22 janvier 2008
Le gouvernement veut lever les obstacles constitutionnels à sa politique d'immigration choisie
Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a précisé dimanche que la "commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration" serait présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, et devrait boucler ses travaux "fin avril". Le 18 septembre 2007, Brice Hortefeux avait annoncé le lancement d'une "réflexion sur l'éventualité de modifications constitutionnelles destinées à mener à bien la transformation de la politique française de l'immigration". Car au moins trois mesures envisagées par le gouvernement pourraient être jugées inconstitutionnelles.
Première mesure : la mise en place de quotas "entre les grandes régions de provenance des flux migratoires dans notre pays". Si fonder des quotas sur la nationalité ne serait a priori pas anticonstitutionnel, la question risquerait de se poser en ce qui concerne des quotas par grandes zones géographiques (Afrique du Nord, Afrique sub-saharienne...). La frontière serait en effet alors mince avec des quotas ethniques. Or le Conseil constitutionnel a déjà censuré, dans sa décision du 15 novembre 2007, toute inégalité devant la loi en fonction de l'origine ethnique ou raciale. Cette question devrait de toute façon être traitée par la commission présidée par Simone Veil, dont un des objets est de travailler à une révision de la Constitution permettant de mettre en place une discrimination positive tendant à favoriser la diversité raciale.
Deuxième mesure, telle qu'elle figure dans la lettre de mission adressée en juillet 2007 à Brice Hortefeux par Nicolas Sarkozy : "Vous fixerez chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France et vous viserez l'objectif que l'immigration économique représente 50% du flux total des entrées à fin d'installation durable en France." Or, le droit de mener une vie familiale normale et le droit d'asile, garantis par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme, ne peuvent pas, en l'état actuel du droit, être encadrés par des "plafonds chiffrés".
Enfin, troisième mesure prévue : "Confier à un seul ordre de juridiction le contentieux de l'ensemble du processus administratif d'admission au séjour ou d'éloignement des étrangers." Ce qui "exigerait une réforme de la Constitution", a précisé Brice Hortefeux le 18 septembre 2007.
Le travail de la commission Mazeaud s'avère donc délicat, d'autant plus que, contrairement à Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, plusieurs de ses membres se sont toujours montrés hostiles à toute différenciation ethnique (discrimination positive, statistiques ethniques...), qu'il s'agisse de Pierre Mazeaud ou du démographe Hervé Le Bras.
Avertissement : cette note reprend la première version de mon article publié, avec quelques modifications, dans La Croix de ce jour
Post-scriptum : appel, ce matin, du cabinet de Brice Hortefeux, qui exclut toute idée 1) de quotas pour les demandes d'asile 2) de quotas ethniques. Donc acte.
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08 octobre 2007
Hébergement d'urgence pour les étrangers clandestins
La polémique sur l'accès à l'hébergement d'urgence des étrangers en situation irrégulière est typiquement le genre d'affaire où l'on entend dire tout et n'importe quoi. Quelques clarifications.
1. Le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile prévoit-il de fermer l'accès des centres d'hébergement d'urgence aux étrangers clandestins ?
Non. Il n'a jamais été question, ni dans le texte gouvernemental ni dans le texte amendé par les parlementaires, de fermer l'accès des étrangers en situation irrégulière aux centres d'hébergement d'urgence.
2. Pourquoi, dès lors, une telle polémique ?
Examinons, d'abord, la rédaction actuelle de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (dalo) :
Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation (article 4).
Examinons, ensuite, la rédaction prévue à ce jour par le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile :
Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée si elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation (article 4 modifié).
Il ne s'agit donc pas de fermer l'accès des centres d'hébergement d'urgence aux étrangers en situation irrégulière (condition qui serait effectivement contraire aux valeurs de la "fille aînée de l'Église" et de la "patrie des droits de l'Homme") mais de ne pas leur ouvrir le droit à un logement pérenne en France (de même qu'ils n'ont, par exemple, pas droit au RMI). Dans l'état actuel du droit français, la seule "orientation" pour un étranger en situation irrégulière est en effet (sauf cas particuliers définis par la loi) la reconduite à la frontière. On peut vouloir changer la loi, mais on ne peut pas demander à une loi d'ignorer une autre loi.
3. Quelques précisions sémantiques :
Sans-papiers. Le mot est utilisé à tort. Le terme "sans-papiers" désigne en effet deux catégories particulières d'étrangers en situation irrégulière. D'une part, ceux qui dissimulent leur origine (les harraga : ceux qui brûlent leur papier d'identité d'origine). D'autre part, ceux qui ne sont ni régularisables ni expulsables. Mais il n'y a strictement aucune raison de qualifier de "sans-papiers" l'ensemble des étrangers en situation irrégulière !
edit : D'après une consoeur, sans-papiers signifierait en fait "sans-papiers réguliers pour séjourner sur le territoire national" (synonyme d'étrangers en situation irrégulière). Donc acte.
Solidarité gouvernementale. Les membres du gouvernement forment constitutionnellement un organe collégial et solidaire. Tout ministre est donc responsable de tout acte pris par le gouvernement. Ce qui signifie que le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile est tout autant un projet de loi "Hortefeux" qu'un projet de loi "Hirsch". Pour reprendre une phrase célèbre de Jean-Pierre Chevènement, "un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne".
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07 octobre 2007
Un détail essentiel
Le premier ministre François Fillon a déclaré samedi, lors du conseil national de l'UMP, que "les polémiques" autour de la loi sur l'immigration "ont grossi jusqu'au ridicule un détail, en masquant l'essentiel".
Un "détail", c'est, selon le dictionnaire Le Robert, un "élément non essentiel d'un ensemble". Mais, en politique, le mot est négativement connoté depuis qu'en 1987 Jean-Marie Le Pen l'a employé pour qualifier les chambres à gaz de "point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale". L'utiliser est, au mieux une maladresse, au pire une provocation.
Quoi qu'il en soit, il existe deux façons d'apprécier si une partie d'un ensemble relève de l'essentiel ou du détail.
La première est de se demander si l'article sur l'identification par empreintes génétiques est, pour le gouvernement, une mesure essentielle du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. Le fait que cet article a été introduit par un amendement parlementaire permet de penser que non.
La seconde manière est d'apprécier si cet article touche à des principes essentiels. Or l'amendement sur les tests génétique va par nature à l'encontre de la conception française de la filiation (fondée sur les liens du coeur et non sur les liens du sang) et du recours à l'expertise biologique (uniquement sur décision judiciaire). Et, partant, qu'il ne saurait être qualifié de "détail"...
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