Retour sur la stratégie du MoDem aux élections régionales (18 mars 2010)
Ces élections régionales sont bien entendu un échec pour le MoDem.
Quelle stratégie alternative François Bayrou aurait-il pu mettre en oeuvre ?
- la non-participation aux élections - impossible pour un grand parti.
- la participation aux listes UMP/NC - impossible puisque le MoDem s'est justement construit à partir d'une rupture avec la droite (ce créneau est en outre déjà occupé par le Nouveau Centre).
- la participation aux listes Europe Écologie (stratégie de Corinne Lepage) - impossible car refus des Verts.
- la participation aux listes PS - impossible partout mais effectivement possible dans quelques régions où le président sortant du conseil régional était ouvert au centre (au moins Alsace, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes).
- la participation en listes autonomes au premier tour - stratégie de François Bayrou mise en oeuvre.
La seule stratégie alternative pour le MoDem aurait donc été une stratégie à géométrie variable :
- listes autonomes dans une majorité de régions
- alliance avec le PS dans une minorité de régions
Cela posé, le MoDem aurait-il obtenu un meilleur score aux élections régionales ? Je ne le pense pas... même s'il aurait eu davantage d'élus (sur les listes PS). Mais je suis en revanche certain qu'on aurait alors attribué l'échec des listes autonomes à une stratégie illisible car à géométrie variable !
En réalité, selon moi le problème du MoDem est triple :
- le MoDem est le parti d'un homme, créé par lui afin de le porter à la présidence de la République; cette caractéristique correspond à la logique de la Ve République (que le PS s'obstine à ne pas vouloir comprendre alors que François Mitterrand l'avait si bien comprise); mais cette caractéristique handicape par nature le MoDem dans les scrutins territorialisés car...
- ...le MoDem est un jeune parti qui manque d'élus locaux (les ex-UDF étant logiquement restés au centre droit, c'est-à-dire au Nouveau Centre); le parti centriste a d'ailleurs réalisé ses trois meilleurs scores là où il présentait de grands élus issus de l'UDF: le député Jean Lassalle en Aquitaine (10,43%), l’ancien député Rodolphe Thomas en Basse-Normandie (8,90%), le maire de Saint-Brieuc et conseiller régional sortant Bruno Joncour en Bretagne (5,36%), ancienne tête de liste UDF aux régionales de 2004 (11,06%); le quatrième candidat à avoir obtenu plus de 5% des suffrages exprimés est Marc Fesneau, conseiller régional sortant en région Centre (5,08%), en faveur duquel ont certainement joué les réseaux de la sénatrice MoDem de Loir-et-Cher Jacqueline Gourault.
- le MoDem est par ailleurs - tout en perdant progressivement son électorat de centre droit - quasiment sur le même segment électoral qu'Europe Écologie, mais, d'une part la dynamique joue en faveur d'Europe Écologie depuis les élections européennes 2009, d'autre part le MoDem ne possède pas de marqueur idéologique propre (comme l'écologie pour Europe Écologie); l'électorat MoDem potentiel a ainsi été capté par Europe Écologie, notamment là où le parti centriste a présenté des anciens Verts (4,57% pour Patricia Gallerneau en Pays-de-la-Loire, 4,44% pour Yann Wehrling en Alsace, 2,51% pour Catherine Levraud en PACA).
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Commentaires
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le MoDem n'avait pas véritablement d'autre stratégie à mettre en oeuvre. Même si des alliances locales avec le PS lui auraient au moins permis de conserver un petit réseau d'élus. Ce qui n'est pas rien vu que la stratégie "100% autonomie" était de toute façon promise à l'échec et que le MoDem souffre, comme vous le dites justement, de relais au niveau local.
En outre, en poursuivant la stratégie appliquée aux municipales, Bayrou aurait certainement limiter la coupure avec l'électorat de droite et de centre-droit. Je ne comprends pas qu'il ait persisté après les européennes à affermir son ancrage dans l'opposition à la majorité actuelle. Alors que de toute évidence, l'alternative à gauche était désormais incarnée par Europe Ecologie... Tactiquement, il lui aurait certainement été plus profitable - au moins à termes - de se préserver la possibilité d'incarner pour les électeurs de la majorité, une alternative modérée à Sarkozy. Cela m'apparaît d'autant plus incompréhensible que son échec relatif aux européennes, lui donnait l'occasion de changer de cap...
Par ailleurs, j'ajouterais un handicap supplémentaire avec la relative réussite du Front de gauche de Mélenchon. Elle rend quasi impossible la généralisation de majorités "arc central" allant du PS au MoDem. Le PS a plus intérêt à "normaliser" l'électorat se situant à sa gauche en limitant l'émergence du NPA, que de capter celui du MoDem.
Enfin, je me permets de vous poser à nouveau une question que je vous avais soumise dans un commentaire il y a quelques temps et à laquelle je ne crois pas que vous ayez apporté votre éclairage. Comment expliquez-vous le rattachement de sénateurs RDSE à l'UDF-MoDem dans le cadre du financement public des partis politiques ? (je l'avais relevé en février sur mon blog, sans réussir à l'expliquer http://partisocialliberaleuropeen.hautetfort.com/archive/2010/02/19/qui-sont-les-25-senateurs-qui-soutiennent-financierement-le.html)
Écrit par : Bob | 19 mars 2010
Bonjour Bob,
Vous avez raison pour le Front de Gauche, c'est une difficulté supplémentaire pour le MoDem à l'avenir (je l'avais souligné avant le scrutin : "Un autre enjeu [pour le Front de Gauche] est de passer, cette fois, devant le MoDem de François Bayrou, afin de convaincre le PS de s'allier entre les deux tours avec la gauche de la gauche plutôt qu'avec le centre").
Je pense en revanche que le MoDem ne peut pas revenir en arrière, c'est-à-dire à un positionnement UDF de centre droit. La logique aurait effectivement été un rapprochement avec Europe - Écologie ...mais Les Verts ont de toute façon dit non (dans ces conditions, je me demande quelle autre stratégie aurait voulu appliquer Corinne Lepage, qui aurait logiquement du démissionner et rejoindre Europe - Écologie avant les régionales).
Sur le rattachement des sénateurs, je suis en effet passé à côté de votre question et c'est bien dommage car je regarde généralement cette question de près ! Je n'ai bien entendu pas le temps de m'y plonger maintenant... mais spontanément je peux ajouter deux éléments à votre note : 1) le rattachement en 2008 d'un sénateur UC au PRG (donc +1 MoDem sans doute en 2009), le rattachement d'un sénateur UMP au Nouveau Centre (il s'agit en fait d'un proche d'une personnalité du Nouveau Centre, mais qui siège au groupe UMP pour des raisons locales); j'avais détaillé cela ici :
http://www.ipolitique.fr/archive/2009/04/16/union-centriste.html
Il faudrait que je réactualise cette note !
(au passage, cette opacité sur le rattachement des parlementaires est un scandale antidémocratique)
Écrit par : Laurent de Boissieu | 19 mars 2010
En regardant l'écart entre le score du MoDem aux européennes (2009) et aux régionales (2010), et compte tenu de la réduction du score (sur la même période) de l'UMP-NC et d'EE, j'ajouterais (en plus de vos arguments et de celui de Bob), que l'abstention a aussi du jouer un rôle important lors de ces régionales pour le MoDem.
Est-ce un phénomène généralisé ou aussi un problème que le MoDem traîne depuis les européennes (sortie de Bayrou contre Cohn-Bendit, perception d'un parti anti-sarkozyste mais sans capacité de rassemblement du centre-droit et des gaullistes sociaux, espace de plus en plus concurrencé), la non transformation de l'essai au centre-gauche (l'initiative Peillon pèse peu auprès des structures de centre gauche et de l'électorat) et la perte de profondeur programmatique (faiblesses du Livre Orange, non-communication par les listes régionales sur les forces du 'Livre Orange', et donc faible identification de l'électorat des notions 'démocrate' et 'humaniste')... mystère. En tout cas, aucune initiative significative du MoDem n'aura permis de clarifier ces doutes, l'abstention (ou l'écart de voix entre les européennes et les régionales) pouvant être le reflet du brouillage total de l'identité et de la stratégie de ce parti en 2010 (les valeurs européennes du MoDem étant plus facile à identifier en 2009).
Écrit par : Arnaudh | 19 mars 2010
51% des électeurs ayant voté François Bayrou à la présidentielle de 2007 se sont abstenus au premier tour des régionales (source : sondage CSA pour Le Parisien-Aujourd'hui en France et Europe 1 réalisé sur un échantillon représentatif de 2 026 inscrits le 14 mars 2010).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 19 mars 2010
A mon avis, l'échec du MoDem tient surtout à son flou généralisé...
Flou au niveau des idées, puisqu'il est pour le moment impossible de classer ce mouvement dans une famille idéologique (démocratie chrétienne ? conservatisme ? social-libéralisme ? écologisme ? républicanisme ?...), flou aussi à cause du décalage entre la posture de sa principale figure (F. Bayrou), le passé politique de cette figure (même si on peut changer, comme dirait notre chef de l'état) et les orientations programmatiques du MoDem :
- comment concilier posture gaullienne de "l'homme au-dessus des partis", de la "troisième voie" parlementaire (je trouve au passage que cette posture est une imposture)
- avec un passé politique au centre-droit, notamment dans plusieurs gouvernements
- et, surtout, avec un programme axé sur la "normalisation" économique de la France et l'Europe pour l'Europe (quand la position gaulliste sur le sujet serait plutôt "l'Europe si c'est l'intérêt de la France")
Écrit par : Brath-z | 19 mars 2010
@Brath-z
1) le flou de la référence idéologique : oui, mais davantage parce que le MoDem ne possède pas de marqueur idéologique propre que pour des raisons de non-identification à une grande politique historique.
2) le flou du positionnement politique : non, car si le MoDem a progressivement perdu l'électorat UDF de centre droit, il aurait potentiellement pu le remplacer par l'électorat de centre/centre gauche finalement capté par Europe Écologie.
3) le flou des orientations programmatiques : ce que vous écrivez est vrai, mais je ne pense pas que cela ait joué dans l'échec aux régionales.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 19 mars 2010
J'attends avec impatience que vous puissiez regarder la situation du Sénat de plus près. Je partage votre dernière remarque, c'est effectivement assez hallucinant que les parlementaires n'aient pas à déclarer publiquement leur rattachement...
Sinon, en fait, je ne pense pas que Bayrou aurait pu se repositionner au centre-droit. Mon opinion personnelle est qu'il a pris un risque bien inconsidéré en le quittant en 2007, mais je reconnais aussi volontiers qu'il lui était presque impossible de ne pas tenter un glissement vers la gauche après la présidentielle.
Ce que j'ai du mal à comprendre, c'est pourquoi il n'est pas revenu à une stratégie d'alliances à géométrie variable après les européennes. Comment il n'a pas su faire le bilan de la nouvelle donne que constituait l'émergence d'EE ?
Tout en favorisant les alliances à gauche, il aurait certainement gagné à ne plus fermer totalement la porte à des alliances locales avec l'UMP. J'ai d'abord pensé qu'il avait maintenu sa stratégie pour ne pas se couper de ses militants... Mais bon, quand on voit le déroulement de la campagne...
Peut-être finalement Bayrou est-il un homme dont le plus grand handicap est son isolement (je pense moins au fait qu'il soit "seul", qu'à son mode de fonctionnement). Il me semble qu'il n'arrive plus à considérer les dynamiques électorales à l'oeuvre, qu'il ne sent plus l'état de ses troupes...
Pour finir, je suis également d'accord avec vous sur la réponse que vous avez faite au commentaire de Brath-z. C'est bien le marqueur idéologique qui manque le plus au MoDem et à Bayrou. D'une certaine manière, c'est cela qui a aussi coupé son élan en 2007, et qui donne un avantage compétitif considérable à Europe Ecologie.
Écrit par : Bob | 19 mars 2010
Bonjour,
Ne pensez vous pas que c’est le fait de ne pas respecter jusqu’au bout la logique de la V° République (à savoir qu’il faut déterminer sa stratégie pour les années à venir au second tour de la présidentielle, généralement en choisissant un des candidats des deux blocs) qui est à la base des malheurs du Modem puisque le choix qui a été fait a été de rester globalement dans la neutralité ( Et c’était original si ce n’est les précédents des extrêmes)… mais que ce choix a été remis en cause par la suite avec la recherche d’alliances ?
Je ne pense pas en effet que FB aurait du choisir (c’aurait été alors un terrible retournement de veste car il prônait à ce moment là l’union nationale et il devait encore penser qu’un parti de notables de centre droit additionné à un électorat un peu bobo de centre gauche pouvait marcher).J’en suis heureux même. Vive le pluralisme et les nouvelles voies. Mais n’aurait il pas dû persister au-delà des législatives ? Une stratégie libdem aux municipales puis aux régionales ne pouvait elle pas être payante à long terme en 2012 ? Car le marqueur du Modem à défaut d’être idéologique c’était quand même l’indépendance du centre comme garante de la recherche de l’intérêt général et le dépassement du clivage gauche droite par le projet et il fallait affirmer ce marqueur pour l’affermir.
Maintenant l’image est complètement brouillée :
Le projet est toujours resté en retrait. Pourtant les idées de 2007 étaient là : les 2 emplois sans charges et le small business act, la priorité à l’éducation, la séparation des pouvoirs, l’équilibre des finances publiques, le développement durable…Aux régionales on pouvait s’attendre au moins à « nous serons les gardiens de l’impartialité… » ou à une transposition de ces thèmes au niveau local. Rien ou presque. Et le presque a été noyé dans l’habituel jeu des programmes attrape-tout des grands partis.
Alliances à la carte, alliances à gauche, pas d’alliances etc. FB aurait dû (au minimum !) placer des bornes claires (et évidentes pour un centriste !) à toute alliance : « le FG ou nous pour une troisième voie » par exemple. Voir Sarnez l’ex libérale avec Hue (qui reste dans l’opinion publique un communiste ou un ex communiste) a retourné l’estomac de plus d’un. Ca aurait peut être contribué à maintenir les tensions internes du PS.
Il aurait pu taper dur sur Sarkozy d’accord mais…aussi sur sa gauche pour équilibrer ! Du coup il a totalement perdu le centre droit sans rien gagner sur le PS qui s’est appuyé sur ses élus locaux pour donner un semblant de regain national. Et il a désormais affiché sa dépendance totale vis-à-vis de celui –ci…pourquoi les gens auraient ils voté pour un inutile parti de centre gauche quand le PS était ainsi relégitimé par les avances de FB ?
En plus il a laissé les Verts moribonds en 2007 reprendre la main sur l’écologie…Et si on ajoute à ça une gestion « hyperprésidentialiste et égotique » à la Sarkozy du Modem…On ne sait plus qui est FB et encore moins ce qu’est ou ce que veut le Modem.
Je ne vois aujourd’hui que le retour aux fondamentaux de cette indépendance en vue de 2012 avec un projet clair et surtout compréhensible autour de quelques points clés (Le livre orange est inaccessible intellectuellement au citoyen moyen). Lepage est à mon avis entré dans une impasse en allant vers EE (dominée par des Verts ancrés à gauche et la stratégie d’union avec le PS de DCB) et peut en revenir. Villepin affaiblit Sarkozy mais n’a aucune chance réelle dans un duel avec lui et ne lui fera pas le cadeau de le soutenir. Il n’est pas illégitime non plus de penser que le PS va être tiraillé par la recherche de son candidat présidentiel et sauvera au mieux son unité par un classicisme sans envergure qu’il aura du mal à dynamiser contre un Président sortant. Le NC n’existe pas. Quant à l’UMP elle est dans le doute sur son fondement même à savoir son unité.
Tout n’est donc pas perdu … Dépasser le PS… ? Oui ! Mais en courant dans son couloir et pas derrière lui. FB est il prêt à se remettre en cause ? A-t-il encore les moyens organisationnels de son ambition ? Ne doit il pas prendre du recul et de la hauteur pour dépasser le simple appui de son parti et lui donner à lui aussi de l’espace en vue des législatives ? N’a-t-il pas été simplement mortellement blessé par le « tu es trop minable pour être Président » de DCB ? On ne tutoie pas un Président et un Président ne s’abaisse pas. C'est peut être à la prochaine confrontation avec Cohn-Bendit que tout se jouera sinon.
Écrit par : zapataz | 20 mars 2010
Le Glacier Belge vous soutient, vaut mieux se sentir indépendant entre ces deux blocs, un de Droite qui ne représente pas vraiment les Républicains Conservateurs et un de Gauche qui sera obligé de s'allier avec le Front De Gauche ce qui ne représentera pas vraiment les Sociaux-Démocrates. Par conséquent les Socialistes Modérés ou Centre Gauche ainsi que les déçus de cette Droite Bling Bling où les gens ne savent plus quoi voter, le Centre Droit ; je pense que Mr.Bayrou peut légitimement rassembler tout le Centre en son entier de Gauche à Droite en passant par les Ecologistes Indépendant. Mon désir serait de faire un partit allant de Jacques Delors à feu Raymond Barre.
Écrit par : YVON Bruno | 03 avril 2010