Le projet européen de l'UMP devrait également être validé demain par son bureau politique. L'ambition est de "porter haut le drapeau européen" à travers une trentaine de propositions, parmi lesquelles devraient figurer la création d'une caisse des dépôts européenne, la levée d'un grand emprunt européen (déjà proposée par François Bayrou) ou l'instauration d'une déclaration de politique générale du président de la commission européenne devant le Parlement européen.
Que de chemin parcouru par la droite française depuis l'opposition du RPR à l'élection du Parlement européen au suffrage universel direct, dans les années 70. Le ralliement des néogaullistes à l'actuelle construction européenne est d'ailleurs un élément clef de la convergence idéologique ayant favorisé la création de l'UMP, parti de droite à vocation majoritaire. Ses dirigeants sont effectivement issus de plusieurs courants politiques que l'Europe a longtemps séparés, le gaullisme étant historiquement "souverainiste". Deux dates symbolisent cette évolution : 1978 et 1992. La première, c'est l'appel dit de Cochin lancé par Jacques Chirac pour dénoncer "le parti de l'étranger", c'est-à-dire l'UDF "supranationaliste". La seconde, c'est le choix du même Jacques Chirac de voter oui au référendum du traité de Maastricht. Cette mutation idéologique des néogaullistes a été progressive au fil des scrutins européens.
En 1979, le parti chiraquien part seul à la bataille face à la liste UDF menée par Simone Veil. Les deux partis feront ensuite liste commune, à chaque fois conduite par un UDF (Simone Veil en 1984, Valéry Giscard d'Estaing en 1989, Dominique Baudis en 1994). Dans son nouveau livre (Abus de pouvoir, Plon), François Bayrou relate ces premières négociations, en 1984 : "Pierre Méhaignerie plaidait l'incompatibilité des idées : ‘‘Nous ne pouvons pas faire liste commune avec toi puisque sur l'Europe nous pensons radicalement le contraire''. Jacques Chirac alors déploya sa haute taille et grandiose lui répondit : ‘‘Sur l'Europe, aucune différence ! La preuve : voilà la feuille sur laquelle tu écriras le programme, je la signe à l'avance !''. Et sur le document vierge, il apposa un superbe paraphe".
En 1994, au-delà même de son courant souverainiste (Charles Pasqua, Philippe Séguin), les parlementaires européens RPR refusent encore tous, malgré leur engagement, de rallier le groupe du Parti populaire européen (PPE). Il faudra attendre pour cela 1999 et la volonté de la tête de liste de l'époque : Nicolas Sarkozy. "Seul Philippe Séguin y était opposé, racontera plus tard l'intéressé (Libre, 2001). Je parvins à le convaincre de ne pas manifester publiquement son désaccord grâce à un artifice qui permettait aux députés RPR d'adhérer au groupe PPE sans avoir à ratifier la charte du parti lui-même, dont les réminiscences fédéralistes et confessionnelles pouvaient choquer les moins enthousiastes des Européens parmi nous. Finalement, j'obtins le soutien unanime du bureau politique du RPR. Ce fut la seule satisfaction de ce début d'été 1999, mais elle marqua un authentique tournant européen pour le RPR. J'espère sincèrement qu'il sera sans retour". Ce qui sera le cas.
Nicolas Sarkozy est en outre le premier président de la République française à avoir posé pour sa photo officielle à côté du drapeau européen, tandis que l'UMP est aujourd'hui un des piliers du PPE. Lors de son dernier congrès, les 29 et 30 avril derniers, il en formait ainsi le troisième parti en termes de droits de vote, derrière la CDU allemande et le Partido popular espagnol. Enfin, c'est un UMP, Joseph Daul, qui en préside depuis 2007 le groupe au Parlement européen. Le précédent Français ayant occupé ce poste était Alain Poher (MRP), entre 1958 et 1966.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 06/05/2009
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Commentaires
Malgré tout le respect dû à l'oeuvre du président de la République, Chirac (coaché par Balladur) a fait tout le boulot...Sarkozy ne semble qu'un personnage secondaire de cette affaire.
Écrit par : David Dupé | 06 mai 2009
Certes !
Écrit par : Laurent de Boissieu | 06 mai 2009
Convertir des élus aux souhaits du leader, ce n'est pas difficile ! Maintenant, est-ce que la population et les électeurs vont suivre ce mouvement d'européenisation "fédéraliste", j'en suis moins sûr. La violation du vote des français en 2005 par la ratification du traité de Lisbonne, les méthodes anti démocratique, notamment en voulant faire revoter l'Irlande, avec une commission qui prend de plus en plus de décisions qui vont à l'encontre de ce que les français veulent, et les européens en général, fait que l'UMP va continuer a aller vers un fédéralisme européen ( donc rejoindre le centre ) en lachant des électeurs gaullistes, souverainistes et nationalistes, derrière lui au profit de Debout la République, le MPF/CPNT et le Front National.
De plus, contrairement a ce que l'on peu dire ou lire, les jeunes sont de plus hostiles à l'europe actuelle, à la mondialisation, à l'immigration, etc ... Ils se cherchent des racines, et pour beaucoup ( et je sait de quoi je parle ) après une identité locale ( catalane, bretonne, basque, etc ... ) il s'affiche de plus en plus comme français AVANT d'etre européen !
Au final, je pense que l'UMP continuera de converger vers le centre, mais il ne sera suivi que d'une génération de français et une partie des nouvelles générations.
Écrit par : seb | 06 mai 2009
La création de l'UMP est une conséquence de cette convergence idéologique. Le décalage entre le discours et l'action retenant encore des "électeurs gaullistes, souverainistes et nationalistes", comme vous dites, dans son giron. Mais l'UMP est un parti idéologiquement abouti. Et il serait effectivement logique que ces électeurs ne votent plus pour l'UMP.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 06 mai 2009