Marine Le Pen: la rechute antirépublicaine (19 octobre 2011)
Au coeur de la problématique de la dédiabolisation (ou pas) du FN se trouve la question de sa conception de la nationalité française.
Depuis plusieurs mois, tournant le dos au discours frontiste sur les "Français de souche", Marine Le Pen tente ainsi de démontrer qu'elle s'en tient à la distinction républicaine et juridique entre Français et étrangers, et qu'elle ne trie donc plus les "vrais" des "faux" Français. Martelant pas exemple que "la préférence nationale ce n'est pas la préférence raciale". Ce qui est bien entendu exact, puisque la nationalité française n'est pas fondée sur une race supposée ou sur une couleur de peau.
Patatras: la fille de Jean-Marie Le Pen vient de faire une rechute.
Au sujet de son opposition à la binationalité, la présidente du FN a en effet déclaré la phrase suivante sur le site 2012etvous:
"Je pense que l'Europe est une civilisation. Je lutte beaucoup contre l'Union européenne mais nous sommes des Européens et peut-être on pourrait faire une exception pour la binationalité entre pays européens"
Il s'agit en apparence d'une ouverture "européenne" au sein du nationalisme de Marine Le Pen. Mais il s'agit en réalité d'un retour à une conception identitaire et extra-politique de l'appartenance nationale, puisqu'elle ne parle pas des ressortissants des États membres de l'Union européenne, juridiquement liés par une "citoyenneté européenne", mais "des Européens" rattachés à une "civilisation" européenne (avec quel fondement identitaire? la géographie? la religion chrétienne? le "type européen" au sens de "caucasien" ou "blanc de peau"?).
Après avoir affiché le ralliement à sa candidature de gaullistes et de républicains de gauche, faut-il y voir l'influence persistante dans son entourage de conseillers issus de la "nouvelle droite" ethno-différentialiste et européiste?
[Ajout 22/10: je vous invite à lire la note suivante, publiée trois jours après la mienne et qui va dans le même sens: http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2011/10/22/marine...]
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Commentaires
Plutot que d'inspecter les phrases de Marine le Pen que proposez vous sur ce probleme de la binationalité qui est un vrai probleme ?
Écrit par : Maxime | 19 octobre 2011
C'est mon rôle de journaliste de suivre (et non d'"inspecter") ce que disent les personnalités politiques que je suis puis d'analyser leurs propos.
Sur votre question, c'est aux politiques et non aux journalistes de formuler des propositions.
Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas une façon pour moi d'esquiver la question, car en tant que citoyen j'ai déjà livré ici mes réflexions sur le sujet de la binationalité:
http://www.ipolitique.fr/archive/2011/07/16/binationalite.html
http://www.ipolitique.fr/archive/2011/07/23/maitre-eolas.html
http://www.ipolitique.fr/archive/2011/07/23/eolas.html
Écrit par : Laurent de Boissieu | 19 octobre 2011
"Race blanche, religion chrétienne" ou les moeurs...Europe = bilinéarité, exogamie, monogamie, Afrique = patrilinéarité, polygamie, endogamie.
L'universalisme concret de type latin n'empêche pas un Allemand d'avoir la nationalité française ...mais un Sénégalais polygame?
Maintenant que nous sommes en contact avec toutes les cultures du monde, ce serait utile poser franchement les problèmes.
Écrit par : jardidi | 20 octobre 2011
Ici il y a un peu de mauvaise foi ou de procès d'intention dans votre approche, non ?
Outre les proximités culturelles historiques, le voisinage -il semblerait que nous ayons des frontières communes-, toutes choses qui, me semble-il, vont de soi, nous avons quelques liens institutionnels forts avec l'Europe (on pourrait penser à l'Euro par exemple), ne pensez-vous pas?
Dès lors réfléchir à un traitement particulier des européens est tout à fait normal. Je vous rassure, nombre d'entre eux sont noirs, jaunes ou arabes et, d'après la démographie, ce n'est pas prêt de cesser et ce n'est donc pas une question de couleur. De culture, oui!
Maintenant j'attends qu'au lieu d'excommunier vous me prouviez que j'ai plus d'affinités culturelles avec un burkinabé qu'avec un italien ou un suédois, ou que la proximité est identique!
Le politiquement correct tue toute réflexion critique et mélange allégrement les valeurs collectives (égalité) et l'intime (amitié) : ce n'est pas parce que je veux l'égalité que je dois donner mon amitié. Un jour le fait d'épouser une blanche/blonde/rousse, etc! sera jugé raciste et donc lepéniste.
Écrit par : Jean Monge | 21 octobre 2011
Jean Monge > Je ne sais pour vous, mais j'ai la nette impression que la France a plus de liens culturels et historiques aussi bien avec la Pologne ou le Maroc qu'avec la Lituanie ou l'Iran. Les voisins de la France sont aussi extra-européens, et tous les pays européens n'ont pas avec la France les liens particuliers entretenus par d'autres, comme ses voisins immédiats ou encore la Pologne ou la Serbie.
Écrit par : Brath-z | 21 octobre 2011
@Jean Monge: je ne partage absolument votre approche. Je me sens bien plus proche d'un Québecois que d'un Estonien. Et la France aurait autant intérêt à participer à une Union Méditerranéenne qu'à l'Union européenne (http://www.ipolitique.fr/archive/2008/07/13/union-mediterraneenne-pour-la-mediterranee.html). Les propos de Marine Le Pen seraient juridiquement cohérents (même si je ne les aurais tout de même pas partagés) si elle n'avait parlé que des "citoyens" européens, c'est-à-dire ressortissant des États membres de l'Union européenne, et non "des Européens", ce qui ne signifie strictement rien.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 22 octobre 2011