Le PS lance son "offensive de civilisation" contre Nicolas Sarkozy (30 avril 2010)
Le "socle" du projet du PS a été adopté, cette semaine, à l'unanimité, par le conseil national du parti. Il sera ensuite voté - et éventuellement amendé - par les adhérents le 20 mai puis définitivement entériné par une convention le 29 mai. Le texte se présente comme une alternative à la politique sarkozyste, qualifiée de "brouillonne, injuste, inefficace, tantôt conservatrice, tantôt libérale, mais toujours de régression". Il affiche l'ambition de mener "une offensive de civilisation".
Social-écologie
Le "nouveau modèle" socialiste tourne autour de la notion de "social-écologie". Côté social, le PS redit sa volonté d'augmenter le Smic mais ajoute l'idée d'un "système de bonus-malus aux cotisations des entreprises en fonction de la conclusion ou non d'un accord salarial". Le parti dirigé par Martine Aubry entend, en outre, "réduire l'écart des rémunérations" grâce à "une proportionnalité entre les revenus à l'intérieur des entreprises". En ce qui concerne la gouvernance, le texte renoue avec le socialisme associationniste du XIXe siècle en proposant d'aller "vers la généralisation de la présence des représentants des salariés dans les conseils de surveillance des entreprises" et de développer les sociétés coopératives de production (SCOP). Côté écologie, il prône une "éco-conditionnalité des allègements de charges pour les entreprises et une TVA éco-modulable" ainsi qu'une "contribution climat-énergie". Contrairement à l'ancienne contribution carbone du gouvernement Fillon, celle du PS engloberait l'électricité (donc le nucléaire) et serait compensée par une "prime pour l'environnement" distribuée sur critère de revenus.
Industrie et entreprise
Le PS propose la création d'un "pôle public d'investissement industriel" et d'un "comité prospectif", ce dernier n'étant pas sans rappeler l'ancien Commissariat général du Plan gaulliste (supprimé par le gouvernement Villepin). Reste à savoir si la relance d'une politique industrielle ne serait pas considérée par la Commission européenne comme des aides d'État engendrant des distorsions de concurrence au sein du marché unique. Le texte envisage aussi d'"augmenter le coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes", d'instaurer "une obligation de remboursement des aides publiques reçues moins de cinq ans avant toute ouverture de procédure de licenciements ou de fermeture de sites" et de majorer les cotisations sociales des entreprises "employant un quota trop élevé de travailleurs précaires". Cette majoration permettra de financer une "sécurité sociale professionnelle" : chaque citoyen se verrait doté d'un "compte formation" inversement proportionnel à la durée de ses études. Sans surprise, le parti de Martine Aubry reviendra par ailleurs "sur les dispositifs ayant dégradé les 35 heures" ainsi que "sur la remise en cause du repos dominical".
Fiscalité
L'objectif de la "révolution fiscale" prônée par le PS est de revenir à une progressivité de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les successions. Cette progressivité, fondement de la fiscalité républicaine, a en effet été remise en cause par la droite depuis 1993 : diminution du nombre de tranches de l'impôt sur le revenu (gouvernements Balladur puis Villepin), bouclier fiscal (gouvernements Villepin puis Fillon) et quasi-disparition des droits de succession (gouvernement Fillon). Les moyens en sont le rétablissement d'une "véritable imposition sur le patrimoine" (mais les socialistes restent flous sur l'ISF) et une "fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG". Le texte précise que ce nouvel impôt sera prélevé à la source et devra "être rendu plus progressif que l'actuelle combinaison" des deux. Précision utile, étant donné que cette fusion est également voulue par Jean-François Copé (UMP), mais pas forcément selon les mêmes modalités... Le PS se fixe en outre comme but "le retour à l'équilibre budgétaire en période de croissance et la réduction de la dette publique et de la dette sociale". Un but qu'il devra cependant concilier avec son double souci de "consacrer davantage de ressources aux biens qui peuvent être partagés (éducation, santé, etc.)" et de ne pas alourdir le poids global des prélèvements fiscaux et sociaux.
Europe
Les nouvelles critiques du PS sur l'Europe obligent à remonter loin dans la construction européenne. Face à la "concurrence fiscale et sociale dans le marché intérieur" instaurée par l'Acte unique européen, signé en 1986 par François Mitterrand et Laurent Fabius, le parti dirigé par la fille de Jacques Delors oppose aujourd'hui "un nouveau contrat social européen" ...sans toutefois en préciser le contenu ! Plus concrètement, le texte suggère de distinguer "dépenses d'avenir" et "dépenses courantes" au sein du Pacte de stabilité et de croissance, approuvé en 1997 par Jacques Chirac et Lionel Jospin. Une vision proche de celle développée par Nicolas Sarkozy, sous l'impulsion de son conseiller Henri Guaino, lorsqu'il annonça son "grand emprunt national". Deux autres propositions remettent également en cause le traité de Maastricht, signé en 1992 par François Mitterrand et Pierre Bérégovoy : impulser une nouvelle politique monétaire prenant en compte "parmi ses objectifs la croissance et l'emploi et non plus seulement la stabilité des prix" et rétablir des "tarifs extérieurs communs spécifiques". Il s'agirait de fait de pratiquer un protectionnisme européen à travers la mise en place de "contributions sociales et environnementales". Enfin, le PS entend "tirer toutes les conséquences de l'instauration d'une monnaie unique" en préconisant l'émergence d'un "véritable budget européen appuyé sur un impôt européen et sur une capacité d'emprunt".
Laurent de Boissieu
La Croix, 29 avril 2010 (papier légèrement remanié pour mon blog)
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Commentaires
Le PS se dote enfin d'un socle idéologique cohérent. Ça fait du bien : depuis 2002, le parti ne cessait de tirer à hue et à dia.
Pour autant, ce n'est jamais là qu'un premier pas sur la voie d'une rénovation de la gauche. Le PS ne doit pas, à mon sens, s'endormir sur ses lauriers.
Un bon point tout de même : enfin le PS consent à considérer que la voie prise par la construction européenne avec son accord et même lorsqu'il était aux affaires n'est pas forcément la bonne. Encore un effort !
Écrit par : Brath-z | 30 avril 2010
Mr Nicolas sarkosy a annoncé sa démission hier soir pour le 5 Mai 2010 a 10h précise.
Il précise que l'état de son programme ne lui permet plus de continué son travail à l'élysée.
Écrit par : Romain | 01 mai 2010
Le programme du PS consisterait-il donc à défaire tout ce qu'il a fait pour implanter le néolibéralisme en France via la funeste "construction européenne"?
Peu crédible...
Écrit par : Claude | 01 mai 2010
@Claude. On peut effectivement s'interroger sur la crédibilité d'un programme consistant à renier toute son action gouvernementale depuis 1985 (et même 1983)...
Il est d'ailleurs paradoxal de voir aujourd'hui le PS adopter cette ligne antinéolibérale et antimonétariste alors qu'il a progressivement perdu le gros de ses défenseurs (minoritaires), de Chevènement en 1992 à Mélenchon en 2008.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 01 mai 2010
Grèce, euro, Union européenne. Souvenez-vous.
Manipulation, mensonge, morgue ou panique contenue ? Toute la plate-bande européiste verrouille la pensée unique. Traités de Maëstricht, de Lisbonne, création de l'euro ? Le terrorisme politico-intello-médiatique interdit d’évoquer le commencement de l’ombre d’un doute quelconque. Et pourtant, souvenez-vous...
Le social ? Souvenez-vous !
"Le traité de Maëstricht est le premier traité européen qui comporte un grand volet social"- M.Rocard, sept1992.
‘’Comment peut-on dire que l'Europe sera moins sociale demain qu'aujourd'hui? Alors que ce sera plus d'emplois, plus de protection sociale et moins d'exclusion..." Mme Aubry, discours à Béthune, 12sept1992. (en 2012 : quels autres sornettes et mensonges ?).
"J'aimerai convaincre chaque français que le traité d'union européenne se traduira en France par plus de croissance, plus d'emploi, plus de solidarité." M.Sapin, "Le Figaro" 20août1992.
"Pour la France, la monnaie unique, c'est la voie royale pour lutter contre le chômage", M.Sapin, sept 1992. (car, en plus, il insiste lourdement !).
"Chaque Etat conservera la maîtrise de sa politique budgétaire et fiscale, dans des limites qui ne seront pas plus étroites que celles d'aujourd'hui." M.Balladur, "Le Monde", 29avril1992. (étroite ? vous avez dit étroite ? Quelle vision !).
L’économie ? Souvenez-vous !
‘’On ne peut pas tout attendre de l’Etat. L’économie ne peut plus désormais être administrée.’’ M.Jospin- 12sept1999-FR2, plan de licenciement chez Michelin.
"Les Européens doivent apprendre à acheter leur vin en Australie ou en Californie, leur viande en Argentine ou au Mexique, leur blé en Ukraine ou aux Etats-Unis". M.Lamy, président OMC ! août 2003. (merci pour les Paysans français et vive l’écologie ! Pertes et profits : suicides).
"Ce que nous devons faire, c'est favoriser les délocalisations au sein de l'Europe". Danuta Hübner, polonaise, commissaire européen, février 2005.
"Les délocalisations sont des décisions que les entreprises peuvent et doivent prendre". M.Barroso, Président de la Commission européenne, février 2005. (avec la bénédiction de tous les gouvernements français, Gauche, Droite et syndicats confondus).
La démocratie ? Souvenez-vous !
"Il faut savoir que les pays ne peuvent plus faire ce qu'ils veulent". Pedro Solbes, espagnol, alors Commissaire européen, février 2001.
"Faire l'empire européen, tout le monde le veut !" Dominique Strauss-Kahn, juin 2004. (en 2012 : quelle autre utopie ? quel autre facétie ?).
"Ce référendum est une connerie. Nous avons fait la connerie de le demander et Jacques Chirac a fait la connerie de le convoquer". M.Strauss-Kahn, janvier 2005. (Serait-ce plus facile de dissoudre la France ? Le dire en 2012 !).
"Si la réponse est non, il faudra recommencer le vote car il faut absolument que ce soit oui !". M. Dehaene, ancien premier ministre belge, juillet 2004. (C’était sans compter l’entourloupe de M.Sarkosy et du Congrès pour trahir les Français).
"La Constitution européenne nous apportera un ministre des affaires étrangères qui nous permettra de parler d'une seule voix tout en gardant la nôtre". M.Copé, février 2005, (alors Porte-Parole du Gouvernement. Quel porte-voix !)
"Le traité de Maëstricht fait la quasi-unanimité de la classe politique. Les hommes politiques que nous avons élus sont tout de même mieux avertis que le commun des mortels !" Mme Badinter, septembre 1992.(une vraie démocrate ! rire ou pleurer ? mais elle sévit toujours et avec elle tant d’autres).
Soumission ou coopération ? Souvenez-vous !
"Pour faire l'Europe, il faut défaire un peu la France". M.Von Thadden, ancien coordinateur des relations franco-allemandes, juin 2001. (réactions de MM.Chirac et Jospin ? avachissement).
L’UE (laboratoire de la mondialisation furieuse) s’affirme toujours davantage pour ce qu’elle est : la connivence factuelle et sournoise des internationalistes et des capitalistes. Un agrégat d’idéologues. Comme M.Guiliani (fondation Schumann- Fr5-Cdans l’air- 3mai2010), ils jubilent ! certains de pouvoir imposer davantage de dictature supranationale à des populations désespérées et bâillonnées. Ils méprisent les Peuples, détruisent les Nations et neutralisent l’efficience des Etats.
Les Grecs aujourd’hui, demain beaucoup d’autres dont les Français, lobotomisés par quarante ans d’idéologies internationaliste et capitaliste, vont ré-apprendre deux réalités : la souveraineté et l’indépendance ennoblissent, responsabilisent et sanctionnent.
Elles sanctionnent- positivement ou négativement- en proportion du respect que l’on porte à ces deux valeurs universelles et salvatrices.
Castelin michel-13600 La Ciotat- 03mai2010
Écrit par : castelin michel | 05 mai 2010
Participation, plan...
Le Parti socialiste, enfin débarrassé du carcan marxiste qui l'a politiquement et idéologiquement étouffé jusque récemment (le programme commun de 1972 avait revivifié le marxisme à gauche), se cherche toujours une doctrine. Il pratique donc depuis 1983 un libéralisme honteux, en général tout juste assez social pour marquer sa différence avec la droite.
Il n'a pourtant qu'à puiser dans le très riche vivier du socialisme "utopique", républicain ou "indépendant", du solidarisme du 19e siècle, pour trouver plein plein d'idées et de référence de qualités (sans oublier, idéologiquement incontournables mais politiquement sulfureux, les néos et planistes socialistes des années 1930, dont un grand nombre, en voulant aller trop vite en matière de "révolution", sont tombés dans le fascisme et la collaboration avec les nazis).
Mais, pendant tout le temps perdu par la SFIO et la PS aux longues élucubrations marxistes (le temps perdu par Blum pendant l'entre-deux-guerre sur la question de l'exercice du pouvoir, le mollettisme absurde des années 1950 (discours marxiste, pratique de droite), les utopies révolutionnaires des années 1970 avec l'apologie de Cuba, de la Révolution culturelle maoïste ou des Khmers Rouges), la SFIO puis le PS se sont fait doubler dans leur réflexion sociale et doctrinale par la gauche (le PSU, les 68 ards, voire les écolos, etc.) mais aussi - paradoxalement - à droite, par les chrétiens sociaux et le gaullisme social !
Le marxisme une fois mort, le PS s'est trouvé idéologiquement tout nu. Après plus de 15 ans de nudité, il cherche enfin un début de doctrine. Et c'est donc naturellement dans le socialisme du 19e s (associationniste, coopératiste, utopique, solidariste) et dans les 3e voies du 20e s (christianisme-social, gaullisme, mendésisme) qu'il puise. Les gaullistes sociaux (j'en connais un authentique..), pourront donc ricaner à bon droit en répliquant au PS, comme à la fin d'une fable de La Fontaine : "Mais, celà fait 50 ans que je me bats pour ces idées qu'à l'époque, si ma mémoire est bonne, vous combattiez..."
Écrit par : Libéral européen | 10 mai 2010
"Le marxisme une fois mort" ! Libéral européen est le dernier à y croire : de nombreux économistes libéraux parlaient de Marx au plus fort de la crise en 2008 !
Par contre, ce sont les élucubrations européanistes sur l'Euro et les traités de Maastricht ou de Lisbonne qui devaient protéger l'Europe et ses emplois qui en ont pris un coup dans les dents !
L'effondrement des marchés de l'immobilier puis de la finance, la spéculation effrénée contre l'emploi et, maintenant, contre les Etats : le capitalisme dévore ses enfants.
Libéralisme et barbarie : la preuve par les faits.
Le libéralisme européen n'a produit que la désindustrialisation du continent (depuis la CECA), la course à la rentabilité financière, la baisse des protections sociales partout en Europe, une concurrence accrue entre pays et des délocalisations qui décuplent les besoins en transports donc la consommation en énergie fossile. Joyeux bilan !
Écrit par : Solidaire27 | 10 mai 2010
Solidaire27 > Le libéralisme en soi n'est pas le problème. Le problème est que le libéralisme existe dans un cadre qui n'est pas qu'économique, et qu'il s'agit en fait d'une arme économique utilisée sciemment ou inconsciemment, qui produit de nombreux dégâts, parfois imprévus. Et c'est un anticapitaliste qui le dis !
Par contre, je t'accorde que la "construction européenne" passant par l'économie chère à Schuman et consorts est une vaste mascarade, comme dirait Georges Marchais.
Écrit par : Brath-z | 11 mai 2010
Bonjour Solidaire27.
Je maintien mon affirmation : le marxisme est bien mort. Si tu veux, je vais préciser qu'il s'agit du marxisme politique (pour faire vite, c'est l'enchaînement des faits suivants : parti d'avant-garde du prolétariat-révolution violente-dicature du prolétariat contre la bourgeoise-destruction de l'ordre ancien, de la famille et de la propriété-centralisation de l'économie entre les mains de l'Etat pour atteindre la suproduction industrielle et le "chacun selon ses besoins"-puis dépérissement de l'Etat pour atteindre l'état "anarchique" d'une fédération mondiale de communes libres).
Il est vrai en revanche qu'un certain nombre des analyses économiques de Marx (théorie de la valeur, etc.) sont toujours lues par la petite communauté des économistes et rentrent dans le cadre de la pensée économique "classique". Mais, hors les économistes, personne ne s'y intéresse plus (comme pour Adam Smith).
Une précision : pendant la crise, ce n'est pas Marx qui a été réhabilité, mais Keynes, ce qui n'est pas la même chose.
Concernant le libéralisme, il est évident que la déréglementation et le développement d'une industrie financière autonome de l'économie "réelle" ont été les causes de la crise et que le libéralisme a une fois de plus montré là ses limites (même si l'analyse libérale de la crise, qui met en cause la politique laxiste ("keynésienne" pour faire très vite) de la Fed, qui a nourri la bulle spéculative, comporte aussi une part de vérité).
En revanche, je ne peux te laisser accuser le libéralisme de la désindustrialisation de l'Europe sans préciser que le libéralisme est aussi la cause majeure de l'industrialisation de l'Europe. On le voit très bien en France : le décollage industriel s'est produit sous Louis-Philippe (1830-1848) et Napoléon III (1849-1870), grande période de libéralisme économique (traité de libre échange avec l'Angleterre) et de capitalisme très sauvage.
Écrit par : Libéral européen | 13 mai 2010
Malheureusement, les idées généreuses du XIX e siècle, ainsi que les " troisièmes voies " sont aspirées et détournées de leur sens par la grosse machine médiatique et électoraliste du PS où règne pour première préoccupation la guerre des chefs.
Logique dans une formation où un fossé énorme s'est creusé entre les dirigeants et le peuple, et déjà, en interne, entre les dirigeants et les militants, qui s'ils ne sortent pas de l'ENA, peuvent tout au plus servir de piétaille.
Écrit par : Tomas | 24 août 2010