FN nouveau: info ou intox? (21 janvier 2011)
Le blogueur corto74 (découvert via L'Hérétique) a lancé mi-janvier une chaîne en posant à des blogueurs la question suivante: "Au nom de quoi, l'UMP doit-il rejeter toute alliance avec le FN?"
Poser cette question, c'est à mon avis commettre une erreur chronologique.
Le FN de Jean-Marie Le Pen (qui a siégé aux débuts de la Ve République dans le même groupe parlementaire que Valéry Giscard d'Estaing) se réclamait d'une "droite nationale" et, dans les années quatre-vingt, développait sur le plan économique et social un discours libéral, antifiscaliste et antiétatiste. Entre le FN d'un côté, et la droite de gouvernement de l'autre, la différence - notamment sur les questions d'immigration et de sécurité - était bien plus une différence de degré que de nature. À une exception fondamentale près: les "dérapages" et les condamnation de Jean-Marie Le Pen, à l'origine du "cordon sanitaire" faisant obstacle à tout accord national entre la droite et l'extrême droite, malgré à l'époque les appels de pied du FN.
Le FN de Marine Le Pen est bien différent. Pour résumer, il ne fait plus du Philippe de Villiers puissance dix mais du Jean-Pierre Chevènement puissance dix, renvoyant dos-à-dos la droite (UMP) et la gauche (PS), c'est-à-dire l''UMPS" (davantage intello, Chevènement parlait en 2002 de "Janus bifrons libéral-social et social-libéral" ou encore de "système du pareil au même"). Dorénavant, la différence n'est donc plus une différence de degré mais - en particulier sur les questions économiques et sociales - une différence de nature avec l'ensemble des partis ralliés au "consensus de Bruxelles" (libéral, européiste et atlantiste). Hier, Jean-Pierre Chevènement voulait remplacer le faux clivage droite-gauche par un vrai clivage entre "républicains" et "libéraux"; aujourd'hui, Marine Le Pen veut remplacer le faux clivage droite-gauche par un vrai clivage entre "nationaux" et "mondialistes", ses accents nationalistes-révolutionnaires l'ayant éloignée et non pas rapprochée de la droite libérale.
Conséquence logique: contrairement à Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen n'envisage pas d'alliance avec l'UMP (qui, à l'inverse du RPR et de l'UDF autrefois, n'a donc pas besoin de se demander s'il doit rejeter ou non toute alliance avec le FN).
Reste à savoir si le nouveau positionnement national-républicain du FN est ou non sincère (Laurent Pinsolle soulève également la question). Je vous propose trois tests:
1) Le social-étatisme développé par Marine Le Pen dans son premier discours de présidente du FN (qu'un Jean-Pierre Chevènement ou qu'un Jean-Luc Mélenchon n'auraient pas renié) est-il sincère? Je suspecte que non. Nouveau vice-président en charge du projet (et compagnon de Marine Le Pen), Louis Aliot a créé en mai 2010 Idées Nation, "club de réflexions, d'analyses et de propositions au service du projet et de l'action politique de Marine Le Pen". Or, parmi ses rares productions figure une critique de la "convention égalité réelle" du PS, critique sans ambigüité libérale et non sociale ("toujours plus d'État!", "dirigisme", "contre les locataires non pauvres", "toujours plus de dépenses!", "toujours plus d'impôts!", "la chasse aux riches"), par conséquent en contradiction avec la nouvelle orientation affichée par Marine Le Pen. Il conviendra donc d'analyser à la loupe sa future "révolution fiscale", car la fiscalité est le nerf de la guerre de toute politique sociale.
2) La définition par le FN de l'appartenance à la communauté nationale va-t-elle se républicaniser? Question clef puisque, comme je l'ai déjà écrit, c'est dans cette définition que se niche le racisme d'extrême droite (depuis Charles Maurras dénonçant l'"anti-France": "Juifs, Protestants, Maçons, Métèques"). D'un côté, dès 2007 Marine Le Pen présentait la candidature de son père comme celle "débarrassée des spécificités religieuses, ethniques ou même politiques" (Le Figaro, 12/12/2006), réaffirmant encore aujourd'hui qu'elle ne possède pas "une vision ethnique de la nation" (Causeur, janvier 2011). De l'autre, elle assume l'expression discriminatoire "Français de souche", aux antipodes du principe républicain d'égalité entre tous les citoyens car opérant une distinction entre eux en fonction de leur origine (pour les démographes de l'Ined, le Français de souche est celui qui n'a pas au moins un de ses grands-parents immigré).
3) La laïcité: le FN doit encore prouver qu'il défend véritablement la laïcité républicaine et qu'il ne s'agit pas seulement d'un cache-sexe de l'islamophobie (la xénophobie dérivant alors de la couleur de peau - les noirs et les arabes - vers la religion).
En réalité, tout dépendra selon moi de la tonalité de la campagne présidentielle:
1) Si la thématique sécuritaire l'emporte: retour au FN version Jean-Marie Le Pen, c'est-à-dire à la droite de la droite, le principal concurrent de Marine Le Pen étant Nicolas Sarkozy pour séduire l'électorat sensible à cette thématique.
2) Si la thématique sociale l'emporte: éclosion du FN version Marine Le Pen, c'est-à-dire d'alternative à la droite et à la gauche, les principaux concurrents de Marine Le Pen étant les partisans comme elle d'une "autre Europe" ou d'une "autre politique" (les deux allant de paire), de Jean-Luc Mélenchon à Nicolas Dupont-Aignan en passant par Jean-Pierre Chevènement.
Dans cette hypothèse, la principale erreur du microcosme politico-médiatique parisien serait de maintenir le "cordon sanitaire" autour du FN non plus sur le fondement de ce qui fait la spécificité de l'extrême droite (dérapages, définition xénophobe voire raciste de l'appartenance à la communauté nationale) mais sur le fondement de la non-appartenance au "cercle de la raison" défini il y a déjà longtemps par Alain Minc. Bref, de jeter dans les bras de l'extrême droite (cf. l'évolution du blogueur Malakine) les 55% de Français qui ont voté en 2005 contre le traité constitutionnel européen. À moins qu'entre-temps l'Europe libérale et la "mondialisation heureuse" (encore Minc!) prouvent subitement leur efficience économique et sociale ainsi que leur compatibilité avec l'identité constitutionnelle de la France, à savoir la République indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Enfin, il convient de souligner deux choses:
1) Marine Le Pen ne cesse de répéter qu'elle reprend tout l'héritage du FN (donc également ses composantes historiques et les dérapages de son prédécesseur).
2) La préférence nationale réserve en quelque sorte le nouveau "social-étatisme" du FN aux seuls Français, en excluant tous les étrangers (même en situation légale).
[Ajout: on vient de me signaler sur le blog de Jean-Luc Mélenchon un billet qui complète parfaitement mon analyse]
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Commentaires
Merci pour le lien ! Découvrir un blog, c'est bien, le suivre c'est mieux :)
Ceci dit excellent billet !
cordialement
Écrit par : corto74 | 21 janvier 2011
Je ne comprends pas bien la référence à mon évolution. Pour ma part, j'ai senti depuis très longtemps l'évolution de MLP vers les thématiques républicaines ce pourquoi j'ai voulu lever l'ostracisme, ce que notre ami Laurent Pinsolle ne se résout toujours pas à faire.
Le but n'est pas de jeter les nonistes dans les bras de l'extrême droite, un concept d'ailleurs dépourvu de sens, comme ce billet le montre très bien même si c'est à la forme interrogative. Le but c'est d'ouvrir la voie à une coalition incluant le FN pour parvenir à une alternative crédible et rassurante.
Ce qui va jeter dans les bras du FN les électeurs nonistes de 2005, ce n'est pas l'attitude de ceux qui comme moi ressentent sympathie et bienveillance pour Marine, mais ceux qui rejettent tout rapprochement avec elle quand bien même elle partage l'essentiel de leurs idées.
A part ça, excellent papier.
Écrit par : Malakine | 21 janvier 2011
Bonjour Laurent
Il y a tout de même un héritage que Marine Le pen assume. Je veux bien croire qu'elle-même ne soit pas douteuse (j'en ai même quelques preuves via une amie avocate qui l'a eue comme partie adverse, elle est très correcte), mais le gros de ses troupes véhicules des thèses vichystes et négationnistes.
Il ne faudrait pas réduire la lutte contre le FN à la seule fracture de 2005, elle va bien au-delà.
Surtout, comme vous le soulignez, le discours du FN est truffé de contradictions : d'un côté, il revendique une forme d'individualisme-libéralisme d'obédience Far West, de l'autre il réclame des interventions de l'État. Il faudrait savoir sur quel pied danser.
Écrit par : l'hérétique | 21 janvier 2011
@Laurent de Boissieu
Comme l'a justement rappelé Malakine les électeurs n'appartiennent à aucun parti et possèdent une indépendance de jugement dans les moments importants, on l'a vu en 2005 et ceci malgré une campagne à sens unique pro TCE de la quasi totalité des partis avec en plus l'aide des médias.
Le fait de condamner MLP de manière arbitraire en faisant référence à l'histoire du FN, n'enverra pas automatiquement les électeurs concernés, je pense aux souverainistes, vers le vote MRC de Chévènement ou DLR de Dupont-Aignan. Idem pour les partisans de l'écologie politique qui pourraient être séduits par le discours anti consumériste du FN inspiré par Laurent Ozon.
Je crois donc que l'UMP et le PS devront convaincre et trouver de bons arguments pour s'opposer à ceux de MLP, ce qui sera difficile sur beaucoup de sujets. Il ne suffira plus de crier au loup pour éloigner les nouveaux électeurs potentiels du FN. La présidentielle de 2012 peut marquer dans les urnes la fin du clivage traditionnel gauche-droite ? Je l'espère en tout cas puisque nous aurions enfin un vrai débat comme sur le TCE.
Écrit par : Santufayan | 21 janvier 2011
@Malakine: effectivement, c'est davantage le FN que Malakine qui a évolué :)
@l'hérétique: "réduire la lutte contre le FN à la seule fracture de 2005" serait justement la principale erreur du microcosme politico-médiatique parisien; or, j'en sens la tentation pour toute une partie de ce microcosme qui n'est pas loin de considérer qu'être souverainiste ou protectionniste est autant condamnable qu'être xénophobe ou raciste.
@Santufayan: je ne crois pas avoir condamné MLP "de manière arbitraire en faisant référence à l'histoire du FN"; je crois bien au contraire avoir listé des interrogations et apporté des débuts de réponse de la façon la plus honnête possible.
@Malakine et @Santufayan: je sens bien l'interrogation dans les milieux républicains-souverainistes, que je résume ainsi: "à partir du moment où MLP aligne le FN sur nos idées, pourquoi ne pas s'allier avec lui?". C'est tout le débat entre Malakine (pour une alliance) et Laurent Pinsolle (contre).
Pour résumer ma pensée: je ne suis pas certain de l'adhésion sincère de tout le FN (y compris dans l'entourage de MLP) à la ligne sociale-étatiste-protectionniste; le FN reste plus qu'ambigu sur la question de la définition de l'appartenance à la communauté nationale (le FN ne pourra sortir de cette ambiguïté qu'à ses dépens, avec une scission de tous ceux qui en ont une définition antirépublicaine); je trouve douteux le soudain attachement à la laïcité (cache-sexe de l'islamophobie?).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 21 janvier 2011
Le clivage gauche-droite est celui des classes moyennes girondines ou fonctionnaires des PS et EE face aux classes moyennes latines ou du secteur privé choisissant l'UMP. Les classes populaires du Bassin parisien ont aujourd'hui un lideur et vont obliger les classes moyennes à s'unir pour peser. Si le FN républicain perce alos le PS et l'UMP s'uniront.
On peut présenter le virage républicain de Lepen d'une autre façon. Les 12 % de 2007, les fidèles, se seraient recrutés essentiellement dans les classes populaires, qui sortent du racisme. Marine Lepen qui veut le pouvoir est poussée à diminuer la thématique raciste et à parler social .
Écrit par : Jardidi | 22 janvier 2011
@Laurent de Boissieu
Je suis d'accord avec l'intégralité de votre article y compris les deux derniers points soulignés 1) et 2). La plupart des commentateurs sur les blogs de Malakine et Laurent Pinsolle ont d'ailleurs pointé la préférence nationale comme le grain de sable qui empèche le FN d'être vraiment respectable au sens de l'égalité devant la loi, un des fondements de notre République.
Le fait de "condamner MLP de manière arbitraire en faisant référence à l'histoire du FN" ne s'adresse pas à vous, il est vrai que mon post précédent pouvait être interprété dans ce sens.
@Jardidi
Je suis d'accord à 100%. L'abandon de la thématique raciste et de la préférence nationale (Cf nationalité) est un pré requis à l'élargissement de l'électorat potentiel du FN. Hors le virage a été pris en direction de l'emploi, du social mais aussi de l'écologie par le biais de la relocalisation industrielle et des valeurs anti consuméristes. C'est donc un point de passage obligé à terme pour 2017, 2022 si MLP est sincère dans son intention d'accéder au pouvoir.
Personnellement, je crois que MLP est sincère mais qu'elle ne pourra rien changer profondément tant que JMLP tiendra les finances et que d'autre part le parti sera noyauté par les proches de M. Gollnish partisan de la "droite nationale". Hors justement il faudra bien transcender le clivage gauche-droite pour contrer efficacement l'alliance UMP-PS au 2ème tour.
Écrit par : Santufayan | 22 janvier 2011
@Santufayan. La question de la préférence nationale est plus complexe (et diverse) qu'elle n'y paraît.
Le fait que la République "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion" n'interdit en effet a priori pas une inégalité des droits entre, d'un côté, les citoyens (nationaux) et, de l'autre, les non-citoyens (étrangers); cette distinction existe d'ailleurs déjà en ce qui concerne le droit électoral ou encore l'accès aux emplois publics.
En revanche, ce qui est incompatible avec la République, c'est lorsque le FN opère une distinction entre les citoyens, entre les Français, en fonction de leur origine ("Français de souche"). Mais c'est une autre question que celle de la préférence nationale.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 22 janvier 2011
Bonjour,
Je suis tout à fait d'accord avec votre analyse. Me revendiquant moi-même nationaliste ("de gauche" par tradition familiale et "robespierriste" en référence à la Montagne de 1792-1794), je me suis toujours enorgueilli de n'avoir jamais été tenté par le vote FN jusqu'à présent. Les thématiques ultralibérales et les tentations xénophobes (quoiqu'après tout, un peu de xénophobie chauvine vaut mieux, de mon point de vue, que le multiculturalisme) du FN non seulement dans les déclarations "choc" de JMLP mais aussi et surtout dans les programmes du parti me semblant peu compatibles avec un véritable désir d'agir pour la défense et l'épanouissement de la Nation française (je réfute l'idée selon laquelle la France serait, à l'instar de l'Allemagne, un "état-nation" : pour moi, la France est une Nation dotée d'un "état national", ce qui est radicalement différent).
Je regrette qu'au Front de Gauche et au Parti de Gauche subsistent les tentations de diabolisation morale du FN, et qu'on y proscrive et dévalorise toujours l'épithète "nationaliste".
Pour ce qui est de la référence fréquente aux "français de souche" et aux "français de branche" (j'attends toujours d'éventuels "français de feuille" et "français de racine"), je ne me l'explique que par l'attitude ambiguë du FN vis-à-vis de la "classe politique" : marginalisé par le "cordon sanitaire", ce parti se positionne à la fois comme acteur et observateur de la vie politique. Aussi y trouve-t-on fréquemment des termes et des considérations qui, politiquement parlant, ne sont pas acceptables en République (distinction des citoyens en catégories) mais ont une certaine pertinence pour les sociologues, anthropologues, etc. (ex : les démographes de l'INSEE).
Écrit par : Brath-z | 24 janvier 2011
Je vais être très simpliste, mais souverainisme ou pas, social-étatisme ou pas, la question d'une alliance avec le FN ne doit pas se poser.
* Ce parti est dangereux dès son origine. Par ses travaux de recherche, Laurent le sait mieux que moi : il été fondé par une poignée de vieux briscards d'extrême-droite passée pour certains par Vichy et la collaboration.
* Ce parti rassemble certes moult braves citoyens radicalisés (classes moyennes se sentant en danger, classes populaires passées du stalinisme populiste façon Georges Marchais au populisme nationaliste façon JMLP, bourgeoisie traditionnelle attaquée dans ses valeurs depuis "mai 68"), mais aussi un noyau dur d'authentiques fachos, skinheads, racistes, etc. aux côtés de qui il est dangereux (pour la démocratie) et déshonorant de militer.
* Ce parti a assumé des propos scandaleux de ses chefs (blagues antisémites de JMLP, ou de cadres ou d'élus tel Autant-Laura juste après son élection sur une liste FN en 1989 "quand on me parle de génocide, je dis, en tout cas, ils ont raté la mère Veil ! ») et a assuré la promotion d'idées qui franchissaient la ligne rouge.
Toute négociation de souverainistes/étatistes avec un autre parti nationaliste qui n'aurait pas de telles caractéristiques serait parfaitement possible, mais PAS avec le FN. Par pitié !
Écrit par : Libéral européen | 24 janvier 2011
Libéral européen > Je conteste la pertinence de deux des trois points que tu as mentionné. Les deux premiers.
"Ce parti est dangereux dès son origine. (...) il été fondé par une poignée de vieux briscards d'extrême-droite passée pour certains par Vichy et la collaboration."
D'abord, mon indécrottable optimisme en la nature humaine me conduit à penser que même une ordure peut s'amender sincèrement. Si j'eusse été prêtre, j'eusse pu absoudre Hitler lui-même, pour peu qu'il se fusse amendé sincèrement de ses crimes passés.
Ensuite, je n'aime pas les critères disqualifiants de ce genre. Je sais pour avoir (brièvement) étudié la question que même dans la collaboration, même dans le collaborationnisme (qui est plus fort que la simple collaboration car il suppose une adhésion partielle ou totale aux thèses nazies), il y a eu des gens qui pourraient être des modèles d'intégrité. L'ouvrage de vulgarisation historique d'Alain Decaux "Mourir pour Vichy" est à cet égard éclairant. Tout ça pour dire qu'a priori, je ne pense pas que ce genre de critère suffise à disqualifier un mouvement, politique ou autre.
"Ce parti rassemble (...) aussi un noyau dur d'authentiques fachos, skinheads, racistes, etc. aux côtés de qui il est dangereux (pour la démocratie) et déshonorant de militer."
Je ne peux que t'engager à habiter quelques temps dans mon petit coin de Brie d'origine : tu y verras des skinheads racistes du MoDem qui organisent des "battues" pour vider les "nègres" des boites de nuit miteuses de ma cambrousse (et qui votent Alain Dolium aux régionales, comme quoi quand on est c*n, ça ne souffre pas la contradiction). Et ma mère qui a longtemps été militante à la LCR m'a raconté qu'il y avait un certain nombre (très minoritaire, mais quand même) de militants qui tenaient, aux réunions, des propos racistes et homophobes (du genre "on devrait castrer les pédés et foutre les bougnoules à la mer"). Ceci m'amène à penser qu'on trouve ce genre d'opinions et même d'agissements violents chez des militants de tout le spectre politique. Certes, je veux bien admettre que des mouvements tels que le FN ou le MNR ont dans leurs rangs une plus importante proportion de ces énergumènes, mais je pense qu'aucun autre parti politique n'en est exempt (y compris le Parti de Gauche, auquel j'envisage de plus en plus sérieusement de m'inscrire). Aussi utiliser un tel argument me paraît peu judicieux.
Quant au troisième argument, c'est précisément l'une des deux raisons (avec le programme ultralibéral du FN) qui m'a jusqu'à présent empêché d'étudier l'éventualité de voter FN.
Écrit par : Brath-z | 24 janvier 2011
Bonjour Brath-z.
* J'ai aussi pas mal étudié la période et je reconnais sa très très grande complexité (les AF et cagoulards résistants, les collabos de gauche, les syndicalistes vichystes, les vieux anarchistes collabo du Cosi, le groupe trotskiste antistalinien de la LVF, les collabos républicains-franc-maçons de la LPF, les indépendantistes algériens du RNP, les communistes vichystes du POPF, les hésitations d'Henriot à rejoindre la résistance au milieu de la guerre, la fidélité au Vichy de 1940 de de Lattre, la légion SS musulmane bosniaque, etc).
Mais les fondateurs du FN sont des ex-(collabo/vichystes, etc.) non repentis. Par ailleurs, même si on peut comprendre les erreurs des hommes (qui porte leur sensibilité, leurs rêves, leurs utopies, leurs blessures, leurs regrets, leurs peurs, leurs espoirs..), on ne peut fonder un parti politique sur ces mêmes erreurs.
* Il y a des c*ns partout, d'accord avec toi. Mais force est de constater que, contrairement aux autres partis qui tentent plus ou moins mollement d'étouffer/limiter leurs dérives, le FN, lui, a volontairement attisé des comportements racistes bêtes et méchants chez pas mal de monde et "libéré" la parole (au sens négatif du terme).
Au total, si le FN a vraiment changé (oui, je reconnais qu'on peut évoluer, les parcours politiques de 1920 à 1950 l'attestent), il lui faut une refondation complète :
* Nouvelle doctrine clairement démocratique.
* Rupture avec l'histoire, les idéologies dangereuses (style néopaïens grecistes du FNJ) et les allusion lourdes.
* Renouvellement des cadres (c'est peut être en cours, je ne sais pas).
* Révision des alliances internationales.
...
* Et, pour marquer une rupture nette et définitive, changement de nom.
Écrit par : Libéral européen | 24 janvier 2011
Libéral européen > Autant je peux tout à fait être d'accord avec ceci :
"Au total, si le FN a vraiment changé (oui, je reconnais qu'on peut évoluer, les parcours politiques de 1920 à 1950 l'attestent), il lui faut une refondation complète :
* Nouvelle doctrine clairement démocratique.
* Rupture avec l'histoire, les idéologies dangereuses (style néopaïens grecistes du FNJ) et les allusion lourdes.
* Renouvellement des cadres (c'est peut être en cours, je ne sais pas).
* Révision des alliances internationales."
à quelques nuances près (je préfèrerais une doctrine "républicaine" à "démocratique" et je n'aime pas voir condamnée les "allusions lourdes", mais ça c'est peut-être parce que j'ai moi-même un humour particulièrement grinçant et qui peut choquer), autant je trouve déplacée l'incitation à changer de nom. Après tout, "Front National" est une marque. Tu imagines obliger le PCF à changer de nom parce qu'il a soutenu le pacte germano-soviétique, les sabotages en usines en 1940 (ce qui relève de la haute trahison) et a été stalinien de 1928 à 1975 ? Mais bon, tu seras peut-être exaucé : il paraît que la fille Lepen veut à terme rebaptiser le parti "Mouvement National".
Écrit par : Brath-z | 24 janvier 2011
@Libéral européen
Au sujet de la refondation complète ... si on met bout à bout toutes ces exigences cela revient à faire disparaitre le FN. Il ne manque plus qu'à remplacer MLP par NDA et DLR se retrouverait à 20% au 1er tour de la présidentielle :-)
Par contre, plus sérieusement j'approuve sans réserve l'idée d'un changement de nom car si en général le nom d'un parti est un atout, dans le cas du "Front National" l'effet marque est plutôt un poids. D'autres grands partis ont fait ce changement dans un passé récent et cela n'a ni été un avantage ni un inconvénient. Le RPR est devenu l'UMP puis l'UDF est devenu le Modem avec dans les 2 cas un changement de périmètre plutôt que d'orientation politique. Mais je doute que JMLP apprécie que sa fille rebaptise le Paquebot FN à peine arrivée aux commandes ! A terme pourtant cela me parait inévitable ainsi qu'une bonne purge parmi les nostalgiques du FN "canal historique".
Écrit par : Santufayan | 24 janvier 2011
Je vais être à mon tour extrêmement simpliste mais l'alliance du FN avec n'importe quel grand parti démocratique du système politique français m'apparaît absolument inimaginable.
Marine Le Pen aura beau maquiller l'islamophobie de son parti en volonté d'affirmation de la laïcité, elle aura beau clamer haut et fort sa volonté républicaine de former la "communauté nationale", elle n'en demeure pas moins la représentante d'un parti opposé aux valeurs fondatrices de la France que sont les droits de l'homme.
L'existence même de la notion de "préférence nationale" (terme politiquement correct pour désigner une réalité bien moins acceptable qui suppose une inégalité criante entre différents types de résidents en France) est incompatible avec les valeurs humanistes portées par les philosophes des lumières. Il suffit de consulter le programme du FN concernant l'immigration pour se rendre compte de la gravité des mesures proposées.
Écrit par : Moanag | 25 janvier 2011
A tous ceux qui imaginent d'éventuelles alliances de républicains avec le FN, je rappelle que le FN a été fondé, et conserve parmi ses cadres et militants les plus actifs, des "groupuscules radicaux", des "catholiques intégristes, [des] pétainistes et [des] obsédés de la Shoah." Les observateurs politiques le savent bien et Marine Le Pen l'a elle-même reconnu le mardi 7 décembre 2010, sur Canal+.
Une coalition informelle anti-démo-libérale style Front de gauche-FN-souverainistes fait peut-être faire rêver certains. Mais l'expérience des années 1930 devrait pousser à un minimum de prudence. Ca a quand-même tourné au cauchemar.
Au passage, merci Moanag de ton commentaire qui va globalement dans le sens du mien (même si, pour moi, la préférence nationale, basée sur un critère juridique et non ethnique, peut avoir être un critère pertinent dans beaucoup de cas).
Écrit par : Libéral européen | 26 janvier 2011