17 août 2015
Retour sur les élections législatives de 1988 (1)
De la IIIe République à la Ve République, je poursuis mon travail de recomptage et d'affinement des résultats électoraux.
Mon but est souvent de zoomer, afin d'obtenir les résultats de partis politiques - parfois oubliés - qui ont été agrégés dans de grands catégories en fonction d'un positionnement ("divers extrême gauche", "divers gauche", "divers centre", "divers droite", "divers extrême droite") ou d'une thématique ("écologistes", "régionalistes"...).
Pour les élections législatives de 1988, en revanche, mon travail a essentiellement consisté à dézoomer, car ni les chiffres du ministère de l'Intérieur ni ceux d'Alain Lancelot (pourtant si précieux pour les scrutins précédents!) ne permettent de rendre compte avec précision des deux blocs à vocation majoritaire en présence: d'un côté "Majorité présidentielle pour la France unie" autour du PS, de l'autre Union du Rassemblement et du Centre (URC) autour du RPR et de l'UDF.
Cette note aura pour objet d'exposer ma méthodologie puis, bien entendu, les résultats ainsi obtenus des élections législatives de 1988.
Faute de fichier du ministère de l'intérieur, j'utilise comme fichier de base celui de la Banque de données sociopolitiques de Grenoble (BDSP).
Premier travail: corriger les erreurs matérielles.
Le fichier de la BDSP totalise 24.437.009 suffrages exprimés. J'y ajoute toutefois un candidat (par ailleurs élu) et une collectivité territoriale oubliés, ce qui me donne en réalité 24.453.922 suffrages exprimés.
Je décide en outre d'ajouter 35.974 suffrages exprimés, correspondant aux suffrages annulés de deux candidats par la commission de recensement en raison d'une erreur matérielle sur le bulletin de vote (le nom du remplaçant était suivi et non précédé de la mention "suppléant"). Cette présentation n'était toutefois d'aucune manière susceptible d'entraîner la confusion dans l'esprit des électeurs (de fait, le Conseil constitutionnel a finalement annulé les élections dans ces deux circonscriptions en jugeant que c'est à tort que la commission de recensement a considéré lesdits bulletins comme n'étant pas valables - décisions 88-1030 et 88-1031 du 21 juin 1988).
Mon fichier totalise donc 24.489.896 suffrages exprimés (contre 24.432.095 pour les totalisations nationales du ministère de l'intérieur).
Second travail: vérifier une à une les étiquettes des 2.815 candidats. Le fichier de la BDSP comporte 2.849 candidats, mais j'ai décidé d'écarter les 34 candidats ayant obtenu 0 voix. Il s'agit d'un choix par défaut, faute du fichier du ministère de l'Intérieur, mes différentes sources pour vérifier les étiquettes des candidats étant trop divergentes en ce qui concerne ces candidats (au sein desquels il ne m'est pas possible de distinguer avec exhaustivité les candidatures finalement retirées de celles, abouties, qui n'ont pas du tout fait recette).
Au terme de ce travail, j'obtiens dans la quasi-totalité des circonscriptions au premier tour une offre électorale quadripolaire:
Candidats | Voix | Exprimés | Élus | |
PC (1) | 565 | 2.765.944 | 11,29% | 27 |
Majorité PR | 573 (3) | 9.065.358 | 37,02% | 276 |
URC | 590 (4) | 9.459.079 | 38,62% | 266 |
FN (2) | 553 | 2.365.614 | 9,66% | 1 |
autres | 534 | 833.901 | 3,41% | 7 (5) |
total | 2.815 | 24.489.896 | 100,00% | 577 |
(1) PC Français (dans la totalité des circonscriptions métropolitaines), PC Réunionnais, PC Guadeloupéen et PC Martiniquais.
(2) Y compris Philippe Malaud (ex-CNIP, Fédération Nationale des Indépendants) dans la 1re circonscription de Saône-et-Loire et Michel de Rostolan (ex-CNIP, Fédération Nationale des Indépendants) dans la 10e circonscription de l'Essonne. Le FN soutient par ailleurs le candidat URC-RPR Yvan Blot (président du Club de l'Horloge) dans la 7e circonscription du Pas-de-Calais.
(3) La majorité présidentielle ne présente pas de candidat en Nouvelle-Calédonie (appel à l'abstention dans les deux circonscriptions), à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon (retrait du candidat Jean-Pierre Bansard, qui obtient néanmoins une voix).
(4) Dont treize primaires, soit au moins un candidat dans les 577 circonscriptions (y compris le divers droite Jean-Marc Bénard, dont je n'ai pas pu à ce jour vérifier l'investiture par l'URC, dans la 2e circonscription de La Réunion).
(5) Étiquette des sept élus: divers gauche, PS dissident, UDF/CDS dissident (soutenu au second tour par le PS), UDF/AD dissident, UDF/PR dissident, RPR dissident, divers droite.
Si, outre les précisions susmentionnées en note, les candidatures du PCF et du FN sont homogènes, il est possible de détailler la composition des deux blocs à vocation majoritaire.
Majorité présidentielle pour la France unie |
||
Parti | Candidats | Élus |
PS | 532 | 259 |
MRG | 17 | 9 |
PPM | 2 | 2 |
PSG | 2 | 1 |
AI'A API | 1 | 1 |
écologistes | 2 | 0 |
divers gauche/ouverture (1) | 17 | 4 |
total | 573 | 276 |
(1) Dont deux ex-PSU, un ex-PCF "communistes unitaire", un Mouvement Gaulliste Populaire (MGP), un ex-UDF/CDS, un ex-UDF/AD, un ex-UDF/PRAD, un ex-RPR/Tahoeraa Huiraatira (Te Tiarama).
Union du Rassemblement et du Centre (URC) |
||
Partis | Candidats | Élus |
RPR et apparentés (1) | 296 | 128 |
UDF/AD et apparentés (2) | 34 | 16 |
UDF/PSD | 11 | 3 |
UDF/CDS | 83 | 48 |
UDF/PRAD | 20 | 3 |
UDF/PR et CPR | 130 | 61 |
CNIP | 10 | 5 |
divers droite | 6 | 2 |
total | 590 | 266 |
(1) Dont RPCR et Tahoeraa Huiraatira.
(2) Dont un PS dissident passé à droite.
14:04 | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
Merci à nouveau pour ce travail très intéressant Laurent!! L'ensemble de ce travail formera un corpus extrêmement utile.
M'intéressant à ces questions, je trouve très utiles les résultats détaillés de cette période, notamment grace aux composantes de l'UDF, qui soulignent bien les lignes de démarcation entre démocrates-chrétiens, 'sociaux-démocrates', radicaux, 'giscardiens-clubistes' et libéraux. Ces composantes présentent une relative "homogénéité idéologique', à l'instar par exemple du PCF, mais à l'inverse du RPR et du PS, qui derrière une identité d'étiquette cachent de nombreuses tendances de pensée difficiles à mesurer par les résultats électoraux (ou même les congrès, souvent 'pollués' par les considérations de personnes ou de stratégies).
Dans un sens le problème persiste avec l'UMP/les Républicains, qui ont vu s'effacer la distinction traditionnelle entre gaullistes conservateurs et libéraux 'orléanistes'.
Écrit par : Jonathan | 17 août 2015
Les commentaires sont fermés.