13 novembre 2006
Centrisme pluriel
Le centre existe-t-il ? De la création de l'UDF, en 1978, jusqu'à la fin des années 1990, le centre correspondait essentiellement au centre droit, c'est-à-dire aux composantes démocrate-chrétienne, radicale et sociale-démocrate de l'UDF. Un centre droit qui se définissait par des valeurs qui le distinguaient à la fois des familles libérale (social-libéralisme) et chiraquienne (fédéralisme européen, décentralisation territoriale). Mais, depuis, le paysage politique a été profondément modifié : scission de la majorité des libéraux et début d'unification de l'UDF autour de François Bayrou en 1998, participation d'une partie des centristes à la création de l'UMP en 2002, renaissance d'un centre indépendant de la droite avec la censure du gouvernement de Dominique de Villepin par la moitié des députés UDF en mai 2006.
Conséquence : les centristes se répartissent aujourd'hui entre trois familles.
1. La très grande majorité de ceux qui sont restés fidèles à l'UDF soutient cette rupture avec la droite et, afin d'incarner une véritable troisième voie centriste, la candidature de François Bayrou à l'élection présidentielle. Leur référence historique est la campagne de Jean Lecanuet à la présidentielle de 1965. À l'époque, ils ne voulaient ni de Charles de Gaulle ni de François Mitterrand. Aujourd'hui, ils ne veulent guère plus de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal.
La rupture de François Bayrou avec la droite s'est accompagnée d'un changement de discours. Auparavant, il s'agissait pour le président d'un parti situé au centre droit de plaider en faveur d'une réunification du centre en s'adressant au centre gauche. « Il y a une famille majoritaire en France. Elle n'a jamais exercé le pouvoir car elle est coupée en deux et chacune des moitiés est minoritaire dans son camp », soutenait ainsi François Bayrou en août 2005.
Désormais, c'est à l'électorat contestataire renvoyant dos-à-dos les deux grands partis de gouvernement que s'adresse François Bayrou. Dans la préface du livre qu'il vient de publier (1), il dénonce ainsi les élites au nom du « peuple des citoyens, le tiers état d'aujourd'hui » : « C'est un peuple qu'ils croient sans importance, écrit-il. Presque un peuple de trop. Un peuple gênant. Ainsi le vivent les pouvoirs, et le considèrent les puissants. Le même mal ronge et court depuis des années, préparant à chaque élection, à chaque consultation, sa surprise, l'irruption du peuple indocile dans le concert bien ordonné de la pensée préfabriquée. Et chaque fois les puissants poussent des ah ! et des oh !, commandent des enquêtes dont ils découvrent les conclusions navrées... et retournent à leurs habitudes méprisantes. » Familier de la science politique, un parlementaire européen UDF qualifie ce discours de « centrisme tribunitien ». Il n'est du reste pas inédit en Europe : on peut citer par exemple le Parti du travail en Lituanie, membre justement du Parti démocrate européen coprésidé par François Bayrou.
2. Très minoritaire dans le parti, mais surreprésentée parmi les parlementaires, une partie de ceux qui sont restés fidèles à l'UDF s'oppose cependant à cette rupture avec la droite. C'est notamment le cas de la moitié des députés du parti, qui a refusé de censurer le gouvernement de Dominique de Villepin, ou encore des membres du club Société en Mouvement, créé par Gilles de Robien, unique ministre UDF du gouvernement. Leur vision correspond plus à l'UDF giscardienne de 1978, positionnée au centre droit, qu'à la nouvelle UDF de François Bayrou, qui tend à véritablement se positionner au centre, c'est-à-dire à équidistance de l'UMP et du PS.
Si la plupart d'entre eux, à l'image du député Jean Dionis du Séjour, sont en désaccord avec la stratégie du président de leur parti mais n'envisage pas de soutenir un autre candidat à la présidentielle, le cas de Gilles de Robien est plus suspect aux yeux des proches de François Bayrou. « Il mise sur une candidature de Dominique de Villepin », assure un parlementaire UDF en établissant un parallèle avec le soutien apporté lors de la présidentielle de 1995 par la majorité du parti à la candidature du chiraquien dissident Édouard Balladur. Mais c'est avant tout aux présidentielles de 1969 et 2002 que cet éventuel choix rappellerait : ces années-là, une partie des centristes avait préféré soutenir une autre candidature que celle issue de leurs rangs.
3. Dernière famille centriste sur l'actuel échiquier politique : ceux qui ont rallié l'UMP. « L'UMP, ce n'est pas un parti de droite, c'est un parti de droite et de centre », a ainsi insisté le ministre Philippe Douste-Blazy lors de la présentation, le 24 octobre, de la contribution de sa sensibilité Démocrate & Populaire au projet législatif de l'UMP. Également issu de l'UDF, le ministre Renaud Dutreil parie pour sa part que cet électorat « se reconnaîtra plus dans un Jean-Louis Borloo qui joue la carte de la complémentarité avec Sarko » que dans la démarche de François Bayrou.
Entre François Bayrou et les sociaux-libéraux du parti de Nicolas Sarkozy, le différend n'est cependant pas que stratégique. Il porte également sur l'analyse de la société française. « Au niveau institutionnel, plutôt que de mettre en œuvre des grands bouleversements, nous nous engageons à légiférer beaucoup moins, à évaluer plus », promet, pour 2007, le secrétaire général de l'UMP, Pierre Méhaignerie, auquel François Bayrou a succédé en 1994 à la présidence du Centre des démocrates sociaux (CDS). « La critique concernant la dérive monarchique de notre régime, poursuit-il, pourrait être atténuée par un rôle renforcé du Parlement pour certaines nominations dans les agences et établissements publics les plus importants. »
Des propositions qui n'ont quantitativement rien à voir avec celles de François Bayrou, promoteur d'une VIe République. Dans l'esprit du président de l'UDF, la question centrale est en effet devenue celle de la « fracture » entre « le peuple » et « le pouvoir politique ». Ce dernier protégé, écrit-il encore, par « une magistrature de l'opinion, appuyée sur la puissance impressionnante de grands groupes industriels ou financiers en affaire avec l'État, ou voulant y entrer ». Insistant : « Quand on a, une fois, perçu cette évidence, on ne voit plus qu'elle. » Or, toujours selon lui, si les dirigeants politiques « ont tous fini par perdre le contact avec la vie réelle de leurs citoyens, la faute n'est pas d'abord dans les hommes : elle est dans les institutions ».
Laurent de Boissieu
© La Croix, 31/10/2006
(1) Au nom du tiers état, Hachette Littéraires, 2006, 254 pages.
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24 octobre 2006
calendrier électoral
L'élection présidentielle aura lieu les dimanches 22 avril et 6 mai 2007.
Le vote aura lieu les samedis 21 avril et 5 mai 2007 en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les bureaux de vote ouverts par les ambassades et postes consulaires situés sur le continent américain.
Les élelections législatives auront lieu les dimanches 10 et 17 juin 2007.
N.B. : le 22 avril, premier tour de l'élection présidentielle, correspond à la fin des vacances scolaires pour la zone C (Bordeaux, Créteil, Paris, Versailles) et au milieu de celles-ci pour la zone B (Aix-Marseille, Amiens, Besançon, Dijon, Lille, Limoges, Nice, Orléans-Tours, Poitiers, Reims, Rouen, Strasbourg).
16:15 | Lien permanent | Commentaires (15) | Facebook | | Imprimer | |
19 octobre 2006
livre Chirac
Brève revue des livres récemment publiés sur Jacques Chirac :
La tragédie du Président, de Franz-Olivier Giesbert (Flammarion)
Dans ce récit truffé d’anecdotes des années Chirac, le citoyen-lecteur se laisse avec bonheur entraîner dans les coulisses du pouvoir.
Le gâchis, de Robert Schneider (Bourin Éditeur)
La thèse de Robert Schneider est sévère : Jacques Chirac "n’avait pas la stature" d’être un homme d’État. Un Chirac dépeint comme clientéliste et dénué de conviction de fond, qui a "empêché la droite française de se convertir franchement au libéralisme".
Accusé Chirac, levez-vous !, de Denis Jeambar (Seuil)
Tout y passe dans ce réquisitoire politique, Denis Jeambar reprochant à Jacques Chirac de ne pas avoir libéralisé une France "prisonnière d’un État providence né de la Seconde Guerre mondiale" ou encore de s’être opposé aux États-Unis sur l’Irak : "Lorsqu’on appartient au même camp, il est des rendez-vous entre alliés qu’on ne manque pas. Chirac a raté celui de Bagdad."
Jacques Le Petit, de Laurent Mauduit (Stock)
Cet essai est plus une critique des institutions gaullistes que de Jacques Chirac. "Au-delà de l’homme, c’est d’abord et surtout le système qu’il incarne qui est, ici, en cause", reconnaît ainsi Laurent Mauduit en regrettant que "le virus du bonapartisme" ait "contaminé largement la gauche française".
L’irresponsable, d’Hervé Gattegno (Stock)
Pour Hervé Gattegno, il existe une "exception chiraquienne". Celle d’un président de la République qui "plus qu’aucun de ses devanciers (…) a usé des moyens de la présidence de la République pour préserver son pouvoir et sa personne".
Chirac et les 40 menteurs..., de Jean Montaldo (Albin Michel)
Avec son style polémique, Jean Montaldo nous fait part de sa déception : il avait vu en Jacques Chirac "le possible sauveur" après les années Mitterrand. Or, "aujourd’hui, rien n’a changé et – pire encore ! – tout s’est aggravé".
18:10 | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | | Imprimer | |
17 octobre 2006
faux débat au PS
La première des trois rencontres télévisées organisées pour l'investiture socialiste aura lieu ce soir. Elle sera diffusée en direct dès 20h30 sur LCI et les chaînes parlementaires LCP AN et Public Sénat (disponibles sur le câble, TNT, satellite, sites Internet des chaînes).
Contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, il ne s'agira pas d'un débat, mais - à la demande de Ségolène Royal - d'une succession de monologues.
De quoi le PS a-t-il peur ?
Réponse : de la division, cette "machine à perdre" électorale.
Comme si le débat, en soi, créait la division !
Or, comme l'ont montré les discussions autour du projet de Constitution européenne, le PS est bien divisé. Avec toute une palette de nuances entre l'aile droite sociale-libérale assumée (Jean-Marie Bockel) et l'aile gauche anti-libérale (Jean-Luc Mélenchon).
Avec, au centre, un marais majoritaire au discours anti-libéral et à la pratique sociale-libérale (défendant dans l'opposition ce qu'ils ont souvent contribué à démanteler dans la majorité).
En son temps déjà, Léon Blum dénonçait le décalage entre un discours révolutionnaire et une pratique réformiste...
Un décalage que les "partis frères" européens ont résolu. Que ce soit dans un sens ou dans un autre, il serait bon pour la démocratie que le PS tranche enfin entre ces deux options et assume son positionnement devant les électeurs.
15:35 | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook | | Imprimer | |
12 octobre 2006
Sarkozy, les chiraquiens et la présidentielle
Gros titres la semaine dernière sur l'unité au sein de l'UMP. Gros titres cette semaine sur la division au sein de l'UMP.
Mais que s'est-il passé d'une semaine à l'autre ? Rien !
Reflet d'un certain journalisme politique avec des oeillères, qui se focalise uniquement sur les petites phrases d'un jour.
Car, il est bien évident que, cette semaine tout autant que la semaine dernière :
- d'une part les chiraquiens n'ont aucune envie de soutenir Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle et se tiennent donc prêts à soutenir un(e) autre candidat(e) issu du "clan"
- d'autre part Nicolas Sarkozy est, pour l'heure, le candidat incontournable de la majorité à l'élection présidentielle
Dans l'hypothèse où les chiraquiens ne sont pas en mesure de présenter leur propre candidat, reste à savoir si certains d'entre eux - par rancune ou rancoeur ("tout sauf Sarko") ou encore par calcul politique (récupérer le parti en cas d'échec de Sarkozy à la présidentielle, le faire perdre en 2007 pour mieux préparer sa propre candidature en 2012) - ne feront pas le jeu de l'opposition.
Comme Jacques Chirac en 1981. Ou François Mitterrand en 1995.
Une crainte en tout cas présente chez Nicolas Sarkozy, si j'en crois les confidences récentes de l'un des ses proches collaborateurs ("Chirac, Villepin, Alliot-Marie et même Dupont-Aignan ont déjà tout fait et feront tout pour le faire chuter") et d'un ténor sarkozyste de l'UMP ("Jacques Chirac a tué Chaban en 1974, Giscard en 1981, Barre en 1988, Balladur en 1995 : j'attends la cinquième trahison"*).
* phrase inexacte, puisque la seule véritable trahison de Chirac, au sein de sa famille politique, est celle de Chaban-Delmas
12:30 | Lien permanent | Commentaires (14) | Facebook | | Imprimer | |