08 octobre 2007
Hébergement d'urgence pour les étrangers clandestins
La polémique sur l'accès à l'hébergement d'urgence des étrangers en situation irrégulière est typiquement le genre d'affaire où l'on entend dire tout et n'importe quoi. Quelques clarifications.
1. Le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile prévoit-il de fermer l'accès des centres d'hébergement d'urgence aux étrangers clandestins ?
Non. Il n'a jamais été question, ni dans le texte gouvernemental ni dans le texte amendé par les parlementaires, de fermer l'accès des étrangers en situation irrégulière aux centres d'hébergement d'urgence.
2. Pourquoi, dès lors, une telle polémique ?
Examinons, d'abord, la rédaction actuelle de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (dalo) :
Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation (article 4).
Examinons, ensuite, la rédaction prévue à ce jour par le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile :
Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée si elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation (article 4 modifié).
Il ne s'agit donc pas de fermer l'accès des centres d'hébergement d'urgence aux étrangers en situation irrégulière (condition qui serait effectivement contraire aux valeurs de la "fille aînée de l'Église" et de la "patrie des droits de l'Homme") mais de ne pas leur ouvrir le droit à un logement pérenne en France (de même qu'ils n'ont, par exemple, pas droit au RMI). Dans l'état actuel du droit français, la seule "orientation" pour un étranger en situation irrégulière est en effet (sauf cas particuliers définis par la loi) la reconduite à la frontière. On peut vouloir changer la loi, mais on ne peut pas demander à une loi d'ignorer une autre loi.
3. Quelques précisions sémantiques :
Sans-papiers. Le mot est utilisé à tort. Le terme "sans-papiers" désigne en effet deux catégories particulières d'étrangers en situation irrégulière. D'une part, ceux qui dissimulent leur origine (les harraga : ceux qui brûlent leur papier d'identité d'origine). D'autre part, ceux qui ne sont ni régularisables ni expulsables. Mais il n'y a strictement aucune raison de qualifier de "sans-papiers" l'ensemble des étrangers en situation irrégulière !
edit : D'après une consoeur, sans-papiers signifierait en fait "sans-papiers réguliers pour séjourner sur le territoire national" (synonyme d'étrangers en situation irrégulière). Donc acte.
Solidarité gouvernementale. Les membres du gouvernement forment constitutionnellement un organe collégial et solidaire. Tout ministre est donc responsable de tout acte pris par le gouvernement. Ce qui signifie que le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile est tout autant un projet de loi "Hortefeux" qu'un projet de loi "Hirsch". Pour reprendre une phrase célèbre de Jean-Pierre Chevènement, "un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne".
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07 octobre 2007
Un détail essentiel
Le premier ministre François Fillon a déclaré samedi, lors du conseil national de l'UMP, que "les polémiques" autour de la loi sur l'immigration "ont grossi jusqu'au ridicule un détail, en masquant l'essentiel".
Un "détail", c'est, selon le dictionnaire Le Robert, un "élément non essentiel d'un ensemble". Mais, en politique, le mot est négativement connoté depuis qu'en 1987 Jean-Marie Le Pen l'a employé pour qualifier les chambres à gaz de "point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale". L'utiliser est, au mieux une maladresse, au pire une provocation.
Quoi qu'il en soit, il existe deux façons d'apprécier si une partie d'un ensemble relève de l'essentiel ou du détail.
La première est de se demander si l'article sur l'identification par empreintes génétiques est, pour le gouvernement, une mesure essentielle du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. Le fait que cet article a été introduit par un amendement parlementaire permet de penser que non.
La seconde manière est d'apprécier si cet article touche à des principes essentiels. Or l'amendement sur les tests génétique va par nature à l'encontre de la conception française de la filiation (fondée sur les liens du coeur et non sur les liens du sang) et du recours à l'expertise biologique (uniquement sur décision judiciaire). Et, partant, qu'il ne saurait être qualifié de "détail"...
13:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
22 août 2007
TEPA de gauche, toi !
La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA ou "paquet fiscal") a été publiée aujourd'hui au Journal Officiel. Que l'on s'en désole ou que l'on s'en félicite, cette loi remet en cause les deux fondements d'une politique fiscale de gauche, c'est-à-dire les deux impôts progressifs républicains:
- l'impôt sur les revenus des personnes physiques (instauré en 1913) avec l'abaissement du bouclier fiscal de 60% à 50%
- l'impôt sur les successions (instauré en 1901) avec l'objectif d'exonérer 95% des successions en ligne directe
L'avenir dira si, un jour, une "gauche décomplexée" remettra ou non en cause ces mesures adoptées par une "droite décomplexée"...
19:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
20 août 2007
La France en Irak occupée
Bernard Kouchner est en visite en Irak. Il est humain qu'il veuille rendre hommage à ses amis tués dans ce qu'il reste de cet État : Sergio Vieira de Mello, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies; Nadia Younes, Fiona Watson et Jean-Sélim Kanaan, membres de son équipe au Kosovo. Mais Bernard Kouchner n'est pas que Bernard Kouchner : Bernard Kouchner est ministre des affaires étrangères de la France. Et sa visite est présentée comme "officielle" et non comme privée.
On pouvait penser que Nicolas Sarkozy avait changé sur l'Irak en particulier et sur sa conception des relations avec les États-Unis en général, après avoir - très tardivement, en janvier dernier - rendu hommage à la position de Jacques Chirac lors de la crise irakienne de 2003. Ce retour de la France sur une terre occupée par les Américains et leurs alliés prouve qu'il n'en est rien.
Si la nomination de Bernard Kouchner au gouvernement a été présentée comme un exemple de l'ouverture à gauche affichée par Nicolas Sarkozy, sur l'Irak les deux hommes semblent sur la même ligne depuis toujours. Contre une intervention unilatérale américaine, certes (Nicolas Sarkozy, en janvier 2003 : "la décision d'un conflit ne peut être qu'une décision collective, prise après un débat au conseil de sécurité de l'ONU" car "les Américains n'ont pas à décider seuls, sans tenir compte de l'avis d'autres nations, du fait de savoir s'il doit ou non y avoir paix ou guerre"). Mais pour une intervention sous couvert de l'ONU ou, tout au moins, contre une opposition de la France à cette dernière (Nicolas Sarkozy, en septembre 2006 : "La menace de l'utilisation de notre droit de veto était inutile", dénonçant dans le discours prononcé par Dominique de Villepin au Conseil de sécurité de l'ONU, le 14 février 2003, "l'arrogance française", les "mises en scène" et la "grandiloquence stérile").
Comme me l'a dit un ancien ministre : "Si Nicolas Sarkozy avait dit ce qu'il pensait, le gouvernement aurait explosé". À l'époque, il était numéro deux du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Aujourd'hui, il est président de la République. Et, logiquement, "Sarkozy l'Américain" réoriente sa politique dans un sens plus conforme à ses convictions. Mais nul ne peut lui en faire le reproche : il a été élu pour cela.
Reste à savoir s'il ira jusqu'au bout en tenant une de ses promesses électorales implicites, qui briserait le tabou gaulliste du retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN. "La France, qui a quitté les structures intégrées de l'OTAN en 1966, n'en reste pas moins un membre très actif et l'un des principaux contributeurs opérationnels", expliquait-t-il dans le numéro de janvier-février de la revue Défense de l'IHEDN. Concluant que la France "devra demain réduire l'écart entre son discours et la réalité de la situation".
22:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
18 juillet 2007
feu la Ve République
On dit la fonction de premier ministre effacée par celle de président de la République telle que l'exerce Nicolas Sarkozy. Voilà à mon avis une erreur d'analyse. La fonction de premier ministre est en effet bel et bien exercée. Non pas par François Fillon, mais par ...Nicolas Sarkozy.
En définitive, c'est la fonction de président de la République telle que l'envisageait Charles de Gaulle que Nicolas Sarkozy a effacé (mais ne nous avait-il pas prévenu en assénant que, pour lui, "le président de la République n'est pas un arbitre au-dessus des partis, qui marche sur les eaux parce qu'il a été élu" ?). Faisant, par ricochet, de François Fillon un super-directeur de cabinet. Jacques Chirac a largement contribué à tourner le dos à la Ve République (cohabitation, dissolution de convenance, quinquennat). Mais sa discrétion médiatique donnait à ses interventions de la hauteur et de la solennité. Des caractères nécessaires lorsque l'essentiel est en jeu (crise internationale, cohésion nationale, valeurs républicaines). En cas de crise interne ou externe, quelle ressource utiliserait un Nicolas Sarkozy ayant démonétisé la parole présidentielle ?
Charles de Gaulle, 4 septembre 1958 :
Que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu'il mandate et leur accorde la confiance qui anime la légitimité. Qu'il existe, au-dessus des luttes politiques, un arbitre national (...) chargé d'assurer le fonctionnement régulier des institutions, avant le droit de recourir au jugement du peuple souverain, répondant, en cas d'extrême péril, de l'indépendance, de l'honneur, de l'intégrité de la France et du salut de la République. Qu'il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner, à qui on en laisse le temps et la possibilité, qui ne se détourne pas vers autre chose que sa tâche, et qui, par là, mérite l'adhésion du pays. Qu’il existe un parlement destiné à représenter la volonté politique de la nation, à voter les lois, à contrôler l'exécutif, sans prétendre sortir de son rôle. Que gouvernement et parlement collaborent mais demeurent séparés quant à leurs responsabilités et qu'aucun membre de l'un ne puisse, en même temps, être membre de l'autre. Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir. Le reste dépendra des hommes.
Charles de Gaulle, 31 janvier 1964 :
(...) il ne faut pas que le Président soit élu simultanément avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altérerait le caractère et abrégerait la durée de sa fonction de chef de l'État. D'autre part, il est normal chez nous que le Président de la République et le Premier ministre ne soient pas un seul et même homme. Certes, on ne saurait accepter qu'une dyarchie existât au sommet. Mais, justement, il n'en est rien. En effet, le Président, qui, suivant notre Constitution, est l'homme de la nation, mis en place par elle-même pour répondre de son destin ; le Président, qui choisit le Premier ministre, qui le nomme ainsi que les autres membres du Gouvernement, qui a la faculté de le changer, soit parce que se trouve achevée la tâche qu'il lui destinait et qu'il veuille s'en faire une réserve en vue d'une phase ultérieure, soit parce qu'il ne l'approuverait plus ; le Président, qui arrête les décisions prises dans les Conseils, promulgue les lois, négocie et signe les traités, décrète ou non les mesures qui lui sont proposées, est le chef des armées, nomme aux emplois publics ; le Président, qui, en cas de péril, doit prendre sur lui de faire tout ce qu'il faut ; le Président est évidemment seul à détenir et à déléguer l'autorité de l'État. Mais, précisément, la nature, l'étendue, la durée de sa tâche impliquent qu'il ne soit pas absorbé, sans relâche et sans limite, par la conjoncture, politique, parlementaire, économique et administrative. Au contraire, c'est là le lot, aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du Premier ministre français.
Si Nicolas Sarkozy a renoncé à inscrire dans son projet la présidentialisation du régime qu'il prônait auparavant, sa pratique des institutions est donc conforme avec cette idée : le président de la République s'occupe de tout, et le premier ministre du reste...
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