13 novembre 2006
candidature Bayrou
Les temps changent. Hier, lors du conseil national de l’UDF, François Bayrou a défendu une conception gaulliste de l’élection présidentielle, insistant en ouverture sur « la dimension personnelle », la « rencontre » et la « confiance » entre le candidat élu et le peuple. Il est loin le temps où, face au général de Gaulle, les centristes étaient de farouches adversaires de l'élection du président de la République au suffrage universel direct ! Il est vrai que ce rendez-vous électoral est le seul capable de remettre en cause le clivage droite-gauche, comme l’ont montré les précédents de 1969 (second tour entre la droite et le centre) et de 2002 (second tour entre la droite et l’extrême droite). Or, telle est justement la volonté politique du président de l’UDF.
« L’élection présidentielle, ce n’est pas une affaire de parti, a poursuivi François Bayrou. Ce n’est pas dans les rangs d’une formation politique qu’une compétition s’organise. » Une allusion critique à la procédure d’investiture interne au PS. Même si « une formation politique a le devoir de dire qui elle soutient », a-t-il précisé. Dans cette perspective, l’UDF a d’ailleurs modifié son règlement intérieur, dans un sens proche de celui de l'UMP, et défini son calendrier. François Bayrou devrait présenter sa candidature à l’élection présidentielle « fin novembre ou début décembre », indique un de ses proches. En tout état de cause avant le 5 décembre, date limite de dépôt des candidatures internes. Ces dernières doivent être présentées par au moins 5% du bureau politique de l’UDF, c’est-à-dire 25 membres. Les 33 000 adhérents de l’UDF seront ensuite appelés à voter par correspondance, avec une proclamation des résultats prévue le 20 décembre. Entre-temps, le président de l’UDF, qui ne disposera alors pas encore du soutien officiel de son parti, tiendra à Lille, le 14 décembre, son premier grand meeting régional de campagne présidentielle.
Dans son discours de clôture, François Bayrou a multiplié les critiques contre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal (...).
Pour le reste, François Bayrou s’est posé en défenseur d’une « nouvelle synthèse entre modernité et modèle républicain français », synthèse qualifiée de « modèle de résistance au modèle américain dominant sur la planète ». L'intervention du président de l’UDF était par ailleurs ponctuée de références à l’unité nationale et à la singularité du peuple et du « projet » français. Une thématique proche de celle de Jean-Pierre Chevènement, même si les deux hommes divergent sur la question européenne, François Bayrou étant persuadé, lui, que tous les États européens peuvent adhèrer à cette nouvelle synthèse. L'un et l'autre se retrouvent également dans une même volonté de rallier à eux l'électorat contestataire. Une stratégie difficile puisque, contrairement au candidat « républicain de gauche », le centriste a toujours défendu des positions aux antipodes de celles de cet électorat.
C’est au nom de cette défense du modèle républicain français que le président de l’UDF affirme ne pas avoir « aimé la légèreté avec laquelle Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont considéré que la carte scolaire devait être jetée aux orties », leur faisant, « au nom de la France », « un procès en abandon du modèle républicain qui nous fait vivre ». Insistant : « Ils se trompent de pays, ils se trompent de modèle, ils se trompent de peuple ». Une différence sur laquelle a également insisté le député Pierre Albertini en présentant l’avant-projet de l’UDF pour les élections législatives, intitulé "La France ensemble". Un titre qui n'est pas sans rappeler le slogan de campagne de Jacques Chirac en 2002 : "La France en grand, la France ensemble"...
Laurent de Boissieu
© La Croix, 13/11/2006
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Centrisme pluriel
Le centre existe-t-il ? De la création de l'UDF, en 1978, jusqu'à la fin des années 1990, le centre correspondait essentiellement au centre droit, c'est-à-dire aux composantes démocrate-chrétienne, radicale et sociale-démocrate de l'UDF. Un centre droit qui se définissait par des valeurs qui le distinguaient à la fois des familles libérale (social-libéralisme) et chiraquienne (fédéralisme européen, décentralisation territoriale). Mais, depuis, le paysage politique a été profondément modifié : scission de la majorité des libéraux et début d'unification de l'UDF autour de François Bayrou en 1998, participation d'une partie des centristes à la création de l'UMP en 2002, renaissance d'un centre indépendant de la droite avec la censure du gouvernement de Dominique de Villepin par la moitié des députés UDF en mai 2006.
Conséquence : les centristes se répartissent aujourd'hui entre trois familles.
1. La très grande majorité de ceux qui sont restés fidèles à l'UDF soutient cette rupture avec la droite et, afin d'incarner une véritable troisième voie centriste, la candidature de François Bayrou à l'élection présidentielle. Leur référence historique est la campagne de Jean Lecanuet à la présidentielle de 1965. À l'époque, ils ne voulaient ni de Charles de Gaulle ni de François Mitterrand. Aujourd'hui, ils ne veulent guère plus de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal.
La rupture de François Bayrou avec la droite s'est accompagnée d'un changement de discours. Auparavant, il s'agissait pour le président d'un parti situé au centre droit de plaider en faveur d'une réunification du centre en s'adressant au centre gauche. « Il y a une famille majoritaire en France. Elle n'a jamais exercé le pouvoir car elle est coupée en deux et chacune des moitiés est minoritaire dans son camp », soutenait ainsi François Bayrou en août 2005.
Désormais, c'est à l'électorat contestataire renvoyant dos-à-dos les deux grands partis de gouvernement que s'adresse François Bayrou. Dans la préface du livre qu'il vient de publier (1), il dénonce ainsi les élites au nom du « peuple des citoyens, le tiers état d'aujourd'hui » : « C'est un peuple qu'ils croient sans importance, écrit-il. Presque un peuple de trop. Un peuple gênant. Ainsi le vivent les pouvoirs, et le considèrent les puissants. Le même mal ronge et court depuis des années, préparant à chaque élection, à chaque consultation, sa surprise, l'irruption du peuple indocile dans le concert bien ordonné de la pensée préfabriquée. Et chaque fois les puissants poussent des ah ! et des oh !, commandent des enquêtes dont ils découvrent les conclusions navrées... et retournent à leurs habitudes méprisantes. » Familier de la science politique, un parlementaire européen UDF qualifie ce discours de « centrisme tribunitien ». Il n'est du reste pas inédit en Europe : on peut citer par exemple le Parti du travail en Lituanie, membre justement du Parti démocrate européen coprésidé par François Bayrou.
2. Très minoritaire dans le parti, mais surreprésentée parmi les parlementaires, une partie de ceux qui sont restés fidèles à l'UDF s'oppose cependant à cette rupture avec la droite. C'est notamment le cas de la moitié des députés du parti, qui a refusé de censurer le gouvernement de Dominique de Villepin, ou encore des membres du club Société en Mouvement, créé par Gilles de Robien, unique ministre UDF du gouvernement. Leur vision correspond plus à l'UDF giscardienne de 1978, positionnée au centre droit, qu'à la nouvelle UDF de François Bayrou, qui tend à véritablement se positionner au centre, c'est-à-dire à équidistance de l'UMP et du PS.
Si la plupart d'entre eux, à l'image du député Jean Dionis du Séjour, sont en désaccord avec la stratégie du président de leur parti mais n'envisage pas de soutenir un autre candidat à la présidentielle, le cas de Gilles de Robien est plus suspect aux yeux des proches de François Bayrou. « Il mise sur une candidature de Dominique de Villepin », assure un parlementaire UDF en établissant un parallèle avec le soutien apporté lors de la présidentielle de 1995 par la majorité du parti à la candidature du chiraquien dissident Édouard Balladur. Mais c'est avant tout aux présidentielles de 1969 et 2002 que cet éventuel choix rappellerait : ces années-là, une partie des centristes avait préféré soutenir une autre candidature que celle issue de leurs rangs.
3. Dernière famille centriste sur l'actuel échiquier politique : ceux qui ont rallié l'UMP. « L'UMP, ce n'est pas un parti de droite, c'est un parti de droite et de centre », a ainsi insisté le ministre Philippe Douste-Blazy lors de la présentation, le 24 octobre, de la contribution de sa sensibilité Démocrate & Populaire au projet législatif de l'UMP. Également issu de l'UDF, le ministre Renaud Dutreil parie pour sa part que cet électorat « se reconnaîtra plus dans un Jean-Louis Borloo qui joue la carte de la complémentarité avec Sarko » que dans la démarche de François Bayrou.
Entre François Bayrou et les sociaux-libéraux du parti de Nicolas Sarkozy, le différend n'est cependant pas que stratégique. Il porte également sur l'analyse de la société française. « Au niveau institutionnel, plutôt que de mettre en œuvre des grands bouleversements, nous nous engageons à légiférer beaucoup moins, à évaluer plus », promet, pour 2007, le secrétaire général de l'UMP, Pierre Méhaignerie, auquel François Bayrou a succédé en 1994 à la présidence du Centre des démocrates sociaux (CDS). « La critique concernant la dérive monarchique de notre régime, poursuit-il, pourrait être atténuée par un rôle renforcé du Parlement pour certaines nominations dans les agences et établissements publics les plus importants. »
Des propositions qui n'ont quantitativement rien à voir avec celles de François Bayrou, promoteur d'une VIe République. Dans l'esprit du président de l'UDF, la question centrale est en effet devenue celle de la « fracture » entre « le peuple » et « le pouvoir politique ». Ce dernier protégé, écrit-il encore, par « une magistrature de l'opinion, appuyée sur la puissance impressionnante de grands groupes industriels ou financiers en affaire avec l'État, ou voulant y entrer ». Insistant : « Quand on a, une fois, perçu cette évidence, on ne voit plus qu'elle. » Or, toujours selon lui, si les dirigeants politiques « ont tous fini par perdre le contact avec la vie réelle de leurs citoyens, la faute n'est pas d'abord dans les hommes : elle est dans les institutions ».
Laurent de Boissieu
© La Croix, 31/10/2006
(1) Au nom du tiers état, Hachette Littéraires, 2006, 254 pages.
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08 septembre 2006
Philippe de Villiers
Philippe de Villiers cherche un espace entre Jean-Marie Le Pen et Nicolas Sarkozy
Plusieurs anciens partisans du "non" à la Constitution européenne donneront de la voix ce week-end, à l’occasion de l’université d’été de leur parti respectif : le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement aux Ulis (Essonne), le club Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan - toujours membre de l’UMP - à Dourdan (Essonne) et le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, près de Lorient (Morbihan). Si Jean-Pierre Chevènement laisse planer le suspens sur une nouvelle candidature (il avait obtenu 5,33% des suffrages exprimés en 2002), celles déjà déclarées de Nicolas Dupont-Aignan et de Philippe de Villiers ne décollent pour l'instant pas dans les sondages.
"Philippe de Villiers a été considéré comme le plus gros des petits candidats", nuance toutefois Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département Opinion publique de l’Ifop. "Aujourd’hui, il est devenu le plus petit des gros candidats". Une point positif pour le président du MPF, qui ne récolte cependant qu’entre 3 à 5% des intentions de vote. C’est-à-dire un chiffre, certes, proche de son score de 1995 (4,74% des suffrages exprimés), mais qui le situe un chouïa au-dessus des intentions de vote en faveur de Marie George Buffet (PCF) ou Dominique Voynet (Les Verts).
"Philippe de Villiers a une carte à jouer car son tournant ‘patriote populaire’ a été perçu par les Français, poursuit Jérôme Fourquet. Son niveau de popularité est stable, mais la structure de ses soutiens s’est radicalement modifiée. Les ouvriers ont remplacé les cadres. Parallèlement, sa popularité a diminué parmi les sympathisants UMP et a augmenté parmi ceux du FN, ce qui peut faciliter d’éventuels transferts d’intentions de vote".
Pour l’analyste de l’Ifop, il existe en outre à la droite de la droite un électorat mouvant, qu’il évalue à 5-6 points, qui peut aussi bien se fixer sur Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen… ou Philippe de Villiers. C’est à cet électorat que s’adressent les prises de position remarquées de ce dernier contre 'l’islamisation de la société française' ou contre le mariage homosexuel.
"Le pari de Philippe de Villiers était de remplir le vide laissé par un hypothétique affaiblissement ou par le retrait de Jean-Marie Le Pen, qui aura 78 ans l’année prochaine", analyse de son côté Dominique Reynié, chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof). "Or, ce n’est pas le cas. Jean-Marie Le Pen représente une ‘marque’, indissociable du nom de son fondateur, à laquelle ses électeurs sont attachés au-delà du discours nationaliste". Le politologue estime également que les milieux populaires ne voteront, en définitive, pas pour un notable vendéen, énarque et ancien ministre. "Philippe de Villiers possède un discours trop conceptuel, estime-t-il. Finalement, il est à l’image de ceux avec lesquels il a débuté en politique : François Léotard et Alain Madelin. Comme eux, il a des idées et ses livres se vendent bien. Comme eux, il a un public mais, comme eux, il n’a pas trouvé d’électorat".
Reste que, pour peser un peu plus, Philippe de Villiers devrait, selon L’Express de cette semaine, demander aux deux candidats du second tour de l’élection présidentielle de s’engager sur cinq points : famille, immigration, fiscalité, Europe et éducation. Une façon de se démarquer de Nicolas Sarkozy, qui, lui aussi, tente de capter l’électorat d’extrême droite.
Laurent de Boissieu
© La Croix
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