06 avril 2009
Le temps de parole de Nicolas Sarkozy pourrait être pris en compte par le CSA
Le Conseil d'État est en passe d'entériner la Ve République "bis", conséquence du quinquennat et de la pratique présidentialiste de Nicolas Sarkozy. Le rapporteur public (ex-commissaire du gouvernement) a en effet recommandé à la haute juridiction administrative d'annuler le refus de principe du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) de prendre en compte le temps de parole audiovisuelle du président de la République.
Le CSA veille notamment au respect du pluralisme politique en s'appuyant sur la règle dite des trois tiers : un tiers de temps de parole pour le gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire et un tiers pour l'opposition parlementaire. L'expression du président de la République n'est toutefois pas prise en compte dans ce calcul.
"En raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti", avait justifié, en 2005, le Conseil d'État. Cette jurisprudence renvoie à la conception gaulliste du président de la République, "l'Homme de la nation" incarnant "au-dessus des partis" l'existence d'un "arbitrage national".
Or Catherine de Salins, rapporteur public, a estimé, vendredi, devant l'assemblée du contentieux du Conseil d'État, que Nicolas Sarkozy "n'est pas un arbitre, mais un capitaine" (référence au titre d'un ouvrage publié en 1987 par le conseiller d'État Jean Massot). Dorénavant, donc, "la parole du président de la République doit être prise en compte pour le respect du pluralisme politique" puisque "cette conception de son rôle a eu pour conséquence de faire remonter à l'Élysée la gestion des affaires courantes".
Candidat, Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs lui-même affirmé qu'à ses yeux "le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu". Élu à la présidence de la République, il a effectivement continué à participer épisodiquement aux instances de son parti, l'UMP.
Si le Conseil d'État, qui doit rendre sa décision d'ici une quinzaine de jours, suit les recommandations du rapporteur public, ce qui est généralement le cas, il s'agirait d'une petite victoire pour l'opposition, la haute juridiction administrative ayant été saisie par François Hollande lorsqu'il était premier secrétaire du PS.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 06/04/2009
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31 mars 2009
Rémunération des dirigeants d'entreprise : l'aveu d'échec de la majorité
Le décret, annoncé la semaine dernière par l'Élysée, "relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l'État ou bénéficiant du soutien de l'État du fait de la crise économique" a été signé hier par François Fillon pour être publié ce matin au Journal Officiel.
Le gouvernement avait pourtant revendiqué le fait de ne pas intervenir sur la gouvernance des sociétés bénéficiant d'un soutien exceptionnel de l'État. Leurs fonds propres avaient en effet été augmentés à travers l'achat par la Société de prise de participation de l'État (SPPE) de "titres super-subordonnés à durée indéterminée" (TSSDI). Or, contrairement aux actions, le souscripteur de ces titres n'entre pas au capital des établissements concernés. "Vous ne pouvez pas entrer au capital d'une banque qui ne le désire pas, qui n'en a pas besoin et qui n'est pas en difficulté, ou alors il faut la nationaliser et passer par le Parlement", avait, à l'époque, justifié François Fillon. Concrètement, cela signifie que l'État a alors fait le choix de ne pas être représenté au sein de leur conseil d'administration ou de surveillance et, donc, de ne pas participer à leur gestion, c'est-à-dire notamment de ne pas intervenir dans la définition de la politique de rémunération de leurs dirigeants.
Cela dit, même en faisant ce choix, le gouvernement aurait pu, au-delà des déclarations d'intention de Nicolas Sarkozy, encadrer les conditions de rémunération des dirigeants concernées au moment de la signature de conventions entre ces dernières et l'État. La nécessité de publier un décret et de signer, dès hier, un avenant à ces conventions, est donc un aveu d'échec pour François Fillon. Preuve supplémentaire que dans notre système économique les entreprises ne sont par nature ni éthiques ni citoyennes, que l'auto-régulation est un leurre, et que seule la régulation par l'État est efficace. Le tout étant de trouver le bon équilibre entre intérêt général (régulation par l'État) et liberté d'initiative économique.
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20 mars 2009
Pour une politique fiscale juste : supprimons l'ISF !
De plus en plus de voix, jusqu'au sein de la majorité, remettent en cause le bouclier fiscal, dispositif de plafonnement des impôts directs à 50% des revenus.
Le bouclier fiscal a été créé pour deux raisons :
- une principe idéologique : que personne ne travaille plus de la moitié de l'année pour l'État.
- une objectif économique : supprimer l'ISF (565 966 foyers ont déclaré en 2008 un patrimoine supérieur à 770 000 euros) mais sans le dire et l'assumer publiquement !
Conséquence du bouclier fiscal : toute augmentation des impôts ou de la CSG ne pourra désormais que peser sur les classes moyennes, assez riches pour payer l'IRPP mais trop pauvres pour être concernées par le bouclier fiscal.
N'aurait-il pas été plus judicieux de supprimer l'ISF (horresco referens) ?
Les impôts ont deux finalités : financer les politiques publiques (selon les facultés de chacun) et réaliser l'égalité des chances républicaine.
D'où vient le patrimoine d'une personne assujettie à l'ISF ?
- ses revenus du travail, en théorie déjà impôsés par l'IRPP.
- ses éventuels revenus du capital, en théorie déjà impôsés par l'IRPP.
- les éventuels héritages qu'elle a reçus, en théorie déjà imposés par les droits de succession.
Dès lors, pourquoi taxer une seconde fois ce qui a déjà été taxé une première fois ? Ou, plutôt, ce qui aurait déjà dû être imposé, puisque :
- la diminution du nombre de tranches de l'impôt sur le revenu et le bouclier fiscal empêchent les plus hauts revenus de participer au financement des politiques publiques selon leurs facultés.
- le "paquet fiscal" a achevé la quasi-suppression des droits de succession.
Les ingéalités entre les citoyens à la naissance que l'État peut et doit corriger sont, par ailleurs, de deux ordres :
- les inégalités de capital culturel et social, en théorie corrigées par l'école de la République laïque, gratuite et obligatoire.
- les inégalités de capital financier et matériel, en théorie corrigées par l'impôt sur les successions.
Bref, une réforme fiscale juste consisterait selon moi à :
- supprimer l'ISF.
- abroger le bouclier fiscal, augmenter le nombre de tranches et le taux des tranches supérieures de l'IRPP.
- imposer davantage le capital que le travail.
- rétablir un véritable impôt progressif sur les successions.
(on m'objectera qu'en raison de la concurrence fiscale entre les États membres de l'Union Européenne une telle politique amplifiera l'évasion fiscale; certes, sauf si l'on instaure une taxation du capital en fonction du pays d'origine)
23:10 | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook | | Imprimer | |
18 mars 2009
OTAN : rectificatifs
Deux erreurs que j'ai relevées dans le débat sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN :
1. Sarkozy n'en a jamais parlé durant la campagne présidentielle.
Faux ! Comme je l'avais écrit dans La Croix du 28/02/2007, le candidat Nicolas Sarkozy nous avait implicitement bel et bien prévenu. "La France, qui a quitté les structures intégrées de l'OTAN en 1966, n'en reste pas moins un membre très actif et l'un des principaux contributeurs opérationnels", expliquait-t-il dans le numéro de janvier-février 2007 de la revue Défense de l'IHEDN. Concluant que la France "devra demain réduire l'écart entre son discours et la réalité de la situation". En clair : que la France prenne toute sa place dans les structures inrégrées de l'Otan. Cela dit, cette rupture antigaulliste ne figure ni dans "L'abécédaire des propositions de Nicolas Sarkozy" ni dans sa brochure "Ensemble tout devient possible".
2. L'OTAN a participé à la guerre contre l'Irak en 2003.
Faux ! Comme le souligne l'OTAN elle-même, "la campagne contre l'Iraq en 2003 a été menée par une coalition de forces de différents pays dont certains étaient membres de l'OTAN et d'autres ne l'étaient pas". Bref, en tant qu'organisation, l'OTAN n'a pas participé à la campagne".
09:30 | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | Imprimer | |
17 mars 2009
Les députés débattent du retour complet de la France dans l'Otan
Au delà de la question de l'indépendance nationale, opposant de façon irréconciliable souverainistes et atlantistes, quels sont les principaux arguments des partisans et des adversaires du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan ?
Les arguments pour le retour complet de la France dans l'Otan
Les partisans d'une normalisation des relations entre la France et l'Otan, au premier rang desquels Nicolas Sarkozy, partent d'un triple constat.
Premièrement, la France participe à toutes les opérations de l'organisation atlantique, au Kosovo (troisième contributeur en troupes de la Kfor) comme en Afghanistan (quatrième contributeur en troupes de la Fias).
Deuxièmement, la France est le cinquième contributeur aux budgets ordinaires (civil et militaire) de l'Otan, l'envoi de troupes étant par ailleurs à la charge des États concernés.
Troisièmement, la France s'est déjà rapprochée des structures militaires de l'Otan puisqu'elle siège à nouveau, depuis 1995-1996 (présidence de Jacques Chirac), au comité militaire et au conseil des ministres de la défense.
Partant de ce triple constat, Nicolas Sarkozy souhaite que la France retrouve aujourd'hui toute sa place au sein du commandement militaire intégré de l'Otan. "Parce que les absents ont toujours tort, parce que la France doit codiriger plutôt que subir, parce que nous devons être là où s'élaborent les décisions et les normes plutôt qu'attendre dehors qu'on nous les notifie", a insisté le président de la République lors du colloque organisé la semaine dernière par la Fondation pour la recherche stratégique.
Les arguments contre le retour complet dans l'Otan
À l'exemple d'Alain Juppé ("le seul intérêt est un intérêt symbolique"), les adversaires les plus modérés du retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l'Otan défendent le "symbole" que représente la position originale de la France, dans l'Alliance atlantique mais en dehors de ses structures militaires intégrées.
Les adversaires les plus radicaux insistent, en revanche, sur des divergences de fond, idéologiques, avec Nicolas Sarkozy.
Première divergence : l'Europe de la défense.
Pour les uns, l'Otan est non seulement "compatible" mais également "complémentaire" avec la politique commune de sécurité et de défense. "On a deux piliers de notre défense, l'Union Européenne et l'Alliance atlantique", a plaidé le chef de l'État. Telle est aussi la vision reprise dans le traité de Lisbonne et ses protocoles annexes. Pour les autres, comme François Bayrou (MoDem), la participation aux structures militaires intégrées de l'Otan s'oppose, au contraire, à la construction d'une "défense européenne indépendante" ou, pour reprendre l'expression du général de Gaulle, d'une "Europe européenne".
Seconde divergence de fond : l'Occident.
"Nos amis et nos alliés, c'est d'abord la famille occidentale", continue ainsi d'affirmer Nicolas Sarkozy malgré la fin de la politique des blocs (bloc occidental contre bloc soviétique). Tandis que selon Dominique de Villepin "vouloir pleinement afficher notre appartenance au bloc occidental" constitue aujourd'hui "une erreur en termes d'image et de stratégie". Enfin, allant plus loin, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) va jusqu'à s'interroger sur la pertinence même de l'Otan depuis la fin de la guerre froide.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 17/03/2009
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