24 août 2007
Les Sarkozy en monarchie
La commission d'enquête parlementaire sur les conditions de la libération des infirmières bulgares et du médecin bulgaro-palestinien emprisonnés en Libye devrait demander à entendre Cécilia Sarkozy, qui a participé à la phase finale des négociations. Au nom du principe de la séparation des pouvoirs, Nicolas Sarkozy, président de la République, ne peut constitutionnellement pas répondre à une commission parlementaire. Or, jeudi, le porte-parole de l'Élysée, David Martinon, a expliqué que Cécilia Sarkozy ne se rendra pas non plus devant cette commission car, selon l'exécutif, "par extension, Mme Sarkozy, puisqu'elle était son envoyée personnelle, tombe sous la même règle".
Étrange argumentation en République. L'épouse du président de la République n'est en effet pas une "extension" de celui-ci. C'est une citoyenne comme une autre.
De deux choses l'une. Soit l'Élysée considère qu'une personne missionnée par le chef de l'État ne doit pas pouvoir rendre compte devant une commission d'enquête parlementaire. Dans ce cas cela vaut aussi bien pour Cécilia Sarkozy que pour Claude Guéant, secrétaire général de la présidence de la République, qui, lui, devrait pourtant se rendre devant les députés. Soit l'Élysée considère qu'une personne missionnée par le chef de l'État doit pouvoir rendre compte devant une commission d'enquête parlementaire. Dans ce cas la citoyenne Cécilia Sarkozy n'a pas à se soustraire - pour convenance personnelle - à cette obligation.
18:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
22 août 2007
TEPA de gauche, toi !
La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA ou "paquet fiscal") a été publiée aujourd'hui au Journal Officiel. Que l'on s'en désole ou que l'on s'en félicite, cette loi remet en cause les deux fondements d'une politique fiscale de gauche, c'est-à-dire les deux impôts progressifs républicains:
- l'impôt sur les revenus des personnes physiques (instauré en 1913) avec l'abaissement du bouclier fiscal de 60% à 50%
- l'impôt sur les successions (instauré en 1901) avec l'objectif d'exonérer 95% des successions en ligne directe
L'avenir dira si, un jour, une "gauche décomplexée" remettra ou non en cause ces mesures adoptées par une "droite décomplexée"...
19:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
20 août 2007
La France en Irak occupée
Bernard Kouchner est en visite en Irak. Il est humain qu'il veuille rendre hommage à ses amis tués dans ce qu'il reste de cet État : Sergio Vieira de Mello, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies; Nadia Younes, Fiona Watson et Jean-Sélim Kanaan, membres de son équipe au Kosovo. Mais Bernard Kouchner n'est pas que Bernard Kouchner : Bernard Kouchner est ministre des affaires étrangères de la France. Et sa visite est présentée comme "officielle" et non comme privée.
On pouvait penser que Nicolas Sarkozy avait changé sur l'Irak en particulier et sur sa conception des relations avec les États-Unis en général, après avoir - très tardivement, en janvier dernier - rendu hommage à la position de Jacques Chirac lors de la crise irakienne de 2003. Ce retour de la France sur une terre occupée par les Américains et leurs alliés prouve qu'il n'en est rien.
Si la nomination de Bernard Kouchner au gouvernement a été présentée comme un exemple de l'ouverture à gauche affichée par Nicolas Sarkozy, sur l'Irak les deux hommes semblent sur la même ligne depuis toujours. Contre une intervention unilatérale américaine, certes (Nicolas Sarkozy, en janvier 2003 : "la décision d'un conflit ne peut être qu'une décision collective, prise après un débat au conseil de sécurité de l'ONU" car "les Américains n'ont pas à décider seuls, sans tenir compte de l'avis d'autres nations, du fait de savoir s'il doit ou non y avoir paix ou guerre"). Mais pour une intervention sous couvert de l'ONU ou, tout au moins, contre une opposition de la France à cette dernière (Nicolas Sarkozy, en septembre 2006 : "La menace de l'utilisation de notre droit de veto était inutile", dénonçant dans le discours prononcé par Dominique de Villepin au Conseil de sécurité de l'ONU, le 14 février 2003, "l'arrogance française", les "mises en scène" et la "grandiloquence stérile").
Comme me l'a dit un ancien ministre : "Si Nicolas Sarkozy avait dit ce qu'il pensait, le gouvernement aurait explosé". À l'époque, il était numéro deux du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Aujourd'hui, il est président de la République. Et, logiquement, "Sarkozy l'Américain" réoriente sa politique dans un sens plus conforme à ses convictions. Mais nul ne peut lui en faire le reproche : il a été élu pour cela.
Reste à savoir s'il ira jusqu'au bout en tenant une de ses promesses électorales implicites, qui briserait le tabou gaulliste du retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN. "La France, qui a quitté les structures intégrées de l'OTAN en 1966, n'en reste pas moins un membre très actif et l'un des principaux contributeurs opérationnels", expliquait-t-il dans le numéro de janvier-février de la revue Défense de l'IHEDN. Concluant que la France "devra demain réduire l'écart entre son discours et la réalité de la situation".
22:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
18 juillet 2007
feu la Ve République
On dit la fonction de premier ministre effacée par celle de président de la République telle que l'exerce Nicolas Sarkozy. Voilà à mon avis une erreur d'analyse. La fonction de premier ministre est en effet bel et bien exercée. Non pas par François Fillon, mais par ...Nicolas Sarkozy.
En définitive, c'est la fonction de président de la République telle que l'envisageait Charles de Gaulle que Nicolas Sarkozy a effacé (mais ne nous avait-il pas prévenu en assénant que, pour lui, "le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu" ?). Faisant, par ricochet, de François Fillon un super-directeur de cabinet. Jacques Chirac a largement contribué à tourner le dos à la Ve République (cohabitation, dissolution de convenance, quinquennat). Mais sa discrétion médiatique donnait à ses interventions de la hauteur et de la solennité. Des caractères nécessaires lorsque l'essentiel est en jeu (crise internationale, cohésion nationale, valeurs républicaines). En cas de crise interne ou externe, quelle ressource utiliserait un Nicolas Sarkozy ayant démonétisé la parole présidentielle ?
Charles de Gaulle, 4 septembre 1958 :
Que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu'il mandate et leur accorde la confiance qui anime la légitimité. Qu'il existe, au-dessus des luttes politiques, un arbitre national (...) chargé d'assurer le fonctionnement régulier des institutions, avant le droit de recourir au jugement du peuple souverain, répondant, en cas d'extrême péril, de l'indépendance, de l'honneur, de l'intégrité de la France et du salut de la République. Qu'il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner, à qui on en laisse le temps et la possibilité, qui ne se détourne pas vers autre chose que sa tâche, et qui, par là, mérite l'adhésion du pays. Qu’il existe un parlement destiné à représenter la volonté politique de la nation, à voter les lois, à contrôler l'exécutif, sans prétendre sortir de son rôle. Que gouvernement et parlement collaborent mais demeurent séparés quant à leurs responsabilités et qu'aucun membre de l'un ne puisse, en même temps, être membre de l'autre. Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir. Le reste dépendra des hommes.
Charles de Gaulle, 31 janvier 1964 :
(...) il ne faut pas que le Président soit élu simultanément avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altérerait le caractère et abrégerait la durée de sa fonction de chef de l'État. D'autre part, il est normal chez nous que le Président de la République et le Premier ministre ne soient pas un seul et même homme. Certes, on ne saurait accepter qu'une dyarchie existât au sommet. Mais, justement, il n'en est rien. En effet, le Président, qui, suivant notre Constitution, est l'homme de la nation, mis en place par elle-même pour répondre de son destin ; le Président, qui choisit le Premier ministre, qui le nomme ainsi que les autres membres du Gouvernement, qui a la faculté de le changer, soit parce que se trouve achevée la tâche qu'il lui destinait et qu'il veuille s'en faire une réserve en vue d'une phase ultérieure, soit parce qu'il ne l'approuverait plus ; le Président, qui arrête les décisions prises dans les Conseils, promulgue les lois, négocie et signe les traités, décrète ou non les mesures qui lui sont proposées, est le chef des armées, nomme aux emplois publics ; le Président, qui, en cas de péril, doit prendre sur lui de faire tout ce qu'il faut ; le Président est évidemment seul à détenir et à déléguer l'autorité de l'État. Mais, précisément, la nature, l'étendue, la durée de sa tâche impliquent qu'il ne soit pas absorbé, sans relâche et sans limite, par la conjoncture, politique, parlementaire, économique et administrative. Au contraire, c'est là le lot, aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du Premier ministre français.
Si Nicolas Sarkozy a renoncé à inscrire dans son projet la présidentialisation du régime qu'il prônait auparavant, sa pratique des institutions est donc conforme avec cette idée : le président de la République s'occupe de tout, et le premier ministre du reste...
19:15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
15 juillet 2007
fête "nationale"
Le 14 Juillet, c'est la fête nationale. Devinez ce que fait le nouveau président de la République française pour son premier 14 Juillet ? Il invite à défiler sur les Champs-Élysées des troupes de tous les États membres de l'Union Européenne.
Jolies images, certes, mais nous voilà loin de la communion nationale qu'est censée représenter le 14 Juillet...
Loin, également, du ton gaulliste donné à sa campagne présidentielle par son conseiller Henri Guaino.
Qui plus est, joli pied de nez au peuple français qui a majoritairement dit NON, deux ans auparavant, à un projet de traité constitutionnel européen. Il est vrai que Nicolas Sarkozy, rompant avec la tradition républicaine, avait déjà posé, pour sa photo officielle, à côté des drapeaux français ...et européen.
réaction de José Manuel Durão Barroso, président de la Commission européenne :
Je salue l'initiative du président de la République française Nicolas Sarkozy d'avoir associé l'Europe à la commémoration du 14 juillet. C'était émouvant d'écouter l'hymne européen et la déclaration Schuman lue pendant ces célébrations. J'y vois un geste qui a une valeur symbolique, mais aussi un message très fort pour la France et pour toute l'Europe. À l'ère de la mondialisation, si nous voulons défendre nos intérêts et nos valeurs, nous devons le faire ensemble en tant qu'Européens (...)
J'aimerai demander à José Manuel Durão Barroso et à Nicolas Sarkozy quels sont ces "valeurs" et ces "intérêts" communs. Comme l'a montré avec force la crise irakienne, les États membres de l'Union Européenne, au-delà de l'affichage de mots consensuels, ne donnent pas la même définition à ces valeurs... Il est vrai qu'à l'époque l'un comme l'autre n'étaient pas sur la même position que celle impulsée par Jacques Chirac et Dominique de Villepin à la France.
P.S.: en contrepoint, je vous invite à lire la réaction de mon confrère Jean Quatremer
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |