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23 octobre 2007

Lettre de Pierre Benoît

30849dd057e4708c4c348bb52db34b67.jpgMes chers parents, mes chers amis,

C'est la fin ! On vient nous chercher pour la fusillade.
Tant pis... Mourir en pleine victoire, c'est un peu vexant, mais qu'importe ! le rêve des hommes fait événement...
Nano, souviens-toi de ton frangin. Jusqu'au bout il a été propre et courageux et, devant la mort même, je ne tremble pas.
Adieu petite maman chérie. Pardonne-moi tous les tracas que je t'ai faits. J'ai lutté pour une vie meilleure; peut-être un jour que tu me comprendras !
Adieu mon vieux papa. Je te remercie d'avoir été chic avec moi. Garde un bon souvenir de ton fils.
Toto, Tototte, adieu, je vous aimais comme mes autres parents. Nano sois un bon fils, tu es le seul fils qui leur reste, ne fais pas d'imprudence.
Adieu tous ceux que j'ai aimés, tous ceux qui m'aimaient, ceux de Nantua et les autres.
La vie sera belle. Nous partons en chantant. Courage ! Ce n'est pas si terrible après six mois de prison.
Mes derniers baisers à vous tous

Votre Pierrot

***

Pierre Benoît, né le 7 mars 1925 - fusillé le 8 février 1943

Lettres de Pierre Grelot

17a264f2b8df41d2a12f4ed3e13f6ec8.jpgMaman chérie, Papa et Jacques chéris,

Tout est fini, maintenant. Je vais être fusillé ce matin à onze heures. Pauvres parents chéris, sachez que ma dernière pensée sera pour vous, je saurai mourir en Français.
Pendant ces longs mois, j'ai beaucoup pensé à vous et j'aurais voulu plus tard vous donner tout le bonheur que votre affection pour moi méritait en retour. J'ai rêvé tant de choses pour vous rendre heureux après la tourmente. Mais, hélas ! mes rêves resteront ce qu'ils sont.
Je vous embrasse beaucoup, beaucoup. La joie de vous revoir m'est à jamais interdite. Vous aurez de mes nouvelles plus tard.
Je vous embrasse encore et toujours, mes parents chéris. Gardez toujours dans votre cœur mon souvenir...
Adieu, Maman, Papa, Jacques Chéris, adieu...

***

Maman chérie,

La censure allemande ne me permettant pas de mettre sur mes lettres tout ce que je désirerais te faire savoir, je te fais parvenir ce message que tu ne liras qu'après la Victoire.
Je voudrais te dire tout d'abord le chagrin que j'ai de ton malheur, et mon angoisse quand j'ai appris que vous aviez failli être fusillés et que ce n'est qu'à la dernière minute que vous avez été sauvés. Il ne suffisait pas que tu me perdes, il fallait aussi que toute la famille expie le crime d'avoir voulu sauver la Patrie.

(...)

Je voudrais maintenant te dire, maman chérie, ce qu'a été ma vie depuis le 30 juin. Je suis seul dans une cellule sans soleil, comme la plupart des autres camarades de souffrances et de combat, mourant de faim, sale, à peine à manger, pas de promenade, pas de lecture, souffrant de froid, et depuis le 7 juillet, je porte nuit et jour les menottes derrière le dos. Je serais un bien mauvais Français, si je n'avais pu trouver le moyen de les ôter !
Le seul réconfort à tous ces supplices (j'oubliais les coups de nerfs de boeuf que j'ai reçus à la Gestapo), c'est la certitude de la victoire (car bien qu'au secret, on réussit à avoir quelques nouvelles) et l'héroïsme des camarades qui partent à la mort en chantant. La France peut-être fière d'avoir de tels enfants. J'espère que la patrie reconnaissante saura récompenser votre sacrifice, qui est celui de tant de familles, et qu'elle saura reconstruire tous les foyers détruits par la barbarie impérialiste.

J'ai été jugé avec mes camarades le 15 octobre. Cela n'a été qu'une comédie. Nous savions à l'avance quel serait le verdict puisque, pour rien, on condamne à mort. Mon acte d'accusation portait : "propagande antifasciste et contre l'armée d'occupation, port et détention d'armes et de munitions, etc". Une seule de toutes ces choses suffisait pour me faire condamner à mort, aussi il n'y avait pas de salut possible. Nous avons tous été condamnés à la peine de mort. Notre attitude devant le tribunal a été digne et noble. Nous avons su imposer le respect à ceux qui assistaient au procès. Les soldats étaient émus, et j'en ai vu un qui pleurait. Pense que nous avions de 17 à 20 ans. Quand, après l'arrêt, le président nous a demandé si nous voulions ajouter quelque chose à nos déclarations, nous avons tous dit notre fierté de mourir pour la Patrie. J'ai moi-même répondu : "Je suis fier de mériter cette peine". S'il leur restait encore quelques scrupules, ça les leur a enlevés.

(...)

Je t'embrasse une dernière fois de tout mon coeur, Maman chérie. Je meurs en Français, le front haut, ton nom sur les lèvres, ta pensée dans mon coeur.

Ton petit Pierre

***

Pierre Grelot, né le 16 mai 1923 - fusillé le 8 février 1943

Lettre de Lucien Legros

619ed1458a2e444efb742fb8d78afd63.jpgMes parents chéris, mon frère chéri,

je vais être fusillé à onze heures avec mes camarades.
Nous allons mourir le sourire aux lèvres car c'est pour le plus bel idéal.
J'ai le sentiment à cette heure d'avoir vécu une vie complète.
Vous m'avez fait une jeunesse dorée; je meurs pour la France, donc je ne regrette rien.
Je vous conjure de vivre pour les enfants de Jean.
Reconstruisez une belle famille...
Jeudi j'ai reçu votre splendide colis : j'ai mangé comme un roi.
Pendant ces quatre mois, j'ai longuement médité : mon examen de conscience est positif, je suis en tout point satisfait.
Boujours à tous les parents et amis.
Je vous serre une dernière fois sur mon coeur.

Lucien

***

Lucien Legros, né le 11 juin 1924 - fusillé le 8 février 1943

22 octobre 2007

Le centre mise sur les municipales pour s'affranchir du clivage droite-gauche

8ac93b1bc236ce6a7a3dd664e5daf84d.jpgLa Croix et la revue Études organisent ce soir à Pau (20h30 au centre de congrès Palais Beaumont) un débat avec François Bayrou, président de l'UDF-Mouvement Démocrate, et Bernard Spitz, président des Gracques, sur le thème : "le clivage droite-gauche est-il vraiment dépassé ?". Renseignements.

 

C'est les 1er et 2 décembre prochains que le congrès fondateur du Mouvement démocrate (MoDem) aura lieu à Paris. Dans la foulée des 18,57% obtenus par François Bayrou à l'élection présidentielle, le nouveau parti se conçoit comme un élargissement de l'UDF, qui devrait tenir son dernier congrès le 30 novembre. Un évènement qui n'est pas sans rappeler la création du Centre démocrate, élargissement du MRP après les 15,57% de Jean Lecanuet à l'élection présidentielle de 1965.

Sans attendre, la commission électorale de l'UDF-Mouvement démocrate s'est déjà réunie pour commencer à décerner les investitures aux élections municipales des 9 et 16 mars 2008. Ont ainsi déjà été tranchés les cas de Paris (Marielle de Sarnez), Lille (Jacques Richir), Reims (Jean-Marie Beaupuy), Grenoble (Philippe de Longevialle), Clermont-Ferrand (Michel Fanget), Limoges (Jean-Jacques Bélézy), Aix-en-Provence (François-Xavier de Peretti) ou encore Besançon (Philippe Gonon). L'UDF-MoDem a également entériné le principe de présenter une liste au premier tour des municipales à Lyon et à Marseille, mais sans accorder d'investiture.

En ce qui concerne les alliances, François Bayrou a indiqué que le MoDem pourra nouer, ville par ville, des accords locaux avec l'UMP ou avec le PS. Ce choix rappelle celui de la SFIO aux élections municipales de 1965, durant lesquelles le parti socialiste d'alors "mène partout son jeu de bascule s'appuyant parfois sur les centristes, parfois sur les communistes" (L'année politique 1965, PUF, 1966).

Ce sont les élections municipales de 1971 qui ont vu se nouer les dernières alliances dites de "troisième force" entre la gauche non communiste, le centre et la droite non gaulliste. Ainsi Jean-Claude Gaudin, actuel vice-président du conseil national de l'UMP, appartenait à l'époque à la majorité du maire PS de Marseille, Gaston Defferre. Aux municipales suivantes, en 1977, la frontière entre la droite et la gauche est devenue infranchissable. La bipolarisation, bloc contre bloc, s'est installée. La stratégie d'union de la gauche, qui s'impose au PS avec la victoire de François Mitterrand au congrès d'Epinay (1971), pousse en effet le centre à s'allier avec la droite.

Dès la convention de Nice du Centre démocrate, en novembre 1967, des tensions étaient par ailleurs apparues entre, d'une part le président du groupe parlementaire centriste, Jacques Duhamel, et, d'autre part, Jean Lecanuet et les militants du Centre démocrate. "Le fond du problème est celui du choix entre opposition totale, soutien sélectif à la majorité gaulliste et intégration à cette majorité, explique Colette Ysmal (Les partis politiques sous la Ve République, Montchrestien, 1998). Il n'est pas dans la vocation des centristes d'être durablement écartés du pouvoir, même si, sous la pression des adhérents de base et notamment des adhérents directs (NDLR : non-issus du MRP), la convention de Nice leur en a donné l'ordre".

En 1969, Jacques Duhamel et une partie des parlementaires centristes rallient la majorité présidentielle de Georges Pompidou. Ils fondent alors un nouveau parti, le Centre démocratie et progrès. Une démarche très similaire à celle d'Hervé Morin, ancien président du groupe UDF de l'Assemblée nationale, rallié à la majorité de Nicolas Sarkozy, qui a lancé le Nouveau Centre.

Finalement, en 1974, les centristes restés dans l'opposition derrière Jean Lecanuet sont partie prenante de la nouvelle majorité de Valéry Giscard d'Estaing, mettant fin à douze années d'opposition et, parallèlement, à l'existence d'un véritable centre, à équidistance de la droite et de la gauche. Aujourd'hui, François Bayrou trace le chemin inverse. Reste à savoir si le PS sera ou non disposé, lui, à expérimenter aux municipales des alliances avec le Mouvement démocrate plutôt qu'avec le PCF. Bref, si le clivage droite-gauche tel qu'il existe depuis les années soixante-dix est ou non vraiment dépassé.

Laurent de Boissieu

© La Croix, 22/10/2007

Polémiques autour de la Lettre de Guy Môquet

f070cf098687d7e0d4578d467166f453.jpgLa "première décision" de Nicolas Sarkozy en tant que président de la République a été de demander la lecture, tous les 22 octobre, de la dernière lettre écrite à sa famille par Guy Môquet, arrêté le 13 octobre 1940 pour "infraction au décret du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes" et fusillé par les occupants allemands à 17 ans le 22 octobre 1941.

Cette décision a suscité des oppositions de deux formes.

 

1. Une opposition "libertaire" :

Ces opposants dénient à l'État le droit de demander aux fonctionnaires de l'éducation nationale "d'expliquer à nos enfants ce qu'est un jeune Français, et de leur montrer à travers le sacrifice de quelques-uns de ces héros anonymes dont les livres d'histoire ne parlent pas, ce qu'est la grandeur d'un homme qui se donne à une cause plus grande que lui" (Nicolas Sarkozy, le 16 mai 2007). C'est cette opposition qui a profondément choqué le gaulliste Henri Guaino, conseiller spécial du président de la République.

 

2. Une opposition "résistante" :

Ces opposants estiment que le choix de Guy Môquet pour symboliser la jeunesse résistante n'est historiquement pas pertinent. Guy Môquet n'était en effet pas un résistant mais un otage. S'il a distribué des tracts clandestins, c'étaient ceux de la direction clandestine du Parti communiste, qui suivait la ligne du pacte germano-soviétique* (contrairement à d'autres militants communistes, authentiques résistants dès 1940). Bref, Guy Môquet est un peu à la Résistance ce que Joseph Bara est à la Révolution française. La lettre de Guy Môquet à sa famille est en outre une lettre intimiste sans portée historique. Il aurait donc été plus pertinent de commémorer, par exemple, les Cinq Martyrs du lycée Buffon ou les jeunes Martyrs de la Cascade du Bois de Boulogne...

* L'Humanité du 26 septembre 1940 dénonçait encore "la volonté commune des impérialistes d'entraîner la France dans la guerre, du côté allemand ou du côté adverse sous le signe d'une prétendue résistance à l'oppresseur" (cité dans Le Parti communiste français des années sombres 1938-1941, sous la direction de Jean-Pierre Azéma, Antoine Prost et Jean-Pierre Rioux, Le Seuil, 1986)

 

Par ailleurs, je conseille à l'Élysée de (re)lire demain, en retour, l'Appel à la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance (2004). Car la Résistance ce ne fut pas seulement la résistance à l'occupant, mais également la promesse d'"un ordre social plus juste" :

123a3c81f2a9b50376d61af4bc288aa3.gif"Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n'a pas d'autre raison d'être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée.

Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n'est, en effet, qu'en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l'image de sa grandeur et la preuve de son unité.

Aussi les représentants des organisations de la Résistance, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du CNR, délibérant en assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s'unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d'action immédiate contre l'oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste."

-> lire la suite du programme du Conseil national de la Résistance