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26 juin 2008

Révisera, révisera pas ?

scrutin.jpgLes calculatrices sont de sortie pour pronostiquer si le gouvernement pourrait obtenir au Congrès la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés nécessaires à l'adoption du projet de loi constitutionnelle.

 

Rappel des votes en première lecture :

Assemblée nationale : 314 voix pour, 232 voix contre (et 23 abstentions)

Sénat : 166 voix pour, 123 voix contre (et 39 abstentions)

 

Majorité requise au congrès (sur 835 suffrages exprimés) : 501 voix

Pour : 480 voix (314 + 166)

Contre : 355 voix (232 + 123)

 

Bref, le compte n'y est pas. Selon ce calcul, il manquerait en effet 21 voix. Seulement.

Mais, en réalité, il en manquerait beaucoup plus ! Car les textes votés respectivement par l'Assemblée nationale et le Sénat en première lecture diffèrent profondément. Davantage encore de sénateurs de la majorité auraient voté contre (ou se seraient abstenus) sur le texte adopté par l'Assemblée nationale et, réciproquement, davantage encore de députés de la majorité auraient voté contre (ou se seraient abstenus) sur le texte adopté par le Sénat.

Bref, on peut considérer qu'il s'agit dans chaque assemblée d'un chiffre maximum de parlementaires votant pour.

Sauf concessions inattendues et de dernière minute susceptibles de faire bouger les lignes à gauche (les PRG votant pour ou des PS s'abstenant) et au centre (les sénateurs UC-UDF votant finalement pour).

Sauf acte d'autorité de l'Élysée aboutissant à ce que les sénateurs et les députés de la majorité se retrouvent, de gré ou de force, autour d'une rédaction commune. Encore faudrait-il que le chef de l'État soit prêt à mouiller sa chemise pour cette révision constitutionnelle. Ce qui ne semble pas être le cas. Ne subsistent en effet que peu d'éléments de la présidentialisation de la Constitution originellement voulue par Nicolas Sarkozy, si ce n’est le droit du président de la République de prendre la parole devant le Congrès.

Personnellement, je fais le pari (osé ?) que la procédure de révision constitutionnelle n'ira pas jusqu'au bout : mieux vaudrait pour la majorité un constat de désaccord au cours de la navette parlementaire plutôt qu'un échec au Congrès. En 1973, déjà, Georges Pompidou avait renoncé à convoquer le Congrès faute de majorité suffisante au Parlement en faveur de l'abandon du septennat et du passage au quinquennat.

25 juin 2008

Scrutin public sur la révision constitutionnelle

Le Sénat a adopté mardi, en première lecture, le projet de loi constitutionnelle (profondément amendé par rapport à la version adoptée par l'Assemblée nationale), par 166 voix contre 123 (et 39 abstentions)

 

Ont voté pour :

  • 155 UMP
  • 008 RDSE : Gilbert Barbier (divers droite), Pierre Laffitte (UMP-RAD), Daniel Marsin (La Gauche Moderne), Aymeri de Montesquiou (UMP-RAD), Georges Mouly (UMP-RAD), Georges Othily (La Gauche Moderne), Bernard Seillier (MPF), Michel Thiollière (UMP-RAD)
  • 003 NI : Philippe Adnot (divers droite), Sylvie Desmarescaux (divers droite), Alex Türk (divers droite)

 

Ont voté contre :

  • 095 SOC
  • 023 CRC
  • 003 NI : Philippe Darniche (MPF), Jean Louis Masson (divers droite), Bruno Retailleau (MPF)
  • 002 UMP : Alain Lambert, André Lardeux (souverainiste)

 

Se sont abstenus :

  • 030 UC-UDF
  • 009 RDSE : Nicolas Alfonsi (PRG), Jean-Michel Baylet (PRG), André Boyer (PRG), Michel Charasse (divers gauche), Yvon Collin (PRG), Gérard Delfau (PRG), François Fortassin (PRG), Nathalie Goulet (divers droite), François Vendasi (PRG)

19 juin 2008

OTAN en emporte le gaullisme

sarko-bush.jpgNicolas Sarkozy a donc confirmé, cette semaine, que la France allait réintégrer le commandement intégré de l'OTAN (Comité des Plans de défense).

 

Deux remarques :

- la France a déjà réintégré, en 1995-1996, sous le septennat de Jacques Chirac, "les instances militaires de l'OTAN qui respectent sa souveraineté" (Conseil des ministres de la défense et Comité militaire), selon l'expression du ministre de la Défense de l'époque, Charles Millon (Revue de l'OTAN, mai 1996).

- l'argumentaire de Nicolas Sarkozy n'est pas convainquant. Qu'a, en effet, plaidé le président de la République dans son discours sur la défense et la sécurité nationale (17 juin 2008) ?

"La guerre froide est terminée. En Europe, nos partenaires sont presque tous membres de l'Alliance. Ils ne comprennent pas pourquoi nous persistons à nous tenir à part. On continue à se demander, en Europe, si la France veut opposer l'Europe de défense et l'OTAN. Moyennant quoi, on européanise pas assez l'OTAN, et on ne fait pas avancer l'Europe de la défense. Observons ce qu'il s'est passé, très intéressant, très intéressant. Une alliance qui n'est pas assez européanisée, une Europe de la défense qui n'avance pas. Beau résultat. Notre position, hors du commandement militaire, entretient une méfiance sur l'objet de notre ambition européenne."

 

Deux commentaires, maintenant :

- "La guerre froide est terminée". Justement, répondrait un gaulliste ! Tout en manifestant, lorsque nécessaire, la solidarité atlantique de la France face au bloc soviétique (crise de Cuba en 1962), Charles de Gaulle a retiré entre 1959 et 1966 la France des instances militaires de l'OTAN malgré le contexte de la guerre froide. Dans la logique gaulliste, la guerre froide étant finie, la France aurait donc encore moins de raison de participer, aujourd'hui, à ses instances militaires (voire même à ses instances politiques ?). Charles de Gaulle avait d'ailleurs envisagé de quitter l'OTAN en tant que telle, dans la perspective de remplacer cette organisation permanente "par une série d'accords bilatéraux" (l'ouverture des archives depuis 1996, selon la loi des trente ans, permet désormais d'approfondir les recherches sur cet épisode historique; lire en particulier l'étude réalisée par Alessandra Giglioli, lauréat de la bourse de recherche de l'OTAN et du Conseil de Partenariat Euro-Atlantique).

- La raisonnement de Nicolas Sarkozy est à l'opposé de la pensée gaulliste (mais peut-être la conception gaulliste de l'indépendance vis-à-vis des États-Unis est-elle dépassée ?). Il s'agit en effet d'une constante de la politique étrangère gaulliste : si Charles de Gaulle s'est opposé à la CED en 1954, si le plan Fouchet d'union politique européenne a échoué en 1961-1962, si le traité franco-allemand de l'Élysée (1963) n'a pas eu la portée politique que voulait lui donner Charles de Gaulle, c'est à chaque fois parce que - et uniquement parce que - les partenaires européens de la France ont refusé de construire une Europe politique en dehors de la relation atlantique. C'est la fameuse "Europe européenne" théorisée par De Gaulle (et détournée par les souverainistes hostiles à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, alors que cette expression gaulliste concerne l'indépendance vis-à-vis des États-Unis et non les frontières géographiques de la construction européenne). Mais, n'étant pas suivie par ses partenaires européens potentiels, et "en attendant que le ciel se découvre, la France poursuit par ses propres moyens ce que peut et doit être une politique européenne et indépendante" (23 juillet 1964). Avec pour conséquence logique la sortie des instances militaires de l'OTAN, en 1966 (mais préparée, en fait, depuis 1959).

C'est cette indépendance vis-à-vis des États-Unis (indépendance ne voulant pas dire opposition systématique) que Nicolas Sarkozy sacrifie aujourd'hui. Pour, si on suit son discours, faire plaisir à nos partenaires européens ("en Europe, nos partenaires ne comprennent pas pourquoi nous persistons à nous tenir à part"; "notre position, hors du commandement militaire, entretient une méfiance sur l'objet de notre ambition européenne").

Charles de Gaulle préférait une France indépendante et pas d'Europe à une France dans une Europe américaine; Nicolas Sarkozy préfère une France dans une Europe américaine à pas d'Europe.

L'Europe, certes. Mais l'Europe pour quoi faire, si ce n'est pas une Europe européenne ? Faire une Europe américaine, c'est en réalité vouloir faire de l'OTAN une ONU-bis occidentale. Alors que ce dernier concept ne veut strictement plus rien dire depuis la fin de la guerre froide. Sauf, ce dont nous avait préservé Jacques Chirac, à alimenter la théorie du choc des civilisations (le monde blanc et chrétien contre le monde arabo-musulman).

 

Pour aller plus loin :

Les États européens face à l'invasion américaine de l'Irak (2003)

16 juin 2008

Déclaration de l'Académie française sur les langues régionales

academie.jpgPour information, voici une déclaration votée à l'unanimité par les membres de l'Académie française dans sa séance du 12 juin 2008, non sans lien avec ma note du 23 mai :

 

 

 

« Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans son article 2, reconnu cette évidence : "La langue de la République est le français".

Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte dont les conséquences portent atteinte à l'identité nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la Constitution, à l'article 1er, dont la première phrase commence par les mots : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale", une phrase terminale : "Les langues régionales appartiennent à son patrimoine".

Les langues régionales appartiennent à notre patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles expriment des réalités et des sensibilités qui participent à la richesse de notre Nation. Mais pourquoi cette apparition soudaine dans la Constitution ?

Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu'il s’agit du droit des droits, la Constitution.

Au surplus, il nous paraît que placer les langues régionales de France avant la langue de la République est un défi à la simple logique, un déni de la République, une confusion du principe constitutif de la Nation et de l'objet d'une politique.

Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont graves. Elles mettent en cause, notamment, l'accès égal de tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution. »

 

 

Ajout du 18/06/2008 : les sénateurs viennent de supprimer, en première lecture, l'amendement des députés sur les langues régionales

 

15 juin 2008

Référendum européen en Irlande

sf.jpgLe peuple irlandais a rejeté par 53,4% le traité de Lisbonne. Que l'on regrette ou que l'on se félicite de ce résultat, on ne peut qu'être outré par les réactions méprisantes à l'égard de ce choix démocratique, entre ceux qui espèrent malgré tout la poursuite du processus de ratification d'un traité de Lisbonne désormais caduque et ceux qui demandent un second vote. On a déjà fait en 1992-1993 le coup au peuple danois et en 2001-2002 au peuple irlandais (remarquez, lui au moins est déjà habitué !).

Outre ce mépris envers les Irlandais, deux réactions sont particulièrement inquiétantes.

D'une part, l'insistance hautaine sur le poids démographique de l'Irlande. Une régression par rapport au droit international, fondé, contre la loi du nombre ou du plus fort, sur le principe de l'égalité souveraine de tous les États (article 2 de la Charte des Nations Unies).

D'autre part, la volonté affirmée de la part de "l'Europe d'en haut" de ne plus organiser, à l'avenir, de référendum sur les questions européennes. Contre la souveraineté populaire, c'est un nouveau despotisme qui risque alors de se mettre en place. Or, même s'il se veut "éclairé", le despotisme est toujours, un jour ou l'autre, balayé par les peuples.

 

Pour aller plus loin :

Tous les référendums européens dans les États membres

Les grands votes européens en France

07 juin 2008

Représentant(s) de la Nation

liban.jpgJe critique beaucoup sur mon blog. Mais, pour une fois, en tant que citoyen français, je me réjouis du déplacement de Nicolas Sarkozy au Liban. Un symbole pour cet État ami meurtri.

Je m'étonne toutefois de la nécessité qu'à ressentie Nicolas Sarkozy de s'y rendre entouré des dirigeants des principaux partis politiques représentés au Parlement. Preuve supplémentaire que la vision gaullienne du président de la République - l'Homme de la Nation au-dessus des partis - appartient définitivement au passé : pour montrer qu'il représente la Nation, le président de la République est désormais obligé de venir entouré des différentes composantes politiques de ladite Nation.

03 juin 2008

Scrutin public sur la révision constitutionnelle

scrutin.jpgL'Assemblée nationale a d'adopté, en première lecture, le projet de loi constitutionnelle, par 314 voix contre 232 (et 23 abstentions)

 

 

Ont voté pour :

  • 295 UMP
  • 002 NI : Thierry Benoit (divers droite, ex-UDF) et François-Xavier Villain (divers droite)

 

Ont voté contre :

  • 191 SRC
  • 024 GDR 
  • 013 UMP : Jean-Paul Anciaux, Jean Bardet, Gilles Bourdouleix (UMP-CNI), Henri Cuq, Bernard Debré, André Flajolet, Guy Geoffroy, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Jacques Le Guen, Jacques Myard, Christian Vanneste (UMP-CNI) et André Wojciechowski
  • 004 NI : Abdoulatifou Aly (MDM-MoDem), François Bayrou (MoDem), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) et Jean Lassalle (MoDem)

 

Se sont abstenus :

  • 010 SRC : Chantal Berthelot (PSG), Gérard Charasse (PRG), Paul Giacobbi (PRG), Annick Girardin (Cap sur l'Avenir-PRG), Joël Giraud (PRG), Albert Likuvalu (UPWF-PS), Jeanny Marc (GUSR), Dominique Orliac (PRG), Sylvia Pinel (PRG) et Chantal Robin-Rodrigo (PRG)
  • 006 Nouveau Centre : Jean Dionis du Séjour, Philippe Folliot (divers droite), Pierre Lang (UMP), Claude Leteurtre, Nicolas Perruchot et Philippe Vigier
  • 005 UMP : Hervé de Charette, Hervé Mariton, Georges Tron, Jean Ueberschlag et Jean-Sébastien Vialatte
  • 002 NI : Véronique Besse (MPF) et Dominique Souchet (MPF)

Les députés adoptent la révision constitutionnelle

L'Assemblée nationale vient d'adopter, en première lecture, le projet de loi constitutionnelle, par 314 voix contre 232 (et 23 abstentions).

La démocratie en question

1254545262.jpgC'est aujourd'hui que l'Assemblée nationale va se prononcer, en première lecture, sur le projet de loi constitutionnelle. L'occasion pour moi de dire ma consternation devant deux autres points du projet de révision.

 

D'une part le fait que nul ne puisse être élu plus de deux fois consécutivement président de la République. Au nom de quoi corseter ainsi la démocratie, la liberté de candidature à l'élection présidentielle et le libre-choix des citoyens ?

Mesure démagogique et faussement moderne...

 

D'autre part le fait que les parlementaires nommés au gouvernement ne soient que remplacés temporairement par leur suppléant; en clair, que les ministres qui démissionnent (individuellement ou collectivement en cas de démission du gouvernement présentée par le Premier ministre) retrouvent automatiquement leur siège à l'Assemblée nationale ou au Sénat.

Imaginons qu'un ministre démissionne pour des raisons politiques de fond (cf. Jean-Pierre Chevènement en 1983, 1991 et 2000). Au nom de quoi devrait-il retrouver automatiquement son siège sans repasser devant les électeurs, alors même qu'il se trouve en situation de rupture (partielle ou totale) avec la majorité sous les couleurs de laquelle il a été élu aux élections législatives ?

Il s'agit simplement d'un petit arrangement entre amis sur le dos de la démocratie, des citoyens. Ce qu'il aurait fallu décider, en revanche, c'est la démission automatique du suppléant si le ministre démissionnaire déclare sa candidature dans le but de retrouver son siège à une élection législative partielle. Tout en autorisant, du coup, ce suppléant à se présenter, s'il le souhaite, contre lui.

Quant au parallèle avec la IIIe République et la IVe République, il est inexact. Les ministres démissionnaires ne retrouvaient en effet pas leur siège de parlementaire, pour la simple et bonne raison qu'ils continuaient à siéger et à voter dans leur assemblée tout en participant au gouvernement.

C'est en effet la Ve République qui a instauré l'incompatibilité entre fonction ministérielle et mandat parlementaire, afin de renforcer le caractère collégial et solidaire du gouvernement et de lutter contre l'instabilité ministérielle.

 

Récapitulatif de mes précédentes notes sur la révision constitutionnelle :

Réforme des institutions

"Règle d'or" ou "plaquée or" ?

Député de ...la Nation

Les langues régionales s'invitent dans la Constitution

Vers l'abrogation de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?

Révision constitutionnelle de circonstance

De la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature

02 juin 2008

De la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature

275826431.jpgActuellement, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) comprend deux formations, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du parquet. Examinons leur composition actuelle.

 

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du siège :

  • président : président de la République
  • vice-président : ministre de la Justice (peut suppléer le président de la République)
  • cinq magistrats du siège
  • un magistrat du parquet
  • un conseiller d'État, désigné par le Conseil d'État
  • une personnalité n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire désignée par le Président de la République
  • une personnalité n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire désignée par le président de l'Assemblée nationale
  • une personnalité n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire désignée par le président du Sénat

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du parquet :

  • président : président de la République
  • vice-président : ministre de la Justice (peut suppléer le président de la République)
  • cinq magistrats du parquet
  • un magistrat du siège
  • un conseiller d'État, désigné par le Conseil d'État
  • une personnalité n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire désignée par le Président de la République
  • une personnalité n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire désignée par le président de l'Assemblée nationale
  • une personnalité n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire désignée par le président du Sénat

  

Examinons, maintenant, ce que prévoit le projet de loi constitutionnelle (telle qu'amendé en première lecture par les députés) :

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du siège :

  • président : premier président de la Cour de cassation
  • cinq magistrats du siège
  • un magistrat du parquet
  • un conseiller d'État, désigné par le Conseil d'État
  • un avocat
  • un professeur des universités
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président de la République
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président de l'Assemblée nationale
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président du Sénat
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le Défenseur des droits des citoyens
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président du Conseil économique, social et environnemental

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du parquet :

  • président : procureur général près la Cour de cassation
  • cinq magistrats du parquet
  • un magistrat du siège
  • un conseiller d'État, désigné par le Conseil d'État
  • un avocat
  • un professeur des universités
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président de la République
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président de l'Assemblée nationale
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président du Sénat
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le Défenseur des droits des citoyens
  • une personnalité ni membre du Parlement ni magistrat de l'ordre judiciaire désignée par le président du Conseil économique, social et environnemental

 

Que penser de ces changements ?

La plupart des commentaires sur cette réforme concerne le nombre de magistrats et de non-magistrats qui siègent au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) : il me semble ainsi tout à fait anormal que les magistrats soient minoritaires au sein du CSM. Un autre point me semble toutefois plus important.

Le problème de fond vient de la non-séparation des magistrats du siège et du parquet, qui, historiquement, appartiennent en France à un corps unique. Le rôle des uns et des autres est pourtant fondamentalement différent : les magistrats du siège jugent; les magistrats du parquet représentent le ministère public, c'est-à-dire l'État. Quelle conséquence ?

Tout d'abord, les magistrats du siège doivent - indépendance des pouvoirs oblige - être indépendants des pouvoirs politiques, exécutif et législatif. Or, tout pouvoir procédant en démocratie du peuple, les magistrats du siège (= les juges) doivent en outre être élus. Sinon, nous ne sommes plus dans une logique démocratique mais dans une logique corporatiste. Nous pouvons faire ce dernier choix, mais alors assumons-le. Notons d'ailleurs que la Constitution de 1958 botte en touche en ne parlant pas de "pouvoir judiciaire" mais seulement d'"autorité judiciaire".

Ensuite, les magistrats du parquet, porte-parole de la politique judiciaire du gouvernement (= les accusateurs), doivent, à l'inverse, être logiquement placés sous l'autorité hiérarchique du ministre de la Justice.

 

Reste à savoir qui doit être le garant de l'indépendance des magistrats du siège. L'article 64 de la Constitution dispose que "le président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire (...) assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature". Tant que cette mention n'est pas supprimée (ce que ne prévoit pas - contre toute logique - la révision constitutionnelle), c'est donc bien au président de la République de présider le CSM (en revanche, le ministre de la Justice n'a en effet surtout pas à le suppléer dans la formation compétente à l'égard des magistrats du siège)*.

 

En résumé, pour instituer en France un véritable pouvoir judiciaire (mais le faut-il vraiment ?), il faudrait :

  • élire les magistrats du siège c'est-à-dire les juges (démocratie oblige)
  • rayer la mention faisant du président de la République le garant de l'indépendance de la justice (séparation des pouvoirs oblige)
  • bouter hors du "CSM-siège" - qui pourrait prendre le nom de Conseil Supérieur de la Justice - le président de la République et le ministre de la Justice** (indépendance du pouvoir judiciaire oblige)

 

* le président de la République "garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire" s'inscrit dans la vision (fiction ?) gaullienne de l'Homme de la Nation au-dessus des partis (contrairement aux membres du gouvernement) et ne cadre pas avec celle de Nicolas Sarkozy, d'un président partisan qui conduit de fait la politique de la Nation

** alors que le projet de loi constitutionnelle indique que "sauf en matière disciplinaire, le ministre de la Justice peut assister aux séances des formations du Conseil Supérieur de la Magistrature"