19 novembre 2008
La "diversité" à la télévision
Quelques chiffres pour faire réfléchir... et ne pas dire (ou écrire) n'importe quoi :
"minorités visibles" en France (1) | 9,5% |
présentateurs et animateurs "non blancs" (2) | 7% |
différence | - 2,5 pts |
"minorités visibles" en France (1) | 9,5% | |
avec pub | hors pub | |
"non blancs" vues à la télé (2) | 14% | 18% |
différence | + 4,5 pts | + 8,5 pts |
femmes en France | 52% | |
avec pub | hors pub | |
femmes vues à la télé (2) | 37% | 33% |
différence | - 15 pts | - 19 pts |
ouvriers en France | 23% |
ouvriers vus à la télé (2) | 2% |
différence | - 21 pts |
"minorités visibles" en France (1) | 9,5% |
"non blancs" dans les fictions françaises (2) | 11% |
différence | + 1,5 pt |
"noirs" en France (1) | 3,2% |
"noirs" dans les fictions françaises (2) | 7% |
différence | + 3,8 pts |
"noirs" aux États-Unis | 12,5% |
"noirs" dans les fictions américaines (2) | 12% |
différence | - 0,5 pt |
(1) enquête TNS Sofres pour le CRAN (12 500 personnes interrogées en treize enquêtes dédiées), 31/01/2007
(2) étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel, 12/11/2008
N.B.: un tel comptage racial me donne la nausée, mais c'est malheureusement vers quoi nous conduit la pensée unique racialiste qui est en train de s'imposer...
12:23 | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | |
Imprimer | |
18 novembre 2008
Appeler un racialiste un racialiste
Une amie (merci Anne !) m'a signalé un article du quotidien Le Monde qui m'avait échappé. Il s'agit plus exactement de la chronique de la médiatrice publiée ce week-end. "L'élection de Barack Obama a un avantage annexe, appréciable pour les médiateurs : on peut enfin écrire 'noir' (...) sans recevoir une volée de messages criant au racisme", écrit Véronique Maurus. "C'est nouveau: jusque-là, mentionner la couleur de la peau, les racines ethniques ou religieuses d'une personne était tabou", poursuit-elle en dénonçant dans son papier le "politiquement correct".
Il ne s'agit pourtant pas forcément de "tabou" ou de soumission au "politiquement correct". Je cite encore Véronique Maurus: "Rien dans les chartes de déontologie n'interdit de préciser la couleur de peau, l'origine ethnique, la religion ou l'orientation sexuelle d'une personne, à condition que ces détails soient pertinents dans le contexte - ou que l'intéressé s'en prévale".
Or, justement, autant dans le contexte de la société racialiste américaine préciser la couleur de la peau peut être sociologiquement pertinent, autant le faire dans le contexte de la société française relève d'un parti pris déterminé (lire par exemple dans Le Monde: "La diversité ethnique s'impose lentement sur les écrans français", 22/09/2008). Il s'agit plus précisément d'un parti pris racialiste (qui, contrairement au racisme, n'établit pas de hiérarchie raciale).
Or, jusque-là, en France, un tel parti pris était marginalement cantonné à l'extrême droite. Le courant racialiste (ou "racisme différentialiste" selon Pierre-André Taguieff) dit Nouvelle Droite - qui a depuis longtemps réorienté son combat du champ politique vers le champ culturel ("métapolitique" inspirée du communiste italien Antonio Gramsci) - est donc en passe de remporter une victoire sémantique (sans d'ailleurs que ce courant y soit pour quelque chose). "Qui commence à parler comme nous finira peut-être par penser comme nous", se félicite ainsi Fabrice Robert, animateur du groupuscule d'extrême droite Les Identitaires, dans le dernier numéro de l'hebdomadaire Minute. Il ne s'agit alors plus de considérer la couleur de peau comme un élément de description d'une personne (qui ne doit alors pas être davantage tabou que la couleur des yeux ou des cheveux, la taille, la corpulence etc.) mais comme une composante de son identité.
"Cette approche décomplexée (de fraîche date il est vrai) n'a pas encore gagné la France", déplore Véronique Maurus en expliquant que de nombreux lecteurs "se sont plaints du racisme sous-jacent de nos articles".
S'il s'agit en réalité de racialisme et non de racisme, félicitons-nous plutôt de la saine et républicaine réaction de ces lecteurs: tout n'est semble-t-il pas encore perdu pour la citoyenneté une et indivisible!
22:07 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Imprimer | |
07 novembre 2008
Royal en tête, mais Delanoë mieux placé pour rassembler
Bilan des votes préparatoires au congrès du PS :
- stratégie : majorité contre une alliance nationale PS-MoDem
- idéologie : majorité pour une ligne sociale-libérale
Même si la motion de Ségolène Royal est arrivée en tête, c'est donc Bertrand Delanoë qui serait en théorie (mais la politique a ses logiques que la logique ignore...) le mieux à même d'opérer pour le poste de premier secrétaire une synthèse autour de lui.
social-libéralisme | indéterminé | social-démocratie | ||
pour des alliances PS-MoDem | Ségolène Royal 29% | 29% | ||
contre des alliances PS-MoDem | Bertrand Delanoë 25% | Martine Aubry 25% | Benoît Hamon 19% | 69% |
54% | 19% |
22:18 | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook | |
Imprimer | |
27 octobre 2008
François Bayrou oppose l'humanisme au capitalisme
Le Mouvement Démocrate (MoDem) ne renierait apparemment pas le nom provisoire choisi par Olivier Besancenot et ses camarades pour leur future organisation : Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Dans le contexte de la crise financière, François Bayrou a en effet brandi, dimanche, l'étendard de l'anticapitalisme, tout au long du discours de clôture de la première "conférence nationale" de son mouvement.
L'ancien candidat à l'élection présidentielle a insisté sur "l'échec du postulat fondamental qui animait les deux systèmes" marxiste et capitaliste. "Le capitalisme a échoué parce que l'idée que la somme des intérêts particuliers ferait l'intérêt général s'est révélé faux", a-t-il détaillé. Contrairement à Nicolas Sarkozy, il ne s'agit donc pas seulement pour François Bayrou de réformer le capitalisme mais bien de l'abroger. "On cherche à nous faire croire qu'il y aurait un capitalisme vertueux, le gentil capitalisme des affaires d'autrefois, perverti par le méchant capitalisme financier", a dénoncé François Bayrou en affirmant qu'il ne croit "pas plus à la refondation du capitalisme qu'à la refondation du socialisme". Car, explique-t-il, "l'adhésion au capitalisme comme modèle de société est à peu près le contraire exact de ce que nous pensons" puisque "ce que nous mettons en premier, ce n'est pas l'argent, c'est l'être humain". Concluant : "C'est pourquoi nous n'adhérons pas au capitalisme, nous adhérons à l'humanisme".
De tels propos ne sont pas sans rappeler la formule que répétait souvent Lionel Jospin (PS) : "Oui à l'économie de marché, non à la société de marché". Reste à savoir comment, au-delà des principes, François Bayrou donnera corps à cette pensée "humaniste" ou "démocrate" dans un programme politique. Il est vrai cependant que l'histoire des idées politiques regorge de cette recherche d'une troisième voie ni marxiste ni capitaliste : socialismes associationistes du XIXe siècle (Vincent Peillon invite le PS à le redécouvrir dans un livre récent : La Révolution française n'est pas terminée, Seuil), solidarisme de Léon Bourgeois, personnalisme d'Emmanuel Mounier ou encore association capital-travail de Charles de Gaulle. Il y avait d'ailleurs du Mounier ou du De Gaulle dans le Bayrou dénonçant la "société matérialiste, mécanique, financière et consumériste".
Concrètement, François Bayrou a ainsi fermement combattu le travail du dimanche afin "qu'il y ait un jour sur sept où la déesse consommation puisse être ramenée à sa juste place, qui ne doit pas être la première ! Un jour pour le verbe être et pas pour le verbe avoir". Enfin, le président-fondateur du MoDem a par ailleurs rappelé qu'il avait évoqué bien avant la crise financière la Taxe Tobin (sur les mouvements spéculatifs de capitaux) et s'est posé en défenseur des services publics "qui n'appartiennent pas à l'univers marchand". Citant l'exemple de La Poste, bien qu'il n'ait jusque là jamais remis en cause les directives européennes de libéralisation des services publics en réseau (télécommunications, énergie, services postaux, transports ferroviaires).
Laurent de Boissieu
© La Croix, 27/10/2008
10:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
Imprimer | |
14 octobre 2008
Un "plan européen" ? Où ça ?...
Contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, le "plan européen" de réponse à la crise financière ne doit rien à l'Union Européenne : il n'a, en quelque sorte, d'européen que le nom...
Qui en est à l'origine : une institution européenne ? Non, la réunion des chefs d'État et de gouvernement des quinze États de la zone euro. Bref, un sommet interétatique (précédé par une rencontre bilatérale franco-allemande) et non une instance européenne supranationale.
Quelles sont les mesures prises : des mesures européennes ? Non, des mesures coordonnées mais authentiquement nationales.
Enfin, sans même discuter de la pertinence du choix de former un marché unique européen, soulignons le fait que ceux qui ont effectué ce choix n'en ont pas tiré toutes les conséquences.
La monnaie unique européenne est, certes, une conséquence qui a été ultérieurement tirée de ce choix originel, afin d'éviter des dévaluations compétitives au sein d'un marché unique. Même si, au passage, le statut de la Banque Centrale Européenne lui confère un caractère antidémocratique (indépendance du pouvoir politique) et dogmatique (monétarisme).
Or, sauf à vouloir faire du marché unique européen une zone de surenchères fiscales, au détriment des États les plus socialement avancés, il aurait dû également s'accompagner de la mise en place de politiques fiscales et sociales uniques, elles-mêmes définies par un pouvoir politique européen unifié et légitime. Bref, qui dit marché unique européen et monnaie unique européenne devrait également dire État européen (se superposant aux États nationaux dans un système fédéral ou se substituant aux États nationaux dans un système unitaire).
Contrairement aux cris d'orfraie que poussent les souverainistes libéraux, le problème ce n'est donc pas un hypothétique État européen. Le problème (ou plutôt, les problèmes : démocratique, social, etc.) c'est, précisément, l'absence d'État européen. Reste encore à savoir s'il serait ou non possible de construire un tel État européen dans le respect de l'identité constitutionnelle française.
C'est-à-dire de bâtir une République européenne unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Ce que ne sera probablement jamais l'Union Européenne...
15:24 | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
Imprimer | |