20 mai 2008
Député de ...la Nation
L'examen du projet de révision constitutionnelle débute aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Un des aspects rarement évoqué constitue pourtant une bombe juridique: "Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat", devrait disposer à l'avenir la Constitution. Dans l'exposé des motifs, on peut ainsi lire cette énormité: "Le projet de loi met également fin à une singularité qui voulait que les Français établis hors de France ne soient représentés qu'au Sénat; ils le seront aussi, en vertu de l'article 24 de la Constitution résultant de l'article 9 du projet, à l'Assemblée nationale".
Je tiens à rappeler aux députés qu'ils ne représentent pas (contrairement aux sénateurs) un territoire. Je suis ainsi choqué de voir la plupart des mes confrères (à commencer par France 3 et LCP-Assemblée nationale lors des retransmissions des questions au gouvernement) écrire "député des Hauts-de-Seine" ou "député de l'Isère". Car un député n'est pas député des Hauts-de-Seine, de l'Isère ou, demain, des Français de l'étranger. Il représente l'ensemble de la nation, quel que soit techniquement son territoire d'élection (qui n'est en outre pas le département, mais la circonscription législative).
À ce propos, un des meilleurs moyens de réaffirmer leur rôle consisterait à interdire strictement le cumul des mandats pour tout député, afin de bien signifier qu'il est élu pour représenter la nation, l'intérêt général, et non une circonscription, des intérêts particuliers. En écrivant dans la Constitution que "les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale", les parlementaires ne feraient, au contraire, qu'accentuer ce qui constitue déjà une dérive antirépublicaine. Surtout, il s'agirait des seuls députés qui ne représentent pas l'ensemble du peuple français mais seulement une fraction dudit peuple.
Enfin, je rappelle également qu'un Français établi à l'étranger peut être inscrit sur une liste électorale en France, et donc voter aux élections législatives par procuration. Nul besoin, donc, de dynamiter la République pour cela.
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16 février 2008
Appel de Marianne
Marianne a publié un appel à la vigilance républicaine. Autant est-il est sain que des personnalités politiques de tous bords se retrouvent lorsque l'essentiel est en jeu. Autant les retombées de l'appel de Marianne me semblent à côté de la plaque.
L'appel de Marianne critique Nicolas Sarkozy dans quatre domaines :
- le "refus de toute dérive vers une forme de pouvoir purement personnel confinant à la monarchie élective"
- l'attachement à la laïcité
- l'attachement à l'indépendance de la presse et au pluralisme de l'information
- l'attachement à la politique étrangère gaullienne
Or c'est presqu'exclusivement sur le premier point que les commentateurs ont réagi. Dommage. Car, au-delà du clin d'oeil à l'échange entre Nicolas Sarkozy et Laurent Joffrin sur la monarchie élective, ce point est celui qui est le plus contestable. Sauf à faire de la polémique partisane (à ce que je sache, Nicolas Sarkozy n'a pas modifié les institutions pour instituer un véritable "pouvoir purement personnel"), indigne d'un appel solennel à la vigilance républicaine.
Sur la laïcité et sur la politique étrangère, voire sur la presse, il y a en effet beaucoup à dire sur les choix de Nicolas Sarkozy... et sur ceux de certains signataires (pas forcément en désaccord, justement, avec Nicolas Sarkozy !). Mais, sur les institutions, la pratique de Nicolas Sarkozy tourne au contraire le dos à la "monarchie présidentielle" (qui n'est pas pouvoir personnel) voulue par le fondateur de la Ve République. Un gaulliste pourrait même lui reprocher d'avoir présidentialisé le régime en supprimant, non pas la fonction de premier ministre (qu'il exerce de fait), mais la fonction de président de la République. Il n'est en effet pas devenu "l'Homme de la nation", ainsi défini par Charles de Gaulle : "Qu'il existe, au-dessus des luttes politiques, un arbitre national (...) chargé d'assurer le fonctionnement régulier des institutions, avant le droit de recourir au jugement du peuple souverain, répondant, en cas d'extrême péril, de l'indépendance, de l'honneur, de l'intégrité de la France et du salut de la République."
Et reconnaissons à Nicolas Sarkozy un minimum de cohérence : avant son élection, il était (comme François Fillon) partisan d'un régime présidentiel et il avait raillé la conception gaulliste de la présidence de la République (Nicolas Sarkozy : "Le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu"). Il ne lui resterait plus qu'un ultime effort pour être complètement cohérent : mettre en place une VIe République, présidentielle, en inscrivant dans le texte de la Constitution sa pratique présidentialiste et, donc, antigaulliste.
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27 novembre 2007
Vous avez dit "diversité culturelle" ?
L'UMP présentera jeudi ses têtes de liste parisiennes par arrondissement. Certains de mes confrères ont présenté les candidatures de Rachida Dati (VIIe), Lynda Asmani (Xe) et Jean-Claude Beaujour (XXe) comme des candidatures relevant de la "diversité culturelle".
En quoi ces trois personnes ne seraient-elles pas de culture française ? En quoi leurs candidatures seraient-elle des candidatures relevant de la "diversité culturelle" ?
Que mes confrères assument. Ils emploient le mot "culture" mais ils pensent au mot "racial". Alors qu'ils écrivent "diversité raciale" et, encore une fois, assument leur complicité dans la propagation insidieuse d'une vision racialiste du monde. La bête immonde n'est pas morte. Elle revient en voulant faire l'ange...
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21 mars 2007
Les candidats et la VIe République
Qui parle de VIe République ?
Olivier Besancenot (LCR), José Bové (altermondialiste), Marie-George Buffet (PCF), Dominique Voynet (Les Verts), Ségolène Royal (PS) et François Bayrou (UDF).
Faut-il changer de numéro pour changer de République ?
Sur le papier, rien n'empêche de modifier profondément l'équilibre institutionnel sans rédiger de A à Z une nouvelle Constitution, donc sans passer à une "VIe République". Dans le numéro de septembre-octobre 2000 de la Revue politique et parlementaire, Robert Ponceyri, professeur à la faculté de droit et de science politique de Clermont-Ferrand, expliquait ainsi déjà que l'adoption du quinquennat marquait, selon lui, "la fin de la République gaullienne". Autre exemple : un changement radical de mode de scrutin - ce qui relève d'une loi organique et non d'une révision constitutionnelle - pourrait avoir des conséquences sur la nature du régime.
S'agissant, aujourd'hui, des différents candidats qui veulent modifier les grands équilibres institutionnels de la Ve République, en réduisant le rôle du premier ministre au profit du président de la République, François Bayrou (UDF) utilise le terme VIe République, mais pas Nicolas Sarkozy (UMP), afin de ne pas froisser les gaullistes. L'un et l'autre proposent pourtant, grosso modo, la même réforme institutionnelle.
À l'inverse, Ségolène Royal (PS) a successivement parlé de "nouvelle République" puis, dimanche dernier, de VIe République, mais ne propose - paradoxalement - pas de changer fondamentalement les grands équilibres de la Ve République (contrairement au projet du PS).
Quel pourrait être le nouvel équilibre des pouvoirs ?
Deux pistes de réforme constitutionnelle modifieraient les grands équilibres institutionnels voulus en 1958 par le général de Gaulle. La première consiste à vouloir instaurer en France un régime de nature parlementaire. Dans son programme, Dominique Voynet (Verts) veut ainsi explicitement "créer un régime parlementaire équilibré". C'est également la voie que propose Marie-George Buffet (PCF) en défendant "la prépondérance du législatif sur l'exécutif". Plus précise, la candidate de la "gauche populaire et antilibérale" indique que "le rôle du président de la République sera réduit", ce qui revient concrètement à prôner l'instauration d'un régime parlementaire primo-ministé
La deuxième piste de réforme constitutionnelle consiste à vouloir instaurer en France un régime présidentiel "à la française", c'est-à-dire en fonction des projets des uns et des autres : maintien ou non du droit de l'exécutif de dissoudre l'Assemblée nationale et du droit du législatif de censurer le gouvernement, suppression ou non du poste de premier ministre. Si aucun des candidats à l'élection présidentielle ne prône explicitement l'instauration d'un régime présidentiel, aussi bien Nicolas Sarkozy (UMP), François Bayrou (UDF) que Jean-Marie Le Pen (FN) veulent, de fait, avancer dans cette voie. D'une part, pour François Bayrou et Nicolas Sarkozy, en renforçant les pouvoirs du Parlement. D'autre part, pour l'ensemble de ces trois prétendants, en déclarant que c'est le président de la République et non plus le premier ministre qui "détermine et conduit la politique de la Nation". Enfin, Ségolène Royal (PS) veut renforcer les pouvoirs du Parlement mais sans toucher à la répartition des rôles entre les deux têtes de l'exécutif.
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15 mars 2007
immigration et identité nationale
En 2002, la sécurité avait été le thème dominant de l'élection présidentielle. Cette année, la campagne électorale se cherche une thématique phare. Après le travail et l'autorité, déclinés aussi bien par Ségolène Royal que Nicolas Sarkozy, c'est le thème de la nation qui s'invite aujourd'hui dans le débat. Jeudi dernier, dans l'émission "À vous de juger", sur France 2, le ministre de l'intérieur a suggéré la création d'"un ministère de l'immigration nationale et de l'identité nationale, parce qu'aujourd'hui le dossier de l'immigration est explosé en trois ministères différents". Une proposition qui a permis à Nicolas Sarkozy de se placer au centre de la campagne, alors que tous les regards se tournaient plutôt vers la montée spectaculaire de François Bayrou dans les sondages.
L'idée d'instituer un ministère de l'immigration n'est pas nouvelle. La création d'un "grand ministère de l'immigration et de l'intégration regroupant l'asile, l'immigration, la politique des visas et l'intégration" figure déjà dans le projet législatif de l'UMP. Les Verts, eux, promeuvent "un ministère adapté à l'ère de la mondialisation, chargé à la fois de la coopération solidaire, des migrations et du commerce mondial".
Le thème de la nation n'est pas non plus nouveau. Ségolène Royal l'avait développé dans sa déclaration de candidature interne au PS, à Vitrolles le 29 septembre 2006, puis dans son discours d'investiture après le vote des militants, à Paris le 26 novembre 2006. "La nation n'est pas le monopole de la droite et encore moins de l'extrême-droite", avait-elle ainsi martelé. "Avec moi, l'identité nationale ne disparaîtra pas dans la mondialisation ou le repli sur soi", a-t-elle encore repris, lundi, dans son discours au gymnase Japy, à Paris.
Quant à Nicolas Sarkozy, il a fait de la nation, depuis l'année dernière, un de ses chevaux de bataille. "Le Pen n'est pas propriétaire de la nation, ni de l'identité nationale", a-t-il ainsi affirmé à son tour, le week-end dernier, dans Le Journal du Dimanche. "Le 21 avril 2002, le non à la Constitution européenne, la montée du vote extrême et du vote protestataire sont d'abord l'expression d'une profonde crise de l'identité nationale", avait déjà diagnostiqué le président de l'UMP à Caen, vendredi.
Un constat qu'opère également François Bayrou lorsqu'il écrit, dans son livre publié l'année dernière (Au nom du tiers état, Hachette), que la France est "à l'épicentre d'un séisme qui vient de loin, au point de rencontre de deux forces antagonistes qu'il va falloir conjuguer. Une force qui vient de dehors : l'onde immense de la mondialisation. Une force qui vient du dedans de notre peuple et de notre histoire : le grand courant national qui a produit le modèle républicain". Une vision reprise vendredi dernier, le président de l'UDF expliquant à Perpignan que "l'identité nationale de la France, elle a un nom, c'est la République".
Si tous s'accordent pour défendre l'identité française, reste à définir ce qui, aujourd'hui, la menacerait. Trois matières ressortent des discours politiques. Tout d'abord, l'Union européenne, soit en tant que construction supranationale (Philippe de Villiers, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan), soit en tant qu'ensemble incompatible avec les valeurs républicaines (Nicolas Dupont-Aignan). Ensuite, comme semblent le dire Ségolène Royal et François Bayrou, la mondialisation. Enfin, l'immigration, qu'il s'agisse de l'immigration en général (Jean-Marie Le Pen) ou en particulier de l'immigration de personnes de confession musulmane (Philippe de Villiers).
Or, en proposant la création d'un "ministère de l'immigration et de l'identité nationale", Nicolas Sarkozy se range dans cette troisième catégorie. "La politique de l'immigration, c'est l'identité de la France dans trente ans", a-t-il insisté dans le Journal du Dimanche. "C'est la conjonction de coordination et qui fait le plus problème, affirme ainsi sur son blog l'ancien ministre de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement. La question de l'identité nationale de la France à notre époque est une question décisive. Mais elle n'intéresse pas que les immigrés. Elle concerne tout le pays et d'abord ses élites. C'est parce que celles-ci, depuis longtemps, ont cessé de croire en la France que l'intégration des immigrés est rendue plus difficile".
Laurent de Boissieu
© La Croix, 15/03/2007
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