Europe über démocratie (04 novembre 2011)
Petite note énervée après la lecture de la conférence de presse de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel (2 novembre). Extraits:
"[La démocratie c'est si] la classe politique, opposition comme majorité, des pays européens est d'accord pour jouer le jeu des règles européennes"
Nicolas Sarkozy (1)
(1) "L'Europe ne peut être efficace que si la classe politique, opposition comme majorité, des pays européens est d'accord pour jouer le jeu des règles européennes. C'est cela, la démocratie."
"Si les principes de la démocratie s'appliquent, nous ne pouvons pas pour autant mettre en danger la grande œuvre d'unification de l'Europe et de l'euro"
Angela Merkel
Concrètement, cela signifie qu'au-dessus de la démocratie il y aurait l'Union européenne, bref qu'une alternance politique ne serait acceptable que si elle ne remet pas en cause son principe ou ses règles.
Qu'il soit pour ou contre l'actuelle construction européenne, qu'il soit de droite, du centre, de gauche ou d'ailleurs, tout démocrate de France et d'Allemagne devrait s'insurger contre ces propos explicitement antidémocratiques de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
"Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple"
Abraham Lincoln
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Commentaires
très juste coup de gueule.
D'autres exemples de déclarations passées inaperçues :
http://www.lalettrevolee.net/article-le-referendum-grec-et-la-dictature-europeenne-87931420.html
Cf. aussi Paddo-Schioppa, théoricien de la dictature européenne :
http://www.lalettrevolee.net/article-avec-tommaso-padoa-schioppa-la-dictature-europeenne-tenait-son-theoricien-78552861.html
Écrit par : edgar | 04 novembre 2011
Je comprends bien que la situation actuelle ouvre un boulevard pour les critiques de l'Union européenne et de l'euro (boulevard qui pourrait vite se transformer en petite impasse sombre lorsqu'on verra les conséquences d'une sortie de la Grèce de l'euro, mais on pourrait en reparler ailleurs..).
Cependant, il ne faut pas pousser :
* La démocratie, pour fonctionner, suppose effectivement un équilibre entre la voix du peuple et le besoin d'un minimum d'efficacité de l'action politique. C'est pour celà qu'a été instituée la démocratie représentative et la Ve République elle-même. On ne peut contester cet aspect de la phrase de Sarkozy.
* Ce que Sarkozy appelle à respecter, c'est "le jeu des règles européennes", qui sont des règles juridiques accpetées par la France et qui relève de jure des traités internationaux et en gros de facto de règles constitutionnelles. On peut toujours en changer, mais tant que ces règles sont en vigueur, il est normal d'appeler à les respecter. C'est comme pour la Constitution. Il faut la respecter tant qu'elle est là. Ce n'est pas pour autant une "dictature".
* La France de Merkel est moins défendable et encore plus maladroite (que veut dire le "nous ne pouvons pas pour autant" : une impossibilité morale ? juridique ? politique ? un souhait ? un impératif ? une exhortation ? Et encore, il faudrait avoir le sens en allemand). Quoiqu'il en soit, si les peuples expriment démocratiquement le refus d'unification européenne, il n'y rien à redire. Ce sera alors aux partisans de l'Europe de tenter de convaincre du contraire.
* Quand au cas du référendum grec, c'est la manière et le timing de son annonce qui sont évidemment (nul ne peut le contester) une vraie forfaiture. La partie grecque devait l'annoncer d'emblée et non après une négociation de sauvetage exceptionnelle, longue et difficile.
Mais, sur le fond, un référendum en Grèce est parfaitement justifié. Il faut mettre le peuple grec devant ses responsabilités. (Celà dit, ce n'est pas parce qu'elle sortira de l'euro ou de l'Europe que la Grèce n'aura plus, comme par magie, de souci d'endettement public. Au contraire...)
Écrit par : Libéral européen | 04 novembre 2011
Libéral européen est un tyran comme les autres européistes.
Le jeu des règles européennes n'a jamais interdit à un pays de faire un référendum sur tout sujet qui lui importe. Décider de contrôler l'ooportunité d'un tel référendum érige l'Union en état fédéral et ravale les pays membres au rang de collectivités territoriales.
Parler de forfaiture est...une forfaiture.
La phrase de Merkel a le mérite immense de souligner que l'europe s'oppose à la démocratie, ce que M. Libéral européen n'a pas vu.
enfin, le lapsus de M. Libéral sur la "France de Mme Merkel" est savoureux (et tragique).
Écrit par : edgar | 04 novembre 2011
@Libéral européen.
Point 1: je ne vois pas le rapport avec ma note.
Point 2: je ne suis pas d'accord, car Nicolas Sarkozy ne dit pas qu'il faut appliquer les règles européennes librement adoptées, mais qu'en démocratie on ne peut pas proposer de remettre en cause lesdites règles européennes. Or, selon moi, les seules règles qu'en démocratie on ne peut pas remettre en cause, ce sont les règles démocratiques (car sinon plus d'alternance démocratique possible).
Point 3: nous sommes d'accord, d'autant plus que je dis exactement la même chose à propos de la citation de Nicolas Sarkozy!
Point 4: ce n'est pas élégant, mais ce n'est en rien une "forfaiture", sauf à considérer que les gouvernements des États membres de l'Union européenne ne sont plus souverains...
Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 novembre 2011
@edgar: tous les européistes ne sont pas par nature des "tyrans"; j'ai par exemple participé hier à une émission de radio avec Jean-Luc Bennahmias, vice-président du MoDem, or, lui, il place clairement la démocratie au-dessus de l'Europe (http://www.dailymotion.com/video/xm4zqd_face-aux-chretiens_news).
Par ailleurs, un véritable fédéralisme est au contraire par nature démocratique: les véritables fédéralistes veulent en effet, comme les souverainistes mais par un moyen opposé, redonner sa place au politique. Le problème, c'est le gloubi-boulga actuel qui retire le pouvoir politique légitime aux États-nations sans créer un pouvoir politique légitime européen (après, la question est de savoir si un pouvoir politique légitime européen est viable ou non: les souverainistes répondent non, les fédéralistes oui). J'évoque cela sur une ancienne page de mon site: http://www.europe-politique.eu/construction-europeenne.htm
Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 novembre 2011
@edgar: la "France de Mme Merkel", LOL, je n'avais pas vu!
Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 novembre 2011
Mais l'Europe, c'est le truc grandiose et fou des girondins pour se débarrasser des valeurs de 1789, simple officialisation donc. Le nouveau ici est l'attitude de l'Allemagne, elle pourrait avoir décidé de prendre le leadership de l'Europe. Cela interdirait définitivement tout rêve naïf à la française, transformerait la sortie de l'UE en opposition à l'Allemagne et nous promet quelques belles années de souffrance sans espérance. Par ailleurs, ce sera très amusant de regarder la veulerie des élites françaises.
Le titre n'est pas tout-à-fait juste, ce devrait être "Deutschland über démocratie".
Écrit par : jardidi | 04 novembre 2011
Le problème fondamental c'est que les pays de l'UE ne sont pas véritablement démocratiques. Cela devient particulièrement catastrophique lorsque ces pays doivent prendre des décisions cruciales et quasiment irréversibles dans le cadre de la construction européenne. Cette construction se fait alors sans les peuples, voire contre eux.
ll faut que chaque pays européen introduise la démocratie directe. Reste à savoir comment. Je formule une proposition au lien suivant:
http://blogdemocratiedirecte.blogspot.com/2011/11/democrates-de-gauche-et-democrates-de.html
Écrit par : democradirect | 04 novembre 2011
@democradirect: je suis un fervent partisan de la dose de démocratie directe introduite par la Ve République (référendums, élection du président de la République au suffrage universel direct), mais il est faux de dire que la démocratie représentative n'est pas véritablement démocratique.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 novembre 2011
ce ne sont pas des tyrans par nature, mais ils deviennent des tyrans par destination... à un moment, ne pas comprendre que ce système est ingérable et fou ne peut relever que de la bêtise ou d'un penchant pour la tyrannie.
Écrit par : edgar | 04 novembre 2011
@edgar: ...sauf que ce système est supranationaliste mais pas fédéraliste!
Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 novembre 2011
mais il n'y a pas de chemin acceptable par les populations vers un état fédéral. personne n'en veut. Pour moi lisbonne a été rejeté en 2005, le régime européen actuel est à peine légal.
que les fédéralistes gagnent un référendum sur le fédéralisme, on verra après.
Écrit par : edgar | 04 novembre 2011
@edgar: le TCE, tout en allant plus loin dans le supranationalisme, n'était pas du véritable fédéralisme - en revanche, le contenu du futur traité de Lisbonne (mais pas seulement, puisque le TCE reprenait l'ensemble des traités précédents!) a en effet bien été rejeté en 2005 par le peuple français: son adoption par le Parlement en contournant le peuple constitue un déni de démocratie (sauf à considérer que l'élection de Nicolas Sarkozy, dont le projet contenait le futur traité de Lisbonne, avait en quelque sorte "annulé" ce vote négatif).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 novembre 2011
@Edgar (réponse réécrite rapidement à ton 2e commentaire)
* Tu écris "Libéral européen est un tyran comme les autres européistes." (!!!) Pffff. Il ne faut pas galvauder les mots importants au risque de leur faire perdre leur véritable sens.
* Je maintiens : il y a bien forfaiture : lorsqu'on négocie, surtout sur des sujets aussi urgent, il faut que les règles soient très claires pour tous. Le représentant de la Grèce a, de par son élection démocratique, mandat de son peuple pour négocier en son nom (il le fait tous les jours sur plein de sujets différents : culture, défense, industrie, etc.).
S'il estime que le sujet doit être porté ensuite devant le peuple grec, très bien. Mais il fallait annoncer cette clause suspensive avant ou pendant les négociations. Rajouter une clause suspensive plusieurs jours après l'accord final est bien une forfaiture.
* "La phrase de Merkel a le mérite immense de souligner que l'europe s'oppose à la démocratie, ce que M. Libéral européen n'a pas vu." La phrase de Merkel (sous réserve des nuances de traduction, etc.) n'engage que Merkel. Il y a plein de gens par le passé ou dans le présent qui ont dit plein de bêtises sur la France et sa nature, sans que celà n'invalide l'existence de la France, ses institutions, son projet politique collectif, etc.
* Pour le lapsus : ;-))
* Pour reprendre ton dernier commentaire : "mais il n'y a pas de chemin acceptable par les populations vers un état fédéral. personne n'en veut." Ce début de commentaire (certes adouci par la fin du commentaire) n'est pas démocratique : il peut très bien y avoir demain un chemin accepté par les peuples vers un Etat fédéral européen. Et si les peuples votaient un jour en faveur d'une Europe fédérale, j'espère bien que tu l'accepterais !
Écrit par : Libéral européen | 04 novembre 2011
je te rassure M. libéral, que la majorité vote pour ou contre, de toute façon nous sommes condamnés à manger de l'europe. que tu ne voies pas en cela une tyrannie est ton problème.
Écrit par : edgar | 04 novembre 2011
Ces citations sont effectivement extrêmement choquantes et je m'insurge ! ;-)
Ceci dit :
* la reformulation de la phrase de M. Sarkozy (si ça phrase d'origine est en petit caractère) exagère son propos. La phrase en petits caractères, avec le côté caricatural auquel M. Sarkozy nous a hélas habitués, peut être interprétée, en étant très généreux, dans le sens suivant : "la démocratie, ce n'est pas seulement suivre l'opinion au jour le jour ; c'est aussi établir et respecter des règles et un cadre institutionnel : l'un ne peut aller sans l'autre. Le cadre institutionnel européen fait partie des conditions qui permettent la vie démocratique".
Bon… mais je ne suis pas du tout sûr que tel était le fond de sa pensée ;-)
* la phrase de Mme Merkel serait effectivement choquante, mais la traduction en serait-elle responsable ? Par exemple, l'expression "pour autant" est la quintessence de la novlangue énarchique française (qui permet d'enchaîner des assertions qui partiraient dans des directions différentes, sans expliciter la nature de la relation entre elles). J'ai cherché dix bonnes minutes ;-) , mais en vain, la version originale. L'auteur, étant journaliste, la trouvera peut-être plus aisément que moi ;-)
Écrit par : FrédéricLN | 05 novembre 2011
Pour la première phrase, il s'agit d'un condensé des deux phrases indiquées en petits caractères. M. de Boissieu a eu l'honnêteté de préciser d'où venait son "[La démocratie c'est si]" du début de citation.
M. Sarkozy a fait une équivalence stricte entre "la démocratie" et "l'Europe efficace" après avoir précisé que "l'Europe efficace" c'est "si la classe politique, opposition comme majorité, des pays européens est d'accord pour jouer le jeu des règles européennes". Le raccourci utilisé ici n'est donc pas spécieux.
Écrit par : Brath-z | 06 novembre 2011
Le problème est mal posé. Il ne s'agit pas de savoir si l’Europe est au dessus de la démocratie ou le contraire. Le problème c'est : le référendum peut-il être assimilé à la démocratie. Il fut un temps ou le l'on accusait le général De Gaulle de dérive plébiscitaire et l'on avait raison. Dans un référendum on ne répond qu’accessoirement à la question posée surtout quand elle est complexe ou renvoie à des problèmes complexes, on répond à celui qui pose la question et tout change alors. Dire qu'un référendum est un instrument fiable de la démocratie c'est se faire une idée réductrice de la démocratie. Le référendum est un gadget démocratique s'agissant de telles questions et d'ailleurs on l'a bien vu.
Écrit par : R.FERRETTI | 07 novembre 2011
Bonjour,
Je ne partage pas du tout votre point de vue sur le référendum. Et je pense au contraire que l'exemple de la campagne référendaire de 2005 a prouvé que les Français se sont vraiment saisis de la question et ont voté en conscience.
Cordialement.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 07 novembre 2011
Le référendum a des défauts, mais il s'agit d'une procédure démocratique par définition.
Écrit par : Brath-z | 07 novembre 2011