Le nouveau mode de scrutin territorial pour les nuls (21 octobre 2009)
Nicolas Sarkozy a confirmé hier la création de conseillers territoriaux, remplaçant les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Petit mode d'emploi du mode de scrutin annoncé.
Actuellement, les conseillers généraux sont élus dans le cadre du canton au scrutin majoritaire uninominal à deux tours et les conseillers régionaux au scrutin proportionnel de liste avec sections départementales (et prime majoritaire de 25% des sièges).
En 2014, 80% des conseillers territoriaux devraient être élus dans le cadre du canton au scrutin majoritaire uninominal à un tour et 20% au scrutin proportionnel de liste au niveau du département à partir du total des suffrages des candidats non élus (seuil de 5%).
Exemple (afin de simplifier la démonstration, nous avons considéré qu'il s'agit d'une région mono-départementale) : 10 conseillers territoriaux sont à élire, donc 8 au scrutin majoritaire uninominal et 2 au scrutin de liste.
- canton 1
3 000 voix M. Marxa
15 000 voix M. Repa -> élu (avec 34,9% des suffrages exprimés)
8 000 voix Mme Centra
12 000 voix M. Liba
4 000 voix M. Nata
1 000 voix Mme Raca
- canton 2
1 000 voix M. Marxe
15 000 voix M. Repe
5 000 voix Mme Libe
19 000 voix M. Nate -> élu (avec 45,2% des suffrages exprimés)
2 000 voix M. Race
- canton 3
8 000 voix M. Repi
12 000 voix Mme Centri
15 000 voix M. Libi -> élu (avec 39,5% des suffrages exprimés)
3 000 voix M. Nati
- canton 4
4 000 voix M. Repo
16 000 voix M. Centro
17 000 voix Mme Libo -> élue (avec 43,6% des suffrages exprimés)
2 000 voix M. Nato
- canton 5
1 000 voix M. Marxu
4 000 voix Mme Repu
8 000 voix Mme Centru
22 000 voix Mme Libu -> élue (avec 57,9% des suffrages exprimés)
3 000 voix M. Natu
- canton 6
3 000 voix Mme Repy
18 000 voix Mme Centry -> élue (avec 45,0% des suffrages exprimés)
17 000 voix M. Liby
2 000 voix Mme Naty
- canton 7
7 000 voix M. Repon
16 000 voix M. Centron -> élu (avec 40,0% des suffrages exprimés)
15 000 voix Mme Libon
2 000 voix M. Naton
- canton 8
4 000 voix M. Marxou
10 000 voix M. Repou
12 000 voix M. Centrou -> élu (avec 27,3% des suffrages exprimés)
9 000 voix Mme Libou
8 000 voix Mme Natou
1 000 voix M. Racou
Total élus au scrutin majoritaire uninominal :
- 3 Centr, 3 Lib, 1 Rep, 1 Nat
- Voix des candidats non élus (les voix du parti Rac ne sont pas prises en compte pour le scrutin de liste puisqu'il n'a pas présenté de candidats dans au moins la moitié des cantons de la région) :
58 000 voix pour la liste Lib -> 31,2%
51 000 voix pour la liste Rep -> 27,4%
44 000 voix pour la liste Centr -> 23,7%
24 000 voix pour la liste Nat -> 12,9%
9 000 voix pour la liste Marx -> 4,8%
La liste Marx est éliminée car en-dessous du seuil de 5% des suffrages exprimés.
Répartition proportionnelle au plus fort reste : +1 siège pour le parti Lib + 1 siège pour le parti Rep
Conseillers territoriaux : 3 Centr, 4 Lib, 2 Rep, 1 Nat
***
Remarques :
- la "fusion" des conseillers généraux et des conseillers régionaux est une bonne idée, que je défends d'ailleurs à titre personnel depuis longtemps.
- le mode de scrutin est original, peut-être un peu trop complexe; son plus gros défaut à mes yeux : que les listes soient formées à l'échelon départemental et non pas à l'échelon régional (de même que je trouve actuellement absurde et surtout incompréhensible pour les électeurs les sections départementales).
- contrairement à ce qui est dit, tous les suffrages ne comptent pas : sont perdus les suffrages des partis ayant présenté des candidats dans moins de la moitié des cantons ainsi que ceux obtenant pour le scrutin de liste (total des suffrages des candidats non élus) moins de 5% au niveau départemental.
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Commentaires
Comme je ne comprenais rien (je suis un nul), j'ai tout reporté sur un tableur. Une première lecture, en faisant le total des voix exprimés, montre que le nombre d'élus y est proportionnel (c'est logique). En regardant de plus près, on voit qu'un élu vaut 28 000 voix s'il est Lib contre 61 000 s'il est Nat. L'écart est conséquent...
Cet écart est-il plus ou moins important qu'avec les autres systèmes de calcul ? Y a-t-il des cas de figures encore plus frappants que celui-là ?
Écrit par : Olivier | 21 octobre 2009
Ce scrutin étant à 80% majoritaire, il est tout à fait logique qu'il y ait une si grande disproportionnalité (rapport entre la proportion de sièges et la proportion de voix d'un même parti).
Plusieurs calculs permettent d'apprécier la justice d'un mode de scrutin (mais le but premier d'un système électoral n'est pas forcément d'être juste, ce peut être de dégager une majorité cohérente donc stable) :
- indice de (dis)proportionnalité;
- indice de représentativité : rapport entre les électeurs effectivement représentés et l'ensemble des électeurs;
- monotonie : la répartition des sièges respecte-t-elle la hiérarchie des suffrages ? (cf. les dernières élections européennes en France : 4,98% pour le NPA et aucun élu; 4,80% pour Libertas et un élu)
Écrit par : Laurent de Boissieu | 21 octobre 2009
Ce n'est pas une mauvaise idée en effet de vouloir fusionner les conseillers régionaux et généraux en territoriaux. Ca aurait du être fait depuis longtemps. Ca va dans le sens du fédéralisme même.
Écrit par : Aurel | 21 octobre 2009
@Olivier, pour compléter :
- Marx : 0% des sièges pour 2,8% des voix au niveau régional (9 000 voix non représentées).
- Rep : 20% des sièges pour 20,4% des voix au niveau régional (chacun des deux élus représente 33 000 voix).
- Centr : 30% des sièges pour 29,3% des voix au niveau régional (chacun des trois élus représente 32 000 voix).
- Lib : 40% des sièges pour 33,0% des voix au niveau régional (chacun des quatre élus représente 27 000 voix).
- Nat : 10% des sièges pour 13,3% des voix au niveau régional (l'élu unique représente 43 000 voix).
- Rac : 0% des sièges pour 1,2% des voix au niveau régional (4 000 voix non représentées).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 21 octobre 2009
Les charmants préfixes "Nat", "Lib", "Marx", etc. se réfèreraient-ils à des familles politiques bien connues ?
Héhéhé...
Sinon, la seule chose que je retiens dans tout cela, c'est la pseudo-fusion entre conseillers généraux et régionaux, que j'approuve.
Écrit par : Brath-z | 21 octobre 2009
Merci, Laurent, pour les précisions (oui, je m'étais gouré sur mon tableur).
Je suis d'accord avec vous : la justice n'est pas l'objectif fondamental d'un système électoral. Un bon équilibre des représentations est plus important : il est fondamental de pouvoir gouverner.
Cela a, me semble-t-il, deux effets secondaires importants :
1- exclusion des extrêmes, concentration des pouvoirs chez les modérés, en particulier au sein des élites des modérés
2- résistance du système électoral au changement (y compris celui des électeurs). En revanche, quand le changement passe, il balaie tout.
Il me semble que ces deux points expliquent beaucoup des réactions et sensibilités d'aujourd'hui.
Écrit par : Olivier | 22 octobre 2009
Le but à peine voilé de la manoeuvre est de conforter l'UMP, qui fait des bons scores au premier tour face à une gauche morcelée, mais manque de réserves pour le second tour... Regardez le nombre de canton actuels, où l'UMP a été battue au second tour après avoir été en tête au premier... Un petit exemple pour la bonne bouche. En Indre-et-Loire, l'UMP était en tête au premier tour à Bléré et Bourgueil en 2004, Ballan-Miré, Chinon, et Neuillé-Pont-Pierre en 2004. Dans tous ces cantons, l'UMP a été battu en duel au second tour face à au PS. Résultat des courses: si on avait appliqué le mode de scrutin envisagé, la droite tiendrait toujours le conseil général d'Indre-et-Loire!
Je m'étonne que vous n'ayez pas relevé cela. En effet, pour quelqu'un qui écrit dans l'organe de la droite catholique, vous faites généralement preuve d'indépendance d'esprit dans vos analyses...
Qui plus est, je trouve contrairement à vous que c'est une idée aberrante de faire siéger automatiquement des élus dans deux assemblées différentes, à l'heure ou on parle limitation du cumul des mandats et clarification des compétences.
Écrit par : Fabien | 22 octobre 2009
Bonjour,
je ne comprend pas l'intérêt de la règle des 5%. Y-a-t-il un cas où sa présence modifie la donne ?
(mais peut-être s'applique-t-elle au niveau régional, alors que la répartition est départementale)
De même la règle de représentation dans toutes les circonscriptions me parait inutile car facilement contournable.
De plus elle pourrait générer des effets pervers : un parti ayant de nombreux "maverick" (l'UMP par exemple) qui, refusant les consignes, décideraient de se présenter, verrait sa représentation s'effondrer par la multiplication des candidatures "bidons".
Écrit par : Julius | 22 octobre 2009
@Fabien : vous avez d'autant plus raison pour l'UMP que j'ai commencé ce matin une note sur les gagnants et les perdants de ce mode de scrutin, mais malheureusement je n'ai pour l'instant pas le temps de la poursuivre...
Juste deux remarques rapides à cette phrase : "pour quelqu'un qui écrit dans l'organe de la droite catholique, vous faites généralement preuve d'indépendance d'esprit dans vos analyses...".
1) La rédaction de La Croix est diverse, tant confessionnellement que politiquement, même si le journal possède bien entendu sa ligne éditoriale (qui ne peut pas se résumer à la droite : lisez par exemple l'édition de ce jour).
2) Ce blog a été créé à titre personnel, sans lien avec la rédaction de La Croix, justement pour ne pas être lié par cette ligne éditoriale : ici, la ligne éditoriale, c'est moi ;)
Écrit par : Laurent de Boissieu | 22 octobre 2009
@Julius : Pour les listes départementales, la règle précise est :
1) nombre total de candidats au scrutin majoritaire uninominal au moins égal à la moitié du nombre de cantons que compte la région
2) présence des listes dans tous les départements.
Le but est de "conserver à l'élection un caractère régional".
Quant au seuil des 5% pour la RP (bien à l'échelon départemental), potentiellement cela modifie les résultats. Exemple en partant du résultat national des dernières élections européennes. Avec seuil de 5%, 6 listes ont des élus. Sans seuil, 10 listes (à la plus forte moyenne) ou 11 listes (au plus fort reste) ont des élus.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 22 octobre 2009
C'est une excellente présentation qui permet de saisir les enjeux de cette réforme.
En ce qui me concerne, pas d'a priori sur la fusion des conseillers territoriaux qui serait une avancée.
Mes réserves ne portent que sur le mode de scrutin à un tour. Je considère que les seconds tours permettent de dégager sinon une majorité absolue au maoins au minimum des majorités relatives (si maintien de plus de deux candidats).
L'exemple du canton 8 est édifiant. Quelle légitimité accorder à une élu qui rassemblera un peu plus du quart des suffrages exprimés (ou moins du tiers !) ?
=> Je me permets de rajouter un exemple théorique de plus qui illustre mes réserves.
Si on considère un canton où les votes sont distribués entre les candidats avec un écart de 9 points entre le premier et le dernier, on pourrait avoir pour un Canton N (40.000 suffrages exprimés)
8400 (21%) Candidat Libis => élu
8000 (20%) Candidat Racis
7200 (18 %) Candidat Repis
6000 (15%) Candidat Centris
5600 (14%) Candidat Natis
4800 ( 12%) Candidat Marxis
Soit un candidat élu avec un tout petit peu plus d'un cinquième des suffrages exprimés. Je n'ose imaginer un résultat avec un taux de participation étriqué.
Écrit par : Thierry P. | 22 octobre 2009
Bonjour,
merci pour cet exposé limpide et didactique. Une petite question : comment sont choisis les cantons dans lesquels le scrutin de liste s'appplique ?
Merci.
Nicolas
Écrit par : nico | 26 octobre 2009
Bonjour nico,
Les cantons seront redécoupés. Le scrutin de liste s'applique au niveau départemental en additionnant les voix des candidats non élus dans les cantons (il n'y a donc pas des cantons au scrutin majoritaire uninominal et d'autres au scrutin proportionnel de liste, hypothèse envisagée au départ - en distinguant les cantons ruraux et urbains - puis abandonnée; bref, rien à voir avec les élections sénatoriales, où il y a des départements au scrutin majoritaire et d'autres au scrutin proportionnel).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 26 octobre 2009
Il y a une erreur dans votre analyse, pour participer à la distribution des sieges a la proportionnelle, il faut que les listes dépassent 5% des voix restantes et non 5% des exprimés.
Écrit par : TH | 31 décembre 2009
J'ai bien écrit "voix des candidats non élus" et mes chiffres correspondent bien aux suffrages exprimés des candidats non élus.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 01 janvier 2010