04 mai 2009
François Bayrou se pose en ultime défenseur du modèle républicain français
François Bayrou va apporter de l'eau au moulin de ceux qui l'accusent de ne penser qu'à la présidentielle : alors que la campagne européenne démarre à grand-peine, il publie un réquisitoire implacable contre Nicolas Sarkozy. Mais qu'importe pour l'auteur, qui a bien compris que seule l'élection présidentielle au suffrage universel directe peut recomposer le paysage politique français en desserrant l'étau du clivage droite-gauche.
Abus de pouvoir (Plon, 262 p., 18,90 €) n'est bien entendu pas sans rappeler Le Coup d'État permanent, publié en 1964 par François Mitterrand contre Charles de Gaulle. L'originalité de l'ouvrage ne tient pas tant aux critiques émises contre Nicolas Sarkozy, déjà égrenées à chaud au fil des jours, mais à la thèse générale que l'ancien candidat à la présidence de la République avance, à froid.
Selon François Bayrou, le chef de l'État est effectivement l'"instrument d'un projet" porté par les puissances d'argent. Depuis la dernière présidentielle, ces dernières seraient devenues les maîtres de la République à travers une nouvelle "alliance du trône et de l'argent" et la constitution d'un réseau d'intérêts sans précédent joignant "de puissantes sociétés industrielles, de grandes banques, des médias dominants".
Persuadé qu'"une telle oligarchie, gouvernement de quelques-uns, est en gestation depuis la montée puissance et l'élection de Nicolas Sarkozy", le président-fondateur du MoDem s'inquiète : "Que pourrait un gouvernement démocratique dans le face-à-face avec de telles puissances ?".
"Pour la première fois de son histoire, un dirigeant français, et le groupe qui l'entoure, cherchent à imposer à la France l'abandon de notre modèle de société", poursuit-t-il. La finalité de la politique poursuivie étant de substituer au modèle républicain ce que François Bayou appelle le modèle des inégalités croissantes. "Les Français ont choisi ce candidat, mais ils n'ont pas choisi ce modèle", dénonce le troisième homme de la présidentielle en estimant que, durant sa campagne, Nicolas Sarkozy avait promis exactement le contraire à coups répétés de citations "toutes plus républicaines les unes que les autres".
La défense du modèle républicain français n'est pas nouvelle dans le paysage politique. Ce qui est inédit, en revanche, c'est qu'elle provient d'une personnalité issue de l'UDF. Si François Bayrou assène dans son livre une belle leçon d'histoire des idées politiques à Alain Minc, il appartenait bien, autrefois, au "cercle de la raison" défini par ce dernier.
Deux exemples. La première piste mise en avant par François Bayrou pour restaurer "dans son équilibre" le projet républicain français est le rétablissement de la progressivité de l'impôt. Or c'est le gouvernement d'Edouard Balladur, auquel il appartenait, qui, le premier, a diminué le nombre de tranches de l'impôt sur le revenu. La deuxième piste est la restauration de la "légitimité" des services publics en les soustrayant "des principes du marché et de la concurrence". Or l'UDF ne s'est historiquement jamais opposé aux directives européennes de libéralisation des services publics en réseau.
Enfin, le président du MoDem tronque lui-même la définition historique de la République en reniant systématiquement son caractère indivisible, ne lui accolant que les adjectifs démocratique, laïque et sociale. La bonne réponse n'étant en outre pas, pour François Bayrou, dans l'État mais dans la société. Une confiance envers les corps intermédiaires - familles, démocratie locale, entreprises, association - qui le rattache plus à la doctrine sociale de l'Église catholique qu'au républicanisme français.
Reste à savoir si la thèse du livre, par ailleurs très agréable à lire et au style alerte, relève de la réalité ou d'une nouvelle théorie du complot, version centriste. Quoi qu'il en soit, François Bayrou prend date avec l'avenir : "Peut-être suis-je trop inquiet. Peut-être me trompé-je. Je ne crois pas. Mais je préfèrerais. Les dégâts seraient moins moins considérables. J'en serais de faire amende honorable".
Laurent de Boissieu
© La Croix, 04/05/2009
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28 avril 2009
Les Français de l'étranger, victimes collatérales d'HADOPI
Pour les élections européennes, la France formait jusqu'en 2003 une circonscription unique, ce qui était logique puisqu'il s'agit d'élire les représentants de la France au Parlement Européen.
Les Français établis hors de France pouvaient alors voter dans les mêmes conditions que pour une élection présidentielle ou un référendum (inscription sur des listes électorales en France ou dans l'un des centres de vote à l'étranger), auxquelles s'ajoute l'étrange possibilité pour ceux résidant dans un État membre de l'Union Européenne de voter pour les listes de cet État.
Depuis la réforme de 2003, qui a découpé la France en huit circonscriptions électorales européennes, la possibilité de voter dans un centre de vote à l'étranger a été supprimée. Les citoyens Français inscrits uniquement sur la liste électorale consulaire (en langage administratif : PR1) et ne résidant pas dans un État membre de l'Union Européenne (332 492 électeurs) se trouvent donc totalement exclus du vote aux élections européennes.
C'est pourquoi les députés Thierry Mariani (UMP) et Jean-Jacques Urvoas (PS) ont déposé ensemble une proposition de loi visant à rattacher les français établis dans un État n'appartenant pas à l'Union Européenne à la circonscription européenne d'Île-de-France (le contentieux de l'inscription sur la liste électorale consulaire étant du ressort de tribunaux parisiens). Soutenue par le gouvernement, cette PPL était inscrite mercredi à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale, l'ambition étant d'appliquer cette législation dès cette année.
Patatras ! le nouveau vote sur la loi HADOPI, programmé ce même mercredi, a fait une victime collatérale : le texte de Thierry Mariani (UMP) et Jean-Jacques Urvoas (PS) vient d'être retirée de l'ordre du jour. Pour voter aux élections européennes, les citoyens concernés devront donc attendre ...2014 ! (dans l'hypothèse où la PPL est effectivement votée dans les cinq ans).
11:38 | Lien permanent | Commentaires (15) | Facebook | | Imprimer | |
27 avril 2009
Journal des élections européennes (7)
Deux sondages publiés pendant mes congés :
***
3% | |
7% | |
5,5% | |
22,5% | |
Europe-Écologie (Verts...) | 7,5% |
14% | |
26,5% | |
1% | |
5% | |
7,5% | |
FN dissidents | 0,5% |
Sondage Ifop pour L'Humanité réalisé les 23 et 24 avril 2009 auprès d'un échantillon représentatif de 853 électeurs.
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17:26 | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook | | Imprimer | |
24 avril 2009
L pour Libertas
Comme je le signalais dès le 11 mars sur ce blog, c'est l'Enchanteur des Nouveaux Médias qui est chargée de la campagne Internet de Libertas. Je venais effectivement de croiser et de discuter avec Arnaud Dassier, ainsi qu'avec Edouard Fillias, lors du lancement par Philippe de Villiers et Frédéric Nihous de la campagne nationale de Libertas.
Dans son édition d'aujourd'hui, lefigaro.fr, qui cite d'ailleurs iPolitique en source, s'étonne qu'un "euro-enthousiaste" fasse la campagne de Villiers.
En France, le souverainisme plonge en effet ses racines dans le gaullisme (Nicolas Dupont-Aignan) et le national-républicanisme (Jean-Pierre Chevènement), deux familles politiques qui ont l'antilibéralisme et l'antiatlantisme en partage. Mais tel n'est pas le cas partout ailleurs en Europe.
En Irlande (mouvement Libertas de Declan Ganley), en Grande-Bretagne (Conservative Party de David Cameron), en République tchèque (Občanská Demokratická de Václav Klaus) comme en Bulgarie (parti Red, Zakonnost i Spravedlivost de Yané Yanev) l'euroscepticisme est, bien au contraire, ultralibéral et atlantiste.
Or c'est clrairement à ce courant que se rattache Libertas. Rappelons d'ailleurs que Philippe de Villiers fut membre du Parti Républicain, ancienne composante libérale de l'UDF, de même que Jérôme Rivière (directeur de campagne de Libertas et tête de liste en Île-de-France), ancien secrétaire général du Mouvement des Jeunes Républicains et ex-député Démocratie Libérale puis CNI.
Bref, les nationaux-libéraux Philippe de Villiers et Jérôme Rivière ont certainement autant en commun avec les libéraux Arnaud Dassier et Edouard Fillias qu'avec les gaullistes Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) et Paul-Marie Coûteaux (RIF), qui ont logiquement refusé la tutelle de Libertas (la logique s'arrêtant là, puisque les deux hommes feront listes séparées).
Enfin, quoi qu'il en soit, soulignons pour conclure qu'une agence Internet ne cautionne pas forcément les opinions politiques de ses clients...
15:59 | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook | | Imprimer | |
16 avril 2009
Radioscopie du groupe Union Centriste (UC) du Sénat
La crise a donné au groupe sénatorial de l'Union Centriste (UC) l'occasion de confirmer sa position charnière issue des élections sénatoriales de 2008, puisque, à lui seul, le groupe UMP ne possède plus la majorité absolue des sièges au Sénat. Début avril, un amendement déposé au collectif budgétaire 2009 par le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, a ainsi été adopté par l'addition des voix de l'opposition de gauche et de l'Union Centriste. C'était la première fois que ce dernier groupe votait en bloc contre celui de l'UMP.
Spécificité sénatoriale, au sein de l'Union Centriste continuent à siéger ensemble des élus du Mouvement Démocrate (MoDem) et du Nouveau Centre (NC). Les uns dans l'opposition, les autres dans la majorité. Qu'en est-il de l'actuel rapport de force interne au groupe ?
MoDem | 6 | 12 | |
MoDem + RC | 6 | 16 | |
RC | 6 | ||
NC + RC | 4 | 10 | |
NC | 6 | ||
se | 1 |
RC : association Rassembler les Centristes de Jean Arthuis
Seuls, ni les sénateurs Nouveau Centre ni les sénateurs MoDem ne sont donc en mesure de former un groupe (15 membres minimum).
Une analyse des votes publics les plus importants montre toutefois que le clivage majorité/opposition ne passe pas entre le Nouveau Centre et le MoDem mais à l'intérieur de ce dernier parti, la ligne d'opposition de François Bayrou n'étant suivie que par trois à six sénateurs selon les scrutins.
majorité + | majorité - | majorité -- | opposition -- | opposition - | opposition + | |
MoDem | 1 | 1 | 1 | 3 | ||
MoDem + RC | 3 | 2 | 1 | |||
RC | 6 | |||||
NC + RC | 4 | |||||
NC | 6 | |||||
se | 1 | |||||
23 | 6 |
Seuls, les sénateurs membres de la majorité siégeant au groupe Union Centriste (UC) sont donc en mesure de former un groupe. Ce qui semblerait politiquement logique, avec un ralliement des sénateurs MoDem bayrouistes au groupe RDSE.
Enfin, une remarque concernant le rattachement annuel des parlementaires à une formation politique dans le cadre de l'aide financière publique.
En 2007, cinq sénateurs s'étaient rattachés au Nouveau Centre (via le parti Fetia Api) et 26 au MoDem.
En 2008, dix élus se sont rattachés au Nouveau Centre et 19 au MoDem. Parmi ces derniers se trouvent également les sénateurs membres exclusivement de Rassembler les Centristes, Jean Arthuis et François Bayrou ayant passé un accord financier. Un membre du groupe s'affiliait par ailleurs à un autre parti politique (le PRG), tandis qu'un sénateur rattaché au groupe UMP s'affiliait, lui, au Nouveau Centre.
Ce qui a donné :
groupe UMP | groupe UC | ||
PRG | 1 | ||
MoDem(+RC) | 19 | 19 | |
NC | 1 | 9 | 10 |
N.B. : au sein du groupe Union Centriste un sénateur MoDem (19-1=18) s'est entre-temps rallié au Nouveau Centre (9+1=10)
22:45 | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook | | Imprimer | |