22 septembre 2009
L'écologie fait son chemin au MoDem
Le MoDem de François Bayrou est-il la deuxième formation écologiste française, après Les Verts ? La question, qui serait apparue hier incongrue pour l'UDF, semble aujourd'hui de plus en plus légitime pour le MoDem.
Outre l'UDF, encore majoritaire à sa direction (avec trois vice-présidents sur six et deux tiers des membres du bureau exécutif), le MoDem compte statutairement un second mouvement fondateur : Citoyenneté Action Participation pour le XXIe siècle (Cap 21), parti écologiste créé par l'ancienne ministre de l'environnement Corinne Lepage. "Je suis venue au MoDem avec une offre écologique identifiée, une tonalité politique différente de celle de l'UDF", insiste l'intéressée. Vice-présidente du MoDem, Corinne Lepage siège notamment aux côtés de Jean-Luc Bennahmias, ancien secrétaire national des Verts (1997-2001), tandis qu'un autre ancien secrétaire national des Verts, Yann Wehrling (2005-2006), est entré le 6 septembre dernier au bureau exécutif.
Reste à savoir dans quelle mesure ces touches vertes au sein du parti orange pèsent sur son orientation. "Notre arrivée a été décisive : avec nous, le MoDem est au niveau sur tous les sujets qui touchent au développement durable", se félicite Jean-Luc Bennahmias. "Le MoDem ne porte pas encore le projet de développement durable que je souhaiterais, nuance Corinne Lepage. C'est l'enjeu du prochain congrès programmatique", début décembre. Seul invité politique extérieur présent à son université de rentrée, le député des Verts François de Rugy estime aussi que "sur l'écologie les positions du MoDem restent à préciser". Tout en constatant avec satisfaction que, dans sa région, "par rapport à l'UDF, sous l'influence des gens de Cap 21, les élus MoDem ont cheminé vers Les Verts, par exemple contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique)".
"C'est une question de culture, analyse Corinne Lepage. François Bayrou n'a pas encore renversé sa pensée au point de commencer par le sujet de la finitude des ressources, dont tout le reste découle". Il n'empêche, les penseurs Denis de Rougemont (1906-1985), Bernard Charbonneau (1910-1996) (1) ou Jacques Ellul (1912-1994), auquel se réfère explicitement l'ancien candidat à l'élection présidentielle, établissent des ponts intellectuels entre le personnalisme chrétien et l'écologie politique, y compris dans sa version radicale prônant la décroissance. Ce qui se traduit concrètement par des combats communs, à commencer par le fédéralisme. Aux dernières européennes, les deux électorats les plus proeuropéens furent ainsi à égalité ceux du MoDem et d'Europe - Écologie, avec 89% des électeurs "attachés" à la construction européenne (2). Et, si François Bayrou apparaît moins radicalement régionaliste que Les Verts, alliés traditionnel des partis de la fédération "Régions et Peuples Solidaires", il plaide depuis longtemps en faveur de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Deux des trois députés MoDem, François Bayrou et Jean Lassalle, ont en outre été imprégnés dans leur jeunesse de la philosophie de Lanza del Vasto (1901-1981), disciple de Gandhi et fondateur des communautés de l'Arche, qui participa aux actions non-violentes contre l'extension du camp militaire du Larzac.
Ces convergences n'excluent bien entendu pas des divergences. Fils et frère de berger, Jean Lassalle, président de l'Association des populations des montagnes du monde, s'oppose ainsi à la réintroduction des grands prédateurs – ours et loups – dans ses Pyrénées. François Bayrou a par ailleurs profité de l'université de rentrée de son parti pour bien marquer sa différence avec le député des Verts Yves Cochet, en indiquant qu'il n'était "pas un malthusien partisan de la décroissance". Demeure également la question du nucléaire, qui a historiquement servi de catalyseur du mouvement écologiste en France. "Le débat n'est pas tranché au MoDem", affirme Jean-Luc Bennahmias. "Sur les OGM ou sur le nucléaire je perçois des changements notables dans le discours de François Bayrou depuis que je l'ai rejoint, poursuit Corinne Lepage. Nos discussions finissent par porter des fruits car, il y a deux ans, il n'aurait jamais déclaré que la taxe carbone était un coup de pouce au lobby nucléaire ou qu'il était faux de dire que l'électricité n'est pas émettrice de gaz à effet de serre". Décryptage de Jean-Luc Bennahmias : "Les racines terriennes de François Bayrou font qu'il était plus facile à former à l'écologie qu'un urbain".
Enfin, si certains Verts, comme François de Rugy ou Daniel Cohn-Bendit (pour qui "la page [de son altercation avec François Bayrou] a été tournée assez rapidement"), ont ouvert un dialogue avec le MoDem, d'autres y sont fermement hostiles (Yves Contassot, Francine Bavay). Le positionnement des deux partis sur l'axe droite-gauche n'est effectivement pas le même. Les électeurs d'Europe - Écologie trouvaient ainsi majoritairement que le PS n'était "pas assez à gauche" (58%), un sentiment en revanche minoritaire chez ceux du MoDem (28%). "Europe - Écologie a beaucoup recentré les Verts, dont une partie est d'extrême gauche", corrige Corinne Lepage, chantre d'une "écolonomie sociale de marché". De fait, aux élections européennes, 20% des électeurs de François Bayrou à la présidentielle ont préféré les listes Europe - Écologie à celles du MoDem (2). Et, à l'université de rentrée de ce dernier parti, l'idée d'une alliance entre l'orange et le vert semblait progressivement faire son chemin dans l'esprit des militants.
Laurent de Boissieu
(version raccourcie publiée dans La Croix, 22/09/2009)
(1) Bernard Charbonneau est l'auteur de la formule "On ne peut poursuivre un développement infini dans un monde fini".
(2) Sondage TNS Sofres réalisé le 7 juin auprès d'un échantillon national représentatif de 2 000 personnes.
10:05 | Lien permanent | Commentaires (13) | Facebook | | Imprimer | |
14 septembre 2009
La loi ne sera plus la loi
À l'occasion de la convocation à partir de ce lundi du Parlement en session extraordinaire, les députés examinent aujourd'hui et demain le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, issu de la révision de juillet 2008 :
Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Concrètement, il s'agit d'ouvrir un droit nouveau pour les justiciables, qui pourront saisir le Conseil constitutionnel à l'occasion d'un procès - ce que les juristes appellent la question préjudicielle de constitutionnalité.
Ce qui ressemble naïvement à une avancée pour la protection des libertés et un progrès de l'État de droit risque en réalité d'être la source d'une importante insécurité juridique.
Jusque-là, le Conseil constitutionnel - saisi par le président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs (ouvrant cette saisine à l'opposition parlementaire) - statuait sur la constitutionnalité d'une loi a priori, c'est-à-dire avant sa promulgation.
Or, ouvrir un contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori, c'est :
- désacraliser l'autorité de la loi.
- rompre l'égalité entre justiciables : certains d'entre eux auront été jugés voire condamnés au regard d'un loi ensuite déclarée inconstitutionnelle !
10:42 | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | | Imprimer | |
10 septembre 2009
Allô Bruxelles ?
Jean Quatremer avec ses Coulisses de Bruxelles est sans doute l'un des journalistes blogueurs les plus intéressants, tant par les informations qui figurent dans ses notes que par la régularité de celles-ci. Sur le fond, certes, il est très militant, mais, comme le proclame avec justesse Marianne2 (horresco referens sans doute pour mon confrère de Libération), "le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti" (Albert Camus).
Mais qu'est-il donc arrivé cet été à Jean Quatremer ? S'est-il subitement converti au souverainisme ?
L'institution européenne la plus intégrée est la Commission de Bruxelles. Cette dernière est là pour défendre l'intérêt général de l'Union européenne. Ses membres ne représentent donc pas leur État d'origine, et c'est pour cela qu'il est d'ailleurs prévu, à terme, qu'il n'y ait plus par principe un commissaire européen par État membre.
Et pourtant, Jean Quatremer a consacré toute une note pour mesurer "l'influence [peau de chagrin] de la France à Bruxelles" en décomptant méticuleusement le nombre de postes de cabinet et de chefs de cabinet de nationalité française.
Nous aurait-on menti ? Car mesurer l'influence d'un État membre à son poids au sein de l'administration bruxelloise revient à considérer que ladite administration n'est pas si indépendante que cela des États et que la notion d'intérêt général de l'Union européenne n'est qu'un leurre...
23:02 | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook | | Imprimer | |
09 septembre 2009
Contre la "contribution climat énergie" !
Le réchauffement climatique, je suis contre.
La pollution, je suis contre.
La solution paraît dès lors simple : taxer toutes les émissions de CO2. D'où l'idée de Nicolas Hulot d'une "taxe carbone", reprise par le gouvernement sous la forme d'une "contribution climat énergie".
N'étant le propriétaire d'aucun véhicule à moteur - "privilège" du banlieusard se tapant deux heures quotidiens de SNCF et de RATP - personnellement je m'en fous d'une taxe sur les émissions de CO2. Mais ce n'est pas le cas de toute une population rurale, qui, n'en déplaise aux bobos parisiens, est obligée de posséder un voire plusieurs véhicules par famille.
Critiquer, c'est pas bien. Proposer, c'est mieux (même lorsqu'on est journaliste, on a le droit). Voici ce qui me paraîtrait efficace, juste et simple (afin d'éviter je ne sais quelle usine à gaz de "chèque vert" ou autre mécanisme de compensation pour les ruraux et les plus modestes) :
- surtaxer la pollution évitable, c'est-à-dire celle dont il existe un substitut propre (taxe carbone sur le chauffage par énergies fossiles, gaz ou fioul; surtaxe progressive à l'immatriculation pour les véhicules les plus polluants).
- loi obligeant les collectivités locales à proposer des transports en commun non polluants.
- loi obligeant les transports routiers de marchandises et de voyageurs à utiliser sur le territoire national des biocarburants.
10:49 | Lien permanent | Commentaires (22) | Facebook | | Imprimer | |
08 septembre 2009
La droite, la gauche ...et le centre
Après mon article sur le passage à gauche de François Bayrou, quelques précisions...
Il existe deux théories du clivage droite-gauche.
La première théorie donne un contenu idéologique aux mots "droite" (François Goguel : "parti de l'ordre établi"), "gauche" (François Goguel : "parti du mouvement") et même "centre" (en quelque sorte, le "juste milieu").
La seconde théorie ne donne aucun contenu idéologique aux mots "droite", "centre" et "gauche", considérant qu'il ne s'agit que d'une position géométrique au sein d'une assemblée parlementaire élue sur un jeu d'alliances déterminé, fondé sur un ou des clivages variables dans le temps et dans l'espace (sur les clivages, voir les travaux de Seymour Martin Lipset and Stein Rokkan, véritables révélations dans ma formation intellectuelle). Telle est depuis bien longtemps ma vision des choses, postulat de mes analyses.
C'est ainsi que, globalement, au XIXe siècle les libéraux représentaient la gauche et les conservateurs la droite, tandis qu'au XXe siècle les socialistes représentaient la gauche et les libéraux la droite (quelques partis libéraux en Europe, bien que siégeant aujourd'hui à droite, continuent ainsi à s'intituler "parti de gauche").
Selon la première théorie, un libéral du XIXe siècle a pour héritier un socialiste du XXe siècle (incarnations successives du "parti du mouvement"). Selon la seconde théorie, un libéral du XIXe siècle a pour héritier un libéral du XXe siècle (filiation idéologique).
Sur l'évolution des familles idéologiques sur l'axe droite-gauche sous la IIIe République, voir ma brève synthèse :
http://www.france-politique.fr/sinistrisme.htm
Ainsi que la composition de la Chambre des députés de 1871 à 1936 :
http://www.france-politique.fr/chambre-des-deputes.htm
Bref, revenons à François Bayrou.
Jusqu'en 2002, il est à droite.
En 2007, il est au centre.
En 2009, il sera - si son discours de ce week-end se confirme - à gauche.
Pour autant, cela ne signifie pas forcément qu'il ait changé idéologiquement. Cela signifie juste qu'il a successivemet changé de système d'alliances. Et, en passant du centre au pôle de gauche, ce n'est idéologiquement pas François Bayrou qui change, c'est la gauche qu'il change idéologiquement, ou plus exactement les équilibres internes de la gauche en renforçant sa composante social-libérale (PRG, une partie des Verts : Daniel Cohn-Bendit, une partie du PS : Vincent Peillon, Ségolène Royal, Manuel Valls, Dominique Strauss-Kahn, Bertrand Delanoë, Pierre Moscovici...).
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