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02 janvier 2008

La politique de civilisation selon Edgar Morin

  • dépasser les souverainetés absolues des États-nations tout en reconnaissant pleinement les souverainetés pour ce qui ne sont pas de vie/mort de la planète.

  • instituer à l'ONU un Observatoire international des crimes d'inhumanité.

  • créer au sein de l'ONU des instances responsables pour la biosphère, l'eau, l'alimentation, l'économie.

  • instituer une autorité politique et une indépendance militaire à l'Europe avec constitution d'une armée commune européenne (NDLR : contradiction avec la reconnaissance pleine des souverainetés lorsqu'il ne s'agit pas de la vie/mort de la planète ?).

  • réguler les prix pour les produits fabriqués à coût minime dans l'exploitation des travailleurs.

  • élaborer une politique commune européenne d'insertion des immigrés.

  • susciter une rencontre entre les partenaires sociaux sur l'emploi et les salaires (NDLR : idée défendue par Ségolène Royal durant la campagne présidentielle).

  • susciter une rencontre entre les partenaires sociaux sur les retraites.

  • constituer un comité permanent de lutte contre les inégalités, qui s'attaquerait en premier lieu aux excès (de bénéfices et rémunérations au sommet) et aux insuffisances (de niveau et qualité de vie au bas de l'échelle sociale).

  • constituer un comité permanent chargé de faire des propositions afin de renverser le déséquilibre accru depuis 1990 dans la relation capital-travail.

  • constituer un comité permanent qui traiterait des transformations sociales et humaines que devraient entraîner l'intégration de la nécessité vitale d'une politique écologique.

  • créer de Maisons de la Fraternité dans les diverses villes et dans les quartiers des métropoles comme Paris et Lyon. Ces maisons regrouperaient toutes les institutions à caractère solidaire existant déjà (secours populaire, secours catholique, SOS amitié etc.) et comporteraient de nouveaux services voués à intervenir d'urgence auprès de détresses, morales ou matérielles, à sauver du naufrage les victimes d’overdose de drogue ou de chagrin. De telles maisons seraient dotées de dispositifs d’accueil, d'alerte et d'urgence qui loin de se substituer aux dispositifs hospitaliers ou policiers les stimuleraient si besoin ou pallieraient leurs carences.

  • instituer un service civique obligatoire de fraternité qui serait utilisé dans et par les Maisons de la Fraternité et de plus se voueraient aux désastres collectifs inondations, canicules, sécheresses, etc. non seulement en France mais aussi en Europe et dans les pays méditerranéens.

  • revitaliser des campagnes à travers la nécessité de substituer les activités fermières neo-paysannes à l'agriculture et l'élevage industrialisés, de réanimer les villages par l'installation du télé-travail, le retour de la boulangerie et du bistro.

  • instituer des aides à la création et au développement des métiers de solidarité et de toute activité contribuant à la qualité de la vie.

  • politique des grands travaux pour développer le ferroutage, élargir et aménager les canaux et créer des ceintures de parkings autour des villes et autour des centre-ville.

  • développer l'épargne solidaire.

  • généraliser le micro-crédit.

  • développer l'alimentation de proximité qui ne dépend plus des grands circuits intercontinentaux.

  • instituer une année propédeutique pour toutes disciplines sur : les risques d’erreur et d'illusion dans la connaissance; les conditions d’une connaissance pertinente; l'identité et la condition humaines; l'ère planétaire que nous vivons; l'affrontement des incertitudes, la compréhension humaine.

  • instituer une éducation de civilisation contemporaine : la vie urbaine (avec les mégapoles); la relation villes-campagnes; l'humanisation des villes et revitalisation des campagnes; individualisme et solidarités; la culture juvénile; l'évolution de la famille, la situation de la vieillesse; l'éducation à la consommation; l'intoxication automobile; l'éducation aux vacances; l'éducation aux médias.

Lettre Chemin Faisant, MCX-APC, numéro 38, mai-juin 2007

 

N.B. : n'ont été retenues que les propositions concrètes et pas les déclarations d'intention, même si certaines peuvent être confrontées avec les idées de Nicolas Sarkozy, notamment sur la réforme de l'État ou la délinquance des mineurs, l'immigration et la "repentance" : "Dans notre conception de la fraternité, nous considérons les délinquants juvéniles non comme des individus abstraits à réprimer comme les adultes, mais comme des adolescents à l'age plastique où il faut favoriser les possibilités de rédemption. Nous considérons les immigrés non comme des intrus à rejeter, mais comme des frères issus de la pire misère celle qu'a créée non seulement notre colonisation passée, mais aussi celle qu'a créée dans leur pays l'introduction de notre économie en détruisant les polycultures de subsistance et en déportant les populations agraires dans le dénuement des bidonvilles urbains".

 

Philosophiquement, les quatres principes d'une "politique de civilisation" (Edgar Morin, Pour une politique de civilisation, Arléa, 2002) sont :

  • solidariser (contre l'atomisation et la compartimentation)
  • ressourcer (contre l'anonymisation)
  • convivialiser (contre la dégradation de la qualité de vie)
  • moraliser (contre l'irresponsabilité et l'égocentrisme)

 

19 décembre 2007

Nicolas Sarkozy s'achemine vers une réforme des institutions a minima

0b227c2a23bc059b10e1024c6561e8a6.jpgQue penser de l'avant-projet de loi portant réforme des institutions ?

 

 

 

1. Pas de grand soir institutionnel

Nicolas Sarkozy avait évoqué pour la première fois une révision constitutionnelle lors de ses vœux à la presse du 12 janvier 2006 puis lors de la convention de l'UMP sur les institutions le 5 avril 2006. À l'époque, le futur président de la République affichait de fait l'ambitieux projet de présidentialiser la Ve République, prévoyant notamment que ce soit le président de la République, et non plus le premier ministre, qui détermine la politique de la Nation. Une évolution soutenue depuis longtemps par Édouard Balladur et François Fillon, en particulier dans le prolongement de l'adoption du quinquennat (2000).

Dans sa lettre de mission adressée au comité "Balladur", Nicolas Sarkozy demandait cet été encore d'examiner "dans quelle mesure les articles de la Constitution qui précisent l'articulation des pouvoirs du président de la République et du premier ministre devraient être clarifiés pour prendre acte de l'évolution qui a fait du président de la République le chef de l'exécutif". Le comité "Balladur" a donc proposé d'écrire dans la Constitution que le président de la République "définit la politique de la nation" tandis que le gouvernement la "conduit".

De tout cela, il ne reste plus grand chose dans l'avant-projet de loi constitutionnelle (unique clarification : le rôle du premier ministre en matière de défense nationale). Nicolas Sarkozy renonce donc à transcrire dans le texte de la constitution sa pratique présidentialiste. La seule trace qui demeure de cette évolution est le droit de message du président de la République, qui pourrait "prendre la parole devant le Parlement réuni en congrès ou l'une ou l'autre de ses assemblées". Et encore : dans un entretien au Monde, François Fillon indique aujourd'hui que "la question reste ouverte". Il est vrai que le PS a déjà dit son intention de ne pas voter la réforme des institutions si cette disposition y figurait.

 

2. Une revalorisation consensuelle du Parlement

Si la redéfinition des relations entre les différents membres de l'exécutif a été abandonnée, la volonté de rééquilibrer les rapports entre le Parlement et l'exécutif est tojours présente.

La procédure législative serait profondément remaniée. Tout d'abord, l'ordre du jour des assemblées parlementaires ne comporterait plus "par priorité et dans l'ordre que le gouvernement a fixé la discussion des projets de loi déposés par le gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui" mais serait partagé à parité entre le gouvernement et le Parlement.

Ensuite, les textes discutés en séance seraient ceux adoptés par les commissions parlementaires (jusqu'à dix commissions permanentes, contre six actuellement) et non plus ceux présentés par le gouvernement. Enfin, le Parlement pourrait s'opposer à l'usage de la procédure d'urgence (convocation par le gouvernement d'une commission mixte paritaire dès la première lecture) et, surtout, la portée de l'article 49 alinéa 3 (adoption d'un texte sans vote) serait limitée aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale et à "un autre texte par session".

Le Parlement verrait par ailleurs ses pouvoirs renforcés. D'une part, certaines nominations relevant du président de la République (Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de la magistrature...) seraient soumises à l'avis d’une commission constituée de parlementaires. Et, d'autre part, lorsque la durée d'une intervention des forces armées à l'extérieur excède six mois, sa prolongation serait autorisée par le Parlement.

 

3. Vie politique : la réforme devient réformette

Le texte instaurerait notamment un statut de la majorité et de l'opposition (cette dernière fixant l'ordre du jour parlementaire un jour de séance par mois), modifierait le collège électoral sénatorial afin de mieux tenir compte de la démographie et permettrait aux ministres de retrouver leur siège au Parlement lorsqu'ils cessent d'exercer leurs fonctions gouvernementales. Mais, du droit d'initiative populaire du comité "Balladur", il ne resterait qu'un droit de pétition devant le Conseil économique et social. Autres propositions non retenues : la possibilité pour les justiciables d'invoquer l'inconstitutionnalité d'une loi devant les tribunaux ou l'interdiction de tout cumul entre une fonction ministérielle et un mandat électif.

 

4. Il n'y a pas que la Constitution dans la vie

Le projet de loi de révision de la Constitution, dont l'examen devrait débuter au Parlement avant les élections municipales des 9 et 16 mars 2008, ne constitue toutefois qu'un élément de la réforme des institutions.

Les deux principales attentes du PS et du Nouveau Centre ne sont en effet pas de nature constitutionnelle : le non-cumul des mandats (PS) et l'introduction d'une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale (PS et Nouveau Centre). Même si, en ce qui concerne ce dernier point, une première brèche serait ouverte avec l'affirmation que "les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale". Créant pour la première fois deux catégories de députés : ceux qui représentent la nation (élus au scrutin majoritaire) et ceux qui représentent cette fraction du peuple (probablement élus à la représentation proportionnelle).

 

NOTA : des extraits de cet article ont été utilisés pour un article à paraître demain dans La Croix

28 novembre 2007

Les quartiers en difficulté oubliés dans le projet de budget 2008

9bed1a806a920a0acba845808ab1ea09.jpg"Si je suis élu je mettrai en œuvre un grand plan Marshall de la formation pour tous les jeunes de nos quartiers, pour qu'aucun ne soit laissé de côté, pour que chacun puisse tenter sa chance, pour que chacun ait un emploi", avait promis Nicolas Sarkozy dans son discours à la jeunesse, le 18 mars 2007. Des paroles aux actes, il convient de comparer les crédits de la mission "Ville et logement" du projet de loi de finances pour 2008 par rapport à ceux votés dans le budget pour 2007. Globalement, ces crédits augmentant de 0,4%, passant de 7,15 à 7,18 milliards d'euros. Dans le détail, les disparités sont toutefois grandes entre les programmes.

Les deux grands programmes bénéficiaires sont l'aide à l'accès au logement (augmentation de 1,1%) et surtout le développement et l'amélioration de l'offre de logement (augmentation de 12,4%). Le grand perdant est, en revanche, le programme de rénovation urbaine, qui prévoit notamment la rénovation complète du cadre de vie des quartiers en difficultés. Ses crédits diminuent de 384 à 230 millions d'euros, soit une baisse de 40% entre 2007 et 2008. Enfin, le programme "équité sociale et territoriale et soutien" reste stable (augmentation de 0,5%). Il s'agit des moyens d'intervention en faveur de l'insertion sociale et professionnelle des habitants des quartiers en difficulté et en faveur de "l'intégration de ces quartiers dans la dynamique de leurs agglomérations".

Reste un dernier chiffre, qui ne figure pas au budget de la mission "ville et logement" mais à celui de la mission "relations avec les collectivités territoriales" : le montant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), qui bénéficie particulièrement aux grandes villes qui comptent une zone urbaine sensible sur leur territoire. La loi de programmation relative à la cohésion sociale du 18 janvier 2005 avait planifié une bonification de la DSU de 120 millions d'euros pendant cinq ans (2005-2009). Or le gouvernement Fillon n'envisage, lui, qu'une augmentation de 90 millions. Le montant de la DSU ne sera toutefois définitivement fixé par le Comité des finances locales qu'en février 2008.

11 novembre 2007

Le 11 novembre et l'Europe

189d10ec3b848a32a6402b60a6c0c3ef.jpgLe président de la République Nicolas Sarkozy a décidé de célébrer ce 11 novembre sous le signe de la construction européenne. Voilà qui est au moins plus cohérent que de faire de même le 14 juillet, jour de la fête nationale...

Reste à savoir si la paix en Europe est la conséquence de la construction européenne, ou si c'est la construction européenne qui est la conséquence de la paix en Europe !

23 octobre 2007

N'est pas Naegelen qui veut

ef0bd607ee8604802db370c1f584e580.jpgCi-dessous un document trouvé sur Internet, datant d'un temps ancien où la France commémorait les courageux Résistants par devoir de mémoire et non les malheureux otages par sensiblerie présidentielle.

 

***

 

La rentrée scolaire est toute proche. J'ai pensé que cette rentrée, reprise de leur activité pour les aînés, premier contact avec l'étude pour les tout jeunes, ne devrait pas s'opérer selon le rite banal de portes qui s'ouvrent, puis se referment.

Je sais que beaucoup de chefs d'établissement, que beaucoup de maîtres s'attachent à ce que ce retour aux disciplines se fasse dans la simplicité et la dignité. Ils ont raison. Comme eux, je ne crois pas à l'insouciance de notre jeunesse. Chez les bons, comme chez ceux dont l'évolution est plus lente, un cœur sensible guette l'émotion, une âme toute neuve ne demande qu'à s'exprimer et à s'épanouir.

C'est pourquoi j'ai toujours estimé que la rentrée des classes devrait être mise à profit pour provoquer cet éveil et cet élan vers la maturité.

Aujourd'hui, je crois qu'il ne serait pas de meilleure manière pour une très haute leçon que de faire appel à de très grands exemples tirés d'un passé récent et choisis parmi cette jeunesse universitaire qui reste un des plus sûrs espoirs de notre renaissance.

Parmi ces exemples, j'ai retenu les lettres écrites quelques heures avant leur exécution par cinq élèves du Lycée Buffon de Paris qui, entrés dans la Résistance active, furent arrêtés et fusillés par les Allemands le 8 février 1943 au Mont Valérien.

Ces lettres, que vous trouverez plus loin, tragiques dans leur laconisme, sont si belles, si simples, si humaines et si courageuses que, de leur lecture, se dégage une intense émotion faite à la fois de pitié et de fierté. Sans doute d'autres héros sont morts, hélas nombreux, pour la liberté de la Patrie ; sans doute d'autres lettres ont été écrites, empreintes de la même noblesse et d'un égal courage tranquille.

Mais le sacrifice des cinq élèves de Lycée Buffon peut être retenu comme un symbole et un incomparable exemple à offrir à notre jeunesse écolière, universitaire.

Je vous demande donc de donner d'urgence des instructions afin qu'à l'occasion d'une cérémonie de rentrée, les lettres des cinq fusillés de Buffon soient lues et sobrement commentées aux élèves et étudiants des établissements d'enseignement de tous degrés et de toutes disciplines. Les morts de Buffon sont leurs morts. Ils doivent être l'Exemple.

Ce sera là une inoubliable leçon, un appel au devoir, à tous les devoirs. Les jeunes générations y sentiront mieux encore les raisons de vénérer leurs aînés morts en pleine jeunesse, d'honorer leur mémoire et de ne pas oublier que s'ils poursuivent aujourd'hui de calmes et profitables études, ils le doivent à des milliers de morts dont leurs camarades de Buffon symbolisent le total sacrifice.

Une telle cérémonie de rentrée, que je désire simple, sera évidemment de recueillement, mais elle doit être pour tous nos jeunes gens, pour toutes nos jeunes filles, pour ces hommes et ces femmes de demain, la raison impérieuse d'une marche exaltante vers la vie, vers l'avenir.

Tel est mon espoir. Je dirai mieux : telle est ma certitude.

 

Marcel-Edmond Naegelen, Ministre de l'Éducation nationale

septembre 1947