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03 mai 2007

Sarkozy-Royal : 1-1

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Sur la forme, Ségolène Royal a été meilleure, peut-être pas dans l'absolu, mais relativement à ce à quoi on pouvait s'attendre. Dans ses réponses à Nicolas Sarkozy, elle a magistralement manié une mauvaise foi... très sarkozienne ! Sa "colère parfaitement saine" - bien entendu simulée - en étant le meilleur exemple. Symbole de ce débat à front renversé, Nicolas Sarkozy qui dit à Ségolène Royal : "Pour être président de la République, il faut être calme". Quoi qu'il en soit, Ségolène Royal a été la plus offensive face à un Nicolas Sarkozy soucieux d'afficher son calme, sa "force tranquille". Sans doute trop : à plusieurs reprises, on a senti qu'il n'osait pas attaquer son adversaire, qu'il se bridait.

 

Sur le fond, en revanche, Nicolas Sarkozy a montré une bien meilleure connaissance des grands dossiers que Ségolène Royal. Le président de l'UMP a par ailleurs affiché un programme - qu'on soit d'accord ou pas avec celui-ci - cohérent. Tandis que Ségolène Royal a botté en touche dès qu'étaient abordées ses propositions concrètes (sur les 35 heures, les régimes spéciaux...), au-delà des généralités (dans le premier quart d'heure, elle avait presque déjà tout dit, sans quitter ses notes, liant tout et n'importe quoi). L'incohérence de ses propos lui permettant par ailleurs de désarçonner son adversaire ...en reprenant certains de ses arguments. Nicolas Sarkozy s'apprêtait par exemple à défendre l'idée de peines planchers pour les multirécidivistes et de réforme du droit pénal des mineurs, deux idées fortes du discours de gauche anti-Sarko, peine perdue : "cette loi est en effet nécessaire sur les multirécidivistes", déclare Ségolène Royal.

 

Bilan. De beaux échanges (heureusement que Ségolène Royal a interpellé dès le début Nicolas Sarkozy), mais un débat pas au niveau d'une élection présidentielle (l'internationale vite évacuée par exemple). On aurait aimé que Ségolène Royal interroge vraiment Nicolas Sarkozy sur le financement de son projet avec sa proposition de baisser de quatre points les prélèvements obligatoires; on aurait aimé que Nicolas Sarkozy interroge Ségolène Royal sur le fond de ses propositions.

 

N.B.: ce blog est raltivement silenceux en ce moment, en raison d'une part du travail que j'ai au journal, et d'autre part de la perte de ma connexion Internet à mon domicile (sans commentaire...).

30 avril 2007

france-politique.fr

Mise à jour de mes graphiques sur les résultats électoraux de partis politiques :

Parti communiste français (PCF)

Parti Socialiste (PS)

Les Verts

Front national (FN)

Lutte ouvrière (LO)

Ligue communiste révolutionnaire (LCR)

Chasse Pêche Nature Traditions (CPNT)

29 avril 2007

france-politique.fr

Mise à jour de mes graphiques sur l'extrême droite, la gauche et l'extrême gauche

27 avril 2007

Dix questions sur le centre

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1. Pourquoi François Bayrou veut-il créer un nouveau parti ?

François Bayrou a confirmé, mercredi, "la création d'un nouveau parti politique, le Parti démocrate". Initialement, dans l'optique de son élection à la présidence de la République, il s'agissait de créer un nouveau parti correspondant à une nouvelle majorité présidentielle. Finalement éliminé au premier tour, mais fort de ses 18,57% de suffrages exprimés, le président de l'UDF n'a donc pas renoncé à cette idée.

La création d'un nouveau parti possède deux objectifs. D'une part, marquer la renaissance d'un véritable centre - tel qu'il a existé entre 1962 et 1974 - en rompant avec une marque UDF assimilée à la droite. L'UDF a en effet été créée en 1978 par une alliance entre la droite libérale (Valéry Giscard d'Estaing) et l'ancien "centre d'opposition" (Jean Lecanuet), progressivement rallié à la droite aux élections présidentielles de 1969 et 1974. Même si certains de ses membres ont continué à se dire centristes, l'UDF appartient donc bien historiquement au bloc de droite. "Il y a enfin un centre en France, a ainsi souligné François Bayrou au soir du premier tour. Un centre large, un centre fort, un centre indépendant capable de parler et d'agir au-delà des frontières d'autrefois".

Créer un nouveau parti permet, d'autre part, de s'ouvrir aux personnalités non-UDF qui ont soutenu la candidature de François Bayrou : Corinne Lepage (ancien ministre du gouvernement Juppé et présidente du parti écologiste CAP 21), Azouz Begag (ancien ministre du gouvernement Villepin), Jean Peyrelevade (ancien directeur adjoint du cabinet du premier ministre Pierre Mauroy)...

 

2. Que va devenir l'UDF ? 

Si l'UDF "canal Bayrou" disparaîtra dans le nouveau Parti démocrate, une bataille juridique risque de s'ouvrir en ce qui concerne l'utilisation future de la marque "Union pour la démocratie Française UDF". Hervé de Charette (ex-UDF rallié en 2002 à l'UMP) l'a en effet déposée, le 8 mars 2004, à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Il en est officiellement le propriétaire depuis le 16 avril 2004.

Rien n'empêche donc des élus UDF favorables à une alliance avec l'UMP d'utiliser la marque UDF, avec l'accord d'Hervé de Charette. Ce qui pourrait bien servir à Nicolas Sarkozy, qui entend former sa future majorité présidentielle autour d'"un pôle UMP" et d'"un autre, issu du centre".

 

3. Que va voter François Bayrou au second tour de l'élection présidentielle ?

Le centre "bayrouiste" ne semble pas tout à fait à équidistance entre la droite "sarkozyste" et la gauche "royaliste". François Bayrou a en effet pointé, mercredi, quatre "maux". Pour deux d'entre eux, il a estimé que Nicolas Sarkozy était le moins bien placé : le "problème de démocratie" et le "problème de fracture sociale". Pour un seul, c'est Ségolène Royal qui est la moins bien placée : le "problème d'économie". Tandis qu'il a renvoyé l'un et l'autre dos à dos en ce qui concerne la dette publique.

François Bayrou a en outre attaqué Nicolas Sarkozy sur le plan personnel, dénonçant "son goût de l'intimidation et de la menace", "son tempérament et les thèmes qu'il a choisi d'attiser". Interrogé sur son vote personnel le 6 mai, le président de l'UDF a répondu : "Je ne sais pas ce que je ferai. Je commence à savoir ce que je ne ferai pas. J'imagine qu'en ayant lu mes propos, vous commencez à le discerner". En clair, il ne votera pas pour Nicolas Sarkozy, dont il a également dénoncé "la manière de gouverner" dans les Hauts-de-Seine...

Ajout du 03/05 : "Je ne voterai pas pour Sarkozy", a confirmé François Bayrou, dans Le Monde

 

4. Que voteront au second tour les députés UDF ?

En ne donnant pas de consigne de vote pour le second tour, François Bayrou évite pour l'instant de se couper de la majorité des députés de son parti, qui ont annoncé qu'ils voteront pour Nicolas Sarkozy.

Les 30 députés UDF et apparentés se répartissent en quatre catégories :

- ceux qui ont soutenu Nicolas Sarkozy dès le premier tour :  le ministre Gilles de Robien, Pierre-Christophe Baguet (non-inscrit), Christian Blanc (apperenté), André Santini

- ceux qui se sont ralliés depuis le premier tour : Francis Hillmeyer (22/04), Olivier Jardé (22/04), Michel Hunault (23/04), Pierre Albertini (apparenté) (24/04), Stéphane Demilly (24/04), Rodolphe Thomas (24/04), Jean Dionis du Séjour (25/04), Jean-Pierre Abelin (26/04), Nicolas Perruchot (26/04), Jean-Luc Préel (26/04), François Sauvadet (26/04), Charles de Courson* (27/04), Yvan Lachaud (27/04), Maurice Leroy* (27/04), Claude Leteurtre (27/04), François Rochebloine (27/04), Rudy Salles* (27/04), Hervé Morin* (30/04), Francis Vercamer (30/04), Bernard Bosson* (03/05)

- ceux qui voteront blanc : Gilles Artigues* (25/04), Anne-Marie Comparini* (03/05), Gérard Vignoble* (03/05)

- ceux qui ne se prononcent pas : François Bayrou* (ne votera pas Nicolas Sarkozy; lire ci-dessus), Philippe Folliot (apparenté), Jean-Christophe Lagarde* (penche pour Nicolas Sarkozy), Jean Lassalle*

* 11 députés UDF ayant voté en mai 2006 la motion de censure contre le gouvernement Villepin

N.B.: liste mise à jour au fur et à mesure

 

5. Comment ont été élus les députés UDF en 2002 ?

Le groupe UDF de l'Assemblée nationale compte actuellement 26 membres et 3 apparentés, auxquels il convient d'ajouter le non-inscrit Pierre-Christophe Baguet. Trois d'entre eux sont des anciens UMP ralliés à l'UDF en cours de législature (Michel Hunault, Yvan Lachaud, Francis Vercamer). Tous les autres siègent au groupe UDF depuis leur élection. En suivant les informations du ministère de l'intérieur, trois ont été élus en 2002 sous l'étiquette UMP (Jean-Pierre Abelin, Pierre-Christophe Baguet et Anne-Marie Comparini). Tous les autres ont été élus avec l'étiquette UDF, voire RPF pour l'un d'entre eux (Philippe Folliot).

Parmi ceux-ci, cinq seulement l'ont été en primaire avec l'UMP (Christian Blanc, Jean Dionis du Séjour, Philippe Folliot, Jean Lassalle et Claude Leteurtre). Ce qui signifie qu'actuellement 25 députés UDF et apparentés sur 30 ont été élus sans candidat UMP en face d'eux, et donc qu'ils étaient dans leur circonscription le candidat unique de la droite de gouvernement.

Par ailleurs, aux élections législatives de juin 2002 l'UMP avait présenté des candidats contre deux députés UDF sortant. Dans la 3e circonscription des Yvelines, l'UDF Anne-Marie Idrac a été réélue (c'est dans cette même circonscription que Christian Blanc sera élu quelques mois plus tard dans une élection législative partielle, toujours face à un candidat UMP). En revanche, dans la 4e circonscription du Val-de-Marne, l'UDF Jean-Jacques Jégou a été devancé au premier tour par le candidat UMP.

 

6. Le nouveau Parti démocrate pourra-t-il se passer d'alliance aux élections législatives ?

En ne donnant, mercredi, pas de consigne de vote, c'est-à-dire en ne tranchant pas entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, François Bayrou ne fait que reporter l'heure de la décision. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, en vigueur pour les élections législatives, est en effet un mode de scrutin d'alliance au second tour. L'exemple du FN a montré qu'il est quasi impossible, sans alliance, de faire élire un député en cas de triangulaire.

Si dans toutes les circonscriptions s'affrontent des candidats UMP, PS et Parti démocrate "bayrouiste", ce dernier se trouverait entre les deux tours des législatives dans la même situation qu'entre les deux tours de la présidentielle. À la différence majeure que, sous la pression notamment des députés sortants, il serait plus difficile, cette fois, de ne pas choisir entre la droite et la gauche, entre le PS et l'UMP. Car l'enjeu ne sera plus le même : conserver ou non un groupe parlementaire. Mais, mercredi, François Bayrou s'est dit prêt à "accepter tous les risques". Se plaçant sans doute déjà dans le persepective ...de l'élection présidentielle de 2012.

 

7. Un "centre indépendant" a-t-il un avenir ?

En définitive, deux hypothèses permettraient à François Bayrou de faire exister un centre indépendant de la droite et de la gauche. Premièrement, si, d'une part il parvient sans alliance à faire élire quelques députés bien implantés et fidèles, et si, d'autre part ces derniers se trouvent en situation "charnière" d'arbitrer entre l'UMP et le PS.

Seconde hypothèse : l'adoption d'un mode de scrutin proportionnel ou, tout au moins, d'une dose de proportionnelle comme le propose Ségolène Royal. Dans une note pour la Fondation pour l'innovation politique (février 2007), le politologue Dominique Reynié a ainsi appliqué aux résultats des élections législatives de 1988, 1993, 1997 et 2002 le mode de scrutin proportionnel départemental. Dans un seul cas, en 1997, ni la droite ni la gauche n'auraient obtenu la majorité absolue. La seule majorité possible aurait alors été une coalition post-électorale entre le PS et l'UDF.

Retour à la IVe République...

 

8. Le mode de scrutin peut-il être modifié d'ici les élections législatives ?

Juridiquement rien ne l'empêche. Il suffit en effet d'une loi ordinaire votée par le Parlement pour modifier le mode de scrutin aux élections législatives. Cette hypothèse est toutefois impossible. Tout d'abord, matériellement, la période entre l'entrée en fonction du nouveau président de la République, la nomination d'un nouveau gouvernement et le premier tour des élections législatives (10 juin) est trop courte pour engager une procédure législative. Ensuite, politiquement, la majorité actuelle à l'Assemblée nationale (UMP) est défavorable à la représentation proporotionnelle. Enfin, il est dans la tradition républicaine de ne pas modifier un mode de scrutin à moins d'un an des élections.

 

9. Le retour à une alliance avec l'UMP est-elle possible ?

Cette hypothèse serait électoralement la plus logique pour les députés UDF sortants, puisque leur électorat de 2002 était un électorat de droite. Mais elle irait à l'encontre de la démarche - allant jusqu'à censurer le gouvernement Villepin en mai 2006 - qui a permis à François Bayrou d'être le troisième homme de cette élection présidentielle. Ce serait pour l'UDF un retour à la case départ. "Je ne reviendrai pas en arrière", ne cesse de répéter son président depuis le soir du premier tour, semblant écarter toute nouvelle alliance avec l'UMP.

 

10. Une alliance avec le PS est-elle possible ?

Ce serait l'hypothèse la plus révolutionnaire. Depuis 1974, le centre est allié à la droite. Pourquoi ne serait-il pas, demain, allié à la gauche ? Cela semblait impossible tant que le PS était, à gauche, obligé de s'allier avec le PCF. Mais, l'effondrement du PCF d'un côté, la droitisation de l'UMP avec Nicolas Sarkozy de l'autre, semblent aujourd'hui ouvrir cette possibilité.

Au sein de l'UDF, une alliance avec le PS a toujours été écartée tant que ce parti ne se coupe pas de son aile antilibérale, celle-là même qui a milité pour le non à la Constitution européenne. Bref, deux conditions préalables devraient être rempliées. D'une part que les sociaux-libéraux du PS (Dominique Strauss-Kahn, Michel Rocard) rompent avec leurs camarades antilibéraux (Jean-Luc Mélenchon, Henri Emmanuelli). D'autre part que François Bayrou prenne le risque de perdre de nouveaux élus - après ceux qui ont rallié l'UMP en 2002 - car un tel retournement d'alliance susciterait des réactions en chaîne dans les collectivités locales.

Dans cette hypothèse, le "centre indépendant" n'aurait vécu qu'entre le premier tour de l'élection présidentielle et le second tour des élections législatives. Simple période de passage de l'UDF "canal Bayrou" du centre-droit au centre-gauche (comme une partie de l'ex-Démocratie chrétienne en Italie). Loin de l'idée de la renaissance d'un "centre indépendant"... en attendant la prochaine élection présidentielle. Ce dernier scrutin est en effet le seul où il est - en théorie - possible de restructurer la vie politique. Toute la difficulté consistant, pour ceux qui veulent "faire turbuler le système" (Jean-Pierre Chevènement en 2002, François Bayrou en 2007), à exister entre deux échéances présidentielles.

 

(cette note reprend des éléments de mes articles publiés tout au long de cette semaine dans La Croix)

26 avril 2007

L'homme de la nation

Éclairage

 

medium_sarkodegaulle.jpgC'est devenu un leitmotiv de la geste de Nicolas Sarkozy : se présenter comme "l'homme de la nation". Le candidat UMP a utilisé pour la première fois l'expression le 11 février, en réunissant ses comités de soutien. Depuis, elle jalonne ses discours : Nice le 30 mars, Paris le 4 avril, Lyon le 5 avril, Tours le 10 avril, Colombey-les-Deux-Églises le 16 avril, Marseille le 19 avril et - après le premier tour - Dijon le 23 avril puis Rouen le 24 avril.

L'expression est directement issue de la conception gaulliste du président de la République. Dans une conférence de presse du 31 janvier 1964, Charles de Gaulle explique que le président de la République est, "suivant notre Constitution", "l'homme de la Nation, mis en place par elle-même pour répondre de son destin". Concrètement, l'article 5 de la Constitution indique que "le président de la République veille au respect de la Constitution" et "assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État."

L'expression est réapparue le 13 novembre 2001, lorsque, dans une tribune publiée par Le Monde, le parlementaire européen Paul-Marie Coûteaux a appelé Jean-Pierre Chevènement à "être l'homme de la nation". Elle a ensuite été reprise, le 21 mars 2002, dans l'appel des gaullistes en faveur de Jean-Pierre Chevènement. Son utilisation par Nicolas Sarkozy est certainement due à l'influence de sa "plume" Henri Guaino, qui est issu de ces mêmes milieux gaullistes et républicains.

En se présentant comme "l'homme de la nation", Nicolas Sarkozy veut prouver qu'il n'entend plus rompre avec les institutions gaullistes. Bref, qu'il a "changé". Dans ses voeux à la presse du 12 janvier 2006, puis lors de la convention de l'UMP sur les institutions (5 avril 2006), l'ancien porte-parole d'Édouard Balladur voulait en effet - comme François Bayrou - que ce soit le président de la République, et non plus le premier ministre, qui détermine et conduise la politique de la nation. À l'opposé de la pensée institutionnelle de Charles de Gaulle. Le 15 décembre 2006, en débattant avec Michèle Alliot-Marie, il affirmait encore que, selon lui, "le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu". Ce, justement, à quoi il "aspire" aujourd'hui : "cesser d'être l'homme d'un parti" et "devenir l'homme de la nation".

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 26/04/2007