Le mode de scrutin au cœur des débats sur la réforme territoriale (25 mai 2010)
L'Assemblée nationale a commencé ce mardi l'examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Par rapport à celui voté au Sénat, le texte a déjà été modifié en commission sur une question controversée : le mode de scrutin des futurs conseillers territoriaux.
Un débat riche en propositions, malgré le mutisme du PS. "Nous remettons en cause la création du conseiller territorial, donc tous les modes de scrutins qui y sont associés", explique en effet le député socialiste Bruno Le Roux (1).
Quel est le mode de scrutin proposé ?
La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté mercredi dernier un amendement présenté par le gouvernement précisant que les conseillers territoriaux seront élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours (comme les actuels conseillers généraux).
Deux questions ne sont toutefois pas encore tranchées.
D'une part, un autre amendement autorisant le gouvernement à arrêter par voie d'ordonnance le nombre de conseillers attribués à chaque conseil régional et à chaque conseil général a été rejeté. Or cette question oppose l'exécutif aux élus de la majorité, ces derniers estimant que l'objectif de 3.000 conseillers territoriaux (contre 6.000 conseillers généraux et régionaux) diminuerait trop la représentation des territoires ruraux.
D'autre part, les conditions d'accès au second tour n'ont pas été détaillées. Dans l'actuel mode de scrutin des conseillers généraux, les candidats doivent obtenir au moins 10% du nombre des électeurs inscrits. Or le gouvernement pourrait suggérer de relever ce seuil pour les conseillers territoriaux.
Désireux d'aller encore plus loin dans la bipolarisation, l'UMP propose carrément que le second tour n'oppose que les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages (comme à la présidentielle). Ce qui aurait pour effet de laminer davantage les partis, comme le MoDem ou le FN, qui ne s'allient ni avec l'UMP ni avec le PS.
Quelles sont les autres propositions ?
Toutes les propositions alternatives ont à l'inverse pour but de renforcer l'"expression du pluralisme politique" à travers une dose plus ou moins forte de proportionnelle.
L'exécutif lui-même avait originellement songé à un mode de scrutin mixte : 80% des conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et 20% à la proportionnelle des voix non utilisées.
S'il est favorable au scrutin majoritaire à deux tours et non à un seul, le Nouveau centre exige en revanche le retour à cette mixité, tout en restant ouvert sur la nature de la dose de proportionnelle. "En l'état, les députés centristes ne peuvent apporter leur soutien au projet de loi", a martelé le président du groupe, François Sauvadet.
Présidente de la délégation aux droits des femmes, l'UMP Marie-Jo Zimmermann reprend ainsi l'idée de Dominique Perben (UMP) en 2009 : un scrutin proportionnel de liste à un tour dans les grandes agglomérations, afin de "préserver les acquis de la parité", et un scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans les cantons ruraux.
Davantage proportionnalistes, les Verts ont déposé un amendement en faveur d'un scrutin proportionnel de liste à deux tours avec prime majoritaire (comme aujourd'hui aux élections régionales et aux municipales dans les communes de plus de 3.500 habitants).
Le MoDem de François Bayrou (2) souhaite, lui, importer le mode de scrutin allemand où chaque électeur dispose de deux voix : une pour un mandat uninominal (majoritaire) et l'autre pour un mandat de liste (proportionnel). Ce système reviendrait de fait à la proportionnelle simple voulue par le PCF, puisque c'est la voix proportionnelle qui détermine pour l'essentiel la répartition des sièges entre les formations politiques.
Laurent de Boissieu
La Croix, 25 mai 2010
(1) ce mutisme peut s'expliquer par le fait qu'en terme de mode de scrutin le PS, premier parti à gauche, possède grosso modo les mêmes intérêts que l'UMP, premier parti à droite
(2) François Bayrou semble avoir hésité avec un mode de scrutin mixte : 70% des conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et 30% élus à la proportionnelle des voix non utilisées
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Commentaires
Une sacrée tambouille en perspective, cette affaire !
Mais je me demande, outre le nombre de conseillers généraux et régionaux que certains estiment trop élevé, qu'est-ce qui est reproché à l'actuel mode de scrutin par chacun ?
Écrit par : Brath-z | 26 mai 2010
En fait, il n'y a pas vraiment d'"actuel mode de scrutin" puisque les conseillers généraux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et les conseillers régionaux au scrutin de liste proportionnel : en fusionnant les uns et les autres (futurs conseillers territoriaux), il faut bien choisir un mode de scrutin !
Écrit par : Laurent de Boissieu | 26 mai 2010
Bonjour
je trouve toujours désastreux que les politiques en France (la majorité quelle que soit sa couleur en l'occurence) ne mettent ces questions sur le tapis qu'entre deux élections. On tombe alors forcément dans la partialité.
A mon avis on ne peut pas dans une démocratie moderne mettre de coté la question de la "représentatitivité" et continuer à élire éternellement des assemblées de "vieux hommes blancs", soit professions libérales soit fonctionnaires.
seule la proportionnelle permet de corriger ce "plus petit dénominateur commun" qu'engendre le scrutin majoritaire.
Comme il est bon que puissent aussi se dégager des majorités absolues ou relatives il faut aussi conserver l'effet amplificateur de l'opinion que procure à contrario le scrutin majoritaire.
En conséquence le scrutin "idéal" ne peut pour moi être que mixte. Et pour qu'un élu ne pèse pas plus qu'un autre au niveau du nombre de citoyens qu'il est censé représenter, la bonne proportion ne peut être mathématiquement qu'un scrutin mixte à 50% de majoritaire et 50% de proprotionnelle. Tout le reste me parait arbitraire, bancale au niveau représentativité et trop complexe aux yeux de l'électeur. Le bipartisme c'est un monde en noir ou blanc qui nous est imposé. La vie c'est plus subtil.
Écrit par : zapataz | 26 mai 2010
La seule chose qui me dérange dans les scrutins mixtes, c'est que tous les députés ne sont pas élus de la même façon sur le même territoire. Je crains par ailleurs que la mixité 50/50 que vous proposez ne permette pas de dégager une majorité à l'issue du vote; bref, retour aux combinaisons post-électorales entre les partis...
Écrit par : Laurent de Boissieu | 26 mai 2010