05 janvier 2017
L'impôt progressif sur les successions, un impôt davantage libéral que conservateur
Dans leurs programmes présidentiels respectifs (lire mon article: La transmission du patrimoine, une question peu présente dans le débat présidentiel), Vincent Peillon et Emmanuel Macron proposent d'augmenter l'impôt sur les successions.
Loin d'être anti-libérale, cette proposition renoue en réalité avec l'origine libérale de l'impôt progressif sur les successions. Le libéral défend en effet l'individu atomisé et l'égalité des chances. Tandis que le conservateur défend l'individu enraciné et la transmission familiale.
Au XXe siècle, les conservateurs sont dans leur grande masse devenus des conservateurs libéraux, tandis que les libéraux se sont majoritairement trouvés représentés par des libéraux conservateurs. Au point qu'il est aujourd'hui souvent difficile, sauf à regarder la généalogie des partis politiques, de savoir à droite si l'on se trouve en présence d'un conservateur libéral ou d'un libéral conservateur.
Il en était tout autrement au XIXe siècle. Les libéraux (défenseurs des intérêts de la bourgeoisie) représentaient alors la gauche, face aux conservateurs (défenseurs des intérêts des grands propriétaires fonciers) qui représentaient la droite.
L'impôt progressif sur les successions est issu d'un projet de loi du jeune ministre libéral Raymond Poincaré, en septembre 1894. Davantage conservateur que libéral, le Sénat bloqua le texte, et l'impôt progressif sur les successions ne fut finalement adopté qu'en février 1901.
Une même philosophie libérale et anti-conservatrice guide les arguments de Vincent Peillon ou Emmanuel Macron et l'exposé des motifs du projet de loi de Raymond Poincaré:
"L'impôt sur les successions frappe le redevable au moment où il s'enrichit sans effort, sans travail, souvent d'une manière inespéré (...). La graduation des taux par rapport à l'importance des parts héréditaires (...) n'a rien de plus choquant que la graduation par rapport à l'éloignement de la parenté; elle se justifie, au contraire, parfaitement par des motifs analogues. Que les facultés normales permanentes des contribuables soient strictement proportionnelles à leurs ressources, et que les impôts prélevés, tous les ans, sur les différentes formes de leurs revenus doivent respecter cette proportionnalité, c'est une question dont la solution n'est pas le moins du monde liée à celle que nous traitons. En matière de succession, il s'agit de mesurer la faculté contributive exceptionnelle qui résulte d'un fait déterminé et de frapper un accroissement accidentel de richesse."
Raymond Poincaré (1894) - notons qu'il rejette en revanche fermement, en bon libéral, l'idée d'un impôt progressif sur les revenus (qui sera malgré tout adopté en 1913)"Si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer par exemple la taxation sur la succession aux impôts de type impôt de solidarité sur la fortune."
Emmanuel Macron, revue Risques, mars 2016"Ces dernières décennies sont marquées, en France, par le poids croissant de l'héritage par rapport aux revenus du travail (...) Le résultat de cette évolution, s'il n'y est pas porté remède, est qu'il n'est pratiquement plus possible d’obtenir, par le travail, un niveau de revenu et de richesse comparable à celui détenu par les héritiers de patrimoines. C’est là une menace directe pour notre cohésion nationale, et il revient à la gauche de défendre le travail contre l'avènement d'une “société d’héritiers”."
Vincent Peillon
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Commentaires
Je comprends ce que Macron et Peillon veulent faire : rééquilibrer les richesses entre les travailleurs et les héritiers. Sauf qu'ils oublient que si héritage il y a, c'est que travail il y a eu. Donc, potentiellement, l'héritage perçu a DÉJÀ été taxé à un moment donné. Augmenter cet impôt ne va servir qu'à encourager l'usage des paradis fiscaux et, très grave, du retrait de l'épargne dans les banques. La solution est ailleurs, j'en suis certain. Et surtout : il faudrait rappeler la Courbe de Laffer à ces messieurs, pourtant si brillants dans leur travail. A un certain seuil, l'impôt tue la croissance!
Au plaisir de vous lire.
Écrit par : Le Penseur Disparu | 12 janvier 2017
Mon sentiment est aussi de veiller aux effets pervers des bonnes intentions en matière d'égalité des chances et des richesses. Le droit de faire bénéficier ses héritiers, ou toute personne de son choix des fruits de son travail, pendant sa vie ou après, n'a rien de choquant ; taxer cet enrichissement ne l'est pas non plus. A cet égard, la diminution voire suppression pour un conjoint survivant d'impôt sur les successions constatée récemment en France n'est pas très démocratique et favorise la détention de richesse au sein d'une même catégorie sociale.
Et quid de l'avenir des entreprises crées et de la Propriété intellectuelle ?
Tout est question de mesure et en revanche, l'impôt sur la fortune qui grève annuellement des biens déjà taxés à l'origine, comme le dit Le penseur Disparu, me paraît inique par le principe même de sa récurrence.
On disait jadis qu'un américain qui gère bien sa fortune est celui qui a dépensé son dernier dollar quelques minutes avant sa mort ... qu'en pense Donald Trump ?
Écrit par : lauredissy | 16 janvier 2017
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