Qu'est-ce qui éloigne / rapproche le FN du gaullisme? (18 décembre 2013)
Je vous invite à lire mon article:
L'inspiration gaulliste revendiquée par le FN irrite au sein de l'UMP
17:10 | Lien permanent | Commentaires (11) | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
Bel article, très prudent et nuancé, ce qui s'impose sur le sujet.
Et, évidemment, on aurait envie de rajouter plein de choses, tant le sujet est vaste et même quasi infini.
L'auteur de cet article, l'un des tous meilleurs spécialistes du Gaullisme en France, aurait pu ajouter deux choses (complémentaires) qui me semblent non négligeables dans le débat :
- Le gaullisme est issu d'une double origine politique :
* Un patriotisme barrésien incluant autant les rois de France que la Révolution française.
* Une composante, probablement minoritaire mais toujours présente au cœur de de Gaulle, démocrate-chrétienne/chrétienne sociale.
- De là découle probablement que le gaullisme reste "tiraillé" (ou équilibré) entre deux exigences philosophiques différentes :
* Un nationalisme qui s'impose devant les intérêts, enjeux, etc.
* Mais ce nationalisme s'incline aussi (au moins dans les principes) devant un humanisme (qu'on sait de nature chrétienne, même s'il ne s'affiche pas tel, ce qui est tout aussi bien).
Si le FN a fusionné beaucoup de courants nationalistes, il n'a pas l'"humanisme" dans ses "gènes" (même si, bien sûr, à titre individuel, nombre de cadres, membres ou électeurs du FN peuvent s'afficher "humaniste").
Et attention, quand je parle d'"humanisme", je ne parle pas du terme galvaudé d'aujourd'hui (que d'ailleurs plus personne n'utilise, même à gauche), mais d'un terme qui avait un sens pour un homme né en 1890 (on pourra par exemple se référer aux idées de Marc Sangnier et du Sillon).
Écrit par : Libéral européen | 18 décembre 2013
Merci pour ce commentaire Libéral européen!
Nous sommes d'accord sur le fond (on pourrait ajouter la volonté gaulliste de rassembler le peuple français, qui s'oppose au tri entre les Français de l'extrême droite qui entend s'adresser aux seuls "Français de souche"). Mais dans ma note j'ai volontairement tenu - en dehors de la citation d'Henri Guaino - à rester dans le concret des propositions du programme du FN, sans partir dans des réflexions de philosophie politique. Comme je l'ai écrit dans une autre note, les militants FN sont particulièrement à fleur de peau et partent du principe que tout article journalistique se fonde sur un parti pris anti-FN. Telle n'est pas ma conception du journalisme politique. Bref, en restant dans le concret, vérifiable par tout un chacun, je coupe court aux attaques que leur a priori anti-journalistique n'aurait pas manqué de susciter si j'avais mis en avant des arguments de philosophie politique.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 18 décembre 2013
Marc Sangnier n'est-il pas plutôt proche du MRP, dont il a d'ailleurs été élu ? Et on connait la fameuse citation : "je n'aime pas les socialistes parce qu'ils ne sont pas socialistes, les MRP parce qu'ils sont MRP, mes partisans parce qu'ils aiment l'argent."
Sur les questions d'intégration, il y a la citation de Peyrefitte. Mais on ne sait pas si elle est authentique. En tout cas, on imagine mal de Gaulle définir le français comme la langue actuellement majoritaire en France, ou imaginer l'affaire de la discrimination positive pour l'accès aux grandes écoles, sur des bases d'ailleurs statistiquement fallacieuses et constitutionnellement retoquées par Simone Veil.
Sur l'Europe, on ne sait pas s'il nous ferait sortir de l'UE. Mais on peut supposer qu'il ne serait pas revenu sur le referendum de 2005, et qu'il n'aurait pas accepté de transférer lui-même des parties de la souveraineté nationale à un machin supranational sous la pression des "marchés".
Bref, le FN n'est pas gaulliste, mais ce n'est pas une consolation...
Écrit par : o tempora, o mores | 19 décembre 2013
"Mais que de tels 'démocrates' d'affirmation et de profession n'hésitent pas à réclamer qu'il soit fait fi de la volonté du peuple en dit long sur l'extrême arbitraire où peut mener l'esprit de parti."
Mémoires d'espoir, l'effort. (Au sujet d'une demande d'annulation du référendum sur l'élection directe du président de la République.)
Écrit par : o tempora, o mores | 19 décembre 2013
@o tempora, o mores : dans les années 1930, de Gaulle a participé à la mouvance démocrate-chrétienne. On peut notamment lire sur le site Gaullisme.net : "Charles de Gaulle participe tout d'abord à des réunions et à des colloques de la Jeune République, résurgence politique après sa condamnation par Pie X du mouvement d’action catholique créé par Marc Sangnier, le Sillon."
Et il est également proche de L'Aube, de Sept-Temps Présents, du groupe personnaliste Ordre Nouveau.
Et, après guerre, avant la création du RPF, c'est bien le MRP qui est "le parti du général du général de Gaulle".
Avec le RPF, de Gaulle tente de dépasser la seule mouvance démocrate-chrétienne (qui a aussi le tort à ses yeux de se glisser trop facilement dans le parlementarisme) pour englober tous les Français réunis par le même patriotisme gaullien. Mais les valeurs démocrate-chrétiennes/chrétiennes sociales ne vont pas disparaître pour autant du cœur et de l'esprit de de Gaulle.
@Laurent : bien compris la démarche !
Écrit par : Libéral européen | 19 décembre 2013
Flûte, j'avais fait un commentaire qui n'a pas été enregistré...
En gros :
Avant guerre : de Gaulle était proche des démocrate-chrétiens/chrétiens sociaux. Il a notamment participé à des réunions du mouvement de Marc Sangnier (la JR, héritière du Sillon).
A la Libération (et avant création du RPF) : c'est le MRP qui est considéré comme "le parti du général de Gaulle."
A la création du RPF : de Gaulle emmène avec lui une partie du MRP (on verra ensuite que de nombreux dirigeants du mouvement gaulliste seront d'anciens démocrate-chrétiens/chrétiens sociaux). Et de Gaulle a même alors proposé à Marc Sangnier (alors environ 75 ans, âge d'autant plus vénérable alors) de le rejoindre (article de JM Cadiot dans Le Monde, 3/06/2010, consultable sur le Net).
Le Gaullisme est donc incontestablement héritier, pour une part non négligeable de son "idéologie", de la mouvance chrétienne-démocrate/sociale.
Écrit par : Libéral européen | 19 décembre 2013
Merci pour ces informations, Libéral européen.
La chute de l'article sur gaullisme.net me rassure :
"Si gaullisme et démocratie-chrétienne convergent sur la doctrine sociale, ils divergent cependant rapidement quant à la conception de la Nation : l'unitarisme et le souverainisme des gaullistes s'oppose au fédéralisme des démocrates-chrétiens et des personnalistes."
car c'est cette différence entre gaullisme et centrisme qui me faisait réagir.
Écrit par : o tempora, o mores | 19 décembre 2013
Je suis un peu dubitatif en ce qui concerne l'argument du mode de scrutin. Le Général de Gaulle n'était-il pas avant tout soucieux de redonner le pouvoir au peuple de France. En 1962 cela passait par le suffrage universel pour reprendre aux 80.000 notables le pouvoir d'élire le Président de la République (celui de la 5e république, pas le fantoche de la 4e). Aujourd'hui de Gaulle serait-il satisfait de voir un parti, les Verts, faire 2 à la présidentielle et avoir 18 députés et un autre faire 18 et avoir 2 députés. Sauf a être très souple je vois mal comment imaginer que le scrutin proportionnel ne serait pas, dans la situation qui est la notre, celui qui serait privilégié par de Gaulle.
Écrit par : Luc | 20 décembre 2013
@Luc. Non, il s'agissait très clairement pour De Gaulle de mettre fin au "régime des partis" issu du système politique de la IVe République, institutions et mode de scrutin (même si De Gaulle juge en 1950 la question du mode de scrutin "secondaire par rapport à celle du régime"). En 1958, le PCF fait 19% et n'a que 10 députés, alors que l'UNR fait 18% et obtient 206 députés. C'est le choix assumé et cohérent d'un "régime électoral directement majoritaire pour fournir au Parlement une majorité cohérente" (1947). Bref, une majorité nette et stable, à la sortie des urnes et non après une tractation de couloir entre les groupes parlementaires.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 20 décembre 2013
(en ce qui concerne Europe Écologie Les Verts, c'est une question d'alliance avec le PS aux élections législatives; la comparaison avec l'élection présidentielle n'est donc pas pertinente. Et que dire alors des partis qui n'ont pas présenté de candidat à la présidentielle et qui disposent pourtant d'un groupe parlementaire, au centre droit et au centre gauche?)
Écrit par : Laurent de Boissieu | 20 décembre 2013
Etant moi-même issu du courant démocrate-chrétien, je suis admirateur de l'action du Général de Gaulle et je n'ai jamais été partisan d'une construction européenne de type fédéral. Pour ma part j'estime que ce n'est pas incompatible et d'ailleurs des démocrates-chrétiens tels que Maurice Schumann, Louis Terrenoire, Emond Michelet, etc., soutenaient la politique du Général.
Écrit par : JJS | 29 décembre 2013