03 septembre 2020
Les grandes figures de la droite
Je vous invite à lire mon article dans La Croix:
Livre : ces figures qui ont incarné les droites en France
(Version longue de mon article)
Livre : ces figures qui ont incarné les droites en France
Un ouvrage collectif nous plonge dans une « histoire incarnée » de la droite en vingt-et-un tableaux, du pamphlétaire royaliste Antoine de Rivarol (1753-1801) aux présidents de la République Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
Après Les figures de proue de la gauche depuis 1789, Perrin publie Les grandes figures de la droite (408 pages, 22 €). Le premier était rédigé sous la direction de l’historien Michel Winock, le second l’est, en partenariat avec Le Figaro Magazine, sous celle des journalistes Jean-Christophe Buisson et Guillaume Tabard.
La droite existe-t-elle ?
L’ouvrage soulève d’emblée une difficulté, celle de la définition même de la droite. « La droite n’existe pas », écrivent d’ailleurs les auteurs dans la préface, constatant que le mot englobe des « tendances distinctes et parfois opposées au point de faire d’elle tout sauf un bloc idéologique ». Ou encore : « Se définissant plus par ce qu’elle rejette que par ce qu’elle est ou croit être, la droite est donc un savon. Décrire le destin de ses figures de proue ne permet pas de l’attraper, et sans doute pas de dire son histoire dans sa globalité. Mais à tout le moins de l’éclairer d’un jour vivant, animé, incarnée. »
Cette idée d’incarnation est la réponse trouvée par Jean-Christophe Buisson et Guillaume Tabard : « [La droite] est gazeuse. Elle ne prend forme solide, physique, que lorsqu’elle est incarnée par un "sauveur" - figure du pouvoir charismatique chère à Max Weber -, qui, par son action ou son œuvre, fédère les bonnes volontés et les énergies. Et encore ces moments sont-ils toujours éphémères. Ils durent ce que dure la vie de ses hérauts. Ce qui n’empêche pas leur héritage - moral, intellectuel, politique ou spirituel - de se transmettre. En s’amendant. En s’affinant. En se réinventant (…) À rebours de la gauche, qui se pense en collectif, [la droite] se définit d’abord par ses individualités. La gauche se veut guidée par les idées, la droite est conduite par des hommes. »
Idéologie ou géographique parlementaire
La question de la définition se pose symétriquement pour la gauche, « multiple, plurielle, contradictoire, au point qu’il est difficile de parler de la gauche au singulier », écrivait Michel Winock dans la préface du précédent ouvrage. Avec une solution différente pour la surmonter : « Nous avons donc pris la définition dans sa plus grande extension, de la gauche la plus modérée - mais de gauche néanmoins en son temps, face à des adversaires de droite - à la plus révolutionnaire. » Bref, la gauche c’est - quelle que soit leur famille idéologique d’appartenance - tous ceux qui siègent à la gauche des assemblées parlementaires, face à des adversaires siégeant à sa droite.
Cette définition géographique présente un avantage : elle permet de tenir compte du fait que, dans l’espace ou dans le temps, les représentants d’un même courant idéologique peuvent indifféremment siéger à droite ou à gauche - sans oublier au centre - de l’hémicycle. Cette entreprise en est la preuve, puisqu’une personnalité et portraituré dans les deux livres : le libéral Benjamin Constant (1767-1830). De gauche, car au XIXe siècle les libéraux représentaient la gauche face à la droite conservatrice ou réactionnaire. De droite, car, au XXe siècle, les libéraux ont été poussés à droite avec l’émergence de la nouvelle gauche socialiste. Dès 1932, dans Les idées politiques de la France, Albert Thibaudet avait analysé « ce mouvement vers la gauche, ce sinistrisme immanent » poussant vers la droite des assemblées d’anciennes forces de gauche.
Réparer une injustice
La seconde difficulté consiste à sélectionner des personnalités. Le livre sur les figures de la gauche en avait retenu trente ; celui sur la droite est plus sélectif, avec vingt-et-un portraits. Forcément, le choix opéré est critiquable. S’y trouvent des contre-révolutionnaires, des libéraux et des conservateurs, des nationalistes, des bonapartistes et des gaullistes. Mais, étonnamment, aucun catholique social ou démocrate-chrétien, aucune figure notamment de l’Action libérale populaire d’Albert de Mun et Jacques Piou, qui fut le premier parti de masse de droite avant la première guerre mondiale. Parmi les autres grands absents : Paul Déroulède et le général Georges Boulanger, Louis Marin et le colonel François de La Rocque. La présence de Simone Veil, qui a fortement marqué l’histoire sociale mais pas particulièrement celle de la droite, interroge en revanche.
Il n’en demeure pas moins que ce passionnant voyage dans le temps contribue à réparer une injustice : les grandes figures historiques de la gauche sont souvent davantage connues du grand public que celles de la droite. Pourtant, comme les contributions l’illustrent parfaitement, « il y a de la fantaisie, de l’éclat, du tragique, du flamboyant, du ridicule, de la passion dans les vies tout sauf linéaires de ces hommes et de ces femmes qui ont choisi de servir une cause qu’ils estimaient juste, voire supérieure ».
À commencer par la duchesse de Berry (1798-1870), royaliste légitimiste et romantique, qui tenta de soulever par une « chouannerie burlesque » la Vendée en 1832. Ou André Tardieu (1876-1945), « mort dans la solitude et l’indifférence, antichambres de l’oubli dont il continue à souffrir », dont les propositions constitutionnelles, « incomprises en leur temps », ont inspiré la Ve République gaulliste.
Laurent de Boissieu
La Croix, 01/09/2020
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