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16 février 2008

Appel de Marianne

61774423.jpgMarianne a publié un appel à la vigilance républicaine. Autant est-il est sain que des personnalités politiques de tous bords se retrouvent lorsque l'essentiel est en jeu. Autant les retombées de l'appel de Marianne me semblent à côté de la plaque.

 

L'appel de Marianne critique Nicolas Sarkozy dans quatre domaines :

- le "refus de toute dérive vers une forme de pouvoir purement personnel confinant à la monarchie élective"

- l'attachement à la laïcité

- l'attachement à l'indépendance de la presse et au pluralisme de l'information

- l'attachement à la politique étrangère gaullienne

 

Or c'est presqu'exclusivement sur le premier point que les commentateurs ont réagi. Dommage. Car, au-delà du clin d'oeil à l'échange entre Nicolas Sarkozy et Laurent Joffrin sur la monarchie élective, ce point est celui qui est le plus contestable. Sauf à faire de la polémique partisane (à ce que je sache, Nicolas Sarkozy n'a pas modifié les institutions pour instituer un véritable "pouvoir purement personnel"), indigne d'un appel solennel à la vigilance républicaine.

Sur la laïcité et sur la politique étrangère, voire sur la presse, il y a en effet beaucoup à dire sur les choix de Nicolas Sarkozy... et sur ceux de certains signataires (pas forcément en désaccord, justement, avec Nicolas Sarkozy !). Mais, sur les institutions, la pratique de Nicolas Sarkozy tourne au contraire le dos à la "monarchie présidentielle" (qui n'est pas pouvoir personnel) voulue par le fondateur de la Ve République. Un gaulliste pourrait même lui reprocher d'avoir présidentialisé le régime en supprimant, non pas la fonction de premier ministre (qu'il exerce de fait), mais la fonction de président de la République. Il n'est en effet pas devenu "l'Homme de la nation", ainsi défini par Charles de Gaulle : "Qu'il existe, au-dessus des luttes politiques, un arbitre national (...) chargé d'assurer le fonctionnement régulier des institutions, avant le droit de recourir au jugement du peuple souverain, répondant, en cas d'extrême péril, de l'indépendance, de l'honneur, de l'intégrité de la France et du salut de la République."

Et reconnaissons à Nicolas Sarkozy un minimum de cohérence : avant son élection, il était (comme François Fillon) partisan d'un régime présidentiel et il avait raillé la conception gaulliste de la présidence de la République (Nicolas Sarkozy : "Le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu"). Il ne lui resterait plus qu'un ultime effort pour être complètement cohérent : mettre en place une VIe République, présidentielle, en inscrivant dans le texte de la Constitution sa pratique présidentialiste et, donc, antigaulliste.

14 février 2008

Nicolas Sarkozy cherche les moyens de rebondir

ebb4d167244c8103d4470a78074062d0.jpgComment rebondir ? Question que se posent tous les hommes politiques lorsqu'ils se trouvent au creux de la vague des sondages, et à laquelle n'échappe pas, aujourd'hui, Nicolas Sarkozy. Ce dernier "s'interroge sur la manière, le cas échéant, de négocier un virage après les municipales", confirme un proche du président de la République. Il y d'ailleurs déjà plusieurs mois que le candidat à la présidence de la République avait, lui-même, anticipé une baisse de sa popularité au premier trimestre 2008, proposant, en vain, d'avancer les élections municipales et cantonales au troisième trimestre 2007. Sauf qu'il imaginait un tel revers de l'opinion publique en raison de réformes libérales, selon lui nécessaires même impopulaires, et non de promesses électorales non encore concrétisées (augmentation du pouvoir d'achat) ou des frasques de sa vie privée.

Pour Nicolas Sarkozy, un rebond pourrait s'articuler en trois temps. Tout d'abord, le court terme: les élections municipales des 9 et 16 mars. Dans l'urgence, il s'agit de colmater les brèches en mettant le paquet sur l'électorat traditionnel de droite. Qu'il s'agisse des personnes âgées, avec l'annonce, mercredi dernier, d'une "avance" de 200 euros "à valoir sur les revalorisations à venir" du minimum vieillesse. Ou des professions libérales, à commencer par celles qui sont vent debout contre les propositions du rapport Attali : artisans taxis, notaires, etc. C'est dans ce but que le président de la République a rencontré la semaine dernière, pour les rassurer, des chauffeurs de taxi et leurs organisations représentatives.

Parallèlement, Nicolas Sarkozy a rappelé à l'ordre la majorité. "Il veut que tout le monde soit à l'offensive", explique un des participants aux petits-déjeuners hebdomadaires de la majorité. Le président de la République ne supporte en outre plus la mise en cause, par les députés, de Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, ou d'Henri Guaino, son conseiller spécial. "S'en prendre à mes collaborateurs, c'est ne pas avoir le courage de s'en prendre à moi, a-t-il tancé. Moi, lorsque j'étais parlementaire, je m'en suis toujours pris directement à Jacques Chirac".

Ensuite, à moyen terme, devrait intervenir un remaniement ministériel. "J'écoute, je lis, j'entends tout ce qui se dit, a-t-il prévenu lors d'un récent conseil des ministres. Après les municipales, je prendrai avec sang-froid les décisions qui s'imposent".

À moyen terme toujours, Nicolas Sarkozy mise sur la présidence française de l'Union européenne, à partir du 1er juillet, pour rebondir. Il a ainsi reproché à l'UMP de ne pas avoir assez célébré son "succès" du traité de Lisbonne. Ce n'est pas un hasard si, dimanche, en pleine tourmente de l'UMP à Neuilly-sur-Seine, ville dont il a été maire de 1983 à 2002, le président de la République a improvisé une allocution pour se féliciter du vote de la loi autorisant la ratification du Traité de Lisbonne. Dans le domaine intérieur, les deux grands chantiers avant l'été sont la réforme des retraites et la réforme des institutions, même si le chef de l'État a renoncé à inscrire dans la Constitution sa pratique présidentialiste. Reste deux autres chantiers plus délicats, car touchant à des piliers de la République : l'instauration de la discrimination positive pour favoriser la diversité raciale et la réforme de la loi de 1905 pour mettre en oeuvre une laïcité "positive".

Enfin, à plus long terme, Nicolas Sarkozy attend les élections de 2010 pour faire oublier celles de 2008. Si les municipales de 2001 avaient été bonnes pour la droite, les régionales de 2004 avaient été catastrophiques, avec seulement deux présidences de conseils régional sur vingt-deux en métropole. Dans ces conditions, "2010 ne peut être qu'un bon rendez-vous électoral" pour la majorité qui "va gagner des régions", pronostique un dirigeant de l'UMP. Un bon tempo pour préparer l'échéance présidentielle de 2012.

 

Laurent de Boissieu

(une version courte de cet article a été publié dans La Croix de ce matin)

13 février 2008

Le coin du pinailleur

72daed336bde1b6a2e8bea5b1ab1ae31.jpgOn a beau être "rédacteur (journaliste) spécialisé", ses articles sont relus avant publication par plusieurs personnes très compétentes et aux retouches souvent très pertinentes, mais qui ne sont pas, elles, des spécialistes de la politique.

C'est ainsi que je m'étrangle régulièrement le matin en lisant dans mes papiers des énormités qui n'y étaient pas la veille. Florilège :

  • député-maire de Courbevoie : faux, car le territoire d'élection du maire (la commune) ne correspond pas à celui du député (la circonscription législative).
  • député des Hauts-de-Seine : faux, car le député représente la nation toute entière et non un territoire.
  • président de la région Île-de-France : faux, car la France n'est pas un État fédéral mais un État unitaire; on dit donc président du conseil régional d'Île-de-France.
  • deux régions sur vingt-deux : faux, car en France il y a vingt-six régions; on dit donc, éventuellement, deux régions sur vingt-deux régions métropolitaines.
  • etc.

09 février 2008

La Constitution européenne revient en kit

77ceaa9b1dfbd6e3d0a99e211a72bb8e.jpgL'Assemblée nationale a adopté, jeudi, le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne. "Ce traité est une réponse à la crise qui a culminé en 2005", a argumenté Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes. "Ce n'est pas pour autant un déni de ses causes. Nous avons tenu compte des exigences et des critiques exprimées par les citoyens. La démarche constitutionnelle et les symboles sont abandonnés", a-t-il notamment souligné.

Contrairement au traité établissant une Constitution pour l'Europe, le traité de Lisbonne ne reprend en effet ni le titre de "Constitution" ni les "symboles de l'Union européenne" : drapeau (un cercle de douze étoiles d'or sur fond bleu), hymne ("Ode à la joie" de la Neuvième Symphonie de Ludwig van Beethoven), devise ("Unie dans la diversité"), monnaie (l'euro) et journée (commémoration de la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950). Un abandon, cependant, avant tout formel, puisque, à l'exception de la devise, les autres symboles ont été respectivement adoptés en 1985 (hymne, journée de l'Europe), 1986 (drapeau) et 1999 (monnaie).

Obtenu par les États membres les plus eurosceptiques (France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark, Pologne, République tchèque), cet effacement est présenté en France comme une solution permettant de "dépasser les oppositions entre partisans et adversaires de la Constitution". Mais seize autres États européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Espagne, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Portugal, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) ont, parallèlement, signé une déclaration, jointe au traité de Lisbonne, qui les réaffirme en ce qui les concerne.

Or, plusieurs députés ont milité, durant le débat parlementaire, en faveur d'une signature par la France de cette déclaration. Estimant que les symboles "auraient dû être maintenus dans le traité", Hervé de Charette (UMP), ancien ministre des affaires étrangères et rapporteur de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, a ainsi souhaité que le gouvernement français signe la déclaration sur les symboles de l'Union "à l'occasion de la ratification".

"Les symboles européens ont tout autant leur place dans les traités européens que dans les constitutions nationales", a également plaidé Axel Poniatowski (UMP), président de la commission des affaires étrangères. "Lorsque l'Assemblée sera saisie du projet de loi constitutionnelle tendant à réformer nos institutions, nous proposerons de réviser l'article 88-1 de la Constitution pour y inscrire le principe suivant : la France reconnaît les symboles de l'Union européenne. Je vous invite à vous associer à cette initiative le moment venu", a-t-il lancé à ses collègues en conclusion, sous les applaudissements de la quasi-totalité des députés de la majorité et d'une partie des députés de l'opposition.

Du reste, si Jean-Marc Ayrault (PS), président du groupe socialiste, radical et citoyen, a assuré qu'une majorité de gauche aurait "sans nul doute négocié un texte plus ambitieux", il a précisé que cette majorité n'aurait "pas délaissé les symboles en quoi se concrétise la personnalité politique de l'Union".

Ce n'est pas un hasard si ces initiatives proviennent de députés proches de Valéry Giscard d'Estaing (Hervé de Charette, Axel Poniatowski). L'ancien président de la République, père du projet de Constitution européenne, avait, en effet, immédiatement réagi après l'initiative des seize partenaires de la France, jugeant qu'"il ne serait pas acceptable que la France, État fondateur, dont la photo officielle du président de la République reproduit le drapeau européen, ne s'associe pas à cette déclaration". De l'art de faire entrer par le fenêtre ce que les Français avaient refusé par la porte.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 08/02/2008

04 février 2008

Traité de Lisbonne

Le congrès (députés et sénateurs) se prononce ce lundi sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne.

 

3f03926d1f035946b75d7331ed2f358c.jpg1. Quels sont les arguments contre un nouveau référendum européen ?
D'une part, le candidat Nicolas Sarkozy avait annoncé, s'il était élu, une ratification parlementaire et non référendaire.
D'autre part, la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce directement par référendum ou indirectement par l'intermédiaire de ses représentants. Les deux voies sont donc constitutionnelles.

 

 2. Quels sont les arguments pour un nouveau référendum européen ?
Tout ce que contenait le traité établissant une constitution pour l'Europe n'est pas dans le traité de Lisbonne, mais tout ce qui est dans le traité de Lisbonne était dans le traité établissant une constitution pour l'Europe. Seul un référendum peut donc légitimement approuver ce qui a déjà été rejeté par référendum (parallélisme des formes).

 

3. Les Français qui avaient approuvé le traité établissant une constitution pour l'Europe ont-ils des raisons de désapprouver le traité de Lisbonne ?
Ceux qui ont approuvé le traité constitutionnel européen n'ont aucune raison de désapprouver le traité de Lisbonne, qui reprend une partie de ce qu'ils ont déjà approuvé. Même si les promoteurs d'une véritable Europe politique fédérale regrettent les abandons de forme (« constitution », « ministre européen des affaires étrangères », symboles de l'Union européenne : drapeau, hymne, devise...).

 

4. Les Français qui avaient désapprouvé le traité établissant une constitution pour l'Europe ont-ils des raisons d'approuver le traité de Lisbonne ?
Concernant, tout d'abord, les « nonistes » opposés à l'orientation néolibérale et monétariste des politiques de l'Union européenne : l'extrême gauche, le PCF, les antilibéraux du PS (Jean-Luc Mélenchon, Henri Emmanuelli), les nationaux-républicains (Jean-Pierre Chevènement du Mouvement Républicain et citoyen et Nicolas Dupont-Aignan de Debout la République, auteur du Coup d'État simplifié aux Éditions du Rocher). Contrairement au traité constitutionnel européen, le traité de Lisbonne ne compile pas les politiques de l'Union déjà existantes. Mais il ne les réoriente pas non plus. À l'exception d'une minorité du PS (Vincent Peillon), les « nonistes » sociaux désapprouvent donc le traité de Lisbonne comme ils ont désapprouvé le traité constitutionnel européen.
Concernant, ensuite, les « nonistes » opposés aux innovations institutionnelles de l'ancien traité constitutionnel européen : l'extrême droite, les nationaux-libéraux (Philippe de Villiers) et, encore, les nationaux-républicains (Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Dupont-Aignan). Le traité de Lisbonne reprenant ces innovations institutionnelles (personnalité juridique de l'Union européenne, « ministre européen des affaires étrangères » renommé « haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité », etc.), les « nonistes » souverainistes désapprouvent logiquement le traité de Lisbonne comme ils ont désapprouvé le traité constitutionnel européen.

 

5. Quelles sont les positions des partis représentés au Parlement ?
- Pour le traité de Lisbonne et pour une ratification parlementaire : UMP, Nouveau centre, PRG, Mouvement démocrate.
- Pour le traité de Lisbonne et pour un référendum : PS, Verts.
- Contre le traité de Lisbonne et pour un référendum : PCF, Mouvement pour la France, Mouvement républicain et citoyen, Debout la République.

 

À lire : Les votes européens en France de 1951 à 2005