13 décembre 2010
Foire aux questions sur le centre
Le débat est récurrent: je l'ai régulièrement - depuis 2008 - avec un député Nouveau Centre, je l'ai encore eu jeudi dernier, dans le contexte du "dîner de la République" de Jean-Louis Borloo, avec un sénateur Nouveau Centre, et mon dernier papier l'a relancé par SMS avec un proche d'Hervé Morin, à qui je dédie donc cette petite "foire aux questions sur le centre"!
2. Y-a-t-il toujours eu un centre en France?
4. Le Nouveau Centre est-il au centre?
5. Le Parti radical "valoisien" est-il au centre?
6. L'Alliance Centriste est-elle au centre?
7. L'UDF était-elle au centre?
8. Dominique de Villepin est-il au centre?
1. Qu'est-ce que le centre?
Bien entendu, à un moment donné et dans un État donné le centre, la droite et la gauche possèdent un contenu idéologique; mais dans l'absolu, c'est-à-dire sans double contextualisation spatiale et temporelle, le centre, la droite et la gauche ne signifient rien.
Un exemple: la famille politique libérale a évolué en France (et plus généralement en Europe) de la gauche vers le centre puis la droite ("sinistrisme": Albert Thibaudet, 1932) - vous pouvez visualiser cette évolution en suivant l'emplacement géographique de la famille libérale (en jaune) dans la Chambres des députés sous la IIIe République:
http://www.france-politique.fr/chambre-des-deputes.htm
2. Ya-t-il toujours eu un centre en France?
- 1893-1899 (famille idéologique au centre: libéraux)
- 1920-1940 (familles idéologiques au centre: radicaux puis radicaux et démocrates-chrétiens)
- 1947-1956: Troisième Force (familles idéologiques au centre: socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens et libéraux)
- 1962-1974 (familles idéologiques au centre: démocrates-chrétiens puis démocrates-chrétiens et radicaux)
Il n'existait effectivement plus de centre en France entre 1974 et 2007, c'est-à-dire jusqu'à la rupture de François Bayrou avec la droite.
3. Le MoDem est-il au centre?
Mes interlocuteurs du Nouveau Centre considèrent toutefois que le MoDem est à gauche puisqu'il est dans l'opposition (vote contre la déclaration de politique générale du gouvernement de François Fillon le 24 novembre 2010). Or, c'est commettre une erreur: autant le nombre de familles idéologiques est infini, autant le nombre de positionnements géographiques au sein d'une assemblée est limité (extrême droite, droite - dont centre droit -, centre, gauche - dont centre gauche-, extrême gauche), autant l'appartenance à l'opposition ou à la majorité est binaire: on est soit dans l'opposition soit dans la majorité (il n'existe pas de troisième possibilité, contrairement à ce qu'a voulu faire croire François Bayrou entre 2002 et 2007 ou à ce que veut faire croire aujourd'hui Dominique de Villepin).
Bref, un parti peut appartenir à l'opposition sans être de gauche (qui songerait par exemple à classer le Front national à gauche?).
Cela dit, il est vrai que François Bayrou a, selon moi, voulu quitter le centre pour passer à gauche au moment des élections régionales (voir ma note "Bayrou passe à gauche"); seuls l'en ont empêché le mauvais score du MoDem et le bon score du PS et de ses alliés: le PS n'a alors pas eu besoin de fusionner avec le MoDem pour espérer l'emporter (même configuration que Marielle de Sarnez aux élections municipales de 2008 à Paris). Si François Bayrou était passé à gauche, il aurait cependant démonétisé sa prochaine candidature présidentielle en n'en faisait qu'un choix parmi d'autres à gauche (aux côtés de ceux du PS, d'Europe écologie - Les Verts et du Front de Gauche).
4. Le Nouveau Centre est-il au centre?
À l'inverse du MoDem, le Nouveau Centre a été créé par les membres de l'UDF qui souhaitaient rester à droite.
Il est donc logique que la grande majorité des élus de l'ex-UDF soient aujourd'hui au Nouveau Centre et non au MoDem, puisqu'ils ont toujours été élus en tant que candidats de droite. Ce n'est donc pas forcément une question de trahison ou de courage politique: de droite ils étaient, de droite ils sont restés pendant que François Bayrou passait au centre (c'est François Bayrou qui a bougé, ce ne sont pas eux).
Seuls élus ex-UDF à être aujourd'hui majoritairement au MoDem: les parlementaires européens. Exceptions logiques puisque les élections européennes constituent le seul scrutin à tour unique. Or, ce sont précisément les élections à deux tours qui poussent à des alliances de second tour et à une bipolarisation fatales à ceux qui n'appartiennent ni à la coalition de droite ni à la coalition de gauche, qu'il s'agisse du MoDem ou du FN.
5. Le Parti radical "valoisien" est-il au centre?
Pour la même raison que le Nouveau Centre, le Parti radical "valoisien" est à droite. La partition des radicaux est d'ailleurs la conséquence de la bipolarisation intervenue au début des années soixante-dix. À cette époque, le Parti radical historique s'est en effet coupé en deux:
- le Parti radical dit "valoisien" au centre (1972) puis à droite (1974)
- le Mouvement des Radicaux de Gauche (MRG), devenu depuis le Parti Radical de Gauche (PRG).
6. L'Alliance Centriste est-elle au centre?
L'Alliance centriste est le parti dont le positionnement est le plus ambigu. D'un côté, de par ses alliances électorales et les votes de ses parlementaires elle se positionne plutôt à droite. De l'autre, Jean Arthuis, son président, est en train de se recentrer: ralliement à la ligne centriste de François Bayrou dans la perspective de la prochaine élection présidentielle ("Si le candidat du centre n'est pas qualifié au second tour de la présidentielle, il doit chercher à conclure une alliance de gouvernement aussi bien avec le candidat de la droite qu'avec celui de la gauche", La Croix, 21 septembre 2010) et vote contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (25 novembre 2010).
7. L'UDF était-elle au centre?
L'UDF a été créée en 1978 afin de regrouper, face au RPR chiraquien (créé en 1976), la fraction giscardienne de la majorité de droite.
L'UDF avant 2007 - y compris François Bayrou lors de la présidentielle de 2002 (même s'il a brièvement hésité) - n'a ainsi jamais voulu incarner une troisième voie entre la droite et la gauche mais seulement offrir un second choix à droite.
Contrairement à ce qu'a fait croire François Bayrou lorsqu'il en était le président, l'UDF n'a donc jamais été positionnée au centre de l'échiquier politique. Je m'étais ainsi toujours interdit dans mes articles de qualifier hier l'UDF de centriste, comme je m'interdis aujourd'hui de qualifier le Nouveau Centre de centriste. CQFD!
8. Dominique de Villepin est-il eu centre?
Dominique de Villepin se trouve dans la même situation ambigue que François Bayrou entre 2002 et 2007: un pied dans la majorité, un pied dans l'opposition; un pied à droite, un pied ...ailleurs!
Cet "ailleurs" est-il le centre? En réalité, Dominique de Villepin semble hésiter entre "faire du Bayrou" ou "faire du Dupont-Aignan". À suivre...
Pour aller plus loin:
Hervé Morin veut incarner un centre de droite
10:03 | Lien permanent | Commentaires (16) | Facebook | | Imprimer | |
12 décembre 2010
François Bayrou ne veut pas perdre le monopole du centre
François Bayrou réélu président du MoDem.
François Bayrou ne veut pas perdre le monopole du centre
Laurent de Boissieu
La Croix, 10 décembre 2010
11:18 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
10 décembre 2010
Jean-Louis Borloo recoiffe Marianne
Mon petit bilan du "dîner de la République" de Jean-Louis Borloo:
Sur la forme:
- ambiguïté sur la nature de l'évènement: réunion politique ou colloque sur la loi de 1905? Certains étaient venus pour le premier aspect, d'autres exclusivement pour le second.
- il s'agissait donc davantage pour Jean-Louis Borloo d'un test (réussi) de notoriété personnelle que de capacité de mobilisation politique.
Sur le fond:
- discours très ferme et courageux contre "le communautarisme et l'intégrisme", pour le modèle républicain français d'intégration et de citoyenneté, c'est-à-dire contre le multiculturalisme et pour l'assimilation ("la République demande à chacun d'entre nous de mettre de côté nos origines, nos appartenances").
- pour le reste: proclamation par Jean-Louis Borloo de valeurs consensuelles (la République, le progrès, la justice, l'égalité, la fraternité) sans en donner sa propre définition, c'est-à-dire sans prendre le risque de cliver.
- mais peut-on parler de laïcité "parfois menacée" sans évoquer la "laïcité positive" (antilaïque) de Nicolas Sarkozy? Peut-on parler de fiscalité républicaine en s'interrogeant sur le concept même de niche fiscale ("n'est-il pas, pour l'essentiel, étranger à la conception républicaine de la fiscalité?") sans dénoncer la tendance, depuis 1993, à la remise en cause de la progressivité de l'impôt (remise en cause dont Jean-Louis Borloo fut solidaire en tant que membre de gouvernements qui y ont participée)?
La petite phrase:
- "Oui, les conservateurs ont l'air raisonnable, sérieux, bien coiffés. Mais en réalité, ce sont eux qui ne sont pas raisonnables. Ce sont eux qui ne sont pas professionnels. Car un professionnel s'adapte toujours au progrès et au mouvement".
- cette petite phrase visait implicitement François Fillon, que Jean-Louis Borloo ambitionnait de remplacer à Matignon; il s'agit en quelques sortes de la réponse de Jean-Louis Borloo aux attaques implicites de François Fillon, le 4 novembre dernier, en plein débat sur le choix du Premier ministre.
P.S.: me recevant auparavant, avec une quinzaine de confrères, au siège du Parti radical, Jean-Louis Borloo s'est refusé de répondre non seulement à nos questions stratégiques et partisanes mais également de positionnement idéologique: centriste? républicain? démocrate? "J'ai déjà du mal à combiner Jean-Louis et Borloo...", nous a-t-il lâché!
09:03 | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | | Imprimer | |
09 décembre 2010
Les trois piliers de Jean-Louis Borloo pour fédérer le centre droit
C'est ce jeudi que Jean-Louis Borloo rompra le silence dans lequel il était entré depuis sa sortie du gouvernement, le 14 novembre, afin de "retrouver [sa] liberté de proposition et de parole". Officiellement, il s'agit pour le président du Parti radical "valoisien" de fêter, à l'occasion d'un "dîner de la République", l'anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l'État.
D'où la diversité des quelque 800 invités attendus, qui déborde la majorité de droite puisque devraient y participer le jacobin Jean-Pierre Chevènement, le socialiste Arnaud Montebourg ou encore le président du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet.
Au-delà de la thématique des valeurs républicaines, c'est bien entendu sur la double question de la réunification du centre droit et de l'élection présidentielle de 2012 que Jean-Louis Borloo, qui retrouvera mardi les bancs de l'Assemblée nationale, est le plus attendu.
Même s'il est bien entendu beaucoup trop tôt pour la trancher, voire même pour l'aborder publiquement, la perspective d'une éventuelle candidature à la présidentielle sous-tend déjà la stratégie de l'ancien ministre d'État. "Regardez les sondages, plaide un de ses proches. Une candidature d'Hervé Morin pique essentiellement des voix à Nicolas Sarkozy. Une candidature de Jean-Louis pique, elle, aussi des voix à François Bayrou, Eva Joly et Dominique de Villepin, qui tombe alors en dessous de 5%."
Bref, la présence de Jean-Louis Borloo au premier tour profiterait à la majorité sortante, "sous réserve que le FN ne monte pas trop haut afin d'éviter un 21 avril à l'envers". Reste à convaincre Nicolas Sarkozy, que ce proche va justement prochainement rencontrer en tête à tête.
En attendant, Jean-Louis Borloo veut jouer un rôle de fédérateur du centre droit en s'appuyant sur trois piliers.
- Le premier est la sensibilité "humaniste" de l'UMP, qui entend dorénavant gagner en lisibilité et visibilité.
D'une part, en relançant le Mouvement démocrate et populaire, animé par Marc-Philippe Daubresse (secrétaire général adjoint de l'UMP), Pierre Méhaignerie, Christian Kert et Fabienne Keller, auxquels pourrait s'agréger le libéral Jean-Pierre Raffarin.
D'autre part, en créant un "sous-groupe" au sein du groupe UMP à l'Assemblée nationale, susceptible, face à l'aile sécuritaire et à l'aile libérale, de marquer sa différence sur certains votes.
- Le deuxième pilier est le Parti radical "valoisien". Associée à l'UMP, la structure présidée par Jean-Louis Borloo a décidé de réaffirmer son autonomie : lui-même devrait ainsi confirmer jeudi 9 décembre au soir qu'il n'entend pas rester vice-président du conseil national de l'UMP, dont le bureau sera renouvelé samedi. Ce degré d'autonomie, voire d'indépendance (ce qui ouvrirait la voie à la création d'une "confédération" du centre droit), sera à l'ordre du jour du prochain congrès du Parti radical, en janvier.
- Le troisième pilier de la stratégie de Jean-Louis Borloo est la "coordination politique" du centre droit, qu'il anime depuis le 16 novembre. Il s'agit en effet d'une initiative transpartisane à laquelle adhèrent notamment Jean-Marie Bockel (président de La Gauche moderne) et une partie du Nouveau Centre (Valérie Létard, Jean-Christophe Lagarde, Maurice Leroy). Une pierre dans le jardin de son président, Hervé Morin, qui ne cache pas son ambition de représenter lui aussi le centre droit à la présidentielle.
Laurent de Boissieu
La Croix, 9 décembre 2010
10:02 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
25 novembre 2010
Les radicaux quittent la direction de l'UMP
Les grandes manœuvres se poursuivent dans la majorité. Alors que Jean-François Copé a succédé la semaine dernière à Xavier Bertrand au poste de secrétaire général de l'UMP, Jean-Louis Borloo, président du Parti radical, a fait savoir mercredi qu'il quittait la vice-présidence du conseil national de l'UMP. "C'est une décision cohérente avec celle qu'il a prise de ne plus appartenir au gouvernement, c'est la même démarche qui lui permet de retrouver sa liberté de parole et de proposition", décrypte le radical Laurent Hénart. Jean-Louis Borloo, qui s'est installé au siège historique du parti, place de Valois, à Paris, s'exprimera le 9 décembre à l'occasion d'un "dîner de la République", précédé d'une "convention sur les valeurs de la République".
Le bureau national du Parti radical, qui s'est réuni mercredi, a également pris deux "décisions unanimes". D'une part, qu'"aucun radical ne participera à l'exécutif de l'UMP" et, d'autre part, qu'un congrès sera organisé "début 2011", au cours duquel les radicaux "valoisiens" réexamineront la nature de leur relation avec l'UMP. "On va clairement vers une indépendance dans la majorité présidentielle", a précisé Laurent Hénart. Composante de l'UDF entre 1978 et 2002, le Parti radical est depuis 2002 membre fondateur et associé de l'UMP. Prendre son indépendance rendrait possible, dans la perspective d'une refondation du centre droit pour la présidentielle de 2012, un rapprochement avec le Nouveau Centre d'Hervé Morin.
Face à ces forces centrifuges, Jean-François Copé a réaffirmé au même moment sa volonté de réaliser "l'union sacrée" entre toutes les sensibilités de l'UMP. Le nouveau secrétaire général a ainsi promis la mise en place d'un "trio" ou d'un "duo" les incarnant "sur l'ensemble des fonctions essentielles de la vie du parti". Un partage de responsabilités qu'il a déjà mis en œuvre au secrétariat général, où il est entouré de deux adjoints: le "libéral" Hervé Novelli et le "centriste" Marc-Philippe Daubresse. "Les radicaux ont toute leur place dans l'UMP et doivent s'inscrire dans ce partage des responsabilités", a tenu à souligner Jean-François Copé.
Reste à savoir sur quelle base s'effectuera l'expression de cette diversité interne, puisque, contrairement au PS, aucun vote des adhérents ne permet de définir le périmètre et la représentativité des courants. Or, ces derniers sont actuellement organisés au sein de l'UMP à des degrés très divers:
- partis fondateurs et associés: le Parti radical de Jean-Louis Borloo et le Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin
- clubs associés: "Les Réformateurs" (Hervé Novelli, Gérard Longuet), "Le Chêne" (Michèle Alliot-Marie), "Génération France" (Jean-François Copé, Christian jacob)...
- collectifs de parlementaires: "Les parlementaires centristes de l'UMP" (Marc-Philippe Daubresse, Pierre Méhaignerie, Christian Kert, Fabienne Keller), "La droite populaire" (Thierry Mariani, Lionnel Luca, Philippe Meunier) ou "République et Territoires" (Jean-Pierre Raffarin)
Laurent de Boissieu
La Croix, 25 novembre 2010
09:40 | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook | | Imprimer | |