La loi ne sera plus la loi (14 septembre 2009)
À l'occasion de la convocation à partir de ce lundi du Parlement en session extraordinaire, les députés examinent aujourd'hui et demain le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, issu de la révision de juillet 2008 :
Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Concrètement, il s'agit d'ouvrir un droit nouveau pour les justiciables, qui pourront saisir le Conseil constitutionnel à l'occasion d'un procès - ce que les juristes appellent la question préjudicielle de constitutionnalité.
Ce qui ressemble naïvement à une avancée pour la protection des libertés et un progrès de l'État de droit risque en réalité d'être la source d'une importante insécurité juridique.
Jusque-là, le Conseil constitutionnel - saisi par le président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs (ouvrant cette saisine à l'opposition parlementaire) - statuait sur la constitutionnalité d'une loi a priori, c'est-à-dire avant sa promulgation.
Or, ouvrir un contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori, c'est :
- désacraliser l'autorité de la loi.
- rompre l'égalité entre justiciables : certains d'entre eux auront été jugés voire condamnés au regard d'un loi ensuite déclarée inconstitutionnelle !
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Commentaires
L'intérêt de la mesure n'est-il pas de permettre un contrôle de constitutionnalité sur des lois ayant été promulguées avant l'entrée en vigueur de notre constitution actuelle, voire de la réforme permettant la saisine par les parlementaires ?
Si de tels textes devaient porter effectivement atteinte aux droits et libertés des justiciables, n'est-il pas raisonnable de permettre ce contrôle d'autant plus que dans ce cas de figure une décision de justice peut toujours être remise en cause par la cour européenne des droits de l'homme ?
Je ne suis pas sur que l'on puisse parler de sécurité juridique quand on parle de lois qui porteraient atteintes aux libertés.
Par ailleurs le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ne peuvent-ils pas faire office de filtre ? Il me semble que c'est ce que dit le texte. Dans cette hypothèse, le problème que vous soulevez me semble relatif.
Quand à l'inégalité entre les justiciables, l'argument me semble inexact : celle-ci ne concerne que l'égalité aux regard de la loi en vigueur. Au final il n'y a pas plus d'inégalité qu'entre un justiciable condamné par une ancienne loi et un autre qui ne le serait pas selon une nouvelle loi.
Le vrai problème concernant le Conseil constitutionnel me semble plutôt être les modalités de nomination des ses membres.
Écrit par : Valéry | 15 septembre 2009
Je suis bien d'accord pour ce qui concerne le cas très particulier des lois promulguées avant la révision constitutionnelle de 1974. Mais il ne me semble pas que la réforme de 2008 vise spécifiquement ces lois...
Je maintiens en revanche mon argument sur l'insécurité juridique et l'inégalité entre justiciables : qu'une nouvelle majorité démocratiquement élue change une loi n'est pas du tout la même chose que la même loi qui, appliquée un temps puis contrôlée a posteriori par le Conseil constitutionnel, deviendrait inconstitutionnelle alors qu'elle est déjà en vigueur. Le contrôle de constitutionnalité doit selon moi demeurer un contrôle a priori, avant promulgation.
En ce qui concerne les modalités de nomination des membres du Conseil constitutionnel, je ne suis pas choqué outre mesure, en tout cas je n'ai pas spontanément en tête de meilleur système alternatif (si ce n'est d'abroger le droit des anciens présidents de la République d'y siéger !).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 15 septembre 2009
A propos de loi, je suis étonné de ne pas lire sous votre plume une réaction sur la décision de Mr Besson de ne pas appliquer la loi sur les tests ADN.
Dans les fait, il dit que c’est trop compliqué et qu’en plus il n’a pas les crédits nécessaires.
Les députés NC sont satisfaits, ils disent avoir amendé le projet de loi pour obtenir justement ce résultat.
Sur le principe et même si mr Besson n’a pas le choix n’est-il pas quelque part scandaleux qu’un ministre refuse d’appliquer une loi votée par la représentation nationale ?
Je vous voyais bien monter au créneau sur ce sujet.
Écrit par : flo1966 | 21 septembre 2009
...trop de boulot en ce moment : je n'ai donc malheureusement pas le temps d'écrire pour ce blog, mais cela fait en effet partie des notes auxquelles j'avais pensées !
pas forcément dans le sens que vous pensez : le ministre n'a pas dit "je ne veux pas appliquer la loi" (déni de démocratie, effectivement) mais "je ne peux pas appliquer la loi dans les délais"...
Écrit par : Laurent de Boissieu | 21 septembre 2009