Nicolas Sarkozy s'achemine vers une réforme des institutions a minima (19 décembre 2007)

0b227c2a23bc059b10e1024c6561e8a6.jpgQue penser de l'avant-projet de loi portant réforme des institutions ?

 

 

 

1. Pas de grand soir institutionnel

Nicolas Sarkozy avait évoqué pour la première fois une révision constitutionnelle lors de ses vœux à la presse du 12 janvier 2006 puis lors de la convention de l'UMP sur les institutions le 5 avril 2006. À l'époque, le futur président de la République affichait de fait l'ambitieux projet de présidentialiser la Ve République, prévoyant notamment que ce soit le président de la République, et non plus le premier ministre, qui détermine la politique de la Nation. Une évolution soutenue depuis longtemps par Édouard Balladur et François Fillon, en particulier dans le prolongement de l'adoption du quinquennat (2000).

Dans sa lettre de mission adressée au comité "Balladur", Nicolas Sarkozy demandait cet été encore d'examiner "dans quelle mesure les articles de la Constitution qui précisent l'articulation des pouvoirs du président de la République et du premier ministre devraient être clarifiés pour prendre acte de l'évolution qui a fait du président de la République le chef de l'exécutif". Le comité "Balladur" a donc proposé d'écrire dans la Constitution que le président de la République "définit la politique de la nation" tandis que le gouvernement la "conduit".

De tout cela, il ne reste plus grand chose dans l'avant-projet de loi constitutionnelle (unique clarification : le rôle du premier ministre en matière de défense nationale). Nicolas Sarkozy renonce donc à transcrire dans le texte de la constitution sa pratique présidentialiste. La seule trace qui demeure de cette évolution est le droit de message du président de la République, qui pourrait "prendre la parole devant le Parlement réuni en congrès ou l'une ou l'autre de ses assemblées". Et encore : dans un entretien au Monde, François Fillon indique aujourd'hui que "la question reste ouverte". Il est vrai que le PS a déjà dit son intention de ne pas voter la réforme des institutions si cette disposition y figurait.

 

2. Une revalorisation consensuelle du Parlement

Si la redéfinition des relations entre les différents membres de l'exécutif a été abandonnée, la volonté de rééquilibrer les rapports entre le Parlement et l'exécutif est tojours présente.

La procédure législative serait profondément remaniée. Tout d'abord, l'ordre du jour des assemblées parlementaires ne comporterait plus "par priorité et dans l'ordre que le gouvernement a fixé la discussion des projets de loi déposés par le gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui" mais serait partagé à parité entre le gouvernement et le Parlement.

Ensuite, les textes discutés en séance seraient ceux adoptés par les commissions parlementaires (jusqu'à dix commissions permanentes, contre six actuellement) et non plus ceux présentés par le gouvernement. Enfin, le Parlement pourrait s'opposer à l'usage de la procédure d'urgence (convocation par le gouvernement d'une commission mixte paritaire dès la première lecture) et, surtout, la portée de l'article 49 alinéa 3 (adoption d'un texte sans vote) serait limitée aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale et à "un autre texte par session".

Le Parlement verrait par ailleurs ses pouvoirs renforcés. D'une part, certaines nominations relevant du président de la République (Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de la magistrature...) seraient soumises à l'avis d’une commission constituée de parlementaires. Et, d'autre part, lorsque la durée d'une intervention des forces armées à l'extérieur excède six mois, sa prolongation serait autorisée par le Parlement.

 

3. Vie politique : la réforme devient réformette

Le texte instaurerait notamment un statut de la majorité et de l'opposition (cette dernière fixant l'ordre du jour parlementaire un jour de séance par mois), modifierait le collège électoral sénatorial afin de mieux tenir compte de la démographie et permettrait aux ministres de retrouver leur siège au Parlement lorsqu'ils cessent d'exercer leurs fonctions gouvernementales. Mais, du droit d'initiative populaire du comité "Balladur", il ne resterait qu'un droit de pétition devant le Conseil économique et social. Autres propositions non retenues : la possibilité pour les justiciables d'invoquer l'inconstitutionnalité d'une loi devant les tribunaux ou l'interdiction de tout cumul entre une fonction ministérielle et un mandat électif.

 

4. Il n'y a pas que la Constitution dans la vie

Le projet de loi de révision de la Constitution, dont l'examen devrait débuter au Parlement avant les élections municipales des 9 et 16 mars 2008, ne constitue toutefois qu'un élément de la réforme des institutions.

Les deux principales attentes du PS et du Nouveau Centre ne sont en effet pas de nature constitutionnelle : le non-cumul des mandats (PS) et l'introduction d'une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale (PS et Nouveau Centre). Même si, en ce qui concerne ce dernier point, une première brèche serait ouverte avec l'affirmation que "les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale". Créant pour la première fois deux catégories de députés : ceux qui représentent la nation (élus au scrutin majoritaire) et ceux qui représentent cette fraction du peuple (probablement élus à la représentation proportionnelle).

 

NOTA : des extraits de cet article ont été utilisés pour un article à paraître demain dans La Croix

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