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08 octobre 2008

L'unité nationale : sois d'accord et tais-toi !

union.jpgLa déclaration du gouvernement suivie d'un "débat" sans vote sur la crise financière et bancaire sera aujourd'hui l'occasion pour François Fillon de relancer son appel à l'"unité nationale". "Dans cette conjoncture exceptionnelle, j'invite tous les Français, qu'ils soient de droite, du centre ou de gauche, à faire preuve d'unité", avait encore plaidé le premier ministre, vendredi dernier, aux journées parlementaires de l'UMP. Invitant la majorité et l'opposition à "dégager des points de consensus" et à mettre de côté les "querelles subalternes".

Mais, pour qu'il y ait "unité nationale", encore faudrait-il qu'il y ait consensus national sur les réponses politiques à apporter à la crise. Or celles-ci sont multiples et opposées. Si François Fillon hésite entre politique de rigueur (diviser par deux le rythme de croissance annuel de la dépense publique et ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partants à la retraite) et politique de relance libérale par l'offre ("le taux de prélèvement obligatoire n'augmentera pas et toute reprise de la croissance sera mise à profit pour le baisser d'ici 2012"), le chef du gouvernement refuse, en dépit des mesures annoncées en faveur des PME et du logement, toute idée de relance keynésienne par la demande, qui sortirait de fait la France des clous de Maastricht.

Fin de non recevoir, donc, pour Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l'Élysée, qui avait plaidé pour que "temporairement" les critères de Maastricht ne soient plus "la priorité des priorités". Il est vrai que si l'ensemble du PS reproche au gouvernement de ne plus avoir de marges de manœuvre budgétaires à cause du "paquet fiscal" voté l'année dernière, seule l'aile gauche du parti remet pareillement en cause les critères de Maastricht. "Je pense que c'est une bonne idée", avait ainsi répondu Benoît Hamon, premier signataire de la motion "Un monde d'avance", interrogé sur la proposition d'Henri Guaino. Il ne faut "pas prendre prétexte de cette crise et de ces circonstances exceptionnelles pour jeter le bébé avec l'eau du bain et se débarrasser de ces règles de bonne gestion qui devraient rassembler tous les Européens", a rétorqué Elisabeth Guigou, député PS et ex-ministre des affaires européennes.

Comme toujours depuis 1983, du référendum sur le traité de Maastricht (1992) au référendum sur le traité constitutionnel européen (2005), c'est bien le même clivage qui oppose d'une côté les partisans du "cercle de la raison" et de l'autre les adversaires de la "pensée unique", c'est-à-dire de l'orthodoxie budgétaire et monétaire. "Lorsque le sage montre la lune l'imbécile regarde le doigt" : ce clivage est avant tout économique et social, alors qu'il est le plus souvent dénaturé et présenté comme une opposition entre pro-européens (les gentils) et anti-européens (les méchants).

Quant à l'idée d'"unité nationale", outre le fait qu'un tel appel relève du chef de l'État et non du premier ministre, elle puise sa source historique dans l'Union sacrée durant la première guerre mondiale. La France "sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée", avait déclaré le président de la République Raymond Poincaré dans son message aux chambres, le 4 août 1914. Un gouvernement inédit d'unanimité nationale est alors mis en place, allant de la SFIO (d'août 1914 à septembre 1917) à la droite royaliste (d'octobre 1915 à août 1917). Mais dès 1917 cette unité nationale se brise. La déclaration ministérielle de Georges Clémenceau, commençant par "Je fais la guerre", le 20 novembre 1917, est ainsi votée par 418 députés contre 65 (dont 64 SFIO) et 40 abstentions.

La France a connu deux autres expériences de gouvernements d'unanimité nationale. La première à la Libération, dans le prolongement de la Résistance à l'occupant, jusqu'à la démission des ministres communistes en mai 1947 (guerre froide). La seconde lors de l'installation de la Ve République, jusqu'en janvier 1959. Cette dernière unité nationale fut toutefois imparfaite, puisqu'elle n'inclut ni une minorité de la gauche non communiste (réunie au sein de l'Union des Forces Démocratiques : Pierre Mendès France, François Mitterrand, etc.) ni le PCF.

Enfin, les gouvernements dits d'"union nationale" sous la IIIe République étaient en fait des gouvernements de centre-droit allant de la droite au centre-gauche (radicaux, socialistes non SFIO) : Raymond Poincaré en 1926 (après l'échec du Cartel des gauches) puis Gaston Doumergue en 1934 (après les évènements du 6 février 1934). Même scénario en 1938, après la chute du Front populaire. Par 514 voix contre 8, la chambre des députés autorise en effet le gouvernement du radical Edouard Daladier à agir par décret-loi "pour faire face aux dépenses nécessitées par la défense nationale et redresser les finances et l'économie de la nation". Cette unité nationale vole cependant vite en éclats, lorsque le président du conseil estime que ce redressement passe par la remise en cause de certains acquis du Front populaire (les 40 heures). Quitte à ma répéter : pour qu'il y ait unité nationale, encore faut-il qu'il y ait préalablement consensus national sur la politique à mener. Sinon, l'appel à l'unité nationale revient simplement à demander à l'opposition de la fermer.

04 octobre 2008

L'UMP reste bloquée aux critères de Maastricht

henri.jpgComme au festival d'Avignon, aux journées parlementaires de l'UMP il y a le "in" et le "off".

Côté "in", des débats sur le métier de parlementaire et une présentation de l'exercice de prospective "France 2025" du secrétaire d'État Éric Besson. Côté "off", la crise financière internationale et la France de 2008 avec ses deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB. "Par nature, la France n'est pas en récession", a aussitôt minimisé en marge des travaux Éric Woerth, ministre du budget et des comptes publics, acceptant seulement de parler de "récession technique". Quoi qu'il en soit, les parlementaires qui, à leur arrivée, s'étonnaient devant les hôtesses d'accueil que le programme n'ait pas été modifié par les circonstances, ont donc dû attendre les discours du vendredi matin pour entendre parler à la tribune d'une solution politique à la crise financière.

Une réponse que François Fillon veut avant tout pragmatique. "Là où la dynamique économique est nécessaire, nous sommes libéraux, a insisté le premier ministre. Là où la justice sociale est nécessaire, nous sommes solidaires. Là où la régulation de l'État est nécessaire, nous croyons en l'État". Renouant avec les accents du Fillon séguiniste, le Fillon sarkozyste s'est implicitement posé en défenseur d'une troisième voie "entre le capitalisme dévoyé et le dirigisme socialiste". Avec, de la théorie à la pratique, la préparation d'un budget 2009 visant à éviter, selon lui, "deux écueils : celui du laxisme (renoncer à maîtriser la dépense) et celui de l'austérité (augmenter les impôts pour compenser la baisse des recettes)".

Ce discours a rassuré les élus UMP, qui, dans les allées des journées parlementaires, avaient exprimé leurs craintes face aux propositions d'Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l'Élysée. La veille, ce keynésien pourfendeur de l'orthodoxie budgétaire et monétaire avait déclaré que "temporairement" les critères de Maastricht "ne sont pas la priorité des priorités". Ce qui lui a valu une volée de bois vert de la part des membres de la majorité. "C'est la plume, ce n'est pas la parole du président de la République", raille ainsi Claude Goasguen, député et maire du XVIe arrondissement de Paris. "Henri Guaino, il a raison quand il se tait, poursuit courageusement sous couvert d'anonymat un de ses collègues des Hauts-de-Seine. S'il veut s'exprimer, qu'il se présente, comme Nicolas Dupont-Aignan, aux élections !".

Finalement, seul ou presque le député filloniste Jérôme Chartier déclare qu'il n'est "pas choqué" par la proposition d'Henri Guaino, expliquant "que Maastricht ne doit pas être un blocage si les circonstances l'exigent pour soutenir l'économie française et protéger les Français". Du reste, l'ancien directeur de campagne de Philippe Séguin pour le NON au référendum sur le traité de Maastricht n'a fait que décliner le discours de Toulon du président de la République : "Rien ne serait pire qu'un État prisonnier de dogmes, enfermé dans une doctrine qui aurait la rigidité d'une religion, avait dit Nicolas Sarkozy. Imaginons où en serait le monde si le gouvernement américain était resté sans rien faire face à la crise financière sous prétexte de respecter je ne sais quelle orthodoxie en matière de concurrence, de budget ou de monnaie ?".

Mais François Fillon a clos le débat en se posant solennellement en gardien du temple de l'orthodoxie budgétaire. "Nous ne renonçons pas à notre objectif d'un déficit public proche de zéro en 2012", a réaffirmé le chef du gouvernement. "Personne ne comprendrait ou n'accepterait que la France s'affranchisse de façon unilatérale des critères de Maastricht", avait auparavant averti Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, que certains commencent à qualifier de "vice-premier ministre". Fermez le ban.

28 septembre 2008

Le Sénat est-il vraiment à droite depuis 1958 ?

C'est une chose entendue : la droite est majoritaire au Sénat depuis 1958. Mais c'est pourtant une chose fausse !

La majorité gaulliste n'a en effet jamais détenu la majorité au Sénat. Pour le référendum d'octobre 1962, les sénateurs décident même, fait rarissime, que le discours antigaulliste de leur président, le radical Gaston Monnerville, sera affiché avant le scrutin dans toutes les mairies de France.

L'opposition de gauche, du centre et même de droite est alors majoritaire au Palais du Luxembourg.

En ce qui concerne la droite, ce n'est qu'après les élections sénatoriales de 1971 que le groupe des Républicains Indépendants (RI) intègre la majorité gaulliste à travers l'élection à sa présidence de Louis Courroy. Ce dernier était jusqu'alors président de l'Amicale des sénateurs giscardiens, minoritaire au sein de ce groupe majoritairement de droite antigaulliste.

En ce qui concerne, surtout, le centre, ce n'est qu'après l'élection présidentielle de 1974 que le centre d'opposition disparaît totalement en finissant de glisser à droite via la nouvelle majorité de Valéry Giscard d'Estaing (mouvement entamé en 1969 avec la majorité de Georges Pompidou). Un centre d'opposition dont l'existence a longtemps été oubliée, jusqu'à ce que François Bayrou relève cet héritage à l'occasion de l'élection présidentielle de 2007.

Bref, ce n'est véritablement que depuis 1974, en raison de la bipolarisation de la vie politique française, que la droite de gouvernement est devenue majoritaire au Sénat. Même si la gauche n'y a, certes, jamais été majoritaire...

 

lien : composition du Sénat depuis 1959

11 septembre 2008

Nicolas Sarkozy, Benoît XVI et la laïcité

sarkozybenoit.jpgN'en déplaise au collectif "remballe ton pape!", il n'y a rien de choquant à ce que le président de la République française reçoive le chef de l'État du Vatican. Accueillir un chef d'État étranger n'a jamais signifié cautionner tous les actes ou toute la pensée dudit chef d'État. Cette visite ne constitue donc pas, en soi, une attaque contre la laïcité ! Et il faut vraiment être de mauvaise foi – sans jeu de mot – pour clamer le contraire.

Quant au Pape, chef de l'Église catholique, il est tout à fait normal qu'il veuille aller à la rencontre d'un peuple dont la majorité des croyants se revendiquent de son autorité spirituelle (et même, d'ailleurs, si ce n'était pas le cas !). Je dis bien "spirituelle". Et c'est là que l'argumentation du collectif "remballe ton pape!" tombe à l'eau. Qu'une Église dise ce qu'elle considère comme bon ou juste n'a rien d'attentatoire à la liberté individuelle. C'est, justement, ce que permet ce bien précieux qu'est, en France, la laïcité. Ce n'est en effet que lorsque pouvoir politique et pouvoir spirituel se confondent que commencent les atteintes à la liberté individuelle. Sauf en cas d'un improbable dérapage théocratique, les propos de Benoît XVI, chef d'État étranger, ne pourront donc en rien constituer une attaque contre la laïcité. Non-croyants ou croyants d'une autre religion, nous sommes libres de les écouter ou non, de les critiquer ou de les approuver.

Personnellement, c'est plutôt Nicolas Sarkozy, président de notre République, qui m'inquiète. Cette semaine, un de ses proches m'assurait que le chef de l'État n'irait "pas plus loin" que dans ses discours de Latran (20/12/2007) et Riyad (14/01/2008). "Si tu vas plus loin, tu me retrouveras dans la rue avec les manifestants", lui a même répondu cet interlocuteur commun. Se voulant rassurant, ces propos m'ont, au contraire, plutôt inquiété en ce qui concerne l'état d'esprit profond de Nicolas Sarkozy...

D'autant plus que sa "laïcité positive" constitue, déjà, une attaque directe contre la laïcité (la laïcité point : ajouter un qualificatif est d'emblée suspect; comme si la laïcité française, historique, républicaine était une laïcité "négative" ou "fermée"). Plutôt que de faire un copié-collé, je vous renvoie à ma note du 17 janvier dernier sur la "laïcité positive".

"François Mitterrand n'avait laissé aucune consigne à ses proches, leur disant simplement qu'une messe est possible, poursuit mon interlocuteur. Nicolas Sarkozy est également en recherche. Mais ce n'est pas dans son tempérament volontariste de laisser les autres décider à sa place". Je respecte profondément la quête spirituelle de l'être humain. Je la comprends, même. Mais ledit être humain est aussi président d'une République laïque. Et, hors conversations privées, c'est à ce seul titre qu'il doit s'exprimer et se comporter face à un chef religieux. Car la France ne doit pas devenir le laboratoire d'expérimentation d'une quête spirituelle personnelle.

 

 

P.S.: le plus drôle, c'est que certains signataires du collectif "remballe ton pape!" s'étaient opposés à la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics !

10 septembre 2008

Jeff Koons brise la glace

Pauvres touristes du monde entier venus visiter le château de Versailles....

Je n'ai rien contre l'art contemporain, mais, franchement, je me demande ce que les oeuvres de Jeff Koons (dont j'apprécie certaines réalisations) viennent faire dans la Galerie des Glaces du château de Versailles.

Au risque de passer pour un fieffé réactionnaire, je fais partie de ceux qui ont mis du temps à s'habituer aux Pyramides du Louvres (je vous rassure : maintenant ça va) et qui ne se sont pas encore habitués aux Colonnes de Buren (en plus, qui vieillissent si mal), pas en tant que telles mais placées dans la cour d'honneur du Palais Royal.

Si je vais un jour en Inde et que je visite le Taj Mahal, je serais profondément en colère de voir du Jeff Koons se refléter sur le marbre blanc...

 

JeffKoons.jpg