Seul François Bayrou ne dénonce pas la Banque centrale européenne (22 mars 2007)
L'Europe a l'habitude : à chaque campagne électorale française, elle se retrouve au banc des accusés. Cette année, c'est plus particulièrement la Banque centrale européenne (BCE) qui est montrée du doigt. D'un côté par les souverainistes, opposés par principe à tout ce qui possède un caractère supranational, notamment la monnaie unique européenne. D'un autre côté par ceux qui refusent le statut d'indépendance de la BCE et son objectif principal de lutte contre l'inflation.
Cette dernière attitude est, classiquement, celle des candidats situés à la gauche de la gauche. Mais, fait nouveau, elle a également été adoptée par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Il est vrai que la première est aussi soutenue par d'anciens "nonistes", membre du PS ou non (Jean-Pierre Chevènement), tandis que le second subit l'influence de l'ex-séguiniste Henri Guaino. On retrouve ainsi, en 2007, dans la bouche de ces deux défenseurs du "oui" au référendum sur la Constitution européenne, des arguments employés en 2005 par les partisans du "non".
Nicolas Sarkozy a été le premier à virer de bord, le 22 juin 2006, dans son discours d'Agen (Lot-et-Garonne). "Avons-nous déjà oublié le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d'achat, en déficits et en endettement public pour que nous nous sentions obligés de recommencer ?", s'est interrogé l'ancien ministre du budget d'Édouard Balladur. Rebelote en décembre 2006, où il a pointé "l'autisme d'un certain nombre de banquiers qui ne comprennent pas que la priorité, ce n'est pas la lutte contre une inflation qui n'existe pas, c'est la lutte pour plus de croissance, pour plus d'emploi et pour moins de chômage". Avant de récidiver, le 6 mars dernier, à Cormeilles-en-Parisis (Val-d'Oise), en demandant que "la politique de surévaluation de l'euro qui est en train d'accentuer tous les problèmes d'Airbus et d'accélérer la désindustrialisation de l'Europe soit abandonnée".
Ségolène Royal lui a emboîté le pas, en décembre 2006, lors du congrès des socialistes européens à Porto (Portugal). "Ce n'est plus à Jean-Claude Trichet de décider de l'avenir de nos économies, c'est aux dirigeants démocratiquement élus", a lancé la candidate en souhaitant "que la BCE soit soumise à des décisions politiques, bien sûr celles de l'Eurogroupe, mais aussi celles du Conseil européen". Ségolène Royal a toutefois, ensuite, nuancé son propos. "Ce n'est pas à la BCE de prendre seule les décisions. Il ne s'agit pas de remettre en cause son indépendance mais il s'agit de ne pas la laisser exercer une omnipotence".
Ni Ségolène Royal ni Nicolas Sarkozy ne vont, en effet, jusqu'à remettre en cause le principe d'indépendance de la banque centrale, inscrite dans les traités européens depuis Maastricht. L'un et l'autre veulent, d'une part, donner à la BCE un interlocuteur politique à travers l'institution d'un "gouvernement économique de la zone euro". Et, d'autre part, ajouter dans son statut, à côté de la lutte contre l'inflation, l'objectif de la croissance et de l'emploi.
Quoi qu'il en soit, prenant aux mots les critiques de ses deux principaux concurrents, François Bayrou s'est posé en défenseur isolé de l'Union européenne. "Je ne partage pas les critiques et les affirmations négatives qui ont été faites autour de la BCE par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy", a ainsi martelé le président le l'UDF, le 23 février dernier. Reste à savoir si Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy* ont changé depuis quelques mois ou s'il ne s'agit de leur part que d'une posture électorale.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 21/03/2007
* Nicolas Sarkozy est celui qui est allé le plus loin dans le recyclage du discours "noniste" : critique de l'euro fort, dénonciation de l'Europe "cheval de troie" de la mondialisation, promotion d'un protectionnisme européen...
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Commentaires
Une contribution au débat sur l'euro:
L'Euro : le bouc émissaire européen.
Après un grand tapage médiatique fait par les médias, ces dernières semaines, sur la faute à l’euro si la relance économique en Europe bat de l’aile ,voici une interview révélatrice sur l’euro , faite à Monsieur C. d’Alelio,politicien européen de la nouvelle génération, Co-Secrétaire (le Président est Jacques Santer ,déjà Président de la Commission Européenne) d’un cercle de réflexion, au cœur des institutions européennes à Bruxelles.
Monsieur d’Alelio , que pensez-vous des innombrables attaques lancées contre l’euro, ces dernières semaines, par plusieurs candidats à la présidentielle française ?
Cela ne me surprend pas car, pour apaiser les craintes des citoyens français sur leur avenir dans une Europe en pleine mutation, il est facile pour les candidats,en panne d’arguments sur l’économie du pays ,de dévier l’attention de l’électorat sur l’euro.
Oui,mais vous ne pouvez pas nier que, depuis l’entrée de l’euro en janvier 2002,le pouvoir d’achat des citoyens a sensiblement diminué .
C’est un fait, l’entrée de l’euro a modifié d’une façon importante la vie du consommateur de Euroland.Mais il est regrettable que ce changement ne se soit pas fait,comme cela aurait dû se passer, en faveur des citoyens européens .
Pourriez-vous mieux nous expliquer ?
Le pouvoir d’achat des citoyens aurait dû non seulement augmenter avec l’introduction de l’euro,mais également se diversifier ,car les marchandises de la zone euro
auraient pu profiter ,grâce au régime de la libre circulation mis en place depuis 1993 dans l’Union Européenne, de la disparition de la disparité entre les différentes monnaies.
Le commerce européen,grâce à l’euro,ne dépend plus des aléas des bourses mondiales qui,au quotidien, influençaient les taux de change des devises européennes.Des épargnes importantes sur les commissions de change des banques auraient dû permettre,en particulier aux PME, de pouvoir présenter sur le marché des produits avec des prix au rabais.
Mais,depuis 2002, le prix des produits de consommation a augmenté et non pas diminué !
C’est à cela que je voulais en venir,Monsieur Kinder . « Hic fecit cui prodest ».
A’ qui profite donc cette situation , Monsieur d’Alelio ?
Je crois que les responsabilités sont à rechercher du côté des organismes de contrôle des Etats membres, y compris la France,qui n’ont pas vu arriver la vague spéculative faite par les commerçants, grands et petits.
De surcroît,une étrange façon de calculer l’inflation, dans la zone euro,est appliquée par les instituts préposés au monitorage des prix à la consommation.
Même un enfant se serait aperçu que, dès l’introduction de l’euro, le prix des produits de grande consommation a fait un bond en avant de 20/30% et non pas de quelques pour cent seulement, comme tous les Etats membres s’obstinent,à tort, à en informer la population depuis 5 ans.
Que pouvez-vous dire en défense de l’euro ?
Innombrables sont les arguments en défense de l’euro.Je vous en expose un :
- depuis trois ans,le prix du baril de pétrole est en augmentation exponentielle.En fixant le prix du baril de pétrole en dollars,l’euro qui, depuis plus de deux ans, vaut 30% de plus que le dollar aurait dû bénéficier de cette marge importante.
Concrètement, si,par exemple, le prix du baril est en ce moment de 50 $ et celui-ci augmente constamment, le prix à la pompe ne devrait pas varier,en Europe, tant que le baril de pétrole ne dépasse pas les 65 $ ,vu la marge de 30% entre l’euro et le dollar.
Or, les citoyens européens ont pu constater ,à leurs dépens, qu’à chaque augmentation du prix du baril de pétrole correspond immédiatement une augmentation du prix de l’essence à la pompe …
Monsieur d’Alelio, l’Airbus est en crise à cause d’un euro surévalué, selon plusieurs candidats à la présidentielle 2007 . Etes-vous du même avis ?
Je regrette mais l’euro n’est pas surévalué.
Il est triste de voir que des politiciens et des économistes insistent à appuyer la thèse selon laquelle ,si l’euro était plus faible que le dollar , cela pourrait faciliter le flux des exportations de la zone euro vers le reste du monde.
Avant l’euro, le deutch mark a toujours été une devise forte, ce qui,pour autant, n’a pas empêché à l’Allemagne de faire partie des puissances mondiales du commerce pendant des décennies !
L’euro est une devise née dans une période économique en pleine mutation.
Il était impératif d’établir des bases solides pour que notre monnaie soit crédible sur les marchés financiers.
L’ Union Européenne ne pouvait pas se permettre de présenter une devise faible sur un marché mondial habitué à voir ,depuis la fin des années quatre-vingt , des actions spéculatives sur les devises (pour rappel, les attaques menées par le groupe Soros sur la livre sterling et la lire italienne, en 1992).
D’autre part,nous constatons ,depuis un an, un intérêt grandissant de la part de plusieurs pays à l’égard de l’euro (Inde,Iran,Turquie etc).
J’invite les économistes et les politiciens eurosceptiques à se pencher davantage sur les conditions graves dans lesquelles se trouvent les marchés financiers de la planète et de trouver avec nous des solutions aptes à arrêter cette spirale infernale dans laquelle l’économie mondiale est entrée depuis vingt-cinq ans !
Écrit par : maxime kinder | 27 mars 2007