Pour une politique fiscale juste : supprimons l'ISF ! (20 mars 2009)
De plus en plus de voix, jusqu'au sein de la majorité, remettent en cause le bouclier fiscal, dispositif de plafonnement des impôts directs à 50% des revenus.
Le bouclier fiscal a été créé pour deux raisons :
- une principe idéologique : que personne ne travaille plus de la moitié de l'année pour l'État.
- une objectif économique : supprimer l'ISF (565 966 foyers ont déclaré en 2008 un patrimoine supérieur à 770 000 euros) mais sans le dire et l'assumer publiquement !
Conséquence du bouclier fiscal : toute augmentation des impôts ou de la CSG ne pourra désormais que peser sur les classes moyennes, assez riches pour payer l'IRPP mais trop pauvres pour être concernées par le bouclier fiscal.
N'aurait-il pas été plus judicieux de supprimer l'ISF (horresco referens) ?
Les impôts ont deux finalités : financer les politiques publiques (selon les facultés de chacun) et réaliser l'égalité des chances républicaine.
D'où vient le patrimoine d'une personne assujettie à l'ISF ?
- ses revenus du travail, en théorie déjà impôsés par l'IRPP.
- ses éventuels revenus du capital, en théorie déjà impôsés par l'IRPP.
- les éventuels héritages qu'elle a reçus, en théorie déjà imposés par les droits de succession.
Dès lors, pourquoi taxer une seconde fois ce qui a déjà été taxé une première fois ? Ou, plutôt, ce qui aurait déjà dû être imposé, puisque :
- la diminution du nombre de tranches de l'impôt sur le revenu et le bouclier fiscal empêchent les plus hauts revenus de participer au financement des politiques publiques selon leurs facultés.
- le "paquet fiscal" a achevé la quasi-suppression des droits de succession.
Les ingéalités entre les citoyens à la naissance que l'État peut et doit corriger sont, par ailleurs, de deux ordres :
- les inégalités de capital culturel et social, en théorie corrigées par l'école de la République laïque, gratuite et obligatoire.
- les inégalités de capital financier et matériel, en théorie corrigées par l'impôt sur les successions.
Bref, une réforme fiscale juste consisterait selon moi à :
- supprimer l'ISF.
- abroger le bouclier fiscal, augmenter le nombre de tranches et le taux des tranches supérieures de l'IRPP.
- imposer davantage le capital que le travail.
- rétablir un véritable impôt progressif sur les successions.
(on m'objectera qu'en raison de la concurrence fiscale entre les États membres de l'Union Européenne une telle politique amplifiera l'évasion fiscale; certes, sauf si l'on instaure une taxation du capital en fonction du pays d'origine)
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Commentaires
bravo !
Je signe tout de suite !
Le seul souci est vraiment l'impact politique de la suppression de l'ISF
Écrit par : florian_germany | 22 mars 2009
Oui, sauf si à un moment l'impact politique du maintien du bouclier fiscal devient plus lourd que l'impact politique de la suppression de l'ISF...
Écrit par : Laurent de Boissieu | 22 mars 2009
Tout à fait d'accord avec vous. J’ai entendu Jean Arthuis développer la même thèse de façon convaincante la semaine dernière.
La seule chose que je ne partage pas c'est un rétablissement de l'impôt sur les successions que je considère comme inique mais.... nécessaire pour éviter les rentes de capital façon XIXeme siècle. Avant le paquet fiscal, 80% des successions échappaient à l'impôt (mécaniquement parce qu'il n'y avait rien à transmettre pour la plupart) et aujourd'hui 95% ce qui permet à la classe moyenne de transmettre un beau pavillon de banlieue bien placé mais n'y échappent pas le pavillon de Deauville ou l'appart de Courchevel des 5% qui restent. Et c'est justice.
Reste que l’ISF est un symbole mais la gauche ayant fait un formidable travail de sape sur le paquet fiscal (paquet, bouclier…c’est devenu du pareil au même) le bouclier est devenu un symbole plus grand encore aujourd’hui. Le supprimer serait perçu comme un geste positif très fort.
Écrit par : flo | 23 mars 2009
Bien argumenté.
Deux autres arguments peuvent être ajoutés :
1) Supprimer l'ISF au profit de grands impôts déjà existant permet de simplifier la législation fiscale (trop complexe en France : personne ne la comprends et les entreprises ou les riches payent à prix d'or des fiscalistes qui sont les seuls à la comprendre) et simplifie l'administration fiscale (l'administration de l'ISF elle-même n'est pas rentable !).
2) L'ISF taxe, comme Laurent de Boissieu l'a dit justement, des revenus déjà taxés, ainsi que l'argent épargné mois après mois. Si je choisis de dépenser tout de suite mon argent en voyages, fringues, room services, grands restaus, je ne le paie pas. Si je choisi d'épargner mon argent pour mes enfants, ma retraite, des projets (achat immobilier, restauration d'une maison de famille, études des enfants, création d'entreprise, etc.), je le paie. C'est injuste.
Écrit par : Libéral européen | 23 mars 2009
@flo : le rétablissement d'un véritable impôt progressif sur les successions est pour moi une des contreparties inséparable de la suppression de l'ISF; cela irait peut-être à l'encontre de mes petits interêts particuliers mais cela correspond à l'idée que je me fais de la République.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 23 mars 2009