De la préférence nationale à la préférence européenne (26 avril 2012)

"Je suis pour la préférence communautaire, mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas être pour la préférence nationale", a déclaré Nicolas Sarkozy, le 24 mars.

Cette phrase de Nicolas Sarkozy, à l'attention des électeurs de Marine Le Pen, appelle deux remarques.

 

1) Une partie de la droite a toujours été pour la préférence nationale

Le juge administratif a ainsi censuré les discriminations fondées sur la nationalité introduites par quelques collectivités locales administrées par la droite. C'est ce que rappelle un rapport du Haut Conseil à l'Intégration ("Lutte contre les discriminations: faire respecter le principe d'égalité"), citant "à titre d'exemple l'exclusion du bénéfice de l'allocation de congé parental d'éducation des familles dont aucun parent ne possédait la nationalité française (Conseil d'État, 30 juin 1989, Ville de Paris et bureau d'aide sociale de Paris c/ Lévy)" ou bien encore "l'attribution d'une allocation pour la naissance d'un troisième enfant subordonnée à l'inscription des parents sur la liste électorale (Tribunal administratif de Paris, 1er février 1989, Commissaire de la République des Hauts-de-Seine c/ Centre communal d’action sociale de Levallois-Perret)". Il s'agissait respectivement des maires Jacques Chirac (Paris) et Patrick Balkany (Levallois-Perret).

Le 14 juin 1998, au Grand Jury RTL - Le Monde - LCI, Edouard Balladur a également plaidé en faveur de la création d'une "commission" de réflexion sur la préférence nationale afin de répondre à la question suivante: "est-il normal ou anormal, légitime ou contraire aux principes républicains traditionnels, de réserver certaines prestations aux nationaux et de les réfuser aux résidents étrangers?". Le 21 juin, au Club de la presse d'Europe 1, Nicolas Sarkozy avait défendu l'ancien premier ministre en déclarant que "les mots préférence nationale n'ont aucune raison d'être présentés comme des tabous".

 

2) La préférence communautaire

Le terme "préférence communautaire" utilisé par Nicolas Sarkozy renvoie à l'idée d'un protectionnisme européen (lire sur ce sujet le pédagogique rapport d'information de la délégation pour l'Union européenne du Sénat).

Accolé à la notion de "préférence nationale", il renvoie toutefois à l'idée d'une "préférence européenne". Bref, il s'agirait de donner la priorité aux ressortissants de l'Union européenne (et non plus aux seuls Français) dans l'attribution d'un logement social "à situation égale" et dans l'attribution d'un emploi "à compétences égales", ainsi que de leur réserver certaines prestations sociales (sont généralement citées l'Allocation de solidarité aux personnes âgées - ex-minimum vieillesse -, les allocations familiales et le Revenu de solidarité active).

Or, l'extrême droite promeut aussi une certaine "préférence européenne".

C'était attendu de la part de Bruno Mégret (encore à l'époque au FN), influencé par la Nouvelle Droite: le juge administratif a ainsi censuré "la prime de naissance de 5.000 francs attribuée aux seuls parents de nationalité française ou ressortissants d'un pays de l'Union européenne (Tribunal administratif de Marseille, 1998, Commune de Vitrolles).

C'était en revanche plus inattendu de la part de Marine Le Pen. En 2007, le programme de gouvernement de Jean-Marie Le Pen proposait en effet de réserver les allocations familiales "aux seuls Français". Mais, pour 2012, le projet présidentiel de Marine Le Pen indiquait dans sa rubrique "Immigration" que "les allocations familiales seront réservées aux familles dont un parent au moins est français ou européen" (en revanche, il était toujours écrit dans sa rubrique "Famille" qu'elles seront uniquement "réservées aux familles dont un parent au moins est français").

11:25 | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | |  Imprimer | |