27 juillet 2011
"Règle d'or" budgetaire et démocratie
Figer dans le marbre de la Constitution une orientation budgétaire donnée, qui devrait relever du seul choix des urnes, est par définition antidémocratique.
Qu'en est-il de la "règle d'or" que veut constitutionnaliser Nicolas Sarkozy?
Il existe en réalité pas une mais au moins deux "règles d'or" possibles.
Une première consiste à autoriser le recours à l'emprunt pour les dépenses d'investissement et à l'interdire pour les dépenses de fonctionnement (sur le modèle de ce qui existe déjà en France pour les collectivités locales). C'est celle qui existait en Allemagne entre 1969 et 2009. C'est celle qui figurait en 2007 dans le projet présidentiel de Nicolas Sarkozy et dans le programme législatif de l'UMP.
Une deuxième "règle d'or" consiste à interdire tout déséquilibre budgétaire. Ce qui revient de fait à interdire toute politique keynésienne de relance par l'investissement public (de toute façon déjà rendue structurellement quasi-impossible par les engagements européens de la France: un déficit public inférieur à 3% du PIB; mais le niveau actuel de notre déficit public ne le permet conjoncturellement pas non plus). C'est la "règle d'or" adoptée en Allemagne en 2009 (déficit public inférieur à 0,35% du PIB à partir de 2016). C'est, à travers un mécanisme complexe, grosso modo ce que propose aujourd'hui Nicolas Sarkozy.
Si cette "règle d'or" contraignante était inscrite dans la Constitution, les marges de manœuvre des majorités politiques, c'est-à-dire la démocratie, se trouverait encore un peu plus réduite en France.
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19 avril 2011
Prime de 1.000 euros, ou comment gâcher une bonne idée
François Baroin (UMP), ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, a annoncé le 13 avril la mise en place d'un "dispositif simple sous forme d'une prime exceptionnelle dont le montant n'est pas encore stabilisé - au moins 1.000 euros - et qui pousserait les entreprises et les secteurs d'activité économiques à négocier pour obtenir une meilleure répartition de cette richesse".
La question de la répartition des profits et des responsabilités dans l'entreprise est selon moi fondamentale.
Elle risque malheureusement d'être discréditée par la proposition grotesque de la droite. Comment peut-on en effet sérieusement demander aux entreprises de verser ainsi une prime fixe à ces salariés? Car, pour être crédible, son montant devrait être proportionnel aux bénéfices après paiement des impôts.
Et peu importe le nombre de salariés concernés: c'est une question de philosophie (je n'ai jamais compris l'argument du nombre, que ce soit sur l'intéressement ou sur la loi pour la dignité de la femme et contre le voile intégral).
Quoi qu'il en soit, deux principes doivent selon moi régir toute législation en la matière:
- comme tout dispositif relatif à la participation financière, il ne doit pas devenir un substitut à la politique salariale.
- le dispositif doit être obligatoire et non facultatif; dans le système capitaliste, l'entreprise n'a en effet pas pour finalité d'être citoyenne, démocratique ou sociale mais de dégager des bénéfices afin, d'une part, de se développer (réinvestissement) et, d'autre part, de verser des dividendes aux actionnaires: seule la loi peut imposer une autre logique.
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05 janvier 2011
Combien coûtent aujourd'hui les 35 heures à l'État?
1) Les allègements généraux de charges sociales
En 2010, l'État a versé au total 21.845 millions d'euros (21.180 prévus en 2011) à la Sécurité sociale en compensation des allègements de cotisations sociales. Or, depuis 2003, ces allègements dits Fillon cumulent non seulement les allègements Aubry (1998) liés à la réduction du temps de travail, mais aussi les allègements Balladur (1993) et Juppé (1996) liés, eux, à la réduction du coût du travail sur les bas salaires.
Les finances publiques ne comptabilisent donc pas précisément combien représentent aujourd'hui les 35 heures dans le budget de l'État. En 2008, le Conseil d'analyse économique (1) a cependant évalué que, sur un total de 21.461 milliards d'euros en 2007, "environ 9 milliards d'euros correspondent aux allègements généraux sur les bas salaires antérieurs à la RTT" (43%) tandis que "le reste, soit environ 12 milliards d'euros, correspond à l'accroissement des allègements liés à la mise en œuvre de la RTT et la convergence vers le haut des Smic et des garanties mensuelles de rémunération qui s'en est suivie" (57%).
On peut donc considérer que ces 12 milliards d'euros environ correspondent toujours au coût actuel des 35 heures.
2) Les exonérations des heures supplémentaires et complémentaires (loi TEPA de 2007)
En 2010, les exonérations de charges sociales des heures supplémentaires et complémentaires ont coûté de surcroît 3.127 millions d'euros (3.228 prévus en 2011).
Enfin, en 2010 également, les exonérations d'impôts sur le revenu des heures supplémentaires et complémentaires ont par ailleurs représenté un manque à gagner de 1.360 millions d'euros (idem en 2011).
Conclusion
En 2010, les 35 heures ont donc coûté 16,5 milliards d'euros au budget de l'État. Et non pas 26,5 milliards comme l'avance l'UMP!
(1) Les Allègements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires en France de 1993 à 2007, de Jean Boissinot, Julien Deroyon, Benoît Heitz et Véronique Rémy.
Pour aller plus loin:
La remise en cause des 35 heures divise la majorité (La Croix)
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18 novembre 2010
Karachigate: les protagonistes
Pourquoi leurs noms sont-ils cités dans l'affaire Karachi?
Édouard Balladur : Premier ministre de 1993 à 1995 et candidat à l'élection présidentielle de 1995, aurait pu, selon plusieurs sources, financer cette campagne électorale par des rétrocommissions de ventes d'armes.
1. Une note interne de la Direction des constructions navales (DCN) au sujet de commissions sur des contrats de ventes d'armes, note datée du 11 septembre 2002 mais révélée par Mediapart le 13 septembre 2008. "L'annulation de ces commissions avait été décrétée en 1995, à la suite de l'alternance politique en France, et visait à assécher les réseaux de financement occultes de l'Association pour la Réforme d'Édouard Balladur", écrit son auteur (Claude Thévenet). Avant de détailler: "En France, le réseau El-Assir a eu pour principale fonction d'assurer le financement de la campagne d'Édouard Balladur (...). Après l'échec de sa candidature, au printemps 1995, ce financement devait être transféré à l'Association pour la Réforme (...) destinée à poursuivre le mouvement initié par les balladuriens" (sources: Mediapart; verbatim intégral de la note "Nautilus" sur Jeune Afrique).
2. La police du Luxembourg, dans un rapport de synthèse rédigé dans le cadre d'une commission rogatoire internationale diligentée par les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin, qui enquêtent sur plusieurs affaires de corruption à la DCN. "En 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission pour payer des campagnes politiques en France, écrivent les commissaires principaux de la police judiciaire luxembourgeoise. Nous soulignons qu'Édouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR dont MM. Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua". Avant de conclure: "Finalement, une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" (source: Mediapart, rapport de synthèse de la police du Luxembourg daté du 19 janvier 2010).
Les relevés bancaires du compte l'Association pour le financement de la campagne d'Édouard Balladur (AFICEB) montrent par ailleurs l'existence d'un dépôt d'un peu plus de 10 millions de Francs (1,5 millions d'euros) en liquide, en une seule fois (quatre sacs), le 26 avril 1995 (sources: Libération; documents bancaires sur Mediapart).
François Léotard : ministre de la Défense du gouvernement Balladur (1993-1995). Selon la mission d'information sur les circonstances entourant l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, son cabinet (en particulier Renaud Donnedieu de Vabres, chargé de mission) a imposé deux intermédiaires et un pourcentage de commissions supplémentaires dans les contrats dits Agosta (signé le 21 septembre 1994 avec le Pakistan) et Sawari II (signé le 19 novembre 1994 avec l'Arabie saoudite): "Ces FCE ont été négociés en deux étapes: la première, dès le début de la négociation, avait abouti à s’accorder sur un pourcentage représentant 6,25% du contrat, les destinataires étant des personnalités politiques pakistanaises; la seconde, vers mai ou juin 1994, avec l’irruption soudaine et plus qu’étrange de MM. al Assir et Takieddine, à la demande du cabinet du ministre de la défense, qui a conduit à ajouter 4% de commissions supplémentaires. Le paiement a emprunté deux circuits différents, celui de la SOFMA pour les 6,25% de FCE susmentionnés et celui de Mercor Finance via Heine pour les 4%" (extrait des conclusions du rapport: "Les certitudes de la mission"); "Il résulte de nos auditions que des intermédiaires - MM. al Assir et Takieddine - ont été imposés au terme de la négociation à la demande de M. François Léotard quand il était ministre de la Défense, ce qui, aux dires de plusieurs personnes auditionnées, était inhabituel. 6,25% de FCE ont été versés aux intermédiaires par le canal de la SOFMA et 4% - négociés en dernière minute - ont été attribués au réseau K de MM. al Assir et Takieddine" (audition du député Bernard Cazeneuve, rapporteur, devant la Commission de la défense nationale et des forces armées le 12 mai 2010).
Nicolas Sarkozy : ministre du Budget et porte-parole du gouvernement Balladur (1993-1995) puis du candidat Édouard Balladur à l'élection présidentielle. Son nom est cité par la police du Luxembourg comme étant intervenu pour la création de sociétés luxembourgeoises ad hoc par lesquelles ont transité une partie des commissions sur ces contrats de ventes d'armes: "Un document repris sous le numéro 1 fait état de l'historique et du fonctionnement des sociétés Heine et Eurolux. Selon ce document, les accords sur la création des sociétés semblaient venir directement de M. le Premier ministre Balladur et de M. le ministre des Finances Nicolas Sarkozy". Il est président de la République depuis 2007.
Jacques Chirac : ancien président de la République (1995-2002).
Charles Millon : ancien ministre de la Défense des gouvernements Juppé (1995-1997). "Quinze jours" après son élection à la présidence de la République, Jacques Chirac lui a "demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions". L'ancien ministre indique que la France a alors mis fin au versement des commissions sur les contrats Agosta et Sawari II en raison d'une "intime conviction qu'il y avait rétrocommissions" après des rapports "faits verbalement par la DGSE" (source: Le Nouvel Observateur, audition de Charles Millon par Renaud Van Ruymbeke).
Dominique de Villepin : ancien secrétaire général de la présidence de la République (1995-2002). Charles Millon était "en lien direct" avec lui et le tenait "régulièrement informé des investigations" sur l'existence d'éventuelles rétrocommissions.
Et les autres...
Francis Lamy : ancien conseiller technique à Matignon d'Édouard Balladur, qui l'a désigné en 1995 comme son "représentant habilité à répondre aux demandes" du Conseil constitutionnel sur son compte de campagne. Il est préfet des Alpes-Maritimes depuis 2008.
Nicolas Bazire : directeur de cabinet à Matignon (1993-1995) et directeur de campagne présidentielle d'Édouard Balladur puis "principal responsable" de l'Association pour la Réforme (trésorier: Philippe Goujon). Il est actuellement directeur général du Groupe Arnault SA et président du Conseil de surveillance de la Fondation pour l'innovation politique. Il fut par ailleurs l'un des témoins au mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni.
René Galy-Dejean : ancien député (1991-2002), trésorier de la campagne d'Édouard Balladur.
Roland Dumas : ancien président du Conseil constitutionnel (1995-2000), c'est sous sa présidence que le compte de campagne d'Édouard Balladur a été validé, alors que les rapporteurs avaient proposé son rejet (source: Libération, PV de constatation sur les archives du Conseil constitutionnel).
Jean-Louis Debré : président du Conseil constitutionnel depuis 2007, il a refusé de transmettre au juge Renaud Van Ruymbeke les délibérations sur le compte de campagne d'Édouard Balladur "en raison du secret qui s'attache aux délibérations" (source: AFP, courrier de Jean-Louis Debré à Renaud Van Ruymbeke en date du 9 novembre).
Les questions
1. Les contrats Agosta et Sawari II ont-ils donné lieu au paiement de rétrocommissions?
2. Si oui, ces rétrocommissions ont-elles servi à un financement occulte des activités politiques d'Édouard Balladur?
3. Si oui, qui - notamment Nicolas Sarkozy - était au courant?
Rappels
L'équipe des "conseillers politiques" de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur, qui se réunissait "tous les matins" au siège de campagne:
- Nicolas Bazire (directeur de campagne)
- Nicolas Sarkozy (porte-parole du candidat)
- Brice Hortefeux (représentant de Nicolas Sarkozy)
- William Abitbol (représentant de Charles Pasqua)
- Renaud Donnedieu de Vabres (représentant de François Léotard)
- Marielle de Sarnez (représentante de François Bayrou)
Le 8 mai 2002, un attentat à Karachi (Pakistan) contre un bus de la DCN fait 14 morts, dont 11 Français. L'enquête s'oriente d'abord vers la piste terroriste d'Al-Qaida. Puis se réoriente (note "Nautilus") vers la piste de représailles en raison du non-paiement par la France de commissions sur des contrats de ventes d'armes.
La pratique des commissions (à ne pas confondre avec les rétrocommissions, illégales), officiellement intitulées "frais commerciaux exceptionnels" (FCE), n'avait rien d'illégal jusqu'en 2000, c'est-à-dire jusqu'à ce que la France ratifie la convention OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.
L'article 67 de la Constitution stipule que le président de la République "ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite".
[Cette note ne concerne que le volet d'un éventuel financement politique occulte du Karachigate; mais pour les familles des victimes, les principales questions sont bien entendu ailleurs: la fin du versement de commissions sur les ventes d'armes est-elle à l'origine de l'attentat de Karachi? Les autorités françaises étaient-elles au courant du risque de représailles et ont-elles suffisamment protégé leurs ressortissants? "Nous n'avons aucun compte à régler. Nous ne sommes instrumentalisées par personne. Nous voulons juste savoir pourquoi nos pères sont morts", écrivent ainsi "les Karachi"]
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15 novembre 2010
Nouveau gouvernement Fillon: 90% d'UMP et 52% d'ex-RPR
sortants | entrants | ||||||||
UMP | ex-RPR | 14 |
30 |
37% |
79% |
16 |
28 |
52% |
90% |
ex-DL | 5 | 13% | 2 | 6% | |||||
ex-UDF | 2 | 5% | 1 | 3% | |||||
ex-non encartés | 6 | 16% | 6 | 19% | |||||
ex-société civile | 2 | 5% | 2 | 6% | |||||
ex-PS | 1 | 3% | 1 | 3% | |||||
Nouveau centre | 3 | 8% | 1 | 3% | |||||
en congé du MoDem | 1 | 3% | 1 | 3% | |||||
société civile | 1 | 3% | 1 | 3% | |||||
Gauche Moderne | 1 | 3 | 3% | 8% | 0 | 0 | 0% | 0% | |
ouverture à gauche | 2 | 5% | 0 | 0% | |||||
38 | 31 |
11:03 | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook | | Imprimer | |
27 octobre 2010
Analyse par parti du vote sur la réforme des retraites
Analyse par parti du vote définitif sur la réforme des retraites au Sénat et à l'Assemblée nationale:
1. Ont voté pour tous les parlementaires UMP (hors République Solidaire), Nouveau centre, Alliance centriste et MPF
2. Ont voté contre tous les parlementaires PS, PCF, PRG, Verts, MRC et Parti de Gauche
3. S'est abstenu l'unique parlementaire Gauche Moderne
4. Se sont divisés les parlementaires MoDem, République Solidaire et Debout la République
4. 1. Les parlementaires du MoDem:
- Assemblée nationale: 3 contre (Abdoulatifou Aly, François Bayrou, Jean Lassalle)
- Sénat: 5 abstentions (Denis Badré, Marcel Deneux, Jacqueline Gourault, Jean-Jacques Jégou, Jean-Marie Vanlerenberghe); 1-3 pour (Didier Borotra, Adrien Giraud, Anne-Marie Payet)
N.B.: en congé du MoDem, Nicolas About a voté pour - les sénateurs Adrien Giraud et Anne-Marie Payet oscillent entre le MoDem et l'Alliance centriste
4. 2. Les parlementaires de République Solidaire:
- Assemblée nationale: 5 pour (François Goulard, Guy Geoffroy, Jacques Le Guen, Marie-Anne Montchamp, Michel Raison); 4 abstentions (Marc Bernier, Daniel Garrigue, Jean-Pierre Grand, Jean Ueberschlag)
- Sénat: 1 abstention (Pierre Jarlier)
4. 3. Les parlementaires de Debout la République:
- Assemblée nationale: 1 contre (Nicolas Dupont-Aignan); 1 abstention (François-Xavier Villain)
N.B.: trois sénateurs divers droite se sont par ailleurs abstenus: Gaston Flosse, Nathalie Goulet et Jean Louis Masson
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25 août 2010
"Roms": où est le problème ?
Note inutile, tellement ce que j'ai à dire me semble évident. Inutile mais nécessaire vu ce que je continue à lire ou entendre ici ou là...
On peut bien entendu critiquer certaines mesures avancées cet été par Nicolas Sarkozy ou par des membres de la majorité.
Je trouve d'ailleurs à titre personnel scandaleux la proposition d'étendre les cas de déchéance de la nationalité française : on ne peut pas à la fois prôner l'intégration républicaine, c'est-à-dire l'assimilation ("à la schlague" si il le faut, comme dit Élisabeth Lévy), et en même temps opérer une distinction entre citoyens Français en fonction de leur origine.
Pour les mêmes raison que je m'oppose à la "discrimination positive" ou aux "statistiques ethno-raciales", je m'oppose donc à toute idée de déchéance de la nationalité, sauf, comme c'est actuellement le cas, en raison de leur nature, pour crimes et délits contre la nation.
On peut également proposer une modification de la législation sur le droit de propriété ou l'entrée et le séjour des étrangers.
Mais on ne peut en revanche pas reprocher à l'État de faire respecter la loi, de gré ou de force. Or, concernant les "Roms", il ne s'agit de rien d'autre que de l'application de la loi, comme cela aurait d'ailleurs dû être le cas depuis toujours. Rien de plus. Rien de moins.
L'application de la loi, c'est-à-dire :
- le démantèlement de tous les campements illicites (ou alors, il faudrait abroger le droit de propriété privée).
- la reconduite - volontaire ou non - dans leur pays d'origine de tous les étrangers en situation irrégulière (ou alors, il faudrait libéraliser l'immigration : est-ce vraiment cela que demande Benoît XVI en rappelant "que tous les hommes sont appelés au salut", ce qui "est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines" ?) (1).
Dans son discours de Grenoble, le président de la République a certes annoncé à ce sujet deux nouveautés :
- "la décision d'évacuer les campements sera prise sous la seule responsabilité des préfets et leur destruction interviendra par référé du tribunal de grande instance" (il faut actuellement une décision de justice ...qui reste généralement inappliquée : s'il y a bien un problème, c'est dans la non-application de ces décisions de justice et non dans les propos du chef de l'État).
- sanctionner ce que Nicolas Sarkozy appelle l'"abus du droit à la libre circulation", consistant à bénéficier à répétition d'une aide au retour (fraude qui sera de toute façon rendue impossible grâce au fichier biométrique Oscar).
Or, dans le flot de critiques, j'ai lu ou entendu beaucoup de généralités consensuelles mais aucune prise de position sur ces deux points précis.
En réalité, la seule faute de Nicolas Sarkozy fut, après les violences commises les 17 et 18 juillet à Saint-Aignan (Loir-et-Cher) par des gens du voyage, Français, d'opérer un amalgame avec les "Roms", étrangers (plus précisément, Roumains ou Bulgares) et sédentaires, en organisant le 28 juillet une réunion à l'Élysée sur "la situation des gens du voyage et des Roms en France".
Bref, selon moi pas de quoi déclencher une telle polémique, du Conseil de l'Europe au Vatican !
(1) Rappel : si la Bulgarie et la Roumanie sont membres de l'Union européenne depuis le 1er janvier 2007, leurs ressortissants ne peuvent séjourner plus de trois mois en France sans démontrer qu'ils disposent de ressources suffisantes pour y vivre sans constituer une charge déraisonnable pour l'État
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16 juin 2010
Sarkozy contre Sarkozy
Certains mettront en avant le "pragmatisme" de Nicolas Sarkozy à propos de la réforme des retraites. Personnellement, je préfère parler de reniement de Nicolas Sarkozy.
En décidant de ne pas prendre en compte dans le calcul du bouclier fiscal la hausse d'un point de la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu (41% au lieu de 40% aujourd'hui), Nicolas Sarkozy remet en effet en cause un principe fondamental de sa politique.
Pas de ces mesures sur lesquelles - selon la conjoncture économique, social ou politique - on peut jouer. Non, de ces principes intangibles qui fondent une pensée politique (voir citations ci-dessous).
Finalement, en remettant en cause le bouclier fiscal, Nicolas Sarkozy reconnait donc lui-même l'erreur et l'échec du sarkozysme dans le domaine de la fiscalité.
Un principe fondamental du sarkozysme
"L'objectif qui consiste à limiter les prélèvements de l'État à un maximum de 50% doit être considéré comme un minimum. En l'occurrence, il ne s'agit ni d'économie, ni de politique, ni même de fiscalité... mais tout simplement de bon sens. Parce que, enfin, si l'on croit que toute peine mérite salaire et que chacun a le droit de profiter librement de ce qu'il a chèrement acquis, alors on doit se fixer comme règle que jamais la somme des prélèvements de l'État ne dépasse 50% de ce qu'un individu a pu gagner par son travail."
Nicolas Sarkozy, Libre (Robert Laffont/Xo Éditions, 2001)
"Poser le principe que nul ne peut se voir confisquer plus de 50% de son revenu par l'impôt direct, y compris la CSG et la CRDS, c'est aussi encourager le travail et la réussite. C'est mettre un terme à une fiscalité confiscatoire."
Nicolas Sarkozy, Ensemble (Xo Éditions, 2007)
"L'idée que l'on n'abandonne pas plus de la moitié de ses revenus aux impôts fait partie de la structuration politique et idéologique du quinquennat. La crise exige une priorité en sa faveur, mais rien ne serait pire que de renier des valeurs fondamentales parce qu'il y a la crise."
Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, cité dans L'Express, 25/03/2009
"Je ne toucherai pas au bouclier fiscal car je crois au principe selon lequel on ne peut prendre à quelqu'un plus de la moitié de ce qu'il gagne. Si on laisse passer une exception, comme par exemple la CSG, ce n'est plus un bouclier."
Nicolas Sarkozy, entretien pour Le Figaro, 15/10/2009
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03 juin 2010
Le gaullisme de la Résistance ne fait toujours pas l'unanimité
Le programme de littérature en terminale littéraire est composé de quatre domaines :
• Grands modèles littéraires - Modèles antiques
• Langage verbal et images - Littérature et cinéma
• Littérature et débats d'idées - Littérature et histoire
• Littérature contemporaine - Œuvres contemporaines françaises ou de langue française
Pour l'année scolaire 2010-2011, le gouvernement a choisi les œuvres suivantes (Bulletin officiel) :
• Grands modèles littéraires - Modèles antiques
Œuvre : L'Odyssée d'Homère (Chants V à XIII), traduction Philippe Jaccottet, édition FM/La Découverte.
• Langage verbal et images - Littérature et cinéma
Œuvre : Tous les matins du monde de Pascal Quignard.
Film : Tous les matins du monde d'Alain Corneau.
• Littérature et débats d'idées - Littérature et histoire
Œuvre : Mémoires de guerre, tome III, "Le Salut, 1944-1946", Charles de Gaulle.
• Littérature contemporaine - Œuvres contemporaines françaises ou de langue française
Œuvre : Fin de partie de Samuel Beckett.
Que croyez-vous qu'il arriva ? Un collectif de professeurs de lettres (même pas d'extrême droite, comme on pourrait spontanément le croire) demanda le retrait de l'œuvre du général de Gaulle au motif que "proposer De Gaulle aux élèves est tout bonnement une négation de [leur] discipline" et qu'on pourrait soupçonner ce choix "de flatter la couleur politique du pouvoir en place" (sic !). "Nous transmettons des valeurs républicaines, pas des opinions politiques", conclut ce collectif, alors que le SNES avait déjà contesté ce choix.
Question : en quoi la Résistance est-elle une "opinion politique" ? N'est-elle pas, plutôt, une composante de notre patrimoine historique national ? Quant aux "valeurs républicaines", n'étaient-elles pas, justement, davantage dans la Résistance que dans l'acceptation de l'Occupation et la Collaboration ? ...
Hasard : quelques jours auparavant, un ami Niortais m'avait fait part de sa consternation devant le récent refus de sa ville d'honorer l'Appel du 18 Juin en donnant à une nouvelle esplanade, près du café où Maurice Schumann l'entendit, le nom du 18 juin 1940. J'ai voulu consulter les procès-verbaux du conseil municipal de Niort afin de prendre connaissance de la motivation de ce refus par la majorité municipale (même pas d'extrême droite, comme on pourrait spontanément le croire), mais malheureusement le dernier en ligne date à ce jour du 18 janvier...
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27 mai 2010
La retraite à 60 ans : une mesure emblématique de l'alternance de 1981
La retraite à 60 ans - que l'actuelle majorité veut remettre en cause - a été l'une des mesures les plus emblématiques du premier septennat de François Mitterrand. Il s'agissait de la 82e des 110 propositions du candidat socialiste. "Le droit à la retraite à taux plein sera ouvert aux hommes à partir de 60 ans et aux femmes à partir de 55 ans", pouvait-on ainsi lire en ouverture du sous-chapitre intitulé "Une société solidaire". Le passage de la retraite de 65 à 60 ans n'a toutefois pas fait l'objet d'une loi votée par le Parlement mais a été adopté par ordonnance, avec entrée en vigueur le 1er avril 1983.
"L'abaissement à 60 ans de l'âge de la retraite est une aspiration sociale ancienne qui n'a pas reçu jusqu'à présent une réponse satisfaisante", exposait l'ordonnance du 26 mars 1982. Cette dernière souligne donci que cela "constituera une étape significative de la politique de progrès social mise en œuvre par le gouvernement". Le fondement de cette mesure est l'idée d'un "véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l'issue d'une durée de carrière normale".
Le contexte politique est bien entendu celui de l'alternance de 1981, avec l'élection, le 10 mai, de François Mitterrand à la présidence de la République. En décembre, le Parlement vote un projet de loi d'orientation autorisant le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'ordre social. C'est sous cette forme que seront adoptés, entre janvier et mars 1982, la réduction du temps de travail hebdomadaire de 40 à 39 heures, l'instauration d'une cinquième semaine de congés payés, l'abaissement de l'âge de la retraite ou encore la création des chèques vacances.
Mais c'est justement à cette période que prend fin l'"état de grâce" de la nouvelle majorité. À l'issue des élections cantonales des 14 et 21 mars, la droite prend en effet huit présidences de conseils généraux à la gauche. Parallèlement, la majorité de gauche commence à se diviser. Dès la fin novembre 1981, le ministre de l'économie et des finances, Jacques Delors (PS), souhaite "une pause dans les réformes". L'économie française connaît en effet une passe difficile depuis le second choc pétrolier de 1979. Alors que les partenaires commerciaux de la France adoptent des budgets de rigueur, le projet de loi de finances pour 1982 est, à l'inverse, un budget de relance keynésienne, avec une hausse de près de 30% des dépenses publiques. Si cette politique permet de créer des emplois, elle dégrade en revanche fortement la balance commerciale.
En juin 1982, le "plan d'accompagnement" d'une deuxième petite dévaluation du franc marque le début du "tournant de la rigueur" avec le blocage temporaire des prix et des salaires (Smic excepté), suscitant le mécontentement du PCF et d'une partie du PS (1). Pour la gauche sonne l'heure du choix. Soit la sortie du Système monétaire européen (SME) en laissant le franc se déprécier fortement afin de freiner les importations et de soutenir le développement industriel et l'emploi. Soit le maintien au sein du SME, c'est-à-dire la priorité donnée à la lutte contre l'inflation (franc fort) et la confirmation d'une politique de rigueur. François Mitterrand tranchera en faveur de cette seconde option, refermant le temps des grandes réformes structurelles : décentralisation, nationalisations, grandes mesures emblêmatiques d'ordre social.
Laurent de Boissieu
La Croix, 27 mai 2010
(1) ministre de la Solidarité nationale, la chevènementiste Nicole Questiaux démissionne dès juin 1982 du gouvernement, qui engage le même mois sa responsabilité devant l'Assemblée nationale sur son programme économique; Jean-Pierre Chevènement ne siègera plus dans le gouvernement Mauroy III (22/03/1983) mais reviendra dans le gouvernement Fabius (17/07/1984), auquel ne participera en revanche plus le PCF.
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