06 mai 2008
Vers un département français supplémentaire
Le secrétaire d'État chargé de l'Outre-Mer, Yves Jégo, a confirmé, lundi, que se tiendra "en mars-avril 2009" une consultation de la population de Mayotte sur la départementalisation.
Comme en hommage à Aimé Césaire, qui, avant de devenir autonomiste, avait été rapporteur de la loi de départementalisation du 19 mars 1946 (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion), le conseil général de Mayotte avait adopté, vendredi 18 avril, à l'unanimité, une résolution pour que la collectivité d'outre-mer devienne un département. Mayotte est la seule île de l'archipel des Comores à avoir voté, lors de deux référendums, en 1974 (63,8%) et 1976 (99,4%), le maintien dans la République française (contre l'avis de l'ONU). Une autre consultation, en 2000, a décidé de transformer Mayotte en "collectivité départementale".
Depuis la loi du 11 juillet 2001, le principe d'assimilation législative est progressivement devenu la règle tandis que la "spécialité législative" est devenue l'exception. La départementalisation alignerait encore plus Mayotte sur le droit commun des autres départements et régions d'outre-mer. Ce processus est l'inverse du processus identitaire qui a lieu en Nouvelle-Calédonie (1999) et en Polynésie française (2004) à tarvers les "lois du pays".
Les conséquences pour Mayotte de ce changement de statut seront notamment financières, avec l'instauration du Smic et du RMI. Même si des revalorisations pluriannuelles du Smig mahorais ont, de toute façon, été décidées l'année dernière. Ce Smig correspond depuis le 1er juillet 2007 à 69% du Smic net, pourcentage qui sera porté à 75% au 1er juillet prochain puis 80% en 2009 et 85% en 2010. L'instauration du RMI à Mayotte est, en revanche, une revendication de l'Association des communes de l'outre-mer afin de "ralentir puis inverser le départ massif des Mahorais vers La Réunion ou la métropole à la recherche de prestations inexistantes à Mayotte". Selon une étude de l'Insee, cette émigration entraîne "la stagnation de la population française à Mayotte (...), passée de plus 103 000 individus en 1997 à juste 105 000 en 2002".
"Si la population de nationalité française stagne, la population étrangère a presque doublé entre 1997 et 2002, note à l'inverse l'Insee. Désormais plus de 55 000 étrangers vivent à Mayotte (96 % d'entre eux sont comoriens), soit une personne sur trois." Reste à savoir quelles seraient les conséquences de la départementalisation sur cette immigration clandestine.
Surtout, ce statut permettra, espérons-le, d'intégrer davantage Mayotte dans une République dont elle a longtemps été l'oubliée (système sanitaire et scolaire, notamment, indignes de la France).
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02 mai 2008
Le chômage en hausse au mois de mars
Le taux de chômage joue ce premier trimestre avec les nerfs du gouvernement. Le nombre de demandeurs d'emplois de catégorie 1 (personnes inscrites à l'ANPE cherchant un emploi à temps plein et à durée indéterminée et n'ayant pas travaillé plus de 78 heures dans le mois écoulé) a en effet augmenté en France métropolitaine en mars (+0,4% par rapport au mois précédent) et en janvier (+0,7%), mais a baissé en février (–0,7%). D'après les chiffres publiés cette semaine par l'ANPE et la Dares, 8 200 personnes supplémentaires se sont inscrites à l'ANPE en mars, établissant le nombre de chômeurs à 1 905 000 personnes.
La tendance est néanmoins à la baisse du nombre de demandeurs d'emploi depuis mai 2005 (2 480 000 personnes étaient alors demandeurs d'emplois de catégorie 1), et il est encore trop tôt pour savoir si les hausses de janvier et de mars ne sont que des accidents de parcours ou constituent un retournement de tendance. Sur un an, le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois reste en baisse de 6,5%.
La ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi, Christine Lagarde, a donc pu insister sur la "quasi-stabilisation du nombre de chômeurs en mars, qui intervient dans un environnement économique et international difficile", citant la "poursuite de la hausse du prix du pétrole et du cours de l'euro". C'est la première fois qu'un ministre établit un parallèle entre l'euro fort (ou autrefois le franc fort) et le taux de chômage. Un lien de causalité longtemps cantonné au discours des partisans d'une "autre politique", qui souhaitent rompre avec la priorité donnée depuis 1983 à la lutte contre l'inflation. Une pensée alternative à laquelle se sont successivement ralliés, le temps d'une campagne présidentielle, Jacques Chirac en 1995 et Nicolas Sarkozy en 2007, sur l'influence de son conseiller Henri Guaino.
Quoi qu'il en soit, le même jour que les chiffres du chômage a été publié le cinquième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (portant sur 2005). Selon cette étude, environ 1,7 million de personnes, soit 7% des travailleurs, occupe un emploi mais est malgré tout dans un ménage dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. "La baisse du chômage ne s'accompagne pas en même temps de la baisse de la pauvreté", a ainsi constaté à cette occasion Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville.
Reste à savoir quel sera l'impact de la libéralisation en cours du marché du travail, non seulement quantitativement (taux de chômage) mais aussi qualitativement (salaire, nature du contrat de travail).
Laurent de Boissieu
© La Croix, 02/05/2008 (article légèrement remanié)
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01 mai 2008
Feu les services publics
"Voulez-vous vraiment que le contribuable subventionne le gaz ?", a déclaré François Fillon, hier, lors des questions d'actualité au gouvernement, en réponse à une interrogation de François Hollande sur la hausse du prix du gaz.
En effet, Monsieur le Premier ministre, en théorie un service public reçoit bien des subventions de l'État pour assumer sa mission de service public. En une phrase, c'est donc tout l'héritage du programme du Conseil national de la Résistance qui a été balayé par François Fillon. Circulez, il n'y a - plus - rien à voir !
Il est vrai que nous n'avons plus des services publics (monopoles d'État) mais des "services d'intérêt économique général". On veut, certes, nous faire prendre des vessies pour des lanternes en nous disant qu'il ne s'agit que de la traduction européenne du mot. Mais les "services d'intérêt économique général" sont, par principe, soumis à la concurrence. Ce qui change absolument tout...
Tout cela me donne l'occasion de revenir sur l'affaire de la carte famille nombreuse...
Résumons. Le deuxième Conseil de modernisation des politiques publiques s'est tenu à l'Élysée le 4 avril dernier. Parmi les 116 mesures proposées figure la "prise en charge, en les maintenant, des tarifs sociaux de la SNCF par la politique commerciale de l'entreprise". Ce sont ces tarifs sociaux qui permettent d'offrir des réductions sur le réseau de la SNCF aux familles nombreuses (à travers la carte famille nombreuse, à laquelle s'ajoutent des avantages qui ne sont pas tous liés aux transports : piscines, cinémas, offres commerciales privées), aux étudiants et apprentis, ainsi qu'aux salariés pour leurs congés annuels. Cette somme représente 70 millions d'euros, versés jusque là de façon forfaitaire à la SNCF par l'État.
"Les tarifs sociaux du train s'inscrivent dans la politique commerciale de la SNCF, nous explique-t-on. Ils seront maintenus mais devront être financés par les utilisateurs du train (en particulier les professionnels) plutôt que par les contribuables". Naïfs que nous étions de penser qu'il s'agissait d'avantages liés à la politique familiale (carte famille nombreuse instaurée en 1921) ou à la politique sociale (billet de congé annuel) de la nation !
Finalement, le gouvernement, ou plutôt le président de la République, a semblé renoncer, le 11 avril dans une déclaration, à cette suppression : "L'État continuera de prendre en charge ces tarifs sociaux, a affirmé Nicolas Sarkozy. Il en sera naturellement tenu compte dans le dividende que l'État actionnaire demandera à la SNCF".
La dernière précision est importante.
Grosso modo, lorsqu'une entreprise fait des bénéfices, elle peut soit les redistribuer à ses actionnaires (dividende), soit les redistribuer à ses salariés (participation), soit les réinvestir dans l'entreprise (développement, remboursement de la dette, etc.). Dorénavant, les sommes consacrées via la SNCF à la politique sociale et à la politique familiale ne viendront donc pas du budget de l'État mais de la part du dividende versé - pour la première fois cette année depuis la nationalisation des chemins de fer en 1938 - par la SNCF à l'État actionnaire. Autant d'argent en moins que l'entreprise publique pourrait consacrer à son développement plutôt que de la redistribuer à son actionnaire unique. Or la SNCF, service public, ne devrait pas verser un dividende à un actionnaire, fusse-t-il l'État. Ce devrait être à l'État de verser de l'argent de nos impôts à la SNCF, comme à Gaz de France (oui, Monsieur Fillon), afin que ces entités puissent pleinement remplir leur rôle de service public. Ce qui est, justement, de moins en moins le cas (fermetures de lignes non rentables, remise en cause du principe du prix au kilomètre, etc.).
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24 avril 2008
Pschitt !
Je n'ai pas reconnu Nicolas Sarkozy, ce soir, lors de son intervention télévisée. Où est passé l'animal politique que nous connaissions ? À croire qu'il n'est bon qu'en campagne électorale, dans la confrontation.
D'un côté une perte d'offensivité. De l'autre un ton qui n'est pas (encore ?) celui de ses prédécesseurs. Le costume semble toujours trop grand.
Sur le fond, Nicolas Sarkozy a par ailleurs perdu pied sur plusieurs sujets, incapable de quitter la surface pour aller au fond des choses : sur le pouvoir d'achat et la "paquet fiscal" (face à un David Pujadas très bon), sur la SNCF (utilisation du dividende de l'État, actionnaire unique), sur les travailleurs clandestins (confusion hallucinante entre régularisation et naturalisation) ou sur la laïcité (face à un Yves Calvi moins percutant que dans ses propres émissions). Enfin, en restant nez dans le guidon le président de la République a finalement échoué dans sa volonté de mettre en perspective, de donner sens à ses réformes. Et quand il s'excuse sur la forme (la communication), c'est pour mieux éluder le débat de fond.
Zooms :
- sur les retraites : en faisant croire qu'il n'y a que trois solutions (diminuer les pensions, augmenter les cotisations sociales ou le nombre d'annuités de cotisation), Nicolas Sarkozy a un peu vite écarté la recherche d'un mode alternatif de financement (une vraie rupture, pour le coup !) : hausse de la CSG, "TVA sociale", contribution sur la valeur ajoutée (ou "CSG entreprise")...
- deux absences stupéfiantes relevant pourtant du domaine dit réservé du président de la République : aucune allusion à la réintégration de la France dans les commandements intégrés de l'OTAN, alors qu'il s'agit là d'une véritable rupture, ni à la réforme des institutions, alors que le projet de loi constitutionnelle a été adopté ce mercredi en Conseil des ministres. À trop vouloir prendre la place du chef du gouvernement et parler de tout, on en oublie d'être chef de l'État.
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23 avril 2008
Réforme des institutions
[reprise de la note publiée par erreur à l'état de brouillon ]
Le conseil des ministres a adopté ce mercredi le projet de loi constitutionnelle dit "de modernisation des institutions de la Ve République". Examiné par le Parlement à partir du 20 mai (avec une réunion probable du Congrès le 7 juillet), il s'agit d'un projet de révision bâtard, entre le statu quo institutionnel et l'instauration d'un régime présidentiel comme le proposaient à un moment Nicolas Sarkozy et, surtout, François Fillon.
Si le renforcement des pouvoirs du Parlement (partage de l'ordre du jour entre le gouvernement et le Parlement, limitation des cas de recours à la procédure de l'article 49 alinéa 3, etc.) ne fait pas vraiment débat entre la majorité et l'opposition, c'est dans la définition des rôles du président de la République et du premier ministre que tout se joue.
Nicolas Sarkozy a donc renoncé à véritablement inscrire dans les textes sa pratique présidentialiste d'un président entouré de "collaborateurs", indifféremment membres du gouvernement (premier ministre compris) ou conseillers de l'Élysée. À quoi bon, doit-il en effet se dire, porter en politique intérieure le flanc aux accusations de trahison du gaullisme qu'il subit déjà en politique extérieure, alors que l'actuelle Constitution est suffisamment souple pour en faire ce que l'on en veut. Et puis, finalement, en cas de gros temps, la présence d'un premier ministre "écran" ou "fusible" peut s'avérer fort utile !
Reste une question à régler afin que le président de la République puisse complètement prendre la place du premier ministre et gouverner : la possibilité pour lui de s'exprimer devant le Parlement. Ce sera chose faite avec la nouvelle rédaction de l'article 18 de la Constitution : le président de la République "peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès ou devant l'une ou l'autre de ses assemblées".
La suite est cependant révélatrice du caractère bâtard de la révision constitutionnelle : "Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui n'est suivi d'aucun vote". Outre, par principe, le scandale que constitue selon moi un débat sans vote dans un régime parlementaire, on touche là aux limites de l'exercice d'équilibrisme institutionnel : un président de la République qui gouverne de fait et s'exprime devant les parlementaires ...tout en étant politiquement irresponsable !
L'exposé des motifs précise certes que "cette procédure nouvelle aurait vocation à n'être mise en oeuvre que dans des moments particulièrement solennels de la vie de la nation". Mais, alors, de deux choses l'une. Soit Nicolas Sarkozy s'en tient à la pratique antérieure en la matière, à la seule différence qu'il ne fait plus lire des messages mais qu'il vient directement s'exprimer devant les parlementaires. Bref, cela aura été beaucoup de bruit pour rien. Soit Nicolas Sarkozy fait un pas de plus vers un régime présidentiel en usant et abusant de cette possibilité. Dans ce dernier cas il faudra bien un jour ou l'autre en tirer toutes les conséquences institutionnelles.
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