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30 novembre 2006

rupture tranquille

medium_sarkocandidat.jpgDans sa déclaration de candidature, Nicolas Sarkozy parle de "rupture tranquille".

Un slogan qui rappelle le "changement dans la continuité" de Georges Pompidou en 1969, le "changement sans le risque" de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 ou encore la "force tranquille" de François Mitterrand en 1981...

 

Nou sommes donc loin de la rupture annoncée, avec un grand R...

Mais où est donc passé "notre" Nicolas Sarkozy ? Celui qui se revendiquait d'une "droite décomplexée" contre ceux de ses amis (du reste de moins en moins nombreux) qui "refusent obstinément de se dire de droite" ? Celui qui reprochait à la droite, une fois au pouvoir, de "faire la politique de son adversaire" ? Celui qui voulait "rompre avec un modèle social français dépassé" ?

 

La réponse se trouve peut-être dans ce que m'ont dit récemment plusieurs conseillers politiques de Nicolas Sarkozy :

1. Rassurer et se défaire d'une "image anxiogène", sur laquelle jouent d'ailleurs les chiraquiens. "La rupture, ça se passe toujours dans le sang", n'avait ainsi pas manqué d'affirmer Dominique de Villepin, le 4 octobre 2005, devant les députés UMP. Nicolas Sarkozy ne pouvait toutefois pas définitivement abandonner la thématique de la rupture, même s'il ne s'agit plus d'une rupture sur le fond mais, comme François Bayrou, d'une rupture sur la forme ("rompre avec une façon de faire de la politique").

2. Le projet législatif de l'UMP "bordant à droite" Nicolas Sarkozy, en tant que candidat à la présidentielle il devrait lancer durant sa campagne des signaux à l'électorat "de gauche" : discrimination positive, droit opposable au logement, droit de vote des étrangers aux élections locales, droit de vote dès 16 ans aux élections locales, par exemple.

29 novembre 2006

canidature Sarkozy

medium_sarkochirac.jpgLe président de l'UMP a choisi d'annoncer demain sa candidature à l'élection présidentielle de 2007 dans un entretien proposé à l'ensemble de la presse quotidienne régionale.

Nicolas Sarkozy s'inspire de Jacques Chirac, qui avait annoncé le 4 novembre 1994 sa candidature à la présidentielle de 1995 dans un entretien au quotidien régional La Voix du Nord.

21 novembre 2006

"ordre juste" : kesako ?

Ségolène Royal a inventé le concept d'"ordre juste" pour sa campagne présidentielle. Dans les pas de Jean-Pierre Chevènement ou de Manuel Valls, on pouvait s'attendre à un discours qui, à gauche, prenait - enfin ! - en compte l'insécurité qui touche en premier lieu les classes populaires.

On était donc en droit d'attendre d'une candidate à l'élection présidentielle qu'elle nous explique, ce lundi sur TF1, ce qu'elle entend par "ordre juste" ainsi que ses propositions concrètes pour y parvenir. Las !

Le citoyen électeur-téléspectateur devra se contenter d'un : "Aux Français de s'en saisir et de me dire ce qu'ils entendent par ordre juste".

 

Sans commentaire !...

 

17 novembre 2006

Le PS se convertit au social-libéralisme

Avec 60,65% des suffrages exprimés, Ségolène Royal a été investie dès le premier tour comme candidate du PS pour l'élection présidentielle de 2007, devant Dominique Strauss-Kahn (20,69%) et Laurent Fabius (18,66%).

La surprise n'est pas tant l'arrivée en tête de Ségolène Royal (avec la prophétie auto-réalisatrice des sondages réalisés auprès des sympathisants PS) que la troisième position de Laurent Fabius. Ce dernier est en effet loin de réaliser son ambition : faire le plein des voix "nonistes" (41,20% lors de la consultation interne de 2004). Entre ces deux votes, le corps électoral a cependant doublé, puisque le nombre d’adhérents du parti est passé de 120 038 en novembre 2004 à 220 269 deux ans après.

Le score obtenu par Laurent Fabius est révélateur de l’orientation politique des nouveaux adhérents. Comme ses partis frères européens, le PS français semble en effet avoir définitivement tourné la page du socialisme républicain et keynésien pour rallier la "social-démocratie moderne" - c'est-à-dire en fait le social-libéralisme - théorisée par le Britannique Tony Blair et l'Allemand Gerhard Schröder. Les deux candidats qui s’y rattachent – aussi bien Dominique Strauss-Kahn en l'assumant que Ségolène Royal sans l'assumer ("On ne sort de l'ambiguïté qu'à ses dépens") – ayant obtenu ensemble plus de 80% des suffrages.

Reste à savoir où iront les voix des anciens électeurs "nonistes de gauche" de 2005. Voteront-ils pour Ségolène Royal mais contre leurs idées par réflexe anti-droite et anti-Sarkozy ? Ou porteront-ils leurs voix vers un autre candidat appartenant, comme eux, à la gauche "noniste" (Jean-Pierre Chevènement, un éventuel candidat PCF ou altermondialiste ?).

Quoi qu'il en soit, Nicolas Sarkozy, dont la candidature est assurée d'obtenir le soutien de l'UMP, doit se préparer à mener une campagne pénible avec une candidate qui, face à ses camarades du PS, n'a pas hésité à brandir l'accusation de machisme plutôt que de s'en tenir à des débats de fond (ce qui, il est vrai, n'est pour l'instant pas son fort)...

Cette investiture n'est pas sans rappeler l'élection de Michèle Alliot-Marie, en 1999, à la présidence du RPR. Non pas parce que dans les deux cas il s'agit d'une femme*, mais parce que dans les deux cas les candidats ayant un positionnement idéologique clair et assumé sont arrivés derniers : François Fillon (gaulliste) et Patrick Devedjian (libéral) au sein du RPR en 1999, DSK (social-libéral) et Fabius (républicain keynésien) aujourd'hui au PS. De quoi désespérer du débat politique...

 

* le fait qu'une femme soit investie candidate par un des deux grands partis n'a politiquement aucun intérêt : seules en politique comptent les idées, quel que soit le sexe - ou encore la couleur de peau - de celui ou celle qui les portent

16 novembre 2006

Nicolas Sarkozy oscille entre libéralisme et gaullisme social

Depuis six mois, Nicolas Sarkozy a avancé des propositions en contradiction avec un libéralisme économique qu’il a pourtant toujours revendiqué.

 

Son entourage assure que Nicolas Sarkozy « n’a pas changé ». Et pourtant... Depuis six mois, le président de l’UMP semble troquer son « gaullisme libéral » pour un « gaullisme social », naguère incarné par Philippe Séguin. Au grand dam d’une partie de ses soutiens, de l’ancien premier ministre Édouard Balladur à Hervé Novelli, chef de file du courant le plus libéral de l’UMP, qui ont tous les deux pris la plume pour s’en inquiéter. En cause, notamment : la proposition de Nicolas Sarkozy, dans son discours de Périgueux, le 12 octobre dernier, de rendre opposables devant les tribunaux trois droits sociaux (logement, garde des enfants, dépendance des personnes âgées) afin de « passer des droits virtuels aux droits réels ».

Une idée qui a fait bondir l’ancien président de Démocratie libérale, Alain Madelin. Si certains y ont vu « une tonalité franchement sociale », il estime, lui, « qu’il s’agit de propositions franchement socialistes ». Voilà qui serait paradoxal de la part de Nicolas Sarkozy qui, même à droite, est l’un des rares hommes politiques français à avoir toujours revendiqué son libéralisme économique et mis en avant sa vision d’une « droite décomplexée » rompant avec « la pensée unique social-démocrate ». Contrairement à une grande partie de ses anciens compagnons du RPR qui ont toujours répugné à se dire « de droite » et « libéraux », par tradition gaulliste ou par conviction. « Le libéralisme ce serait aussi désastreux que le communisme », affirmait par exemple l’année dernière encore Jacques Chirac, dans le contexte des débats sur la Constitution européenne.

L’« opposabilité des droits » n’est pas le seul indice d’un changement de ton de Nicolas Sarkozy. Dans son discours d'Agen, le 22 juin 2006, le président de l’UMP a entre autres dénoncé « le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d’achat, en déficits et en endettement public ». Dans les années quatre-vingt-dix, Nicolas Sarkozy en était pourtant l’un des plus ardents défenseurs. « La politique du franc fort s’impose clairement, assurait-il en 1992. Ce n’est pas une affaire de majorité parlementaire ou de choix politique ; c’est tout simplement l’intérêt de la France ». De fait, à partir de 1983 et jusqu’à l’adoption de l’euro, les gouvernements de gauche et de droite ont tous suivi cette orientation définie par Alain Minc comme « le cercle de la raison ».

À l’époque, seule une poignée d'hommes politiques, à droite (Philippe Séguin au RPR) ou à gauche (Jean-Pierre Chevènement au PS), dénonçaient cette « pensée unique » et proposaient une « autre politique ». Or ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy s’y réfère aujourd’hui dans ses interventions. Depuis six mois, il a en effet recruté Henri Guaino, ancien directeur de campagne de Philippe Séguin lors du référendum sur le traité de Maastricht (1992) puis cheville ouvrière du discours de Jacques Chirac en 1995 sur la « fracture sociale ». Une thématique inspirée par cette fameuse « autre politique » et à l’époque qualifiée de « démagogie » par les balladuriens, Nicolas Sarkozy en tête.

« Sarkozy veut envoyer des messages aux électeurs qui ont voté "non" au référendum sur la Constitution européenne », décrypte un membre de la « commission projet » de l’UMP, tout en reconnaissant que « la patte d’Henri Guaino en inquiète plus d’un ». Commentaire ironique d’un ministre chiraquien : « Un coup libéral, un coup gaulliste : ce sera du zigzag jusqu’au 14 janvier », date du choix par les adhérents du candidat soutenu par l’UMP à la présidentielle. Quoi qu’il en soit, cela permet aussi de ne pas laisser d’espace à ceux qui, au sein du parti (Nicolas Dupont-Aignan) ou au gouvernement (Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie), veulent relever l’héritage gaulliste face à un Nicolas Sarkozy dénoncé comme « atlantiste », « ultra-libéral » et « communautariste ».

Ce double discours n’est pas sans rappeler la première campagne présidentielle victorieuse de Jacques Chirac, qui joua également sur les deux tableaux avec le soutien à la fois du « libéral libertaire » Alain Madelin et du « gaulliste social » Philippe Séguin. En sourdine, une lutte d’influence se joue d’ailleurs entre les deux principales plumes de Nicolas Sarkozy : d’un côté la « libéral-conservatrice » Emmanuelle Mignon, conseillère au ministre de l’Intérieur et directrice des études de l’UMP ; de l’autre le « national-républicain » Henri Guaino, qui a retrouvé en septembre dernier Philippe Séguin à la Cour des comptes. Rédigée par Guaino, une partie du discours sur la mondialisation prononcé par Nicolas Sarkozy, le 9 novembre, à Saint-Étienne, aurait ainsi été « censurée » car « pas assez libérale » par Claude Guéant, directeur de cabinet du ministre. « Il faut beaucoup de talent pour concilier les contraires… », ironisait le même jour Jean-Louis Debré, président chiraquien de l’Assemblée nationale, dans La Croix.

Une critique qui est à mettre en parallèle avec celle formulée par Nicolas Sarkozy à l’encontre du programme élaboré en 1998 par le RPR, dont Philippe Séguin était alors le président et lui-même le secrétaire général : « Voulant rassembler, le texte recelait de fameuses contradictions idéologiques, écrivait en 2001 l’ancien balladurien dans Libre (Éd. Robert Laffont). Il avait du souffle, mais en plusieurs occasions, notamment sur l’Europe et la place de l’État dans la société, n’échappait pas à certaines incohérences (…) Cette tentative programmatique, à force de concilier l’inconciliable, perdait en force et surtout en lisibilité ».

 

Laurent de Boissieu avec Solenn de Royer

© La Croix, 16/11/2006