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28 janvier 2008

Dura lex sed lex

c8d6b97e128d01f0eda4d882ca7b998a.jpg"C'est la règle des règles, et générale loi des lois, que chacun observe celles du lieu où il est", écrivait déjà au XVIe siècle Montaigne dans ses Essais. De fait, une infraction commise à l'étranger par un Français est jugée par la justice du pays où les faits se sont produits. Il est donc normal que les six ressortissants français de l'Arche de Zoé aient été jugés au Tchad, selon les lois tchadiennes.

L'article III de l'accord en matière judiciaire signé le 6 mars 1976 entre le Tchad et la France prévoit toutefois que "si l'une ou l'autre partie contractante en fait la demande, tout ressortissant de l'un des deux États condamné à une peine d'emprisonnement ou à une peine plus grave, sera, sous réserve de son consentement, remis aux autorités de l'État dont il est ressortissant".

Les membres de l'Arche de Zoé et leur famille, au-delà de l'émotion légitime face à la condamnation d'un proche à une peine d'emprisonnement, devraient donc comprendre que, normalement, ils auraient dû purger au Tchad les huit ans de travaux forcés auxquels ils ont été condamnés.

La France s'honore à ce que les travaux forcés ne fassent pas partie de l'éventail des peines proposées. Et félicitons-nous que, grâce à la convention de 1976, les six ressortissants français de l'Arche de Zoé puissent purger à la place une peine de huit ans de prison en France. Mais la justice française ne peut pas se substituer à la justice d'un État souverain, quoi qu'on pense de celle-ci.

Comment réagirions-nous si les familles de ressortissants tchadiens, transférés au Tchad après avoir été condamnés en France pour tentative d'enlèvement d'enfants français, demandaient leur llibération ?

22 janvier 2008

Le gouvernement veut lever les obstacles constitutionnels à sa politique d'immigration choisie

9a707e3ee8bd7dfe515d1b07b231e12a.jpgBrice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a précisé dimanche que la "commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration" serait présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, et devrait boucler ses travaux "fin avril". Le 18 septembre 2007, Brice Hortefeux avait annoncé le lancement d'une "réflexion sur l'éventualité de modifications constitutionnelles destinées à mener à bien la transformation de la politique française de l'immigration". Car au moins trois mesures envisagées par le gouvernement pourraient être jugées inconstitutionnelles.

Première mesure : la mise en place de quotas "entre les grandes régions de provenance des flux migratoires dans notre pays". Si fonder des quotas sur la nationalité ne serait a priori pas anticonstitutionnel, la question risquerait de se poser en ce qui concerne des quotas par grandes zones géographiques (Afrique du Nord, Afrique sub-saharienne...). La frontière serait en effet alors mince avec des quotas ethniques. Or le Conseil constitutionnel a déjà censuré, dans sa décision du 15 novembre 2007, toute inégalité devant la loi en fonction de l'origine ethnique ou raciale. Cette question devrait de toute façon être traitée par la commission présidée par Simone Veil, dont un des objets est de travailler à une révision de la Constitution permettant de mettre en place une discrimination positive tendant à favoriser la diversité raciale.

Deuxième mesure, telle qu'elle figure dans la lettre de mission adressée en juillet 2007 à Brice Hortefeux par Nicolas Sarkozy : "Vous fixerez chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France et vous viserez l'objectif que l'immigration économique représente 50% du flux total des entrées à fin d'installation durable en France." Or, le droit de mener une vie familiale normale et le droit d'asile, garantis par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme, ne peuvent pas, en l'état actuel du droit, être encadrés par des "plafonds chiffrés".

Enfin, troisième mesure prévue : "Confier à un seul ordre de juridiction le contentieux de l'ensemble du processus administratif d'admission au séjour ou d'éloignement des étrangers." Ce qui "exigerait une réforme de la Constitution", a précisé Brice Hortefeux le 18 septembre 2007.

Le travail de la commission Mazeaud s'avère donc délicat, d'autant plus que, contrairement à Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, plusieurs de ses membres se sont toujours montrés hostiles à toute différenciation ethnique (discrimination positive, statistiques ethniques...), qu'il s'agisse de Pierre Mazeaud ou du démographe Hervé Le Bras.

 

Avertissement : cette note reprend la première version de mon article publié, avec quelques modifications, dans La Croix de ce jour

 

Post-scriptum : appel, ce matin, du cabinet de Brice Hortefeux, qui exclut toute idée 1) de quotas pour les demandes d'asile 2) de quotas ethniques. Donc acte.

17 janvier 2008

Laïcité "positive"

4dcfa13485cf1aff0a1a039b774d52da.jpg"Laïcité positive", un concept qui pose question. En défendant l'idée d'une "laïcité positive", Nicolas Sarkozy sous-entend en effet que la laïcité française, historique, républicaine, serait une laïcité "négative".

 

 

Qu'est-ce que la laïcité ? (source : France Républicaine)

  • La séparation des églises et de l'État (Loi de 1905)
  • La neutralité de l'État, et donc des agents publics (interdiction de tout port de signes religieux visibles)
  • La République assure la liberté de conscience (article 1 de la Loi de 1905), liberté de croire (c'est mon cas) ou de ne pas croire et liberté de pratiquer une religion dans le respect des lois de la République
  • La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (article 2 de la Loi de 1905).

 

Qu'en est-il des discours du président de la République ?

  • amalgame entre laïcité et anti-religieux, d'où l'appel à une laïcité "positive" (sous-entendu : qui ne soit pas, elle, antireligieuse); or, contrairement à ce que dit Nicolas Sarkozy, la laïcité ce n'est pas l'anti-religieux dans la société mais c'est l'a-religieux dans la sphère publique.
  • primauté de la morale religieuse sur la morale laïque (discours de Latran, 20/12/2007 : "S'il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu'il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D'abord parce que la morale laïque risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini. Ensuite parce qu'une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité (...) Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s'il est important qu'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance")
  • négation de l'athéisme (discours de Riyad, 14/01/2008 : "Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme.").

L'attention a été focalisée sur des expressions qui ne sont que le reflet d'une réalité historique (donc, bien entendu, du passé et non du présent) : la France "fille aînée de l'Église", les "racines chrétiennes" de la France (même si, contrairement au président de la République, on ne peut pas considérer qu'elles le soient "essentiellement"). Mais les trois points ci-dessus exposés me semblent bien plus importants (inquiétants ?) !

 

P.S.: autre élément surprenant dans le discours de Riyad : Nicolas Sarkozy s'est non seulement adressé "à toute la nation saoudienne", mais "aussi à toute la nation arabe et à toute la communauté des croyants". En quoi la France doit-elle subreptiscement reconnaître l'exitence d'une "nation arabe" par-dessus les États ou saluer une communauté de croyants lorsqu'il s'adresse non pas à un dignitaire religieux mais à une assemblée politique ?

16 janvier 2008

Taux du livret A

925436104db443583b295647f0a6cc1a.jpgEn démocratie, seules les décisions prises directement par les citoyens ou par l'intermédiaire de leurs représentants sont légitimes. Le politique a cependant de plus en plus tendance à se défausser de ses responsabilités (François Fillon en parlait très bien, lorsqu'il était séguiniste). C'est ainsi qu'a été créé un mode de calcul automatique du taux de Livret A. C'est ainsi encore que le gouvernement envisage de créer une "commission des sages" qui plancherait sur la revalorisation annuelle du SMIC.

Or, selon le mode de calcul automatique, le taux du Livret A devrait passer le 1er février 2008 de 3% à 4%. Mais que décide le gouvernement ? De ne retenir qu'une hausse de 3,5% ! Si l'on peut se féliciter que le politique reprenne ses responsabilités... politiques, gageons que ce sera à chaque fois pour minorer une mesure (Livret A ou SMIC) qui, elle, pourrait concrètement augmenter les revenus et le pouvoir d'achat des Français les plus modestes (avec, de surcroît, un discours culpabilisant opposant épargne populaire et logement social alors que, parallèlement, on ne s'oppose pas à la libéralisation du Livret A).

15 janvier 2008

Révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne

c54d5baf0197872d38fb4c674307f5b1.jpgLe Parlement commence ce mardi l'examen du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution. Ce texte procède aux modifications de la Constitution préalables à la ratification du traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007.

 

Quelles sont les étapes nécessaires à la ratification du traité de Lisbonne ?

C'est normalement le Parlement qui autorise la ratification par le président de la République d'un traité international. L'article 54 de la Constitution précise toutefois que "si le Conseil Constitutionnel (...) a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution". Or, dans sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a jugé que des dispositions du traité de Lisbonne appellent bien une révision de la Constitution. Deux étapes parlementaires sont donc nécessaires avant la ratification du traité. D'une part, la révision de la Constitution. D'autre part, l'autorisation de ratifier proprement dite.

 

Comment la Constitution sera-t-elle révisée ?

Selon la procédure de l'article 89 de la Constitution, le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution doit d'abord être voté par les deux assemblées en termes identiques. Il sera donc examiné à l'Assemblée nationale à partir de ce mardi, puis au Sénat. Le projet de loi constitutionnelle doit ensuite être approuvé soit par référendum, soit par le Parlement (577 députés et 331 sénateurs) convoqué en Congrès. C'est cette dernière procédure qui sera utilisée avec la convocation du Congrès, à Versailles, "dans la semaine du 4 février". Le projet de révision devrait alors être approuvé à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Sur le papier, la gauche (355 parlementaires), les centristes (une trentaine) et les souverainistes de droite (une dizaine) peuvent donc tout arrêter là.

 

Comment le traité de Lisbonne sera-t-il ratifié ?

Une fois la Constitution révisée, le processus de ratification du traité de Lisbonne proprement dit peut s'enclencher. Ici encore, deux possibilités. Soit la voie parlementaire normale, soit la voie référendaire de l'article 11 de la Constitution, utilisée en 1992 pour le traité de Maastricht et en 2005 pour le traité constitutionnel européen. Comme il l'avait indiqué durant la campagne présidentielle, et en dépit de la controverse que cela suscite en raison du rejet par le peuple français du projet de Constitution européenne auquel il succède, Nicolas Sarkozy a décidé d'utiliser pour le traité de Lisbonne la voie parlementaire. Le projet de loi autorisant sa ratification sera alors soumis au Parlement selon la procédure législative habituelle, le 6 février à l'Assemblée nationale, puis le 7 février au Sénat.