16 avril 2007
Une semaine pour convaincre
Et si finalement...
Il y a quelques jours encore, j'aurais donné comme quatuor de tête du premier de l'élection présidentielle l'ordre suivant : Nicolas Sarkozy (23%), Ségolène Royal (21%), Jean-Marie Le Pen (20%), François Bayrou (18%).
Mais les propos de Michel Rocard et Bernard Kouchner en faveur d'une alliance entre Ségolène Royal et François Bayrou m'amènent à réviser mon jugement : et si, finalement, François Bayrou arrivait deuxième le 22 avril ?
La semaine dernière, deux mouvements contradictoires ont alimenté la campage :
- la rumeur d'une "enquête" des RG auprès de 15 000 personnes plaçant Nicolas Sarkozy en tête, suivi de Jean-Marie Le Pen et François Bayrou; cette prévision d'un nouveau "21 avril" pourrait avoir pour conséquence (selon le souhait de Nicolas Sarkozy et, bien entendu, Ségolène Royal) de mobliser la gauche autour de la candidate PS.
- les propos de Michel Rocard et Bernard Kouchner qui, à l'inverse, crédibilisent la démarche de François Bayrou et pourraient inciter des électeurs de gauche, dans la perspective d'une majorité associant l'UDF et le PS, à voter en faveur du candidat centriste.
Je rappelle d'ailleurs que dans le dernier Baromètre Politique Français, 22% des électeurs exprimant une intention de vote en faveur de Ségolène Royal au premier tour pourraient voter pour François Bayrou en second choix; loin devant les candidats issus de l'ex-gauche plurielle (Marie-George Buffet : 7%; Dominique Voynet : 6%).
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05 avril 2007
Nicolas Sarkozy veut "expérimenter" la TVA sociale
Voilà plusieurs années que les politiques tournent autour de la TVA sociale, mais sans jamais oser franchir le pas. Face à cette question, les candidats à l'élection présidentielle se répartissent en deux catégories : ceux qui sont contre ...et ceux qui hésitent. En se prononçant, la semaine dernière, dans un entretien à L'Express, en faveur d'une "expérimentation" de la TVA sociale "dans un secteur", Nicolas Sarkozy est celui qui s'est engagé le plus loin dans cette voie.
Cette prise de position a de quoi surprendre, puisque le candidat de l'UMP s'était auparavant montré réservé sur la TVA sociale. "Basculer une partie de la fiscalité sur le travail vers la fiscalité sur la consommation est une expérience tentante", écrivait Nicolas Sarkozy, le 15 février, dans le Magazine Agricole Grandes Cultures. "Pour autant, les effets d'une telle mesure sur le pouvoir d'achat sont incertains et je me méfie de la théorie des vases communicants. Le principal problème fiscal de notre pays, c'est l'excès de prélèvements obligatoires en raison de l'excès de dépenses publiques. La meilleure réforme à entreprendre est donc la baisse des dépenses pour pouvoir baisser les prélèvements, pas le transfert de l'un sur un autre." Sans doute faut-il voir dans cette évolution - comme sur les critiques de l'euro fort ou sur la promotion d'un protectionnisme européen - l'influence grandissante du gaulliste Henri Guaino sur le libéral Nicolas Sarkozy.
Le centriste François Bayrou s'interroge, lui, depuis l'été 2005 sur le moyen de ne plus financer la protection sociale par les cotisations sociales sur le travail. Le candidat de l'UDF n'a cependant toujours pas choisi vers quel prélèvement obligatoire transférer ce financement : hausse de la CSG (impôt prélevé à la source sur la plupart des revenus), TVA sociale, nouvelle taxe carbone...
Les autres candidats sont, en revanche, hostiles à la TVA sociale. "Toute forme d'impôt supplémentaire est symboliquement une erreur", a ainsi martelé, mardi, Philippe de Villiers, sur Europe 1. Le candidat du MPF suggérant à la place de "trouver comme assiette des cotisations sociales de toutes les PME la différence entre le chiffre d'affaires et la masse salariale".
À gauche, Ségolène Royal a avancé, mardi également, dans sa conférence de presse, trois arguments contre la TVA sociale. Premièrement, cette idée "n'a rien de sociale" puisque "la vie va être encore plus chère" pour les Français. Deuxièmement, l'idée est "dangereuse pour la croissance". Troisièmement, "tous les syndicats de salariés sont contre" et "on ne peut pas lancer de façon autoritaire et péremptoire des réformes auxquelles les partenaires sociaux sont opposés".
Traditionnellement, la gauche préfère les impôts progressifs (impôt sur le revenu, impôt sur les successions) aux impôts proportionnels (TVA), même si c'est elle qui a instauré la CSG. Plutôt qu'une TVA sociale, le projet législatif du PS propose ainsi de calculer les cotisations patronales "sur l'ensemble de la richesse produite et non sur les seuls salaires". Une idée que la candidate du parti n'a toutefois pas retenue dans son "pacte présidentiel".
Laurent de Boissieu
© La Croix, 04/04/2007
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30 mars 2007
Le recours aux ministres issus de la société civile
Éclairage
"Il y aura des gaullistes avec moi, et aussi des socialistes, et surtout des compétences issues de la société civile", a affirmé François Bayrou, le 27 mars, dans un entretien publié par Le Figaro. Dans ce contexte, le terme "société civile" renvoie à la nomination de ministres qui ne sont ni des élus ni des membres de cabinets politiques ou de la haute administration publique. Un phénomène qui n'est pas nouveau. Outre, pour la première fois, des femmes - alors que ces dernières ne sont encore ni électrices ni éligibles -, le gouvernement Blum de 1936 comporte ainsi plusieurs ministres non politiques : Suzanne Lacore (directrice d'école primaire), sous-secrétaire d'État à la santé publique chargée de la protection de l'enfance, Irène Joliot-Curie (prix Nobel de chimie), puis Jean Perrin (prix Nobel de physique), sous-secrétaires d'État successifs à la recherche scientifique.
Les ministres issus de la société civile sont parfois des personnes inconnues du grand public, comme la juriste Simone Veil, nommée en 1974 ministre de la santé dans le gouvernement Chirac. Mais, le plus souvent, il s'agit de personnalités reconnues dans leur domaine de compétence, à l'image du scientifique Hubert Curien, ministre de la recherche des gouvernements de gauche entre 1984 et 1993. Deux premiers ministres ont mis en avant leur ouverture à la société civile : Michel Rocard en 1988 (avec Alain Decaux, Bernard Kouchner, Léon Schwartzenberg...) et Jean-Pierre Raffarin en 2002 (Luc Ferry, Claudie Haigneré, Francis Mer...). Le recours à la société civile répond à la crise de la représentation démocratique.
Le succès n'a toutefois pas toujours été au rendez-vous. Nommé ministre délégué chargé de la santé le 29 juin 1988, Léon Schwartzenberg a ainsi démissionné dès le 8 juillet. Tandis que Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie entre 2002 et 2004, a tiré de son expérience gouvernementale un livre au titre accusateur : Vous, les politiques... (Albin Michel).
Laurent de Boissieu
© La Croix, 29/03/2007
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23 mars 2007
Bayrou mise sur un éclatement du PS ou sur la "dynamique" créée par l'élection présidentielle
Pour François Bayrou, c'était un atout : proposer "un gouvernement composé de femmes et d'hommes compétents, d'accord sur les grands choix, et représentatif des grandes sensibilités du pays". Ses adversaires en ont pourtant fait un de leur principal cheval de bataille contre lui. "L'élection présidentielle n'est pas un chèque en blanc pour reconfigurer le paysage politique", insiste Alain Juppé, soutien de Nicolas Sarkozy, dans un entretien à L'Express du 22 mars.
Dans l'esprit de François Bayrou, le scénario est pourtant bien huilé.
Acte 1, scène 1 : qualification au second tour de l'élection présidentielle.
Acte 1, scène 2 : annonce, entre les deux tours, de la création d'un nouveau "parti démocrate".
Acte 1, scène 3 : élection à la présidence de la République et nomination d'un gouvernement ouvert au centre-droit et au centre-gauche.
Acte 2, scène 1 : investiture pour les élections législatives de 577 candidats avec le label "majorité présidentielle".
Acte 2, scène 2 : ces candidats obtiennent la majorité des sièges à l'Assemblée Nationale.
Acte 2, scène 3 : fondation du nouveau "parti démocrate".
Reste à analyser la crédibilité d'un tel scénario. Il existe deux précédents d'un second tour n'opposant pas la droite et la gauche : 1969, avec la qualification du centriste Alain Poher face au gaulliste de droite Alain Pompidou, et 2002, avec la qualification de Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac. "En 1969, le centrisme a déjà servi de produit d'appel pour l'électorat de gauche", soulignait ainsi Pascal Perrineau, mercredi, dans une rencontre du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Il existe en outre un précédent de création d'un parti du président dans un contexte électoral similaire. L'annonce de la création de l'UMP a en effet été faite entre les deux tours d'une élection présidentielle, le 23 avril 2002. Puis, aux élections législatives, les candidats portant l'étiquette "union pour la majorité présidentielle" ont obtenu la majorité des sièges à l'Assemblée nationale. Préalablement à la création, le 17 novembre 2002, d'un nouveau parti majoritaire, l'Union pour un Mouvement Populaire.
La difficulté majeure pour François Bayrou consisterait toutefois, compte tenu de l'importance de l'ancrage local des candidats pour des élections législatives, à passer d'une trentaine de députés à plus de 289. D'autant plus que l'UMP et le PS ont déjà investi leurs candidats aux élections des 10 et 17 juin prochains.
L'idéal pour François Bayrou, s'il était élu face à Nicolas Sarkozy, serait alors de rallier à lui au moins les 20% de députés UMP historiquement issus de l'UDF et, surtout, les 60% de députés PS ayant soutenu le projet de constitution européenne, c'est-à-dire s'inscrivant dans la "gauche réformiste européenne". Bref, de miser sur un retour au bercail du centre-droit et sur un éclatement du PS, dont les débats sur la Constitution européenne ont mis en lumière la division idéologique entre sociaux-libéraux et antilibéraux.
Sur le fond, la "gauche réformiste" est en effet plus proche de l'UDF et de François Bayrou que de l'aile gauche du PS (Jean-Luc Mélenchon) ou des partis situés à la gauche du PS (PCF, MRC, LCR...). Une hypothèse "pas impossible mais compliquée", estime Pascal Perrineau en insistant sur "la culture du PS", la gauche s'étant refondée dans les années soixante "sur l'idée qu'il n'y a pas d'ennemi à gauche et que l'ennemi commence au centre".
Dans l'hypothèse où il n'y aurait pas d'éclatement du PS, François Bayrou mise sur la "dynamique" créée par l'élection présidentielle et sur la "cohérence" des Français. "Lorsqu'ils élisent quelqu'un, ils lui donnent ensuite la majorité de sa politique", affirme-t-il, jeudi, dans Le Parisien. C'est bien ce qui s'est passé en 1981 et 1988 - après dissolution de l'Assemblée nationale par François Mitterrand - et en 2002 : organisées dans la foulée, les élections législatives sont venues, à chaque fois, confirmer la présidentielle.
Ce serait toutefois sans compter, comme l'a souligné Jean-Luc Parodi, mercredi, au Cevipof, sur les conséquences inédites du "jeu d'un scrutin bipolaire avec une configuration quadripolaire", c'est-à-dire d'éventuels seconds tours aux législatives opposant, non plus deux ou trois, mais quatre candidats : PS (+ PCF, Verts, PRG, MRC), UMP, FN et la nouvelle majorité présidentielle de François Bayrou.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 22/03/2007
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22 mars 2007
Seul François Bayrou ne dénonce pas la Banque centrale européenne
L'Europe a l'habitude : à chaque campagne électorale française, elle se retrouve au banc des accusés. Cette année, c'est plus particulièrement la Banque centrale européenne (BCE) qui est montrée du doigt. D'un côté par les souverainistes, opposés par principe à tout ce qui possède un caractère supranational, notamment la monnaie unique européenne. D'un autre côté par ceux qui refusent le statut d'indépendance de la BCE et son objectif principal de lutte contre l'inflation.
Cette dernière attitude est, classiquement, celle des candidats situés à la gauche de la gauche. Mais, fait nouveau, elle a également été adoptée par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Il est vrai que la première est aussi soutenue par d'anciens "nonistes", membre du PS ou non (Jean-Pierre Chevènement), tandis que le second subit l'influence de l'ex-séguiniste Henri Guaino. On retrouve ainsi, en 2007, dans la bouche de ces deux défenseurs du "oui" au référendum sur la Constitution européenne, des arguments employés en 2005 par les partisans du "non".
Nicolas Sarkozy a été le premier à virer de bord, le 22 juin 2006, dans son discours d'Agen (Lot-et-Garonne). "Avons-nous déjà oublié le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d'achat, en déficits et en endettement public pour que nous nous sentions obligés de recommencer ?", s'est interrogé l'ancien ministre du budget d'Édouard Balladur. Rebelote en décembre 2006, où il a pointé "l'autisme d'un certain nombre de banquiers qui ne comprennent pas que la priorité, ce n'est pas la lutte contre une inflation qui n'existe pas, c'est la lutte pour plus de croissance, pour plus d'emploi et pour moins de chômage". Avant de récidiver, le 6 mars dernier, à Cormeilles-en-Parisis (Val-d'Oise), en demandant que "la politique de surévaluation de l'euro qui est en train d'accentuer tous les problèmes d'Airbus et d'accélérer la désindustrialisation de l'Europe soit abandonnée".
Ségolène Royal lui a emboîté le pas, en décembre 2006, lors du congrès des socialistes européens à Porto (Portugal). "Ce n'est plus à Jean-Claude Trichet de décider de l'avenir de nos économies, c'est aux dirigeants démocratiquement élus", a lancé la candidate en souhaitant "que la BCE soit soumise à des décisions politiques, bien sûr celles de l'Eurogroupe, mais aussi celles du Conseil européen". Ségolène Royal a toutefois, ensuite, nuancé son propos. "Ce n'est pas à la BCE de prendre seule les décisions. Il ne s'agit pas de remettre en cause son indépendance mais il s'agit de ne pas la laisser exercer une omnipotence".
Ni Ségolène Royal ni Nicolas Sarkozy ne vont, en effet, jusqu'à remettre en cause le principe d'indépendance de la banque centrale, inscrite dans les traités européens depuis Maastricht. L'un et l'autre veulent, d'une part, donner à la BCE un interlocuteur politique à travers l'institution d'un "gouvernement économique de la zone euro". Et, d'autre part, ajouter dans son statut, à côté de la lutte contre l'inflation, l'objectif de la croissance et de l'emploi.
Quoi qu'il en soit, prenant aux mots les critiques de ses deux principaux concurrents, François Bayrou s'est posé en défenseur isolé de l'Union européenne. "Je ne partage pas les critiques et les affirmations négatives qui ont été faites autour de la BCE par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy", a ainsi martelé le président le l'UDF, le 23 février dernier. Reste à savoir si Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy* ont changé depuis quelques mois ou s'il ne s'agit de leur part que d'une posture électorale.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 21/03/2007
* Nicolas Sarkozy est celui qui est allé le plus loin dans le recyclage du discours "noniste" : critique de l'euro fort, dénonciation de l'Europe "cheval de troie" de la mondialisation, promotion d'un protectionnisme européen...
11:35 | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | | Imprimer | |