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23 mars 2007

Bayrou mise sur un éclatement du PS ou sur la "dynamique" créée par l'élection présidentielle

medium_tripartisme.2.jpgPour François Bayrou, c'était un atout : proposer "un gouvernement composé de femmes et d'hommes compétents, d'accord sur les grands choix, et représentatif des grandes sensibilités du pays". Ses adversaires en ont pourtant fait un de leur principal cheval de bataille contre lui. "L'élection présidentielle n'est pas un chèque en blanc pour reconfigurer le paysage politique", insiste Alain Juppé, soutien de Nicolas Sarkozy, dans un entretien à L'Express du 22 mars.

Dans l'esprit de François Bayrou, le scénario est pourtant bien huilé.

Acte 1, scène 1 : qualification au second tour de l'élection présidentielle.

Acte 1, scène 2 : annonce, entre les deux tours, de la création d'un nouveau "parti démocrate".

Acte 1, scène 3 : élection à la présidence de la République et nomination d'un gouvernement ouvert au centre-droit et au centre-gauche.

Acte 2, scène 1 : investiture pour les élections législatives de 577 candidats avec le label "majorité présidentielle".

Acte 2, scène 2 : ces candidats obtiennent la majorité des sièges à l'Assemblée Nationale.

Acte 2, scène 3 : fondation du nouveau "parti démocrate".

 

Reste à analyser la crédibilité d'un tel scénario. Il existe deux précédents d'un second tour n'opposant pas la droite et la gauche : 1969, avec la qualification du centriste Alain Poher face au gaulliste de droite Alain Pompidou, et 2002, avec la qualification de Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac. "En 1969, le centrisme a déjà servi de produit d'appel pour l'électorat de gauche", soulignait ainsi Pascal Perrineau, mercredi, dans une rencontre du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).

 

Il existe en outre un précédent de création d'un parti du président dans un contexte électoral similaire. L'annonce de la création de l'UMP a en effet été faite entre les deux tours d'une élection présidentielle, le 23 avril 2002. Puis, aux élections législatives, les candidats portant l'étiquette "union pour la majorité présidentielle" ont obtenu la majorité des sièges à l'Assemblée nationale. Préalablement à la création, le 17 novembre 2002, d'un nouveau parti majoritaire, l'Union pour un Mouvement Populaire.

La difficulté majeure pour François Bayrou consisterait toutefois, compte tenu de l'importance de l'ancrage local des candidats pour des élections législatives, à passer d'une trentaine de députés à plus de 289. D'autant plus que l'UMP et le PS ont déjà investi leurs candidats aux élections des 10 et 17 juin prochains.

 

L'idéal pour François Bayrou, s'il était élu face à Nicolas Sarkozy, serait alors de rallier à lui au moins les 20% de députés UMP historiquement issus de l'UDF et, surtout, les 60% de députés PS ayant soutenu le projet de constitution européenne, c'est-à-dire s'inscrivant dans la "gauche réformiste européenne". Bref, de miser sur un retour au bercail du centre-droit et sur un éclatement du PS, dont les débats sur la Constitution européenne ont mis en lumière la division idéologique entre sociaux-libéraux et antilibéraux.

Sur le fond, la "gauche réformiste" est en effet plus proche de l'UDF et de François Bayrou que de l'aile gauche du PS (Jean-Luc Mélenchon) ou des partis situés à la gauche du PS (PCF, MRC, LCR...). Une hypothèse "pas impossible mais compliquée", estime Pascal Perrineau en insistant sur "la culture du PS", la gauche s'étant refondée dans les années soixante "sur l'idée qu'il n'y a pas d'ennemi à gauche et que l'ennemi commence au centre".

 

Dans l'hypothèse où il n'y aurait pas d'éclatement du PS, François Bayrou mise sur la "dynamique" créée par l'élection présidentielle et sur la "cohérence" des Français. "Lorsqu'ils élisent quelqu'un, ils lui donnent ensuite la majorité de sa politique", affirme-t-il, jeudi, dans Le Parisien. C'est bien ce qui s'est passé en 1981 et 1988 - après dissolution de l'Assemblée nationale par François Mitterrand - et en 2002 : organisées dans la foulée, les élections législatives sont venues, à chaque fois, confirmer la présidentielle.

Ce serait toutefois sans compter, comme l'a souligné Jean-Luc Parodi, mercredi, au Cevipof, sur les conséquences inédites du "jeu d'un scrutin bipolaire avec une configuration quadripolaire", c'est-à-dire d'éventuels seconds tours aux législatives opposant, non plus deux ou trois, mais quatre candidats : PS (+ PCF, Verts, PRG, MRC), UMP, FN et la nouvelle majorité présidentielle de François Bayrou.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 22/03/2007

09 mars 2007

une majorité PS-UDF ?

Je reprends ici les idées développées dans une précédente note, que je complète.

 

medium_pse.gifL'hypothèse d'une majorité formée par l'UDF et une partie du PS semble invraisemblable en raison de l'actuelle structuration du paysage politique français. Mais, si on s'intéresse aux idées et non plus aux structures partisanes, cette hypothèse semble tout à fait possible.

Dans la plupart de nos voisins européens, le clivage droite-gauche est une question de degré de libéralisme, avec une droite libérale-conservatrice et une gauche social-libérale. Les acteurs politiques rejetant le capitalisme libéral étant disqualifiés à l'extrême gauche (cf. en Allemagne le départ d'Oskar Lafontaine du SPD). Cette situation est notamment une conséquence, dans le contexte de la construction européenne, de l'évolution idéologique des partis sociaux-démocrates (ou travaillistes) vers un social-libéralisme.

En France, le terme social-libéralisme est toutefois utilisé négativement pour se démarquer au sein de la gauche (le PCF dénonçant le social-libéralisme du PS) ou au sein du PS (Jean-Luc Mélenchon dénonçant le social-libéralisme de Dominique Strauss-Kahn). Le PS français étant, contrairement à ses partenaires européens, pour moitié environ (le clivage apparu lors des débats sur la Constitution européenne est révélateur à ce sujet) composé de militants qui rejettent la capitalisme libéral.

Sans utiliser le mot (même Jean-Marie Bockel se réclame d'un "socialisme libéral" et non du "social-libéralisme"), une partie du PS est pourtant sur la même ligne idéologique que la gauche social-libérale dite "gauche réformiste". Il suffit par exemple de regarder les participants français aux cercles de réflexion qui s'y rattachent :

  • Policy Network, qui s'inspire du Britannique Tony Blair (partisan d'une "troisième voie" entre social-démocratie et libéralisme), de l'Allemand Gerhard Schröder (promoteur d'un "nouveau centre") et, outre-Atlantique, du Parti démocrate : Alain Minc, Dominique Strauss-Kahn, Patrick Weil, Jean Pisani-Ferry, Marisol Touraine, Olivier Ferrand
  • Gauche Réformiste Européenne (GRE), association belge : Olivier Ferrand, Gilles Finchelstein, Élisabeth Guigou, Pascal Lamy, Pierre Moscovici, Dominique Strauss-Kahn
  • À Gauche En Europe (AG2E), association française : Michel Rocard, Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici, Marisol Touraine, Olivier Ferrand...

Idéologiquement, cette gauche réformiste est plus proche de l'UDF et de François Bayrou que de l'aile gauche du PS ou des partis situés à la gauche du PS (PCF, MRC, LCR...). Dans cette perspective, l'entretien accordé par Dominique Strauss-Kahn au Monde est intéressant à analyser :

  1. soutien de Ségolène Royal, il refuse logiquement de se situer dans l'hypothèse d'une victoire de François Bayrou à l'élection présidentielle et, donc, de répondre à la question de sa nomination à Matignon en cas d'élection de François Bayrou à la présidence de la République.
  2. soutien de Ségolène Royal, il appelle logiquement François Bayrou à soutenir également Ségolène Royal et récuse la stratégie "centriste" du président de l'UDF.
  3. en revanche, là réside le principal intérêt de cet entretien, Dominique Strauss-Kahn qualifie de "belle majorité pour changer la France" une majorité associant le PS et l'UDF.

À ma connaissance, il s'agit de la première fois qu'un éléphant du PS imagine publiquement un gouvernement PS-UDF...

 

(ajout du 10 mars : dans Le Parisien, Laurent Fabius a, en revanche, "exclu" que le PS gouverne avec François Bayrou)

 

04 mars 2007

François Bayrou veut créer un grand Parti démocrate

medium_bayrou.jpgÉlu à la présidence de la République, François Bayrou a annoncé qu'il créerait "un grand parti démocrate". Celui qui est actuellement président de l'UDF affirme par ailleurs qu'il nommerait "un gouvernement composé de femmes et d'hommes compétents, d'accord sur les grands choix, et représentatif des grandes sensibilités du pays". Pour les élections législatives, "ce gouvernement accordera un label ("majorité présidentielle") dans chaque circonscription aux candidats qui le soutiendront".

 

1. Que veut dire François Bayrou par "gouvernement de rassemblement" ?

 

En France, l'élection présidentielle est l'"élection reine". François Bayrou espère que sa qualification au second tour de la présidentielle puis son élection à la présidence de la République permettront de redessiner la paysage politique français.

Le "gouvernement de rassemblement" voulu par François Bayrou se distingue donc d'autres types de gouvernement, avec lesquels il est souvent confondu (François Bayrou lui-même hésitant sur la bonne formulation) :

  • gouvernement d'union nationale : face à des circonstances exceptionnelles menaçant la Nation, les partis mettent en sourdine leurs différences et acceptent de gouverner ensemble (Exemple : l'Union sacrée en France en 1914).
  • gouvernement de coalition : dans un régime parlementaire, des partis s'associent après les élections générales pour former une majorité parlementaire.
  • gouvernement de grande coalition : terme utilisé en Allemagne et en Autriche - deux régimes parlementaires - pour désigner les gouvernements formés par les deux partis à vocation majoritaire lorsqu'aucun des deux ne parvient, seul ou en coalition, à former après les élections générales une majorité parlementaire. Il s'agit d'une majorité par défaut, à laquelle le parti centriste ne participe pas. Transposée en France, la situation allemande donnerait une coalition entre l'UMP et le PS, mais sans l'UDF.

 

2. Quelle pourrait être la majorité de François Bayrou ?

 

Tout dépend de la configuration du second tour :

  • face à Ségolène Royal, François Bayrou apparaîtrait comme le candidat de la droite (avec le soutien de Nicolas Sarkozy) face au candidat de la gauche. Retour à la case départ pour l'UDF, qui retournerait alors au centre-droit, oubliant ses velléités centristes.
  • face à Nicolas Sarkozy, François Bayrou apparaîtrait comme le candidat du centre(-gauche) face au candidat de la droite. C'est dans cette hypothèse que tout serait possible en cas d'élection de François Bayrou...

 

3. François Bayrou peut-il attirer à lui une partie du PS ?

 

L'hypothèse, en cas d'élection de François Bayrou face à Nicolas Sarkozy, d'un gouvernement réunissant l'UDF et une partie du PS semble invraisemblable en raison de l'actuelle structuration du paysage politique français. Mais, si l'on s'intéresse aux idées et non plus aux structures, cette hypothèse semble tout à fait possible.

Dans la plupart de nos voisins européens, le clivage droite-gauche est une question de degré de libéralisme, avec une droite libérale-conservatrice et une gauche social-libérale. Les acteurs politiques rejetant le capitalisme libéral étant disqualifiés. Or, la différence entre le PS français et ses équivalents de gauche en Europe, c'est que le PS français est, pour moitié environ (le clivage apparu lors des débats sur la Constitution européenne est révélateur à ce sujet), composé de militants qui rejettent la capitalisme libéral. Le SPD allemand a longtemps été dans une situation similaire, mais le départ des keynésiens, derrière Oskar lafontaine, a clarifié la situation.

Imaginer que l'UDF et une partie du PS (qui éclaterait alors) converge sur une ligne social-libérale au sein d'un même gouvernement n'aurait donc rien de politiquement incohérent. La création, dans le perspective des élections législatives, d'un nouveau "parti démocrate" n'en serait ensuite que la conséquence logique. À l'image de la création de l'UMP, entre l'élection présidentielle et les élections législatives de 2002.

26 février 2007

Bayrou monte lorsque Chevènement descendait

Devant ses proches, ne comparez surtout pas l’actuelle montée de François Bayrou dans les enquêtes d’opinion à celle de Jean-Pierre Chevènement en 2002. Ils vous expliqueront, d’abord, que le discours de Jean-Pierre Chevènement était « ni de droite ni de gauche », tandis que celui de leur champion est « et de droite et de gauche ». Puis, que les rythmes des deux ascensions, à cinq ans d’intervalle, ne sont pas les mêmes. Entre septembre et décembre 2005, François Bayrou a oscillé, pour l’institut CSA et la Sofres, entre 6 et 8% d’intentions de vote. Mais depuis le début de l’année, il ne cesse de progresser pour l’institut CSA : 6% (3 janvier), 9% (17 janvier), 12% (31 janvier), 13% (14-15 février), 17% (20 février). La même progression était visible pour la Sofres, de 9% (18 janvier) à 13% (1er février), même si, dans le dernier sondage de cet institut (15 février), le président de l’UDF marque le pas avec 12% d’intentions de vote.

À la dernière élection présidentielle, la percée de Jean-Pierre Chevènement s’est opérée plus tôt : dès l’été 2001. Et c’est en octobre que l’ancien ministre de l’intérieur de Lionel Jospin a revêtu les habits de « troisième homme ». Entre septembre 2001 et janvier 2002, il est ensuite resté relativement stable pour la Sofres (8-9%), l’institut CSA (9-11%) et l’Ifop (10-11%). C’est alors que Jean-Pierre Chevènement atteint son apogée : 11% pour la Sofres (2 février), 13% pour l’Ifop (8 février), 14% pour l’institut CSA (30 janvier). Fin février, il commence à baisser. À partir de mars, sa candidature se stabilise à un niveau inférieur à ses intentions de vote précédentes, aussi bien pour la Sofres (6-8%), que pour l’institut CSA (7-9%) et l’Ifop (8-10%). Finalement, le candidat du Pôle républicain obtiendra 5,33% des suffrages exprimés.

Il apparaît alors que la période qui s’étale de la fin février à début mars soit particulièrement importante dans une campagne présidentielle. C’est en effet à ce moment-là que non seulement Jean-Pierre Chevènement avait dévissé en 2002, mais également que Jacques Chirac et Lionel Jospin étaient passés devant Édouard Balladur en 1995. Pour la Sofres, entre le 9 février et le 9 mars 2002, Édouard Balladur avait ainsi dégringolé de 28 à 20% des intentions de vote tandis que celles en faveur de Jacques Chirac grimpaient de 17,5 à 24%. De son côté, Lionel Jospin se maintenait entre 21 et 24%. Même phénomène pour l’Ifop : entre le 10 février et le 3 mars, Jacques Chirac passait de 17 à 24%, devançant pour la première fois ses deux rivaux.

Le précédent de 1974 oblige néanmoins à une certaine prudence jusqu’à l’ultime mois de campagne électorale. Dans l’enquête Sofres du 9 avril 1974, un seul point d’écart séparait le gaulliste Jacques Chaban-Delmas (26%) et le libéral Valéry Giscard d’Estaing (27%), qui se disputaient la qualification au second tour face à François Mitterrand. L’écart s’est ensuite creusé progressivement : deux points le 16 avril, quatre points le 22 avril. Puis quatorze points le 30 avril : 17% en faveur de Jacques Chaban-Delmas et 31% pour Valéry Giscard d’Estaing. Finalement, le 5 mai 1974, le premier obtiendra 15,11% et le futur président 32,6%. Enfin, l’expérience du 21 avril 2002, avec la qualification inattendue de Jean-Marie Le Pen pour le second tour, incite à ne jamais préjuger du vote des Français.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 26/02/2007

08 décembre 2006

comparaison des programmes UMP et UDF (4)

medium_mariage.jpgQuestions de société

Nicolas Sarkozy et François Bayrou sont tous les deux hostiles au mariage homosexuel mais proposent respectivement, éventuellement en mairie, un "contrat d'union civique" et une "union civile". En revanche, seul François Bayrou se déclare favorable à l'ouverture de l'adoption simple (par opposition à l'adoption plénière) pour les couples de même sexe.

Nicolas Sarkozy propose par ailleurs toute une série de nouveaux droits en direction de publics différents : pré-majorité pour les mineurs entre 16 et 18 ans, droit de vote pour tous les étrangers aux élections locales, opposabilité de certains droits devant les tribunaux (logement, garde des enfants de moins de trois ans, dépendance des personnes âgées, scolarité des enfants handicapés, accès des personnes handicapées aux équipements et aux transports publics), "discrimination positive"...