14 janvier 2010
Marine Le Pen, républicaine?
Comment en est-on arrivé là?
Je viens de regarder le débat, sur France 2, entre Éric Besson (UMP) et Marine Le Pen (FN). Quel désastre !
Marine Le Pen a en effet eu beau rôle de défendre le principe constitutionnel d'"égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion" face à un ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale qui défendait, lui, une politique de "discrimination positive" et la notion de "diversité" ethno-raciale.
Comment en est-on arrivé là pour que ce soit l'extrême droite qui défende la République?
Bien entendu, le FN n'est absolument pas crédible dans ce rôle, puisqu'il s'agit justement du premier parti à avoir introduit en politique une différenciation entre citoyens français à travers l'utilisation de l'expression "Français de souche" (pour les démographes de l'Ined, le Français de souche est celui qui n'a pas au moins un de ses grand parent immigré).
Après avoir abandonné dans les années quatre-vingt la Nation à l'extrême droite, pourquoi faut-il qu'aujourd'hui la droite et la gauche de gouvernement lui abandonnent la République?
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12 janvier 2010
Les Français ont une confiance sélective envers la politique
"La démocratie représentative ne peut pas fonctionner sans confiance", a rappelé hier Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof), en présentant les premiers résultats d'un nouveau baromètre de confiance politique (1). Le constat semble sans appel : 67% des Français n'ont "confiance ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner le pays". La confiance pour son propre camp est toutefois davantage élevée à droite qu'à gauche : 66% des électeurs UMP ont confiance dans la droite, alors que seulement 49% des électeurs PS ont confiance dans la gauche. Dans leur ensemble, les électeurs de gauche ne sont que 33% à avoir confiance dans leur camp pour gouverner. Au total, il existe donc un "électorat en déshérence". Celui-là même que convoitent Europe Écologie ou le MoDem...
Dans le détail, les institutions locales sont les seules à échapper à la défiance : les Français accordent largement leur crédit aux échelons politiques municipal, départemental et régional, qu'il s'agisse des institutions en tant que telles ou de leurs élus. À l'inverse, les institutions nationales et internationales inspirent majoritairement de la défiance. Près de deux tiers des Français éprouvent ainsi de la défiance tant envers le président de la République actuel qu'envers l'institution présidentielle. "Ce n'est pas toute la politique qui est condamnée : il y a une déconnexion entre la scène politique locale et la scène politique nationale", souligne Pascal Perrineau. Il existe par ailleurs un décalage entre la défiance envers le gouvernement en tant qu'institution (68%) et celle envers le premier ministre actuel (58%). "Il y a un phénomène Fillon, qui conserve un capital de popularité intéressant malgré le contexte de crise", analyse le politologue.
Le baromètre a, en outre, mesuré l'image qu'inspire différentes organisations ou institutions. D'un côté, les Français ont confiance envers celles qui représentent l'État régalien et l'État providence : les hôpitaux (86% de confiance), l'école (83%), l'armée (75%), la police (71%), l'administration (63%), les grandes entreprises publiques et la justice (60%). De l'autre, ils n'ont pas confiance dans la plupart des structures de médiation traditionnelles : les partis politiques (76% de défiance), les médias (72%), les banques (63%), les grandes entreprises privées (55%) et les syndicats (52%). Seules s'en sortent les Églises (50% de confiance, 46% de défiance) et, surtout, les associations (71% de confiance).
Très riche, le baromètre déborde largement du cadre politique. "La crise n'a pas atteint le sentiment privé du bonheur", constate Pascal Perrineau face aux 91% de Français qui se disent "heureux". Mais, conséquences de la crise obligent, 55% des Français estiment qu'ils risquent de se retrouver au chômage dans les mois à venir. Enfin, 40% d'entre eux veulent "réformer en profondeur" le système capitaliste, et 51% le "réformer sur quelques points". Tandis que 55% demandent "que l'État contrôle et réglemente plus étroitement les entreprises", contre 41% qui veulent, au contraire, "que l'État leur fasse confiance et leur donne plus de liberté". Une question sur laquelle le clivage droite-gauche joue à plein.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 12/01/2010
(1) Enquête réalisée du 9 au 19 décembre par TNS Sofres pour le Cevipof, l'Institut Pierre-Mendès-France et Edelman auprès d'un échantillon représentatif de 1 502 personnes inscrites sur les listes électorales
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08 janvier 2010
Avec Philippe Séguin, une certaine idée du gaullisme s'en est allée
Le monde politique lui a rendu un vibrant hommage, y compris ses anciens opposants. Aussi bien ceux à l'extérieur qu'à l'intérieur de sa famille politique, puisque Philippe Séguin y a incarné une certaine idée du gaullisme, progressivement de plus en plus minoritaire. Jusqu'à la marginalité.
Le séguinisme est d'abord un patriotisme, exacerbé par son histoire personnelle. Né le 21 avril 1943 à Tunis, Philippe Séguin ne connaîtra jamais son père. Combattant de l'armée d'Afrique, Robert Séguin est en effet tué par les Allemands dans le Doubs le 7 septembre 1943. Dans un cahier relié vert consacré à la mémoire de son mari, sa mère Denyse a laissé quelques mots à son "petit Philippe" : "Voilà, mon fils, la fin de ton papa. Suis son exemple de bravoure. Sois à son exemple brave, courageux, bon, honnête. Je te laisse ses notes et toutes nos lettres. Voilà ton héritage." Le 11 novembre 1949, à Tunis, le jeune Philippe Séguin a six ans lorsqu'il reçoit, au nom de son père, la croix de guerre et la médaille militaire. Toute sa vie, il semblera logique à Philippe Séguin de refuser la Légion d'honneur, qui n'avait pas été accordée à celui qui était mort pour la libération de la France. Il conservera par ailleurs une relation "charnelle" avec la Tunisie, sa terre natale, indépendante en 1956.
Le patriotisme de Philippe Séguin trouvera un prolongement dans la défense de la souveraineté de la France face à une construction européenne de nature supranationale. C'est lui qui portera, vainement, en septembre 1992, la contradiction à François Mitterrand lors du débat télévisé organisé dans le cadre de la campagne référendaire sur le traité de Maastricht. Quelques mois auparavant, le 5 mai, il avait prononcé un discours mémorable à l'Assemblée nationale et rassemblé autour de son exception d'irrecevabilité l'ensemble des "souverainistes" : 58 RPR sur 126, les communistes, les socialistes chevènementistes, une poignée d'UDF. En 1998-1999, Philippe Séguin ne participera toutefois pas à la dissidence souverainiste menée par Charles Pasqua. Dès 1996, certains de ses anciens amis l'avaient accusé de trahir ses idées en se ralliant à la monnaie unique européenne. L'intéressé expliquera qu'il n'a en réalité fait qu'en prendre "tout simplement acte, puisque tel avait été le verdict populaire".
L'opposition de Philippe Séguin au traité de Maastricht était non seulement souverainiste mais aussi sociale. Celui qui a flirté dans sa jeunesse avec le PSU et la SFIO, avant de devenir définitivement gaulliste dans le contexte de l'élection présidentielle de 1965, était l'un des derniers à défendre un gaullisme irréductible à une droite libérale et conservatrice. En juin 1993, il dénonce en la qualifiant de "Munich social" la politique monétaire des gouvernements européens qui renoncent à lutter contre le chômage de masse. Président de l'Assemblée nationale sous la deuxième cohabitation, il appartient pourtant à la majorité issue des élections législatives de mars 1993. Symbole de ce positionnement ambigu, les jeunes séguinistes se réunissent au sein du Rassemblement pour une autre politique (RAP), alors qu'Édouard Balladur, également RPR, est à Matignon ! Lors de la présidentielle de 1995, c'est logiquement sa voix de Stentor qui incarna, face à la candidature du premier ministre sortant, la campagne de Jacques Chirac sur le thème de la "fracture sociale" et du "pacte républicain".
Son combat pour contrecarrer la "libéralomania" et la "dérive droitière du RPR", dénoncées dès 1984, sera toutefois ponctué d'échecs. En 1988, il est battu d'une voix par le chiraquien Bernard Pons pour le présidence du groupe néogaulliste à l'Assemblée nationale. En 1990, aux assises du Bourget du RPR, sa motion commune avec Charles Pasqua n'obtient que 31,4% face à celle des chiraquiens. En mai 1995, après l'élection de Jacques Chirac à la l'Élysée, c'est Alain Juppé, et non lui, qui est nommé à Matignon : dès le 26 octobre 1995, le premier ministre chiraquien tourne définitivement le dos à l'"autre politique"...
La victoire de la gauche après la dissolution de l'Assemblée nationale semble marquer en 1997 sa revanche, puisque Philippe Séguin devient président du RPR. Son alliance contre-nature avec les balladuriens (Nicolas Sarkozy sera nommé secrétaire général du parti) ne lui permettra toutefois pas de réorienter idéologiquement sa famille politique. Il démissionnera finalement de la présidence du RPR le 16 avril 1999, dans le contexte des élections européennes où il refusait de cautionner l'adhésion au groupe PPE du Parlement européen. Les séguinistes se divisent alors. Certains partent avec Charles Pasqua. D'autres soutiennent la candidature de l'un des leurs, François Fillon, à la présidence du RPR (24,6% au premier tour, derrière Jean-Paul Delevoye et Michèle Alliot-Marie).
La candidature de Philippe Séguin à la mairie de Paris, en 2001, marquera son dernier combat politique. Et, surtout, le dernier échec de celui qui avait été élu maire d'Épinal, dans les Vosges, en 1983, puis réélu en 1989 et 1995. Aux élections législatives de 2002, cet intransigeant aux colères homériques renonce à l'Assemblée nationale, où il avait été élu pour la première fois en 1978. Il démissionnera de son dernier mandat, celui de conseiller de Paris, en octobre 2002, et sera le seul poids lourd du RPR à refuser de rallier l'UMP, aboutissement de l'alignement du gaullisme à droite.
Le bilan de la carrière politique de cet énarque, fruit de la méritocratie républicaine, est paradoxal. Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi durant la première cohabitation (1986-1988), c'est lui qui fera voter au Parlement une des mesures les plus libérales : l'abrogation de l'autorisation administrative de licenciement. Président du RPR, c'est sous sa responsabilité que, pour la première fois, sur une affiche inspirée d'Astérix et Obélix, un parti gaulliste s'est revendiqué de la droite. Aujourd'hui, si François Fillon a idéologiquement tourné le dos au séguinisme, ce dernier se prolonge dans la majorité à travers Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l'Élysée, et dans l'opposition à travers Nicolas Dupont-Aignan, fondateur du parti Debout la République.
Après son retrait de la politique, ce "passionné raisonnable" de football, par ailleurs grand fumeur de cigarettes sans filtre, sera successivement nommé délégué du gouvernement français au Bureau international du travail (2002) puis premier président de la Cour des comptes (2004), à laquelle il redonna voix et autorité. Profondément attaché à ses quatre enfants et à ses nombreux petits-enfants, Philippe Séguin, qui a perdu sa mère en octobre dernier, confiait en février 2007 à La Croix, au sujet de sa mort : "Je me dis qu'elle arrivera à un moment où la lassitude et le besoin de repos l'emporteront. Il faut que cela s'arrête à un moment. J'aimerais mourir dans mon lit, entouré des miens, par un temps ensoleillé. Surtout pas d'obscurité..."
Laurent de Boissieu
© La Croix, 08/01/2009 (version un peu plus longue que celle publiée sur papier)
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30 décembre 2009
Taxe carbone : ce qu'accepte et ce que refuse le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a retoqué dans la loi de finances pour 2010 la contribution carbone au motif "que, par leur importance, les régimes d'exemption totale (...) sont contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques". Le raisonnement du Conseil est double.
Les sages de la rue de Montpensier ont, d'une part, calculé que "les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre" en France (environ 48%). Bref, la nouvelle taxe n'est pas en adéquation avec l'objectif assigné par le législateur : "mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions".
Le Conseil constitutionnel a, d'autre part, jugé que le principe d'égalité devant les charges publiques était rompu par des différences de traitement (exonérations totales ou taux réduits) que ne justifient ni l'objectif poursuivi par la loi ni des motifs d'intérêt général (1).
- Quelles exemptions a refusé le Conseil constitutionnel ?
-> les émissions de gaz à effet de serre des centrales thermiques classiques (charbon, fioul, gaz naturel) produisant de l'électricité.
-> les émissions de gaz à effet de serre des industries polluantes soumises au système d'échange de quotas au sein de l'Union européenne. Ces quotas sont actuellement gratuits et ne seront payants qu'à partir de 2013 et progressivement jusqu’en 2027.
-> les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien, "alors que c'est le mode de transport qui engendre la plus grande quantité d'émission de dioxyde de carbone par passager au kilomètre et par tonne de fret au kilomètre".
- Quelles exemptions autoriserait le Conseil constitutionnel ?
-> l'électricité ne produisant pas de dioxyde de carbone, c'est-à-dire 89% de l'électricité produite en France (nucléaire, hydraulique, éolienne ou photovoltaïque).
-> les réductions de taux "justifiées par la poursuite d'un intérêt général, telle que la sauvegarde de la compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale". Sont visées dans le projet Sarkozy-Fillon-Borloo-Jouanno les activités agricoles ou de pêche (émissions taxées à 25%), le transport routier de marchandises (taxées à 65%) et le transport maritime (taxées à 65%)
-> les exhonérations totales justifiées par l'objectif poursuivi par la loi : "Il en va ainsi pour le transport public routier en commun de voyageurs dont le développement limite d'autres modes de transport qui émettent beaucoup de dioxyde de carbone. Le mode de transport en commun maximise l'efficacité de l'utilisation des carburants et génère des rejets de dioxyde de carbone par kilomètre passagers très faibles".
-> l'exhonération totale des secteurs économiques déjà mis à contribution par un dispositif particulier (entreprises de valorisation de la biomasse, par exemple)
(1) Il en résulte que "93% des émissions de dioxyde de carbone d'origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées". Conclusion : "Avec toutes ces exonérations, la contribution carbone était donc avant tout une taxe additionnelle sur les carburants qui auraient produit, à eux seuls, plus de la moitié du rendement hors taxe de celle-ci (essence : 496 millions d’euros, diesel : 1 128 millions d’euros, diesel professionnel : 663 millions d’euros). Le solde de la contribution carbone était surtout une taxe sur le chauffage. Ce solde porte sur le fioul domestique (753 millions d’euros) et le gaz (922 millions d’euros)."
(les citations sont issues de la décision du Conseil constitutionnel et du commentaire de la décision publié dans Les Cahiers du Conseil constitutionnel)
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18 décembre 2009
Identité nationale : ma contribution au débat sur le débat
Fallait-il lancer un débat sur l'identité nationale ?
La question de l'identité nationale n'était bien entendu ni la priorité politique du moment ni la préoccupation prioritaire des Français en 2009-2010. Il est par ailleurs évident qu'en lançant ce débat Nicolas Sarkozy cherche à en tirer deux avantages politiques personnels :
- tenter de garder captif l'électorat issu du FN qui a voté pour lui lors de l'élection présidentielle de 2007.
- tenter de détourner l'attention du problème numéro un : le chômage et la paupérisation des perdants de la globalisation financière - sur la géographie sociale de la France d'aujourd'hui, lire la synthèse de Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin : Recherche le peuple désespérément (Bourin Éditeur, 2009).
Pour autant, au-delà de ces considérations politiciennes, ce débat, bien que non prioritaire, me semble pertinent. Même si, malheureusement, il était vicié à la base en raison de l'intitulé du ministère successivement occupé par Brice Hortefeux puis Éric Besson : ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire. Que l'identité nationale apparaisse dans l'intitulé d'un ministère ne me choque pas outre mesure; en revanche, qu'il soit accolé au ministère de l'Immigration change le sens qu'on lui donne (il en est de même pour le codéveloppement, de fait réduit à la question de l'immigration). Associer identité nationale et immigration, c'est en effet tourner de façon défensive l'identité nationale vers l'extérieur. Alors que la question de l'identité nationale devrait être tournée de façon offensive vers l'intérieur. Vers ces Français nés en France qui ne se sentent pas Français et qui, un soir de match de football de leur équipe nationale, soutiennent une équipe étrangère. Vers ces Français que regardent comme des étrangers ou que renvoient sans cesse à leur origine supposée, en raison de la couleur de leur peau, d'autres Français.
Il aurait donc été plus logique d'associer identité nationale et éducation nationale ou culture, d'autant plus que le décret relatif aux attributions du ministère précise qu'"il participe, en liaison avec les ministres intéressés, à la politique de la mémoire et à la promotion de la citoyenneté et des principes et valeurs de la République". Car si l'identité nationale ne peut bien entendu pas être définie et fixée par la loi, elle repose selon moi sur deux piliers. D'une part, le patrimoine historique, culturel, gastronomique, architectural etc. de la nation. D'autre part, l'identité politique de la France, c'est-à-dire l'État-nation républicain (ou jacobin), qui subit justement depuis plusieurs décénnies les tirs croisés de la mondialisation, de la décentralisation, du supranationalisme européen et du communautarisme. Le tout dans un contexte de montée masochiste de la "francophobie" (initiée en 1981 par L'Idéologie française de Bernard-Henri Lévy). Bref, il n'était sans doute pas inintéressant de nous interroger sur ce qui constitue aujourd'hui l'identité de la France - dit autrement : son patrimoine, ses valeurs et ses principes - et ce que signifie aujourd'hui être Français. S'interroger non pour exclure mais pour intégrer, pour conforter la concorde, la cohésion et l'unité nationales, pour refonder la République indivisible, laïque, démocratique et sociale autour de sa devise : "liberté, égalité, fraternité".
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de lien entre identité nationale et immigration. L'identité n'est en effet pas un concept figé : le patrimoine national s'enrichit aussi au fil des siècles de l'immigration. Tandis que l'immigration doit être régulée afin de permettre l'assimilation des immigrés qui expriment la volonté d'intégrer la communauté française. Or la question politique autour de l'identité nationale n'est pas aujourd'hui celle d'une menace à cause d'une arrivée massive d'étrangers souhaitant s'installer en France. Non, la question politique autour de l'identité nationale est celle de la non-imprégnation d'une partie des Français par cette identité. De fait majoritairement d'origine étrangère, puisque ces Français vivent dans les quartiers où les logements étaient financièrement accessibles aux travailleurs immigrés, mais pas seulement : le petit Pierre de ces quartiers n'est pas forcément plus francisé que le petit Mohammed, et en tout cas ne maîtrise pas plus que lui les codes sociaux nécessaires à une intégration douce dans la vie sociale et professionnelle. Ce qui souligne, d'un côté, l'absurdité du discours d'extrême droite prônant un retour dans le pays d'origine de leurs parents ou grands-parents, dont ces déracinés de l'intérieur ne sont pas davantage imprégnés de l'identité. Et ce qui souligne, d'un autre côté, l'arnaque des concepts de diversité raciale et de discrimination positive, qui visent à détourner la question sociale (ascenseur social en panne, précarisation des classes populaires, paupérisation des classes moyennes, etc.) vers un leurre : une supposée question raciale visuellement facile à traiter (il suffit de saupoudrer ci et là d'un peu de blacks et de beurs la télévision ou les candidatures aux élections) - lire à ce sujet le livre de Walter Benn Michaels, La diversité contre l'égalité (Raisons d'agir, 2009).
Faut-il arrêter le débat sur l'identité nationale ?
Le fait est que, sur le terrain, les débats sur l'identité nationale se focalisent souvent sur l'immigration et dérapent trop souvent à travers l'énoncé de propos islamophobes. Pour une partie de la France d'en haut, il faut donc arrêter le débat, cacher cette fraction du peuple qu'elle ne saurait voir et rabattre le couvercle sur la marmite...au risque d'une explosion aux prochaines élections.
Or, d'après moi, les symboles de la République ont trop longtemps été abandonnés à l'extrême droite. Malgré les tentatives d'un Jean-Pierre Chevènement à gauche ou d'un Philippe Séguin à droite de les conserver entre des mains qui, elles, ne les dénaturent pas. Reconnaissons à Nicolas Sarkozy la même volonté, même si, paradoxalement, sa parole et ses actes vont parfois à l'encontre de notre identité nationale (1). Stopper aujourd'hui le débat sur l'identité nationale, c'est-à-dire de fait laisser de nouveau au FN le monopole de la nation, serait donc pire que tout.
Cette France qui pense - pour résumer - qu'un Français ne peut pas être de confession musulmane existe. Il ne s'agit pas de refuser un débat qui lui donne la parole, mais, au contraire, de relever le défi de la citoyenneté et de la raison en se saisissant de ce débat pour lui expliquer en quoi et pourquoi elle se trompe.
(1) volonté de rompre avec le modèle social français issu du programme du Conseil national de la Résistance, promotion de la discrimination positive, invention de la "laïcité positive" remettant en cause la laïcité, politique fiscale néolibérale etc.
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